B. UNE DÉGRADATION CONTINUE DU PARC IMMOBILIER DE LA GENDARMERIE ET DE LA POLICE NATIONALES

1. Un parc immobilier conséquent

- Le parc domanial de la gendarmerie nationale

Pour les gendarmes, le bénéfice d'un logement est un élément essentiel qui participe de leur statut : en tant que militaires, ils ont une obligation de disponibilité en tout temps et en tout lieu 9 ( * ) .

En 2012, le parc immobilier se répartit entre des locaux administratifs et techniques, pour 4,6 millions de m 2 , et des logements des familles des militaires, pour 6,4 millions de m 2 .

La gendarmerie occupe 3 906 casernes dont 676 domaniales . Les 3 230 casernes restantes sont louées aux collectivités territoriales et à des partenaires privés. Par ailleurs, pour compléter les logements en caserne, 8 734 logements sont pris à bail en dehors des casernes. Les 676 casernes domaniales représentent près de 31 604 logements , soit près de la moitié des logements en casernes.

Situation du parc immobilier de la gendarmerie au 1 er juillet 2013

modes de logement*

Nombre

Logements

%

Casernes**
casernes domaniales
casernes locatives

3 906
676
3 230

64 887
31 604
33283

86,4
42,1
44,3

Ensemble immobiliers locatifs

134

1 477

2%

Prises à bail individuelles

Sans objet

8 734

11,6%

TOTAL

75 098

100%

Source : gendarmerie nationale

* : seuls les logements familiaux sont pris en compte

** : une caserne est une enceinte militaire clôturée sur la totalité de sa périphérie en vue d'éviter les intrusions et pour laquelle diverses mesures de sécurité sont mises en oeuvre. Une caserne est composée de locaux de service, de locaux techniques et de logements permettant aux militaires et à leurs familles de résider sur place.

Les prises à bail individuelles ont fait l'objet d'une forte réduction depuis 2008, en raison du nombre de logements supplémentaires disponibles dans les casernes, à la suite de la réduction des effectifs : de 2008 à 2013, les prises à bail ont diminué de près de 35%.

- Le parc domanial de la police nationale

Le parc immobilier de la police nationale est constitué de bâtiments tels que des commissariats ou hôtels de police, des écoles de formation, les cantonnements et casernement des compagnies républicaines de sécurité, les bâtiments de la police aux frontières, de la police judiciaire et des services du renseignement intérieur ainsi que des locaux annexes de types stands de tirs, garages ou ateliers.

En 2013, les services de police et les services de soutien sont implantés sur 1902 sites représentant 2,77 millions de m 2 . La répartition entre parc locatif et parc domanial est sensiblement différente de celle de la gendarmerie nationale puisque 450 000 m 2 , soit 16% seulement du total, sont loués.

2. Un parc immobilier souffrant d'un sous-investissement chronique

- Une situation préoccupante pour les logements de la gendarmerie nationale

Le parc locatif a bénéficié d'un effort de construction et de rénovation, notamment de la part des collectivités territoriales, mais le parc domanial a subi une dégradation progressive. Le parc de logement a en effet près de 40 ans d'âge .

Notre collègue Jean-Vincent Placé, dans son rapport d'information n° 91 consacré aux investissements dans la police et dans la gendarmerie, a souligné l'état très dégradé de l'immobilier de la gendarmerie nationale 10 ( * ) .

Il remarque ainsi que « la DGGN ne dispose pas même des moyens budgétaires pour entretenir le parc domanial (...) sur la période allant de 2013 à 2015, la gendarmerie se retrouve ainsi dans l'incapacité financière de procéder à un réel effort d'investissement dans le domaine immobilier. » 11 ( * )

Il ressort en effet de diverses études qu'environ 300 millions d'euros par an seraient nécessaires pour réhabiliter le parc immobilier de la gendarmerie, dont 200 millions d'euros pour des constructions de casernes ou des réhabilitations lourdes et 100 millions d'euros de maintenance lourde.

Pour l'année 2013, 52,4 millions d'euros (AE) ont été dédiés à la maintenance et à l'entretien des casernements ; en 2014, 56 millions d'euros (AE) seront consacrés aux dépenses de maintenance lourde et d'entretien, sur environ 150 millions d'euros en principe nécessaires pour ces postes, soit près de trois fois moins que les crédits théoriquement nécessaires.

Lors de son audition par votre rapporteur, le général Denis Favier, directeur général de la gendarmerie nationale, a souligné les conséquences d'un parc immobilier vétuste, les gendarmes hésitant à occuper les logements mis à leur disposition, certaines casernes étant même parfois fermées pour des raisons de sécurité.

Sans doute, la direction de la gendarmerie nationale se voit-elle attribuer une partie des ressources résultant des cessions de certaines de ses emprises, par le biais du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État », mais cette ressource est insuffisante pour faire face aux dépenses nécessaires.

Le compte d'affectation spéciale (CAS) « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » a été créé en 2005 pour financer la restructuration du parc immobilier de l'État, au moyen de recettes de cession d'actifs immobiliers. Il se donnait pour but d'inciter aux cessions immobilières les ministères, en leur attribuant un taux de retour, qui atteint 60 % en 2012, sur le produit de leurs cessions. Ce taux est porté en 2012 à 80 % pour les projets immobiliers locaux (PIL) dans le cadre de la réforme de l'administration territoriale (RéATE). Il est de 100 % pour les biens du ministère de la Défense et pour les biens à l'étranger.

Source : Cour des comptes, analyse de l'exécution du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État », mai 2013, p. 4 .

Le rattachement de la gendarmerie nationale au ministère de l'intérieur, à compter du 1 er janvier 2009, a engendré une modification des règles de versement sur le CAS des produits de cession de ses biens immobiliers. Avant le 1 er janvier 2009, le versement du montant des cessions était effectué à hauteur de 100% . Depuis cette date, le montant des cessions est diminué d'un pourcentage qui évolue chaque année au profit du désendettement de l'État et de 20% destinés au soutien de l'État à d'autres ministères. Ainsi, le retour des cessions ne se fait plus qu'à hauteur de 55% au profit de la gendarmerie ; il sera de 50 % en 2014 .

Votre rapporteur observe d'ailleurs que la Cour des comptes, dans son rapport d'analyse de l'exécution du compte d'affectation spéciale « G estion du patrimoine immobilier de l'État », en mai 2013, recommande d'« accroître plus fortement en 2014 la contribution au désendettement de l'État pour tous les biens. ».

À l'avenir, il est donc probable que des montants aujourd'hui déjà insuffisants seront encore fortement réduits.

Produits perçus au titre des cessions immobilières
de biens de la gendarmerie nationale, en euros

Années

Produits des cessions

Versements sur le CAS

2012

19 896 611

11 257 266

2013 Réalisé

Prévision de cessions

38 550 951

39 529 175

21 370 141

14 804 567

2014*

43 768 882

21 583 195

2015*

45 458 560

17 979 280

2016* et 2017*

20 962 000

15 981 000

* : Prévisions
Source : DGGN

- La situation non moins difficile de l'immobilier de la police nationale

En premier lieu, les ressources consacrées à l'entretien du parc immobilier de la police nationale ont connu une baisse très sensible, notamment depuis 2008, puisque pour l'année 2013, 60,4 millions d'euros seront consacrés au financement de travaux d'entretien du parc immobilier (contre 80 millions d'euros en 2008 12 ( * ) ).

En second lieu, votre rapporteur constate une baisse continue des crédits disponibles dédiés aux constructions immobilières. En 2013, 90 millions d'euros 13 ( * ) (CP) seront consacrés aux projets de constructions immobilières. Ce rationnement des ressources s'est traduit par la baisse du financement des opérations de format intermédiaire, soit, en pratique, le relogement des commissariats de police.

Comme le souligne notre collègue Jean-Vincent Placé, dans son rapport d'information précité, ces projets essentiels, car permettant une meilleure couverture de la sécurité dans les territoires, ont été victimes d'un effet d'éviction en raison des projets d'ampleur effectués en Île-de-France 14 ( * ) .

- Des conséquences directes sur le moral des agents des forces de l'ordre

Dès lors, votre rapporteur s'inquiète de la faiblesse des dotations accordées par le projet de loi de finances pour 2014 aux opérations de maintenance et de réhabilitation du parc domanial de la gendarmerie et de la police nationales.

Les syndicats de policiers entendus par votre rapporteur ont souligné que la vétusté des locaux pesait sur le moral des agents.

Par ailleurs, le déficit d'investissement diminue fortement, irrémédiablement parfois, la valeur des ensembles immobiliers.

Votre rapporteur ne peut que réitérer ici les préoccupations qu'elle avait déjà exprimées l'an passé dans son rapport pour avis.


* 9 Article L. 4121-5 du code de la défense.

* 10 http://www.senat.fr/rap/r13-091/r13-0911.pdf p. 91.

* 11 Rapport précité, p. 95.

* 12 Un point bas a été atteint en 2011, à 56,3 millions d'euros, puis les crédits d'entretien ont été à nouveau graduellement augmentés.

* 13 Sans compter le projet de transfert de la direction régionale de la police judiciaire dans le quartier des Batignolles.

* 14 Rapport précité, p. 97.

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