B. DES MOYENS DE DROIT COMMUN MOBILISÉS PAR PRIORITÉ

1. La confirmation dans la loi d'un principe essentiel pour la réussite de la politique de la ville

Le quatrième alinéa de l'article premier, tel qu'issu des travaux de la commission des affaires économiques, confirme, en le consacrant au niveau de la loi , le principe selon lequel les politiques de droit commun doivent prioritairement être appelées pour les actions menées dans les quartiers prioritaires, avant toute mobilisation des crédits spécifiques.

Les « instruments » propres à la politique de la ville ne doivent ainsi être mis en oeuvre que « lorsque la nature des difficultés le nécessite ».

Pour rappel, le rapport de la Cour des comptes de juillet 2012, relatif à la politique de la ville 6 ( * ) , mettait en évidence la faible mobilisation des politiques publiques dans les quartiers. Ainsi, malgré une mobilisation théoriquement prioritaire des financements de droit commun, les crédits de la politique de la ville ne devant que venir s'y ajouter afin de réduire les écarts de développement entre les quartiers, la Cour des comptes constatait que ce principe était en pratique appliqué de façon très limitée.

Elle met également en évidence, dans son rapport, sa difficile mesure, avec une « absence effective d'identification et de suivi des crédits de droit commun ». Déjà en 2007, ces difficultés d'évaluation avaient également été mises en évidence dans le rapport de votre commission des finances, suite à une enquête demandée à la Cour des comptes dans le cadre de l'article 58-2 de la LOLF, sur la gestion des crédits d'intervention de l'État au titre de la politique de la ville 7 ( * ) .

Les crédits de l'État consacrés à la politique de la ville sont, en principe, retracés dans le document de politique transversale « Ville » annexé chaque année au projet de loi de finances. Il a notamment vocation à retracer l'effort financier consacré par l'État à la politique de la ville, avec les contributions de chaque programme, pour les deux années passées et l'exercice budgétaire à venir. Pour 2014, l'ensemble des contributions était chiffré à 4,3 milliards d'euros dans le document de politique transversale.

Évaluation des crédits consacrés à la politique transversale

Exécution 2012

LFI 2013

PLF 2014

Numéro et intitulé du programme

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

147

Politique de la ville

495 255 514

503 568 132

503 604 867

503 687 165

492 688 099

481 400 000

135

Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat

352 506

1 111 427

294 026

294 026

252 768

252 768

123

Conditions de vie outre-mer

312 454 371

258 624 472

329 407 911

273 343 914

328 828 433

299 066 404

102

Accès et retour à l'emploi

396 509 876

346 703 235

751 339 056

352 331 516

582 027 243

552 173 185

103

Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi

944 981

944 981

1 180 505

1 180 505

1 180 505

1 180 505

134

Développement des entreprises et du tourisme

7 842 000

7 842 000

7 300 000

7 300 000

7 000 000

7 000 000

307

Administration territoriale

29 285 958

29 285 958

29 664 244

29 664 244

30 159 883

30 159 883

148

Fonction publique

3 200 000

3 200 000

3 200 000

3 200 000

3 200 000

3 200 000

101

Accès au droit et à la justice

18 124 497

18 155 046

18 013 942

18 013 942

19 948 400

19 948 400

182

Protection judiciaire de la jeunesse

14 890 790

14 890 790

15 651 728

15 651 728

16 002 302

16 002 302

107

Administration pénitentiaire

3 206 937

3 206 937

3 576 744

3 576 744

4 044 687

4 044 687

176

Police nationale

1 423 590 098

1 433 926 618

1 513 461 322

1 501 407 830

1 507 700 892

1 520 753 050

152

Gendarmerie nationale

133 035 553

132 518 894

130 914 295

132 213 272

131 680 698

132 786 155

178

Préparation et emploi des forces

6 544 535

6 544 535

5 828 600

5 828 600

6 243 957

5 828 800

212

Soutien de la politique de la défense

347 325

347 325

480 000

480 000

480 000

480 000

140

Enseignement scolaire public du premier degré

448 580 489

448 580 489

469 676 221

469 676 221

468 759 066

468 759 066

141

Enseignement scolaire public du second degré

441 741 947

441 741 947

452 381 773

452 381 773

447 733 472

447 733 472

139

Enseignement privé du premier et du second degrés

507 581

507 581

419 458

419 458

419 458

419 458

230

Vie de l'élève

160 505 918

160 505 918

166 501 588

166 501 588

166 628 257

166 628 257

219

Sport

3 041 710

3 041 710

2 550 000

2 550 000

1 323 600

1 323 600

163

Jeunesse et vie associative

41 579 350

41 806 434

45 770 411

45 770 411

45 430 011

45 430 011

129

Coordination du travail gouvernemental

1 600 000

1 600 000

204

Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins

15 900 000

16 100 000

12 090 000

12 090 000

11 440 000

11 440 000

124

Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative

29 962 126

30 527 284

42 239 857

42 239 857

36 885 933

36 885 933

Total

3 989 004 062

3 905 281 713

4 505 546 548

4 039 802 794

4 310 057 664

4 252 895 936

Source : commission des finances du Sénat d'après le document de politique transversale « Ville » annexé au projet de loi de finances pour 2014.

Pour autant, ce document est incomplet, puisqu'il ne comprend pas le montant associé à certains programmes ou actions, et parfois inexact, dans la mesure où les crédits peuvent être sujets à caution et que les méthodes de calculs sont contestées et non harmonisées. Compte tenu de ces éléments, tout exercice de comparaison est rendu difficile.

Votre rapporteur considère que la mobilisation des politiques publiques de droit commun est effectivement essentielle . Il est certain que le budget alloué chaque année par l'État au titre de la politique de la ville, qui s'établit à 505,466 millions d'euros en autorisations d'engagement et 496,178 millions d'euros en crédits de paiements dans la loi de finances pour 2014 8 ( * ) , ne peut, en aucun cas, répondre à lui seul aux besoins de ces quartiers. Il n'est que marginal comparé aux moyens dont disposent les politiques de droit commun.

2. La recherche d'une meilleure identification et territorialisation des crédits de droit commun

Le projet de loi souhaite réaffirmer la nécessité de territorialiser les politiques publiques de droit commun à destination des quartiers prioritaires au titre de la politique de la ville. Tel est l'objet de l'inscription dès l'article premier du projet de loi qui définit la politique de la ville, du principe de mobilisation prioritaire des crédits de droit commun. Il s'agit également de mieux les identifier .

Dans le même esprit, et comme le présent rapport le présentera plus amplement infra , l'article 5 du projet de loi prévoit également que les nouveaux contrats de ville , conclus à l'échelle intercommunale, puissent être signés par d'autres acteurs de la politique de la ville que le représentant de l'État, les communes et l'EPCI concernés, compte tenu des moyens qu'ils sont susceptibles de déployer.

Par ailleurs, s'agissant des crédits de l'État et suite à une circulaire du Premier ministre, en date du 30 novembre 2012, François Lamy, ministre délégué chargé de la ville, signe avec les autres ministères chargés des politiques de droit commun des conventions « d'objectifs, de méthode et de moyens », tendant à préciser les modalités de mise en oeuvre de leurs actions spécifiquement dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. Ce dispositif répond notamment aux recommandations de la Cour des comptes dans son rapport précité de juillet 2012 sur la politique de la ville 9 ( * ) .

Ainsi, dix conventions ont d'ores et déjà été conclues à ce titre avec d'autres ministères 10 ( * ) . Elles ont permis de prévoir plusieurs actions concrètes et désormais engagées, dont notamment :

- la mobilisation d'un pourcentage déterminé d'emplois d'avenir en faveur des jeunes des quartiers prioritaires, avec 20 % en 2013, 25 % en 2014 et 30 % en 2015 ;

- le ciblage de 25 % des créations de poste dans l'éducation nationale pour les dispositifs de scolarisation des enfants à deux ans et l'initiative « plus de maîtres que de classes » ;

- la création des zones de sécurité prioritaire qui recouvrent, pour 63 des 64 premières, un quartier de la politique de la ville ;

- le désenclavement de ces zones comme critère prioritaire de sélection des projets dans le cadre de l'appel à projets « Transports collectifs et mobilité durable » lancé par le ministère délégué aux transports ;

- l'amélioration de l'offre de soins, avec le développement de centres et de maisons de santé dans les quartiers présentant un déficit.

Une convention a, par ailleurs, été signée avec Pôle emploi afin de mettre en place un service renforcé en faveur des demandeurs d'emploi des quartiers. Elle prévoit notamment que 400 des 2 000 créations de poste prévues pour 2013 à Pôle emploi soient ciblées dans les zones des quartiers prioritaires.

La convention d'objectifs et de gestion conclue entre l'État et la CNAF prévoit également que les actions des caisses d'allocations familiales soient prioritairement déclinées dans les quartiers prioritaires.

S'agissant de l'évaluation de la mobilisation des crédits de droit commun au service de la politique de la ville , le ministère délégué en charge de la ville a indiqué à votre rapporteur que, suite au rapport inter-inspections rendu en 2012 sur une meilleure identification des moyens de droit commun mobilisés dans le cadre de la politique de la ville, il oeuvrait actuellement à l'amélioration de la qualité et de la fiabilité de ce document de politique transversale pour les exercices à venir. Votre rapporteur considère que ce travail est effectivement indispensable et doit être mené dans les meilleurs délais.

Par ailleurs, un groupe de travail relatif à la territorialisation des moyens de droit commun de l'État a été constitué afin d'améliorer le recensement et le chiffrage des crédits consacrés aux quartiers prioritaires et leurs habitants au niveau régional et départemental . Il a pour objectif d'élaborer un outil de suivi commun de ces dotations qui, sans avoir vocation à recenser les moyens déployés de façon exhaustive, permettra d'identifier les lignes budgétaires des budgets opérationnels de programmes (BOP) dont le suivi semble le plus pertinent sur l'ensemble du territoire, tout en permettant aux services déconcentrés d'en ajouter en fonction des besoins identifiés. Cet outil devrait ensuite être expérimenté sur plusieurs sites tests.

Le Gouvernement indique également qu'une réflexion est actuellement menée pour établir la méthode permettant de suivre le plus finement possible les moyens de droit commun déployés à l'échelle intercommunale dans le cadre des contrats de ville .

Cette mobilisation des politiques publiques de droit commun ne concerne pas uniquement l'État. Les collectivités territoriales doivent également participer.

Les crédits consacrés à la politique de la ville par les collectivités territoriales s'avèrent actuellement difficilement identifiables, comme l'avait notamment mis en évidence le rapport précité de la Cour des comptes en juillet 2012.

L'article L. 1111-2 du code général des collectivités territoriales (CGCT) prévoit, pour les communes et EPCI ayant signé des contrats d'objectifs et de moyens relevant de la politique de la ville ou ayant bénéficié de la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale (DSU), la présentation d'un rapport annuel à leur assemblée délibérante « sur les actions menées en matière de développement social urbain », communément appelé « rapport DSU ».

Le 1° de l'article 8 modifie l'article du CGCT précité afin, d'une part, de limiter ce rapport aux communes ayant bénéficié de la DSU.

D'autre part, un rapport supplémentaire est prévu pour les communes et EPCI ayant signé un contrat de ville. Celui-ci porte « sur la situation de la collectivité au regard de la politique de la ville, les actions qu'elle mène sur son territoire et les orientations et programmes de nature à améliorer cette situation ». Ce rapport est présenté aux assemblées délibérantes et fait l'objet d'un débat. Le contenu et les modalités d'élaboration de ce rapport sont renvoyés à un décret en Conseil d'État.

Les communes bénéficiant de la DSU et qui signeront un contrat de ville devront donc présenter deux rapports ; c'est pourquoi, à l'initiative de son rapporteur, notre collègue Claude Dilain, la commission des affaires économiques a prévu que dans ce cas, le « rapport DSU » serait inclus dans le rapport « Politique de la ville ».

Votre rapporteur se félicite de l'introduction de cette simplification.

L'Assemblée nationale, à l'initiative du rapporteur de sa commission des affaires économiques, a introduit un b au 1° prévoyant que les éléments de ce rapport fassent l'objet d'une consultation préalable « du ou des conseils citoyens présents sur le territoire », qui est communiquée aux conseils municipal et communautaire.

S'agissant du 2° de l'article 8, pour reprendre les termes de l'étude d'impact, il crée « l'annexe « politique de la ville » aux budgets des établissements publics de coopération intercommunale et des communes concernées par les contrats de ville » afin de permettre « le suivi des dépenses spécifiques et de droit commun des collectivités en faveur des quartiers de la politique de la ville ».

Cette annexe aurait vocation à retracer les recettes et les dépenses correspondant aux engagements pris dans le cadre des contrats de ville, quelle que soit leur origine (départementale, régionale, ou de toute autre partie au contrat). Elle devrait distinguer « les moyens qui relèvent de la politique de la ville de ceux qui relèvent du droit commun ».

Cependant, la rédaction du dispositif pourrait laisser penser qu'il ne s'agit pas d'une simple annexe au budget, mais bien d'un véritable budget annexe, comme l'a indiqué à votre rapporteur la direction générale des collectivités locales (DGCL). Votre commission des finances vous propose donc un amendement de précision , afin de s'assurer que ladite annexe ne sera pas un budget annexe.

Il convient également de préciser que deux conventions-cadres signées en 2013 par le ministre délégué à la ville avec respectivement l'association des régions de France (ARF) et l'assemblée des départements de France (ADF) prévoient notamment que les régions et les départements doivent s'engager dans les contrats de ville, territorialiser leurs politiques et flécher 10 % des fonds européens dont la gestion leur est confiée sur les quartiers prioritaires de la politique de la ville.

Votre rapporteur espère que les crédits de droit commun pourront réellement être davantage mobilisés au service de la politique de la ville et que l'évaluation qui en est faite sera, effectivement, prochainement améliorée .


* 6 Rapport public thématique de la Cour des comptes, « La politique de la ville, une décennie de réformes », juillet 2012.

* 7 Rapport n° 71 (2006-2007) de M. Phillippe Dallier, au nom de la commission des finances du Sénat, « Politique de la ville : une efficacité entravée », sur l'enquête de la Cour des comptes relative aux crédits d'intervention de la politique de la ville.

* 8 Loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014.

* 9 « Établir au niveau national des conventions entre le ministère de la ville et les autres ministères, organisant les méthodes et les engagements financiers de cette mobilisation. » p. 132.

* 10 Ministre des sports, de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative, ministre des affaires sociales et de la santé, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, ministre de l'intérieur, ministre de la justice, ministre de la défense et ministre délégué aux anciens combattants, ministre de l'éducation nationale et ministre déléguée à la réussite éducative, ministre des droits des femmes, ministre délégué aux transports, ministre de l'artisanat, du commerce et du tourisme.

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