B. LES ORIENTATIONS STRATÉGIQUES D'EADS ÉVOLUENT RADICALEMENT

1. L'aéronautique civile prend le pas sur les activités militaires

La tentative de fusion entre EADS et BAE Systems , initiée en 2012, s'inscrivait dans le cadre de la Stratégie 2020 qui prévoyait de rééquilibrer les activités civiles et militaires d'EADS. Son échec, notamment pour des raisons politiques, a entraîné, en 2013, une remise à plat de la gouvernance puis de la stratégie du groupe, avec pour objectif de transformer EADS en entreprise « normale ».

Le pacte d'actionnaires a été redéfini : les parts de Daimler et Lagardère ont été cédées et la participation des États limitée à 12 % pour maintenir la parité entre l'Allemagne et la France. Les prises de participation supérieures à 15 % ont été interdites statutairement pour éviter tout risque d'OPA hostile. De plus , les États n'ont plus de représentant direct au conseil d'administration . Afin de sauvegarder certains intérêts essentiels étatiques (notamment en matière de défense et de dissuasion), une holding spéciale Astrium Holding France a été créée, incluant trois représentants de l'État (non fonctionnaires), nommés par EADS et validés par l'État. Deux d'entre eux siègent au conseil d'administration d'EADS. Par ailleurs, les conventions relatives à la dissuasion ont été actualisées et confirmées.

Le groupe a également présenté de nouvelles orientations stratégiques, symbolisées par une profonde restructuration de ses activités. La nouvelle stratégie abandonne l'idée de rééquilibrer les activités civiles et militaires , au profit d'une répartition à 80 % en faveur de l'aéronautique civile. En effet, les mauvaises perspectives du secteur de la défense (budgets en net recul en Europe et absence de programmes majeurs à venir) contrastent avec les résultats en plein essor des ventes civiles d'avions commerciaux (près de 70 % du chiffre d'affaires du groupe).

Ainsi, les activités liées à l'espace et à la défense, actuellement réparties entre les filiales Cassidian, Airbus Military et Astrium, vont être consolidées au sein d'une même entité intitulée « Space & Defense ». Symboliquement, EADS devrait également abandonner son propre nom au profit de celui d'Airbus pour mieux tirer profit de la notoriété et de l'image de marque dont jouit l'avionneur dans le monde entier. Annoncée fin juillet, cette restructuration sera effective en 2014.

2. Le centre de gravité du groupe se déplace progressivement vers l'Asie

Au-delà du discours nécessairement rassurant du groupe sur la solidité de son enracinement européen, EADS envisage son avenir sur notre territoire mais aussi de plus en plus à l'international.

Les relais de croissance se situent en Asie et au Proche-Orient. Le chiffre d'affaires du groupe a bondi de 7 à 25 % entre 2002 et 2011 en Asie, contre une baisse de 40 à 13 % en Amérique et de 48 à 46 % en Europe. Aujourd'hui, la majeure partie du carnet de commandes d'Airbus se trouve à l'Est. Et dans les faits, on observe bien que le groupe dessine peu à peu la carte de son implantation en Chine , qui va bien au-delà de la seule chaîne d'assemblage d'A320 à Tianjin. Des partenariats se tissent avec des entreprises d'Harbin, Chengdu, Xi'an, Shenyang, Shanghai. Un centre d'ingénierie est implanté à Pékin, et le groupe se rapproche localement de centres de formation et de recherche coopérative. Des lots entiers du nouvel A350XWB seront confiés à l'industrie chinoise, comme les gouvernes de direction et de profondeur, ou les panneaux sandwich du carénage ventral.

Dans une perspective de stricte efficacité économique, i l est normal qu'une entreprise cherche à se rapprocher de son marché cible et qu'elle y élabore un tissu industriel. Mais il y a lieu de veiller à ce que cela ne se traduise pas par moins d'activité sur notre territoire. La croissance globale des commandes nous prémunit pour l'instant contre ce risque. Plus largement, c'est toute la question de la stratégie de l'État actionnaire qui est posée .

Nous atteignons en effet des seuils stratégiques où les cessions d'actifs n'ont pas seulement des conséquences financières. Le poids de l'État au conseil d'administration d'EADS devient insignifiant, et, derrière, notre capacité à impulser des orientations stratégiques à long terme disparaît . Or il est un point sur lequel toutes les théories économiques s'accordent : l'État est le seul garant des orientations à long terme. Le secteur aérien est un secteur de long terme, dans lequel le moindre investissement se calcule à horizon vingt ou trente ans. Il ne faut pas que l'État se dépossède de tous ses leviers d'action dans ce domaine .

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