Avis n° 159 (2013-2014) de M. Dominique WATRIN , fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 21 novembre 2013

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N° 159

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2013-2014

Enregistré à la Présidence du Sénat le 21 novembre 2013

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des affaires sociales (1) sur le projet de loi de finances pour 2014 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,

TOME VI

SANTÉ

Par M. Dominique WATRIN,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : Mme Annie David , présidente ; M. Yves Daudigny, rapporteur général ; M. Gilbert Barbier , Mmes Isabelle Debré, Catherine Deroche, Catherine Génisson, MM. Jean-Pierre Godefroy, Claude Jeannerot, Jacky Le Menn, Alain Milon, Jean-Marie Vanlerenberghe, vice-présidents ; Mmes Aline Archimbaud, Claire-Lise Campion, M. Jean-Noël Cardoux, Mme Chantal Jouanno , M. Marc Laménie, secrétaires ; Mme Jacqueline Alquier, M. Jean-Paul Amoudry, Mmes Françoise Boog, Natacha Bouchart, Marie-Thérèse Bruguière, Caroline Cayeux, M. Bernard Cazeau, Mmes Karine Claireaux, Laurence Cohen, Christiane Demontès, MM. Gérard Dériot, Jean Desessard, Mme Muguette Dini, Mme Anne Emery-Dumas, MM. Guy Fischer, Michel Fontaine, M. Bruno Gilles, Mmes Colette Giudicelli, Samia Ghali, Christiane Hummel, M. Jean-François Husson, Mme Christiane Kammermann, MM. Ronan Kerdraon, Georges Labazée, Jean-Claude Leroy, Gérard Longuet, Hervé Marseille, Mmes Michelle Meunier, Isabelle Pasquet, MM. Louis Pinton, Hervé Poher, Mmes Gisèle Printz, Catherine Procaccia, MM. Henri de Raincourt, Gérard Roche, René-Paul Savary, Mme Patricia Schillinger, MM. René Teulade, François Vendasi, Michel Vergoz, Dominique Watrin.

• Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) : 1395 , 1428 à 1435 et T.A. 239

Sénat : 155 et 156 (annexe n° 26 ) (2013-2014)

• Les observations de la commission

M. Dominique Watrin, rapporteur spécial, a relevé que le budget de la mission santé s'élevait à 1,3 milliard d'euros pour 2014. Ses crédits sont en légère hausse (0,8 %) par rapport à 2013. Cette évolution recouvre une progression de 2,9 % des moyens du programme 183 « Protection maladie », et une baisse de 1 % de ceux du programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins ».

Il a souligné que l'augmentation du programme « Protection maladie » est imputable en totalité à l'aide médicale d'Etat (605 millions d'euros budgétés contre 588 en 2013) car la dotation de l'Etat au Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (Fiva), qui était de 50 millions d'euros en 2012, est nulle pour la deuxième année consécutive.

Il a également noté l'augmentation des crédits de l'action « modernisation de l'offre de soins », de 11,6 % par rapport à 2013 pour s'établir à 190,3 millions d'euros. Cette augmentation correspond au financement de la réforme des stages des internes en médecine ambulatoire.

A l'initiative de son rapporteur, la commission a adopté un amendement rétablissant à hauteur de 30 millions d'euros la dotation de l'Etat au Fiva.

Suivant l'avis du rapporteur, la commission a émis un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Santé ».

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Le budget de la mission « santé » s'élève pour 2014 à 1,3 milliard d'euros. Ses crédits sont en légère hausse (0,8 %) par rapport à 2013. Cette évolution recouvre une progression de 2,9 % des moyens du programme 183 « Protection maladie », et une baisse de 1 % de ceux du programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins ».

L'augmentation modeste mais notable dans le cadre général d'austérité financière cache plusieurs évolutions contrastées. L'augmentation du programme « Protection maladie » est imputable en totalité à l'aide médicale d'Etat (605 millions d'euros budgétés contre 588 en 2013) car la dotation de l'Etat au Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (Fiva) est nulle pour la deuxième année consécutive. Les crédits du programme « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » supportent, à eux seuls, les mesures jugées nécessaires pour le redressement des comptes publics. Ils baissent globalement de 1 % (693,4 millions d'euros contre 700,2 millions d'euros autorisés cette année).

Les « actions » (composants des programmes) les plus affectées par cette baisse de crédits sont : les « projets régionaux de santé » (dont le budget baisse de 12,2 % pour s'établir à 130,9 millions d'euros), la « réponse aux alertes et gestion des urgences, des situations exceptionnelles et des crises sanitaires » (- 10,4 % à 18,2 millions d'euros), la « prévention des risques infectieux et des risques liés aux soins » (- 4,2 % à 9,5 millions d'euros), la « qualité, sécurité et gestion des produits de santé et du corps humain » (- 3,7 % à 145 millions d'euros) et enfin « l'accès à la santé et l'éducation à la santé » (2,4 % à 9,5 millions d'euros). S'agissant des projets régionaux de santé, ceux-ci se verront contraints d'utiliser pour des actions de soins curatifs les dotations pourtant allouées pour le financement de la prévention par l'assurance maladie.

La baisse des crédits de réponse aux urgences et aux alertes (- 10 %) repose sur une diminution de la subvention à l'Etablissement public de réponse aux urgences sanitaires (Eprus). La subvention est fixée pour 2014 à un niveau tenant compte de son fonds de roulement prévisionnel, ainsi que de la mise en oeuvre de son programme d'achats pluriannuel de stocks stratégiques. Aux yeux de votre rapporteur, l'Eprus sert en pratique de variable d'ajustement.

Pour la prévention des risques infectieux et des risques liés aux soins (9,5 millions d'euros), ce sont 6,1 millions d'euros qui vont être dédiés au plan national de lutte contre le VIH/Sida et les IST (infections sexuellement transmissibles) et 1 million d'euros qui financera des actions de lutte contre les hépatites B et C. Si l'on prend en compte, comme le fait le Gouvernement, les 0,34 million d'euros destinés à des dépenses de fonctionnement, on aboutit à un montant total de 7,44 millions d'euros consacrés à la lutte contre ces pathologies. La lutte anti-vectorielle sera dotée de 1 million d'euros. La subvention de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) diminue (144,9 millions d'euros contre 150,4 millions) mais le plafond d'emplois est maintenu au même niveau que celui de 2013 (1 009 ETP). Quant à l'action n° 12, pour « l'accès à la santé et l'éducation à la santé », elle voit ses crédits diminuer par rapport à 2013 de - 1,7 % en autorisations d'engagement et de - 2,4 % en crédits de paiement, pour s'élever à 25,7 millions d'euros. Cette baisse touche essentiellement la subvention à l'Inpes (24,1 millions) qui diminue de 0,1 million d'euros.

Ces baisses servent à financer l'augmentation des crédits de l'action « modernisation de l'offre de soins », qui progressent de 11,6 % par rapport à 2013 pour s'établir à 190,3 millions d'euros. Cette augmentation bénéficie pour une part au financement des stages des internes en médecine ambulatoire, mais elle tient aussi à une extension de périmètre liée à la réforme du financement de la Haute Autorité de santé, en cours de discussion dans le cadre du PLFSS. Sur ce point, la progression des dépenses correspond à de nouvelles recettes et non à un effort financier supplémentaire.

Votre rapporteur ne peut se satisfaire du budget de la mission « Santé » tel qu'il est présenté par le Gouvernement. En effet, depuis plusieurs années maintenant, la pression financière sur les opérateurs de la mission, les agences sanitaires en charge de la surveillance, de l'expertise voire de la régulation de notre système de soins, va en augmentant, au point aujourd'hui d'atteindre, quoi qu'on en dise, le coeur même des missions qui leur sont assignées. Parallèlement, l'Etat se désengage en fait du financement du Fiva. Ces mesures découlent de mesures d'austérité budgétaire avec lesquelles votre rapporteur est en profond désaccord et qui fondent son rejet des crédits prévus pour la mission « Santé ».

EXPOSÉ GÉNÉRAL

I. UNE CONTRACTION DES MOYENS D'ACTION QUI MET EN PÉRIL L'EXERCICE DES MISSIONS ET LA RÉALISATION DES OBJECTIFS

Le programme 204 « prévention, sécurité sanitaire et offre de soins », qui regroupe l'ensemble des moyens d'action budgétaires de la mission santé, le restant étant estimé à l'aide médicale d'Etat, connaît cette année une baisse de près de 7 millions d'euros, soit de l'ordre de 1 %. Cela peut sembler faible, mais masque en réalité une redistribution particulièrement importante entre les actions, qui s'effectuera principalement au détriment des projets régionaux de santé. Ceux-ci ne pourront se maintenir que si les ARS décident de leur affecter une part supérieure du FIR en usant de la possibilité de fongibilité, c'est-à-dire en utilisant à d'autres fins les crédits dédiés à la prévention versés par l'assurance maladie. Ainsi 18 millions d'euros sont retranchés par rapport à 2013 de l'action « projet régionaux de santé ».

A l'inverse, près de 19 millions d'euros sont affectés au financement des stages des internes en médecine générale par l'intermédiaire de l'action « modernisation de l'offre de soins ».

A. UNE CONTRAINTE BUDGÉTAIRE PARTICULIÈREMENT FORTE SUR LES EMPLOIS DES AGENCES

Le projet de financement présenté par le Gouvernement pour le programme 204 s'inscrit dans le cadre de la réduction des emplois budgétaires définie par la lettre de cadrage adressée aux ministres par le Premier ministre le 28 juin 2012. Cette lettre de cadrage précise que, sur la période 2012-2015, « les effectifs de l'Etat connaîtront une stabilité globale. Les créations d'emplois seront réservées à l'enseignement, la police, la gendarmerie et la justice. Des efforts de - 2,5 % par an sur les autres secteurs seront donc nécessaires afin de respecter cet objectif de stabilité. » Ceci se traduit par une obligation de réduction des emplois de 7,5 % sur trois ans pour les autres opérateurs de l'Etat, y compris les agences sanitaires.

Cependant « les lettres de cadrage invitent [...] chaque ministre à proposer des mesures qui ne soient pas uniformes et aveugles, mais fonction des besoins réels des différentes administrations afin de garantir l'efficacité du service public. »

Le ministère de la santé a donc fait un double choix. D'une part, ne pas imposer aux opérateurs le respect strict de l'obligation de réduction de 7,5 % de leurs effectifs en trois ans. A l'issue de la période 2012-2015, la réduction du nombre d'emploi des agences financées par le programme 204 devrait atteindre 156 ETP sur 2651 ETP en 2012 soit - 5,9 %. D'autre part, pour 2014, il a choisi de préserver les emplois de l'agence de sécurité du médicament et des produits de santé. Ceci implique un effort supplémentaire demandé aux autres opérateurs sur lesquels se répartit la suppression de 52 ETP.

Opérateur

Baisse du nombre d'ETP en 2014

Agence de la biomédecine (ABM)

6

Addictions drogues alcool info service (Adalis)

1

Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM)

0

Agence technique de l'information sur l'hospitalisation (Atih)

2

Centre national de gestion (CNG)

3

Ecole des hautes études en santé publique (EHESP)

18

Etablissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (Eprus)

4

Institut national du cancer (INCa)

3

Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (Inpes)

9

Institut national de veille sanitaire (InVS)

6

Il convient tout d'abord de relever que le maintien du nombre de postes de l'ANSM est largement formel. En effet, suite à l'adoption de la loi sur la sécurité du médicament, 80 nouveaux emplois devaient être affectés à l'agence pour faire face à ses nouvelles missions. Seuls 15 l'ont finalement été et les 6 ETP hors plafond dont bénéficiait encore l'agence seront vraisemblablement supprimés en 2014 (7 l'avaient été en 2013), alors même qu'ils correspondent en fait à des activités permanentes de l'agence et non à des projets temporaires. Dans un contexte de réorganisation lourde du fonctionnement de l'agence, facteur d'un climat social tendu, pareille limitation des moyens humains est de nature à mettre en péril sa capacité non seulement à faire face aux urgences sanitaires récurrentes liées aux produits de santé mais surtout à les anticiper et à les prévenir.

L'effort demandé aux opérateurs de la mission est nécessairement de plus en plus difficile à supporter et met en péril l'exercice des missions. En effet, la possibilité de réduire les effectifs par simple non-remplacement des départs en retraite ou non-renouvellement des contrats à durée déterminée s'épuise rapidement, spécialement si les structures sont de taille réduite et de création récente, ce qui implique généralement une pyramide des âges relativement plate. Une fois les départs en retraite et non-renouvellement volontaires effectués, la seule possibilité de réduction des emplois est la rupture conventionnelle avec les personnels contractuels.

Or, l'effort demandé aux opérateurs est croissant sur la période triennale. 20 ETP ont été supprimés en 2013, 52 le seront en 2014 et 84 en 2015. Certains opérateurs, comme l'agence de la biomédecine, seront relativement moins affectés dans l'exercice de leur mission du fait d'une conjoncture démographique favorable mais surtout de la possibilité à faire financer des emplois par des ressources propres, non liée à la dotation de l'Etat au titre de la mission santé.

Plusieurs opérateurs bénéficient d'emplois hors plafond qui constituent des proportions variées de leur nombre total d'ETP. Si les deux emplois sous plafond de l'Atih représentent environ 1,75 % de ses emplois, les 71 emplois sous plafond de l'EHESP représenteront en 2014 17,4 % des ETP disponibles. S'agissant de l'EHESP, le nombre d'emplois sous plafond double entre 2013 (35 emplois) et 2014. Ils correspondent à de nouveaux projets de recherche et à des contrats aidés. Si votre rapporteur trouve légitime que des postes de chercheurs puissent être financés par des fonds publics hors budget de l'Etat, c'est-à-dire européens ou internationaux, il s'inquiète du développement des financements provenant d'entreprises privées qui seront rendus d'autant plus attractifs que les dotations de l'Etat diminuent. Ainsi que l'a souligné l'Institut de veille sanitaire, l'indépendance de l'analyse et des résultats s'oppose à la mise en place de partenariats publics-privés pour les agences sanitaires. L'InVS s'est d'ailleurs doté d'un comité de déontologie chargé notamment d'examiner ses relations avec le secteur privé.

La direction générale de la santé espère parvenir à remplir l'objectif de diminution des emplois par la mutualisation des fonctions support. Sont définies comme fonctions support toutes les fonctions qui permettent aux opérateurs d'accomplir leurs missions mais qui ne sont pas l'exercice direct de ces missions, ainsi la mise en place d'un réseau informatique ou la passation de marchés publics. Cette distinction bien qu'intellectuellement séduisante paraît à votre rapporteur atteindre rapidement ses limites sur le terrain. Elle permet surtout de minimiser les conséquences des réductions d'effectifs sur le fonctionnement des agences.

En effet, la distinction entre fonctions support et fonctions métier est très variable selon les agences. Ainsi, pour une part importante des agences, la communication envers les professionnels de santé et le grand public est une part essentielle de leur activité. Les possibilités de mutualisation seront donc limitées. La passation de marchés publics est une fonction qui tend selon des mouvements de balancier à être tantôt centralisée au nom d'une plus grande efficacité et de la perspective de réduction des coûts liée à des contrats de taille plus importante, tantôt confiée aux opérateurs au nom de la meilleure adaptation des marchés à leurs besoins spécifiques. On peut donc envisager, afin de réduire les effectifs, de confier la passation des marchés publics à un service unique. Mais cette mesure ne peut procurer de gains importants en matière d'emploi. D'une part, la part des personnels consacrée à ces fonctions au sein des agences est limitée. D'autre part, la direction générale de la santé paraît envisager la passation de « marchés-cadres » qui impliquent une implication de chaque agence dans la détermination de ses besoins propres.

Surtout, la question de la mutualisation des fonctions support suppose un regroupement de personnels dédiés au sein d'une entité unique. La DGS semble envisager que les fonctions mutualisées ne lui soient pas rattachées. Elles pourraient l'être à l'une des agences dont la compétence en la matière ou la taille serait particulièrement adaptée. L'ANSM, agence la plus importante en terme de nombre de personnes employées, plus de 1 000, aurait dans cette optique naturellement vocation à accueillir l'un ou plusieurs de ces services. L'Inpes pourrait pour sa part servir de support à la mutualisation des compétences en matière de marchés publics. De tels changements peuvent être pour partie conduits par le pouvoir réglementaire. Ils supposent néanmoins qu'à terme le périmètre des agences soit redéfini par le législateur, et l'absence d'un calendrier précis pour la loi de santé publique obère la mise en oeuvre de réformes structurelles majeures susceptibles de rendre crédible la baisse des effectifs prévue pour 2015.

L'idée que la réduction des effectifs pourrait porter sur des postes non essentiels est donc illusoire. L'ampleur des coupes demandées implique nécessairement la réduction du nombre de personnes chargées de mener à bien les missions confiées aux opérateurs. Or, à effectifs constants ou décroissants pour exercer leurs missions, les agences perdent la capacité de suivre de manière approfondie tous les domaines de leur champ de compétences. Surtout, l'activité de veille et de prospective et même la capacité de traiter les thématiques émergentes se trouve considérablement réduite. Que ce soit pour l'Institut de veille sanitaire (InVS), l'Institut du cancer (INCa) ou l'Agence de la biomédecine (ABM), la perte de moyens s'effectue au détriment de notre capacité à faire face aux nouveaux enjeux sanitaires et à l'évolution des connaissances et des pratiques médicales.

Le ministère entend remédier à cette situation en incitant les agences à définir des priorités dans leurs actions afin de se recentrer sur leur coeur de métier. Indiscutablement, la mise en place de priorités est un outil de bonne gestion, qui en tant que tel doit déjà faire partie du mode de fonctionnement de l'ensemble des opérateurs. Mais dans ce contexte de restriction budgétaire, la définition de priorité devient un moyen de justifier l'abandon de certaines activités faute de moyens. Or le système français d'agences sanitaires ne peut être efficace que si l'on prend garde à éviter « l'effet lampadaire » où, chaque organisme ne s'intéressant qu'à un domaine très précis, d'importantes questions sanitaires restent sans surveillance.

B. UNE PRIORITÉ ACCORDÉE À LA COUVERTURE TERRITORIALE DES BESOINS DE SANTÉ

Au sein de la mission Santé, les actions pilotées par la direction générale de la santé doivent connaître en 2014 une baisse globale de crédits de 7,8 millions d'euros. Celle relevant des agences régionales de santé, l'action 18 « Projet régionaux de santé », baisse de plus de 18,2 millions. Celle pilotée par la direction générale de l'offre de soins, l'action 19 « modernisation de l'offre de soins », connaît pour sa part une augmentation de 18,7 millions d'euros.

Cette priorité donnée à la modernisation des soins résulte de la volonté affirmée par le Gouvernement de promouvoir l'accès aux soins et de résorber les déserts médicaux en agissant notamment sur l'offre de soins et l'installation des jeunes médecins. Ces mesures passent d'une part par l'augmentation du numerus clausus , d'autre part par la valorisation de la filière de médecine générale. Dans ce cadre, la ministre de la santé a annoncé le 30 novembre 2012, lors du 23e congrès du Collège national des généralistes enseignants (CNGE) le développement des stages en médecine générale. Un stage en médecine générale existe déjà, ouvert aux étudiants pendant le deuxième cycle des études médicales, mais il reste insuffisamment mis en oeuvre.

Dans un premier temps, la ministre a souhaité que chaque étudiant en deuxième cycle puisse effectuer au moins un stage chez un généraliste dès la rentrée 2013, alors que ce stage n'était offert que dans les deux tiers des facultés. Elle a par ailleurs souhaité que les stages en médecine ambulatoire puissent se développer dans d'autres disciplines que la médecine générale, notamment en pédiatrie et en gynécologie.

Surtout, la ministre a souligné la nécessité à ses yeux de « progresser vers un meilleur équilibre entre la formation en CHU, dont la nécessité est incontestable, et la formation en médecine ambulatoire ». Elle a donc exprimé la volonté d'augmenter la part accordée à l'ambulatoire, avec l'objectif qu'en cinq ans - soit d'ici la rentrée 2018 -, la durée des stages pratiques en médecine ambulatoire représente « 30 % de la formation des futurs médecins ».

Actuellement, la formation dispensée en deuxième puis en troisième cycle s'effectue essentiellement à l'hôpital. Lors du troisième cycle, l'interne doit effectuer six stages d'environ un semestre, dont la répartition varie selon les maquettes de chaque diplôme d'études spécialisées (DES). Celui de médecine générale prévoit pour la dernière année d'internat un semestre sous la forme d'un stage autonome en soins primaires ambulatoires supervisé (Saspas) ou d'un stage dans une autre structure médicale agréée.

La ministre souhaite qu'à terme, tous les internes de médecine générale puissent accéder à un stage de « mise en responsabilité » durant leur dernière année de formation afin qu'ils soient « mieux préparés à la pratique de leur métier ».

La montée en charge rapide de cette réforme nécessite l'augmentation importante du budget de cette action afin de couvrir les indemnités de stage, notamment des 3 511 internes stagiaires de médecine générale, et les indemnités des maîtres de stage.

Votre rapporteur a pu, lors de ses auditions avec les acteurs de terrain, mesurer l'importance de ces stages pour l'installation des jeunes médecins, spécialement dans les structures d'exercice collectif. Il se félicite donc de cette augmentation de crédits, tout en regrettant qu'elle entraîne la baisse importante des crédits alloués à d'autres actions, particulièrement aux programmes régionaux de santé dont l'importance pour l'accès aux soins est pourtant réelle.

II. L'APPROCHE TERRITORIALE DE LA SANTÉ

A. LES PERSPECTIVES OUVERTES PAR LA STRATÉGIE NATIONALE DE SANTÉ

Lancée par le Premier ministre lors d'un déplacement à Grenoble le 8 février 2013 et détaillée par la ministre des affaires sociales et de la santé le 23 septembre, la stratégie nationale de santé a pour ambition de définir un cadre pluriannuel de l'action publique en vue de combattre les injustices et inégalités de santé et d'accès aux soins et d'adapter le système de santé aux besoins des patients et aux lentes et profondes mutations actuelles.

La stratégie nationale prend acte du fait que les importantes inégalités sociales et géographiques qu'a laissé subsister notre système de santé vont désormais en s'accroissant. Cette évolution inquiétante est liée à l'inadaptation du système français, principalement construit pour traiter les maladies aiguës, aux enjeux émergents : apprendre à accompagner le patient, voire sa famille et ses proches, d'une manière globale, notamment pour répondre au défi toujours plus important du développement des maladies chroniques. Il faut donc répondre tant aux besoins actuels et anciens des patients qu'aux nouveaux impératifs de santé publique.

Ainsi que votre rapporteur l'avait souligné dans son rapport sur le PLF 2013, l'état de santé résulte de conditions environnementales, économiques, sociales, voire culturelles, qui excèdent largement le strict domaine sanitaire. De ce fait, une approche uniquement curative ne permet pas de répondre aux besoins.

La stratégie nationale de santé entend mettre en place les outils d'une promotion de la santé intégrée, par l'élaboration de grandes priorités de santé publique mobilisant tous les acteurs autour de prises en charge globales et avec des objectifs chiffrés. De ce point de vue, l'éducation à la santé, ainsi que l'éducation thérapeutique, sont essentielles, notamment à l'école ou à destination des jeunes en général, pour que chacun puisse faire l'apprentissage des comportements et modes de vie favorables au maintien de la santé.

Trois objectifs principaux sont fixés et doivent se décliner selon la population, le milieu et la thématique : agir sur les déterminants de santé ; lutter contre les inégalités et intervenir au plus près des populations.

Pour atteindre ces objectifs, la stratégie nationale de santé constate qu'une meilleure coordination est nécessaire, tant entre les acteurs publics qu'entre les professionnels.

Donner la priorité à la prévention implique aussi l'amélioration de l'évaluation et de la gestion des risques sanitaires. Le dispositif actuel, contraint à conduire des évolutions lourdes dans l'urgence depuis l'affaire du Mediator, doit selon la SNS être renforcé.

Les objectifs de santé publique fixés par la SNS reposent sur la mise en oeuvre de soins territorialement accessibles.

Ces soins de proximité doivent être structurés autour d'équipes pluriprofessionnelles. D'après la stratégie gouvernementale, le rôle du médecin traitant, qui doit se concentrer sur ses missions fondamentales, doit être affirmé, en même temps que le mode d'exercice de la médecine générale doit évoluer avec l'appui de personnels administratifs et soignants. Pour cela, les systèmes d'information et de communication doivent être développés et adaptés.

Ce nouveau mode d'exercice libéral correspond aux souhaits de nombreux jeunes professionnels et répond aux difficultés démographiques dans certaines zones fragiles.

Le pacte Territoire - santé, présenté en décembre 2012, a posé les bases de la nouvelle organisation des soins de proximité qui doit passer par la reconnaissance d'une fonction de coordination du parcours. Cette démarche doit, selon la ministre, permettre à la fois de gagner en cohérence et lisibilité, de laisser aux équipes la plus grande souplesse d'organisation, de pérenniser et simplifier la rémunération de la coordination, de favoriser une plus grande complémentarité et de structurer les systèmes d'information.

L'ensemble des acteurs doivent mieux « articuler » leurs interventions respectives, que ce soit en ville, en établissement de santé ou médico-social ou avec les secteurs social et de la prévention.

La stratégie nationale de santé vise ainsi à mettre en place un appui aux équipes de proximité sous la forme d'un coordonnateur-animateur de territoire. Ce dispositif se focalisera en premier lieu sur les malades chroniques pour lesquels l'absence de coordination est la plus dommageable. Une offre de services à l'attention des médecins généralistes complètera cet appui territorial.

Au-delà, il s'agit de définir un service public territorial de santé par une démarche contractuelle avec les agences régionales de santé ; il portera une attention particulière aux questions de permanence ou continuité des soins et d'urgences.

La loi réaffirmera la notion de service public hospitalier qui a été supprimée par la loi HPST et, de manière générale, les établissements hospitaliers et médico-sociaux doivent se situer au coeur d'un service public rénové.

Les modalités d'organisation et de financement seront réformées pour rendre effectives la transversalité et la mise en place de parcours.

Par ailleurs, la stratégie nationale de santé entend s'appuyer sur une recherche de pointe, lisible par tous, reconnue à l'international et adaptée aux besoins de la société. Pour cela, le pilotage de la recherche en santé doit être réorganisé.

Ces orientations nécessitent l'adaptation des formations, y compris continue, ainsi qu'un investissement résolu dans les systèmes d'information et le développement de nouveaux métiers et compétences.

Enfin, la stratégie nationale de santé entend impliquer et accompagner les patients et leurs représentants dans l'organisation, le fonctionnement et l'évolution du système de santé.

B. LES CENTRES DE SANTÉ AU COEUR DE L'OFFRE DE SOINS DE DEMAIN

Un large consensus se dégage aujourd'hui pour considérer que l'avenir des soins de ville passe par l'exercice collectif dans des conditions d'accessibilité financière. Tout en reconnaissant cette réalité, la stratégie nationale de santé reste quelque peu en-deçà de la reconnaissance d'un véritable service public territorial de santé, car, à côté de cette notion, qu'elle reconnaît en affirmant l'ambition de définir un service public « qui conduit les acteurs à remplir de manière solidaire un certain nombre d'objectifs de santé publique », elle utilise également celle, plus ambigüe, de « s ervice au public ». Le comité des sages réuni pour proposer un projet préalable à la stratégie nationale de santé, comme plusieurs autres rapports d'expert ou de groupes de travail avant lui, avait appelé de ses voeux la création du service public territorial de santé. Il relevait dans ce cadre que : « Les structures d'exercice collectif, notamment les maisons de santé pluriprofessionnelles et les centres de santé, sont une forme d'exercice qui présente un intérêt évident pour organiser la complémentarité des interventions du premier recours (médecins, pharmaciens, infirmières...) et prendre en charge des patients nécessitant un accompagnement (éducation thérapeutique, observance) 1 ( * )

L'axe 2.1 de la Stratégie nationale de santé « Soutenir une structuration des soins de proximité autour d'équipes pluriprofessionnelles » affirme que : « Le mode d'exercice de la médecine générale doit évoluer, le médecin traitant doit pouvoir s'appuyer sur des personnels administratifs et soignants pour se concentrer sur ses missions fondamentales, sur des systèmes d'information et de communication pour suivre les plans de soins des malades chroniques.

Le soutien à la constitution d'équipes pluriprofessionnelles de proximité, organisées autour du médecin traitant et en articulation avec l'hôpital et les soins spécialisés, est un des axes prioritaires d'action de la SNS. L'ensemble des acteurs des soins de proximité, médecins, paramédicaux et pharmaciens doivent trouver leur place dans ces équipes pluriprofessionnelles. Il s'agit de développer un nouveau mode d'exercice de la médecine libérale.

Elles pourront prendre plusieurs formes (maisons de santé pluridisciplinaires, pôles de santé, centres de santé...) et favoriseront un meilleur suivi des malades chroniques, ainsi que les coopérations entre médecins et autres professionnels de santé. Cette volonté de mieux coordonner les prises en charge soignantes, en amont et en aval de l'hôpital, va de pair avec l'objectif de passer à une médecine plus proactive, dans laquelle l'équipe de soins de proximité s'assure que le patient bénéficie bien d'un plan de soins et intervient auprès de lui si nécessaire.

Ces modalités d'organisation et d'exercice collectif sont en outre plébiscitées par les jeunes professionnels et ont un effet positif sur la démographie des professionnels de santé dans les zones fragiles. Le développement de ces équipes passe notamment par la reconnaissance d'une fonction de coordination du parcours et par une adaptation des modes de rémunération des professionnels en amplifiant les initiatives déjà prises en ce sens, en particulier par l'assurance maladie dans le cadre conventionnel.

Outre des activités de soin, ces équipes pluridisciplinaires doivent développer dans le cadre de leur projet de santé des actions de prévention et d'éducation à la santé, en lien avec les priorités du comité interministériel de la santé et les priorités régionales. Elles doivent également créer des liens avec les secteurs médico-social et social.

Les structures d'exercice collectif, notamment les maisons de santé pluriprofessionnelles et les centres de santé, sont une forme d'exercice qui présente un intérêt évident pour organiser la complémentarité des interventions du premier recours (médecins, pharmaciens, infirmières...) et prendre en charge des patients nécessitant un accompagnement (éducation thérapeutique, observance). »

Votre rapporteur note la priorité qui semble être accordée dans le texte de présentation du Gouvernement aux pôles et aux maisons de santé, ce qui est cohérent avec la volonté affichée de « développer un nouveau mode d'exercice de la médecine libérale ». Or, ce sont historiquement les centres de santé réunissant des professionnels de santé salariés exerçant au tarif de responsabilité qui sont les pionniers de cet exercice collectif. Il existe aujourd'hui 1 700 centres de santé répartis sur l'ensemble du territoire national contre près de 300 maisons de santé. Si votre rapporteur admet la nécessité de développer les maisons de santé et de faire évoluer l'exercice de la médecine libérale, il lui paraît essentiel de soutenir l'action de centres de santé et surtout de les aider à faire face aux difficultés financières qu'ils rencontrent.

Le rapport du groupe de travail « santé et accès aux soins » présidé par Michel Legros, présenté en novembre 2012 dans le cadre de la conférence nationale contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale, soulignait que l'accès des plus démunis aux professionnels de santé « doit passer d'abord par une remise à niveau de l'ensemble des dispositifs, prestations et services dont les forces ont été trop amoindries dans la dernière décennie. Cette évolution a conduit à un affaiblissement de la première ligne d'accès à la santé que constituaient des dispositifs comme la santé scolaire, la protection maternelle et infantile, mais aussi les centres de santé ou les permanences d'accueil à la santé et aux soins, pourtant de création plus récente. Les liens avec les médecins libéraux se sont distendus et ne fonctionnent sur bien des territoires que par la volonté et la disponibilité des uns et des autres. »

Votre rapporteur regrette donc ce qui semble être une priorité accordée à la médecine libérale et la réticence à mettre en place un véritable service public territorial d'accès aux soins qui permettrait de mettre fin aux inégalités territoriales de santé - voire aux inégalités sociales de santé. Comme le notait le rapport du groupe de travail présidé par Michel Legros : « la mauvaise santé est l'une des premières causes du chômage et de sortie de l'emploi vers l'inactivité quand elle sélectionne les individus sur le marché du travail. Si la santé influe sur la probabilité d'obtenir un emploi, l'absence d'emploi influe également sur la santé et les chômeurs sont aussi en première ligne face à la maladie, confirmant l'influence de facteurs psychosociaux comme l'estime de soi. »

De fait, selon l'analyse de plusieurs professionnels impliqués tant dans les centres de santé que dans les maisons de santé, la question du statut libéral ou salarié, longtemps marquée par des a priori idéologiques, est aujourd'hui devenue secondaire pour les jeunes professionnels de santé. En effet, c'est le caractère collectif de l'exercice au sein des centres ou des maisons de santé qui motive l'installation des jeunes dans ces structures. Cette forme d'exercice permet la mise en place d'un projet médical commun, souvent porteur d'une prise en charge des patients plus globale que celle possible pour la clientèle d'un médecin exerçant seul. De plus, l'exercice collectif garantit, quel que soit le statut du professionnel, un niveau de rémunération compatible avec la qualité de vie que recherchent légitimement les jeunes professionnels. Comme le montre une étude récente de l'Institut de recherche et documentation en économie de la santé (Irdes), avec « 54 % de médecins généralistes déclarant exercer en groupe en 2009, contre 43 % en 1998, la pratique collective est désormais majoritaire. L'attrait est encore plus net chez les moins de 40 ans qui déclarent huit fois sur dix exercer en groupe, notamment en raison du meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle. Le regroupement est cependant moins développé et moins pluriprofessionnel en France que dans d'autres pays ; la taille des groupes est également plus modeste : les trois quarts des généralistes regroupés exercent dans des cabinets exclusivement composés de deux ou trois médecins. » 2 ( * )

Le président de la Fédération des maisons de santé envisage la possibilité de rapprocher les maisons et centres de santé au sein d'une fédération des soins de santé primaires. Votre rapporteur juge cette perspective intéressante à condition que les professionnels libéraux participent pleinement à un service public qui accueille l'ensemble de la population d'un territoire sans discrimination financière. En effet, à l'heure actuelle, ce sont les centres de santé qui prennent en charge en soins de ville les populations les plus fragiles. La recherche conduite par l'Irdes visant à explorer la spécificité de 21 centres de santé polyvalents, principalement municipaux, soit 5 %, de ceux existant en France, montre que les personnes recourant aux centres de santé en médecine générale sont socio-économiquement plus défavorisées et déclarent un état de santé plus dégradé que la population générale 3 ( * ) .

Même s'il est encore trop tôt pour juger ce que les maisons de santé apportent globalement comme évolutions en matière de prise en charge des malades, il convient de noter qu'elles semblent effectivement s'engager dans une logique d'accès aux soins. Une étude « suggère une logique d'implantation des maisons de santé qui répond à l'objectif de maintenir une offre là où les besoins sont importants. (...) De plus, le développement de ces structures semble efficace puisqu'on observe une moindre diminution de la densité des médecins généralistes entre 2008 et 2011 dans ces espaces ».

III. UN TRAITEMENT INSATISFAISANT DES VICTIMES DE L'AMIANTE

A. L'ABSENCE DE DOTATION DE L'ETAT AU FONDS D'INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE

Votre rapporteur ne peut accepter l'absence de dotation de l'Etat au Fiva pour une deuxième année consécutive.

Cette situation est d'autant plus inadaptée qu'en 2013 les dépenses d'indemnisation ont été plus importantes que prévu et ont conduit au vote d'un budget modificatif par le conseil d'administration en octobre 2013. Au total, 455 millions d'euros auront été nécessaires au lieu des 355 prévus. Quatre facteurs expliquent cette situation :

- une sous-estimation initiale des besoins du fonds par les tutelles ;

- un report important lié à une augmentation du nombre d'offres sur la fin 2012 dont le paiement a été effectué en 2013 (29 millions de plus de report sur les neuf premiers mois de 2013 que sur la même période en 2012) ;

- un nombre d'offres croissant. Sur les neufs premiers mois de l'année, le nombre d'offres globales faites en 2013 est en hausse de 22,5 % ;

- un mode de fonctionnement du service financier plus efficace avec un délai moyen de paiement des offres acceptées de deux mois et une semaine (le délai légal est de deux mois).

Dès lors, la réponse purement formelle et comptable du Gouvernement, selon lequel l'absence de dotation de l'Etat au Fiva est le résultat de l'adoption du budget pluriannuel 2013-2015 n'est plus adaptée à la situation présente.

Par ailleurs, la gestion du Fiva en 2012 a été marquée par les conséquences de l'annulation par la Cour de cassation des décisions de la cour d'appel de Douai entraînant une augmentation de l'indemnisation perçue par les victimes de l'amiante.

Le 28 juin 2012, la ministre des affaires sociales et de la santé et le ministre délégué au budget ont demandé au Fiva d'accorder une remise gracieuse totale du supplément d'indemnisation que les victimes avaient reçu initialement au titre du préjudice corporel en application de la décision de la cour d'appel. Le champ d'application de cette décision a été étendu par le conseil d'administration du fonds (par une délibération du 29 octobre 2012) aux victimes concernées par des arrêts de la Cour de cassation, rendus à la suite d'un pourvoi effectué par le Fiva sur la question de la déduction des indemnités versées par les organismes de sécurité sociale. Au total, 666 dossiers sont concernés.

Les sommes perçues par les victimes à raison du cumul par la cour d'appel de la rente AT-MP due par le Fiva et des prestations versées par la sécurité sociale pour le même préjudice devront, pour leur part, être remboursées. Les victimes pourront toutefois obtenir des délais de paiement, voire une remise partielle ou totale des sommes dues. Un protocole entre la directrice et l'agent comptable sera proposé lors d'un prochain conseil d'administration pour le traitement de ces remises exceptionnelles, afin de définir dans quelles conditions sont traités les recouvrements de créances et mises en oeuvre de remises. La décision du Gouvernement ne devrait donc pas aboutir à maintenir la double indemnisation de certaines victimes.

B. MIEUX PRENDRE EN CHARGE LES PERSONNES RELEVANT DE L'AIDE MEDICALE D'ETAT

Les crédits du programme 183 « protection maladie » concernent uniquement l'aide médicale d'État. Ils augmentent de 17 millions d'euros. Doit parallèlement être prise en compte l'ouverture de crédits à hauteur de 156 millions d'euros par le PLFR pour 2013. L'augmentation des crédits pour 2013, comme celle prévue pour 2014, tient à des causes multiples. D'une part, le nombre de bénéficiaires est plus important que prévu. D'après le Gouvernement « cette hausse est notamment liée à l'entrée de certains bénéficiaires dans le dispositif, suite à la suppression du droit de timbre en 2012 qui avaient différé leur entrée ». Votre rapporteur partage l'analyse selon laquelle « cela favorise un accès aux soins plus précoce des patients, ce qui constitue une mesure pertinente tant en termes de santé publique que d'efficience du système de santé, un report des soins donnant lieu in fine à une prise en charge plus coûteuse ».

Par ailleurs, l'évolution des dépenses entre 2012 et 2013 et pour 2014 s'explique par la mise en place d'une réforme de la tarification des séjours hospitaliers des bénéficiaires de l'aide médicale d'Etat. Celle-ci est progressivement alignée sur les modalités de la tarification de la prise en charge des autres assurés sociaux.

Enfin, l'augmentation des crédits résulte des impacts conjugués de l'évolution tendancielle de la dépense estimée à 2,5 % en 2013 et en 2014, et de la diminution de moitié au 1 er janvier 2014 de la majoration des tarifs des prestations hospitalières sur le champ médecine chirurgie et obstétrique instaurée en 2012 pour les bénéficiaires de l'AME.

Tout en approuvant l'augmentation des crédits de l'aide médicale d'Etat, qui achève le retour à une approche réellement centrée sur les soins à apporter aux personnes malades quel que soit leur statut de résident sur le territoire, votre rapporteur estime nécessaire d'aller au bout de la logique de soins.

En effet, les particularités du régime de l'aide médicale d'Etat constituent en elles-mêmes un frein à l'accès aux soins, étant donné la difficulté réelle de remplir les démarches administratives préalables. Cette difficulté écarte une partie des personnes éligibles de la possibilité de se faire soigner. Elle fait également reposer une charge de travail disproportionnée sur les associations qui accompagnent ces personnes dans leurs démarches. Dès lors, votre rapporteur estime qu'il est temps de fusionner l'aide médicale d'Etat et la couverture maladie universelle. Les crédits de l'AME seraient affectés au Fonds CMU, les démarches administratives seraient grandement simplifiées et, surtout, l'accès aux soins serait, enfin, véritablement universel.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

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Réunie le mercredi 20 novembre 2013 , sous la présidence de Mme Annie David, présidente , la commission procède à l'examen du rapport pour avis de M. Dominique Watrin sur le projet de loi de finances pour 2014 (mission « Santé ») .

M. Dominique Watrin, rapporteur pour avis . - Le budget de la mission Santé s'élève à 1,3 milliard d'euros pour 2014. Ses crédits sont en légère hausse (0,8 %) par rapport à 2013. Cette évolution recouvre une progression de 2,9 % des moyens du programme 183 « Protection maladie », et une baisse de 1 % de ceux du programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins ».

L'augmentation modeste dans le cadre général d'austérité financière cache plusieurs évolutions contrastées. L'augmentation du programme « Protection maladie » est imputable en totalité à l'aide médicale d'Etat (605 millions d'euros budgétés contre 588 en 2013) car la dotation de l'Etat au Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (Fiva), qui était de 50 millions d'euros en 2012, est nulle pour la deuxième année consécutive. Les crédits du programme « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » supportent, à eux seuls, les mesures présentées comme nécessaires par le Gouvernement pour le redressement des comptes publics. Ils baissent globalement de 1 % (693,4 millions d'euros contre 700,2 millions d'euros autorisés cette année).

Les « actions » les plus affectées par cette baisse de crédits sont : les « projets régionaux de santé » (dont le budget baisse de 12,2 % pour s'établir à 130,9 millions d'euros), la « réponse aux alertes et gestion des urgences, des situations exceptionnelles et des crises sanitaires » (- 10,4 % à 18,2 millions d'euros), la « prévention des risques infectieux et des risques liés aux soins » (- 4,2 % à 9,5 millions d'euros), la « qualité, sécurité et gestion des produits de santé et du corps humain » (3,7 % à 145 millions d'euros) et enfin « l'accès à la santé et l'éducation à la santé » (2,4 % à 9,5 millions d'euros). S'agissant des projets régionaux de santé, ils se verront contraints d'utiliser pour des actions de soins curatifs les dotations pourtant allouées pour le financement de la prévention par l'assurance maladie.

La baisse des crédits de réponse aux urgences et aux alertes (- 10 %) repose sur une diminution de la subvention à l'Etablissement public de réponse aux urgences sanitaires (Eprus). La subvention est fixée pour 2014 à un niveau tenant compte de son fonds de roulement prévisionnel, ainsi que de la mise en oeuvre de son programme d'achats pluriannuel de stocks stratégiques. L'Eprus sert en pratique de variable d'ajustement.

Pour la prévention des risques infectieux et des risques liés aux soins (9,5 millions d'euros), ce sont 6,1 millions d'euros qui vont être dédiés au plan national de lutte contre le VIH/Sida et les IST (infections sexuellement transmissibles) et 1 million d'euros qui financeront des actions de lutte contre les hépatites B et C. Si l'on prend en compte, comme le fait le Gouvernement, les 0,34 million d'euros destinés à des dépenses de fonctionnement, on aboutit à un montant total de 7,44 millions d'euros consacrés à la lutte contre ces pathologies. La lutte anti-vectorielle sera dotée de 1 million d'euros. La subvention de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) diminue (144,9 millions d'euros contre 150,4 millions) mais le plafond d'emplois est en apparence maintenu au même niveau que celui de 2013 (1 009 ETP). Quant à l'action n° 12, pour « l'accès à la santé et éducation à la santé », elle voit ses crédits diminuer par rapport à 2013 de - 1,7 % en autorisations d'engagement et de - 2,4 % en crédits de paiement, pour s'élever à 25,7 millions d'euros. Cette baisse touche essentiellement la subvention à l'Inpes (24,1 millions) qui diminue de 0,1 million d'euros.

Ces baisses servent à financer l'augmentation des crédits de l'action « modernisation de l'offre de soins », de 11,6 % par rapport à 2013 pour s'établir à 190,3 millions d'euros. Cette augmentation correspond pour une part à celle du financement des stages des internes en médecine ambulatoire, mais aussi à un élargissement du périmètre lié à la réforme du financement de la Haute Autorité de santé, en cours de discussion dans le cadre du PLFSS. Sur ce point, l'augmentation des dépenses correspond à de nouvelles recettes et non à un effort financier supplémentaire.

L'augmentation des crédits de formation découle de la réforme de la formation des internes annoncée par la ministre de la santé en 2012. Actuellement, la formation dispensée en deuxième puis en troisième cycle s'effectue essentiellement à l'hôpital. Lors du troisième cycle, l'interne doit effectuer six stages d'environ un semestre, dont la répartition varie selon les maquettes de chaque diplôme d'études spécialisées (DES). Celui de la médecine générale prévoit pour la dernière année d'internat un semestre sous la forme d'un stage autonome en soins primaires ambulatoires supervisé (Saspas) ou d'un stage dans une autre structure médicale agréée.

La ministre a exprimé la volonté d'augmenter la part accordée à l'ambulatoire, avec l'objectif qu'en cinq ans - soit d'ici la rentrée 2018 -, la durée des stages pratiques en médecine ambulatoire représente « 30 % de la formation des futurs médecins ».

La montée en charge rapide de cette réforme nécessite l'augmentation importante du budget de cette action afin de couvrir les indemnités de stage, notamment des 3 511 internes stagiaires de médecine générale, et les indemnités des maîtres de stage.

J'ai pu, lors de mes auditions avec les acteurs de terrain, mesurer l'importance de ces stages pour l'installation des jeunes médecins, spécialement dans les structures d'exercice collectif. Cette augmentation de crédits est donc bienvenue, mais je regrette qu'elle entraîne la baisse importante des crédits alloués à d'autres actions, particulièrement aux programmes régionaux de santé dont l'importance pour l'accès aux soins est pourtant réelle.

Je ne vous surprendrai pas en vous indiquant que je ne peux me satisfaire du budget de la mission « Santé » tel qu'il est présenté par le Gouvernement. En effet, depuis plusieurs années maintenant, la pression financière augmente sur les opérateurs de la mission, les agences sanitaires en charge de la surveillance, de l'expertise voire de la régulation de notre système de soins. Au point aujourd'hui d'atteindre, quoi qu'on en dise, le coeur même des missions qui leur sont assignées.

Le projet de financement présenté par le Gouvernement pour le programme 204 s'inscrit en effet dans le cadre de la réduction des emplois budgétaires définie par la lettre de cadrage adressée aux ministres par le Premier ministre le 28 juin 2012. Cette lettre de cadrage précise que, sur la période 2012-2015, « les effectifs de l'Etat connaîtront une stabilité globale. Les créations d'emplois seront réservées à l'enseignement, la police, la gendarmerie et la justice. Des efforts de - 2,5 % par an sur les autres secteurs seront donc nécessaires afin de respecter cet objectif de stabilité. » Ceci se traduit par une obligation de réduction des emplois de 7,5 % sur trois ans pour les autres opérateurs de l'Etat, y compris les agences sanitaires.

Le ministère de la santé a décidé de ne pas imposer aux opérateurs le respect strict de cette obligation. A l'issue de la période 2012-2015, la réduction du nombre d'emploi des agences financées par le programme 204 devrait atteindre 156 ETP sur 2651 ETP en 2012 soit - 5,9 %. Pour 2014, il a choisi de préserver les emplois de l'agence de sécurité du médicament et des produits de santé. Ceci implique un effort supplémentaire demandé aux autres opérateurs sur lesquels se répartit la suppression de 52 ETP.

Le maintien du nombre de postes de l'ANSM est largement formel. En effet, suite à l'adoption de la loi sur la sécurité du médicament, 80 nouveaux emplois devaient être affectés à l'agence pour faire face à ses nouvelles missions. Seuls 15 l'ont finalement été. Dans un contexte de réorganisation lourde du fonctionnement de l'agence, facteur d'un climat social tendu, pareille limitation des moyens humains est de nature à mettre en péril la capacité de l'agence non seulement à faire face aux urgences sanitaires récurrentes liées aux produits de santé mais surtout à les anticiper et à les prévenir.

L'effort demandé aux opérateurs de la mission est nécessairement de plus en plus difficile à supporter et met en péril l'exercice des missions. En effet, la possibilité de réduire les effectifs par simple non-remplacement des départs en retraite ou non-renouvellement des contrats à durée déterminée s'épuise rapidement, spécialement si les structures sont de taille réduite et de création récente, ce qui implique généralement une pyramide des âges relativement plate. Une fois les départs en retraite et non renouvellement volontaires effectués, la seule possibilité de réduction des emplois est la rupture conventionnelle avec les personnels contractuels.

Or, l'effort demandé aux opérateurs est croissant sur la période triennale. 20 ETP ont été supprimés en 2013, 52 le seront en 2014 et 84 en 2015.

La direction générale de la santé espère parvenir à remplir l'objectif de diminution des emplois par la mutualisation des fonctions support. Sont définies comme fonctions support toutes les fonctions qui permettent aux opérateurs d'accomplir leurs missions mais qui ne sont pas l'exercice direct de ces missions, ainsi la mise en place d'un réseau informatique ou la passation de marchés publics. Cette distinction bien qu'intellectuellement séduisante me paraît atteindre rapidement ses limites sur le terrain. Elle permet surtout de minimiser les conséquences des réductions d'effectifs sur le fonctionnement des agences.

En effet, la distinction entre fonctions support et fonctions métier est très variable selon les agences. L'idée que la réduction des effectifs pourrait porter sur des postes non essentiels est donc illusoire. L'ampleur des coupes demandées implique nécessairement la réduction du nombre de personnes chargées de mener à bien les missions confiées aux opérateurs. Or, à effectifs constants ou décroissants pour exercer leurs missions, les agences perdent la capacité de suivre de manière approfondie tous les domaines de leur champ de compétences. Surtout, l'activité de veille et de prospective et même la capacité de traiter les thématiques émergentes se trouvent considérablement réduites. Que ce soit pour l'Institut de veille sanitaire (InVS), l'Institut du cancer (INCa) ou l'Agence de la biomédecine (ABM), la perte de moyens s'effectue au détriment de notre capacité à faire face aux nouveaux enjeux sanitaires et à l'évolution des connaissances et des pratiques médicales.

La situation des agences sanitaires et des autres opérateurs de la mission « Santé » impose une vision d'ensemble plus large que la stricte application de règles d'économie. En l'absence de vision claire des intentions du Gouvernement concernant les agences avec une loi de santé publique sans cesse repoussée, ce budget contribue à leur fragilisation.

Parallèlement, l'Etat se désengage en fait du financement du Fiva. Nous en avons largement débattu à l'occasion du PLFSS, le contexte budgétaire fragile du Fiva et la double responsabilité de l'Etat dans l'affaire de l'amiante impose que l'Etat assume ses responsabilités. La réponse donnée par le ministère du budget selon laquelle l'absence de dotation est inscrite dans le budget pluri-annuel 2013-2015 est purement formelle et ne tient pas compte de l'évolution de la situation. Je vous proposerai donc que notre commission adopte un amendement rétablissant à hauteur de 50 millions d'euros ou au moins de 30 millions d'euros la dotation de l'Etat. Afin que ce rétablissement de la dotation préjudicie le moins possible aux crédits de la mission 204, je vous proposerai également un amendement tendant à augmenter les recettes en rétablissant une contribution sur les entreprises ayant exposé leurs salariés à l'amiante.

J'ai souhaité cette année aborder les solutions possibles aux inégalités territoriales et sociales de santé. De ce point de vue, un large consensus se dégage aujourd'hui pour considérer que l'avenir des soins de ville passe par l'exercice collectif dans des conditions d'accessibilité financière. La stratégie nationale de santé reprend partiellement cette analyse en affirmant la nécessité d'un véritable service public territorial de santé dont le périmètre et les modalités restent toutefois encore imprécis.

Je note la priorité qui semble être accordée dans le texte de présentation de la stratégie nationale de santé aux pôles et aux maisons de santé, ce qui est cohérent avec la volonté affichée de « développer un nouveau mode d'exercice de la médecine libérale ».

En pratique, selon l'analyse de plusieurs professionnels impliqués tant dans les centres de santé que dans les maisons de santé, la question du statut libéral ou salarié, longtemps marquée par des a priori idéologiques, est aujourd'hui devenue secondaire pour les jeunes professionnels de santé. En effet, c'est le caractère collectif de l'exercice au sein des centres ou des maisons de santé qui motive l'installation des jeunes dans ces structures. Cette forme d'exercice permet la mise en place d'un projet médical commun, souvent porteur d'une prise en charge des patients plus globale que celle possible pour la clientèle d'un médecin exerçant seul. De plus, l'exercice collectif garantit, quel que soit le statut du professionnel, un niveau de rémunération compatible avec la qualité de vie que recherchent légitimement les jeunes professionnels. Une véritable dynamique est en place. Sur l'ensemble du territoire, 70 centres de santé sont en voie de création et 300 nouvelles maisons de santé.

Le président de la Fédération des maisons de santé envisage même la possibilité de rapprocher les maisons et centres de santé au sein d'une fédération des soins de santé primaires. J'estime cette perspective intéressante à condition que les professionnels libéraux participent pleinement à un service public qui accueille l'ensemble de la population d'un territoire sans discrimination financière. En effet, à l'heure actuelle, ce sont les centres de santé qui prennent en charge en soins de ville les populations les plus fragiles.

De plus, ce sont historiquement les centres de santé réunissant des professionnels de santé salariés exerçant au tarif de responsabilité qui sont les pionniers de cet exercice collectif. Il existe aujourd'hui 1 700 centres de santé répartis sur l'ensemble du territoire national contre près de 300 maisons de santé. Si j'admets volontiers la nécessité de développer les maisons de santé, il me paraît essentiel de soutenir l'action de centres de santé et surtout de les aider à faire face aux difficultés financières qu'ils rencontrent. Les centres partagent l'essentiel des préconisations du rapport de l'inspection générale des affaires sociales publiée en juillet dernier. Ils s'inquiètent cependant des difficultés qu'un transfert d'une partie de leur financement aux Départements, tel qu'il est envisagé par l'Igas, pourrait entrainer et souhaitent que soit rendue possible le financement des centres de santé par les intercommunalités. La fédération des centres de santé serait prête pour sa part à accepter une évolution du modèle économique dans le cadre d'un contrat d'Objectifs réellement négocié.

A la fin de ce panorama, je ne peux donc que constater avec regret que le budget de la mission « Santé » s'inscrit globalement dans le cadre des mesures d'austérité budgétaire avec lesquelles je suis en profond désaccord. Je vous propose donc de donner un avis défavorable à l'adoption des crédits prévus pour la mission « Santé».

Mme Catherine Génisson . - Je souhaite revenir principalement sur deux points. Le premier est celui de l'enseignement de la médecine générale. Celui-ci doit nécessairement être développé mais je pense qu'il faut également veiller à ce que l'essentiel de la formation des internes reste dans les lieux où s'élabore la médecine de pointe.

Le deuxième point concerne les agences sanitaires. Je crains pour ma part que leur multiplicité les amène à se superposer parfois sans pour autant couvrir l'ensemble des sujets. Je suis convaincue qu'en veillant à la qualité du travail des agences l'on peut parvenir à remplir les missions à moindre coût.

Enfin je pense que le sujet que vous abordez sur l'exercice collectif est très important et qu'il faut que le débat entre centre de santé et maisons de santé se prolonge.

M. Jean-Noël Cardoux. - Mes remarques porteront d'abord sur la formation des internes. Je suis attaché à la préconisation figurant dans le rapport sénatorial sur la désertification en milieu rural qui visait à développer les stages dans les hôpitaux ruraux. Ceci est un facteur important pour l'installation des jeunes professionnels dans ces zones.

Sur un tout autre sujet je suis choqué par le nombre et le coût des agences intervenant dans le domaine de la santé. D'après mes calculs, il y en a 21 pour un budget de 3,4 milliards d'euros et 25 200 emplois. Il me paraît évident qu'il faut éviter les doublons et mutualiser les moyens, spécialement parce que l'action de ces agences limitent le pouvoir de décision du législateur.

M. Gilbert Barbier . - Je remercie le rapporteur d'avoir souligné un point très important qui est le fonctionnement des agences sanitaires. Il faut approfondir cette question mais je suis convaincu qu'elles ont les moyens de fonctionner avec les crédits prévus par ce budget. Si l'on prend par exemple la multiplicité des acteurs intervenant dans le domaine du médicament on voit bien que l'examen technique pourrait aussi bien être fait par un seul organisme.

M. Marc Laménie . - On voit clairement à l'issue de ce rapport la complexité que crée la multiplicité des agences. J'ai pour ma part des interrogations sur l'évaluation des actions de l'Inpes. Plusieurs de nos communes, spécialement les plus petites, se trouvent parfois destinataires de matériels de campagnes organisées par l'Inpes mais difficiles à utiliser localement ou arrivant à contretemps. Une plus grande efficacité serait certainement source d'économies.

M. René-Paul Savary. - Je partage avec le rapporteur le constat que la médecine générale est en cours de transition dans notre pays.

Par contre je suis très réticent à l'idée que les départements soient appelés à financer une activité sanitaire. Il y aurait de plus un problème d'équité à faire bénéficier les professionnels de santé d'avantages disproportionnés en matière d'installation. Si la zone est sous-dotée, l'exercice y est nécessairement rentable sans intervention d'une collectivité locale. Défions nous de créer un contexte trop administratif et pas assez fonctionnel.

Mme Isabelle Pasquet . - Nous constatons que la rigueur portée par ce projet de budget s'applique même au domaine de la santé et je vois là un décalage avec les ambitions affirmées par la ministre des affaires sociales et de la santé. On ne se donne pas les moyens de les mettre en oeuvre. Le groupe CRC s'inquiète particulièrement de la baisse des moyens alloués à la prévention et du désengagement de l'Etat s'agissant du Fiva.

M. Yves Daudigny, rapporteur général . - La présentation faite par le rapporteur est précise mais nous ne pouvons pas partager ses conclusions. Je note tout d'abord qu'avec 1,3 milliard d'euros de dotation, la mission santé a un périmètre très réduit par rapport au budget de la sécurité sociale qui représente l'essentiel de l'effort de la nation en termes de santé. Face à notre situation économique, un effort est demandé à l'ensemble des budgets même si celui de la santé est non seulement maintenu mais en légère augmentation.

Nous pouvons tous être d'accord sur la priorité à accorder à la prévention. Je crains cependant qu'elle ne doive se mettre en place progressivement étant donné la place prédominante de l'approche curative.

S'agissant des agences de santé, la ministre a clairement indiqué à l'Assemblée nationale les axes de la politique qu'elle entend mettre en oeuvre. La réforme du pilotage des agences et la réorganisation de la veille sanitaire seront mises en oeuvre au travers de la loi de santé publique.

Je me félicite que nous abordions la question de l'aide médicale d'Etat de manière objective et apaisée. Je rappelle que ce dispositif a une vocation humanitaire certes, mais répond d'abord à un besoin sanitaire.

M. Jacky Le Menn . - Le budget de la mission santé correspond aux besoins des opérateurs et je ne peux laisser dire qu'il les met en péril. Je pense qu'une réflexion doit être menée sur les moyens des agences et je partage l'idée selon laquelle il n'appartient pas aux départements d'intervenir dans le domaine sanitaire qui est une compétence de l'Etat.

Mme Isabelle Debré . - Je souhaite connaître les raisons de l'augmentation de l'aide médicale d'Etat et savoir si la suppression du droit de timbre mis en place par la précédente majorité a entrainé une augmentation du nombre de titulaires. Par ailleurs, bien entendu, je ne voterai pas en faveur du budget de cette mission.

M. Gérard Roche . - Dans la situation actuelle, il faut nécessairement faire des économies. Je regrette qu'elles se portent sur la prévention car cela est une vision à court terme mais on ne peut trancher dans l'urgence dans les crédits des soins curatifs.

J'estime que l'effort fait sur la formation des internes est positif et j'ajoute qu'il est nécessaire de supprimer le numerus clausus.

Je regrette l'absence d'approche en termes de parcours de soins. Il est indispensable d'augmenter le nombre de lits en soins de suite et de réadaptation et en moyens séjours. Il faut également prendre les mesures nécessaires pour réduire le reste à charge.

Sur la conclusion du rapporteur, il s'agit d'un désaveu de la part d'un des groupes politiques de la majorité sur lequel nous n'avons pas à nous prononcer.

M. Dominique Watrin, rapporteur pour avis. - Je souhaite indiquer à Catherine Génisson que les agences sanitaires se concertent régulièrement entre elles et sous l'égide de la direction générale de la santé pour éviter de négliger des sujets et limiter le risque de superpositions. Je ne pense donc pas qu'il y ait encore véritablement de questions de périmètre.

Nous partageons, monsieur Cardoux, le même objectif s'agissant des stages dans les hôpitaux ruraux. S'agissant des moyens des agences, je ne peux que vous faire part de la différence entre les auditions que j'ai pu mener ces dernières années. Là où jusqu'en 2012 les agences affirmaient pouvoir faire sans difficulté des économies, elles sont aujourd'hui très inquiètes sur les réductions d'effectifs qui touchent leur coeur de métier. La priorisation des actions qui leur est demandée les amène à consacrer moins voire pas de moyens à d'autres actions.

Monsieur Barbier il me semble que sur le circuit du médicament, de nombreuses questions se posent et le débat est ouvert.

Monsieur Laménie, le budget de l'Inpes sera de 24,1 millions d'euros en 2014, ce sont principalement des moyens d'intervention dont les opérateurs sont des acteurs de terrain.

Je dois préciser pour MM. Savary et Le Menn que l'Igas ne préconise pas que les centres de santé soient financés par les départements pour leur activité sanitaire mais pour leur activité médico-sociale. Cependant, les centres sont réticents à l'égard d'un tel financement quel qu'en soit le périmètre étant données les difficultés financières des départements.

Je partage avec Isabelle Pasquet l'analyse selon laquelle il faut établir une priorité pour la prévention et que celle-ci ne se trouve pas dans le budget de la mission Santé présenté par la Gouvernement.

Monsieur Daudigny, effectivement des réflexions sont en cours sur l'avenir des agences sanitaires et il nous faudra attendre la loi de santé publique pour savoir ce qu'elles deviendront.

Madame Debré, l'aide médicale d'Etat augmente effectivement en raison de l'augmentation plus forte que prévue des bénéficiaires en 2013, ce qui est en lien avec la suppression du droit de timbre de 30 euros. Le coût des dépenses de santé couvertes par l'AME a augmenté de 2,5 %. Ces deux évolutions ne me choquent pas et je suis convaincu de la nécessité qu'il y avait à supprimer le droit de timbre qui limitait l'accès aux soins. Or plus l'accès est précoce, moins les soins sont coûteux.

Madame Roche, nous partageons le souhait de lutter contre la désertification médicale. S'agissant des SSR, ils relèvent du budget de la sécurité sociale.

EXAMEN DES AMENDEMENTS

La commission examine les trois amendements soumis par le rapporteur.

M. Dominique Watrin, rapporteur pour avis. - L'amendement n° 1 rétablit pour 2014 une dotation de 50 millions d'euros au Fiva, montant de la subvention en 2012. L'amendement n° 2 est un amendement de repli qui fixe cette dotation à 30 millions d'euros. Ainsi que je vous l'ai annoncé, l'amendement n° 3 vise les recettes et entend rétablir au profit de l'Etat la contribution qui existait de 2004 à 2009 au profit du Fcaata sur les entreprises ayant exposé leurs salariés à l'amiante.

M. Jean-Pierre Godefroy . - Nous avons discuté au moment de l'examen du PLFSS de la nécessité pour l'Etat de financer le Fiva, d'une part en raison de sa double responsabilité dans l'affaire de l'amiante mais surtout parce qu'il a un besoin important de financement. Le règlement des dossiers d'indemnisation s'est accéléré, ce qui est une bonne nouvelle, mais le Fiva a été obligé de puiser dans ses fonds propres en octobre pour finir l'année 2013. La dotation de la branche AT-MP au Fiva est multipliée par trois en 2014 et nous sommes d'accord qu'il n'est pas possible que la dotation de l'Etat soit nulle.

Les crédits que nous affectons au Fiva sont néanmoins déduits du programme 204 et pour cette raison nous ne sommes pas favorables à l'amendement qui propose de rétablir la dotation à hauteur de 50 millions d'euros. Nous voterons pour notre part l'amendement n° 2 qui rétablit une dotation à hauteur de 30 millions d'euros.

Mme Catherine Deroche . - Il était effectivement impossible de présenter un amendement de réduction de la dotation de la branche AT-MP au Fiva lors de l'examen du PLFSS en raison des besoins important du fonds. Sur la nécessité de rétablir une dotation de l'Etat au Fiva et sur le choix d'un montant de 30 millions d'euros, je rejoins l'analyse de Jean-Pierre Godefroy.

M. Jean-Pierre Godefroy . - S'agissant de l'amendement n° 3, destiné à créer une nouvelle recette, nous n'y sommes pas favorables. En effet, le système mis en place de 2004 à 2009 était particulièrement complexe au point qu'en 2009, les rendements étaient devenus faibles et le coût de recouvrement très important. Je ne pense pas que ce dispositif puisse apporter des ressources à la hauteur de ce qui est espéré. Par ailleurs, il crée un problème pour la reprise des entreprises alors que les repreneurs ou nouveaux actionnaires ne sont pas responsables de l'exposition à l'amiante.

Mme Catherine Deroche . - Je pense que l'amendement de recette brouille le message que nous souhaitons adresser au Gouvernement. Il faut que l'Etat assume ses responsabilités et vous nous proposez de faire payer les entreprises. Nous voterons contre ce troisième amendement.

Mme Aline Archimbaud . - Notre groupe votera l'amendement n° 2 qui fixe la dotation de l'Etat au Fiva à 30 millions d'euros afin de marquer qu'il doit assumer sa responsabilité de manière continue.

Mme Isabelle Pasquet . - Il ne paraît pas anormal au groupe CRC de rétablir la dotation de l'Etat au Fiva à son niveau de 2012, soit 50 millions d'euros. Par ailleurs, nous estimons que tout financement supplémentaire est intéressant et marque vis-à-vis du Gouvernement notre volonté de prendre en compte la situation économique actuelle.

M. Gérard Roche . - Le groupe UDI-UC est défavorable à l'amendement n° 3 et favorable à l'amendement n° 2 fixant la dotation au Fiva à 30 millions d'euros.

Mme Annie David, présidente. - J'ai une mémoire précise de la suppression en 2009 de la contribution des entreprises ayant exposé leurs salariés à l'amiante. Certes, le dispositif était complexe mais l'opposition de l'époque avait contesté la suppression. Les rendements étaient modestes mais la volonté politique de recouvrer les sommes dues manquait peut-être. Par ailleurs, s'agissant de la reprise des entreprises, il ne faut pas qu'elle serve de prétexte pour contourner les obligations légales. Une solution possible est de déduire les montants dus au titre de l'exposition à l'amiante du prix de la vente. Cela ne pénalisera pas les repreneurs.

La commission adopte l'amendement n° 2.

M. Alain Milon . - S'agissant de l'avis de la commission sur les crédits de la mission, nous suivrons l'avis de rejet du rapporteur mais nous ne partageons pas ses orientations qui tendent vers une socialisation de la médecine qui nous paraît inadaptée aux réalités de terrain.

M. Gérard Roche . - Incontestablement, des économies sont nécessaires et il y a des points positifs dans ce budget mais il n'aborde pas des questions qui sont pour nous essentielles comme le parcours de soins. Nous voterons donc contre les crédits sans toutefois partager l'analyse du rapporteur.

M. Jacky Le Menn . - Pour notre part, nous voterons contre l'avis du rapporteur car nous sommes favorables à l'adoption des crédits de cette mission.

M. Gilbert Barbier . - Je ne prendrai pas part au vote.

Mme Aline Archimbaud . - Nous voterons contre l'avis du rapporteur car nous estimons qu'un débat démocratique est nécessaire sur ces questions importantes et je regrette qu'à nouveau il semble ne pas pouvoir avoir lieu.

Mme Annie David, présidente. - Je vous rappelle, mes chers collègues, que le vote que nous émettons ici n'empêche aucunement d'avoir le débat en séance publique.

La commission adopte un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Santé ».

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR POUR AVIS

___________

• Institut national du cancer (INCa)

Agnès Buzyn , présidente

• Direction régionale de la santé (DGS)

Christian Poiret , adjoint au directeur général de la santé

Franck Nemiche , adjoint au chef de bureau du budget, de la performance et du contrôle interne

• Direction générale de l'offre de soins (DGOS)

Clara de Bort , chef de département

Robert Touret , adjoint au chef de la mission chargée de l'administration générale

• Agence de la biomédecine

Emmanuelle Prada-Bordenave , directrice générale

• Fédération nationale des centres de santé

Richard Lopez , directeur du service santé

• Médecins du monde

Jean-François Corty , directeur de la Mission France

Anne-Lise Denoeud , juriste

Maria Melchior , secrétaire générale adjointe

• Institut de veille sanitaire (InVS)

Françoise Weber , directrice générale
Adrien Debever , chargé de mission auprès de la directrice générale

• Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (INPES)

Than Le Luong , directrice générale

Philippe de Bruyn , directeur des ressources internes

• Fédération des maisons et pôles de santé (FFMPS)

Pierre de Haas , président

• Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM)

Dominique Maraninchi , directeur général

Béatrice Gueneau-Castilla

• Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses)

Martial Mettendorff , directeur général adjoint

Alima Marie , directrice information, communication et dialogue avec la société


* 1 Un projet global pour la stratégie nationale de santé 19 recommandations du comité des sages juin 2013.

* 2 « L'impact du regroupement pluriprofessionnel sur l'offre de soins », Questions d'économie de la santé, n° 190, juillet-août 2013.

* 3 « Les personnes recourant aux 21 centres de santé de l'étude Epidaure-CDS sont-elles plus précaires ?», Questions d'économie de la santé, n° 165, mai 2011.

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