EXPOSÉ GÉNÉRAL

I. LES CONSÉQUENCES DE LA DIÉSELISATION DU PARC AUTOMOBILE FRANÇAIS

A. UN RISQUE SANITAIRE ET ENVIRONNEMENTAL MAJEUR LIÉ AUX ÉMISSIONS DE PARTICULES FINES

1. Les moteurs diesel émettent des particules fines, nocives pour la santé

L'impact négatif des carburants sur le réchauffement climatique et sur la qualité de l'air est connu depuis longtemps. Le secteur des transports est aujourd'hui le premier responsable d'émission de gaz à effet de serre en France. En 2011, il représentait 27 % des émissions totales. La France s'est fixé comme objectif de réduire les émissions de ce secteur de 20 % d'ici à 2020.

Aujourd'hui, les véhicules thermiques émettent en moyenne moins de CO 2 qu'il y a vingt ans, qu'ils fonctionnent à l'essence ou au gazole. La moyenne des émissions de CO 2 des véhicules neufs vendus en France était en 2012 de 124 g par kilomètre, soit une baisse de 25 g en 5 ans. Les véhicules diesel émettent environ 123 g de CO 2 par kilomètre contre 127 g pour les véhicules essence.

La France a donc atteint l'objectif du compromis européen signé le 17 décembre 2008 et adopté par le Parlement européen qui prévoyait de ramener la moyenne des émissions de CO 2 des voitures neuves à 130 g par km avant 2015.

Source : ADEME

Mais d'autres substances sont aujourd'hui en cause dans la pollution atmosphérique, notamment les particules fines (PM) et les oxydes d'azote (NOx) , que l'on retrouve dans les fumées émises par les moteurs diesel.

La taille des particules fines peut varier de moins de 2,5 micromètres (PM 2,5) à 10 micromètres (PM 2,5-10) et les plus petites pénètrent très profondément dans les poumons et s'accumulent dans les alvéoles. Elles peuvent parfois franchir la barrière des alvéoles pulmonaires pour passer dans le sang et potentiellement contaminer tout le corps.

Si les particules fines sont des polluants dont les sources peuvent être multiples (naturelles, humaines ou industrielles), la part du secteur des transports est importante dans leur émission.

En France, les émissions de PM 2,5 sont majoritairement dues aux résidences d'habitation (chauffage au fioul) et à l'activité tertiaire, mais aussi à l'industrie manufacturière et au transport routier. De la même manière, selon le Ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, le secteur des transports est à l'origine de plus de la moitié des émissions d'oxydes d'azote .

Au sein du secteur du transport, on estime que les véhicules diesel sont à l'origine d'une grande part des émissions de particules fines.

L'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) a établi que pour l'année 2010, en France métropolitaine, le transport routier avait contribué à hauteur de 19 % aux émissions de PM 2,5 dans l'air. Cependant, des disparités régionales existent : l'Ile-de-France, par exemple, voit les émissions du trafic routier contribuer à hauteur de 26 % aux émissions de PM 2,5 qui sont mesurées en termes de concentrations massiques, sans indication sur l'origine de ces particules.

D'une manière générale, l'exposition à ces particules fines entraîne un vieillissement prématuré et affecte surtout l'appareil cardio-vasculaire. Elles sont également à l'origine de pathologies pulmonaires , comme la bronchite ou l'asthme, causées par une inflammation des alvéoles pulmonaires. Les particules les plus grosses qui restent bloquées au niveau des voies aériennes supérieures peuvent également provoquer des affections comme la pharyngite ou la trachéite, notamment chez les enfants.

Un impact des particules fines issues du trafic routier sur les naissances prématurées et le faible poids de naissance a par ailleurs été observé, y compris en ce qui concerne spécifiquement les particules émises par les moteurs diesel en Californie 1 ( * ) .

L'Institut de veille sanitaire relève aussi que l'exposition aux particules aggrave les symptômes de pathologies chroniques en quelques heures ou quelques jours après l'exposition, y compris à des concentrations faibles.

2. Un risque cancérogène pour l'homme selon l'Organisation mondiale de la santé

Les chiffres dont nous disposons aujourd'hui ne permettent pas de distinguer la mortalité spécifiquement causée par les émissions des moteurs des véhicules diesel (12 % du total des particules émises en 2010 selon le Centre interprofessionnel technique d'étude de la pollution atmosphérique), des autres sources de pollution.

C'est pourquoi l'Anses a lancé en 2013 une grande étude sur les particules fines présentes dans l'air, notamment celles émises par les véhicules diesel, afin de déterminer l'origine et le profil de ces substances, qui aujourd'hui ne font l'objet que de mesures massiques et non par profil, ce qui permettrait de mesurer si elles proviennent des fumées diesel, des pollutions industrielles ou d'autres sources.

Mais l'aggravation de la mortalité liée aux particules fines, dont on sait qu'elles sont émises en quantité significative par les moteurs diesel, est aujourd'hui avérée. Le chiffre de 42 000 morts prématurées avancé par l'exposé des motifs de la présente proposition de loi provient d'un rapport du Programme « Air Pur pour l'Europe » datant de 2005, et s'appuie sur des mesures réalisées en 1997.

Outre que l'exposition aux fumées diesel ne peut être présentée comme une cause unique de ces décès prématurés, mais comme facteur aggravant combiné à d'autres facteurs, au premier rang desquels le tabagisme par exemple, il n'existe pas de données très récentes.

Depuis 2000, les émissions de particules fines ont diminué pour passer de 350 000 tonnes en 2000 à 250 000 en 2011 en raison d'une réglementation plus stricte.

Réglementations internationale, européenne et nationale relatives aux émissions de particules (PM)

1. L'Organisation mondiale de la Santé a déterminé des valeurs guides pour les PM : 10 ug /m3 en moyenne annuelle et 25 ug/m3 pour les PM 2,5.

2. Au niveau européen, la directive NEC (National Emission Ceilings) 2001/81/EC réglemente les émissions des sources fixes (installations de combustion, incinérateurs de déchets municipaux, dispositifs de transport et stockage des produits pétroliers, etc), les émissions de sources mobiles et la qualité des carburants.

La stratégie thermique sur la pollution atmosphérique adoptée par la Commission européenne en 2005 fixe des objectifs à long terme (2020) pour la santé et l'environnement. Dans ce cadre, la directive sur la qualité de l'air 2008/50/CE a fixé la valeur limite de PM 2,5 à 25 ug/m 3 en moyenne annuelle pour 2015, et à 20 ug/m 3 pour 2020.

L'année 2013 a été déclarée « Année de l'air » par la Commission européenne.

Enfin, le réseau européen EMEP (European Monitoring and Evaluation Program) a été mis en place dans le cadre de la convention sur la pollution atmosphérique transfrontalière.

3. Au niveau national, le décret n° 2010-1250 du 21 octobre 2010 a transposé la directive sur la qualité de l'air en établissant des normes de qualité de l'air pour plus d'une dizaine de polluants. Pour les PM 2,5, la valeur limite fixée est de 25 ug/m 3 en 2015, la valeur cible est de 20 ug/m 3 en moyenne annuelle et l'objectif de qualité est de 10 ug/m 3 en moyenne annuelle.

En outre, la loi sur l'air et l'utilisation rationnelle de l'énergie du 30 décembre 1996 a rendu obligatoire la surveillance de la qualité de l'air, assurée par l'Etat avec l'aide des collectivités territoriales, ainsi que l'information du public.

Le Plan national santé environnement 2009-2013 a impulsé la mise en place du Plan particules validé le 28 juillet 2010, dont l'objectif est la réduction de 30 % des particules PM 2,5 pour 2015 et qui crée des Zones d'actions prioritaires pour l'air (ZAPA).

Le Haut Conseil de la santé publique a préconisé en avril 2012 des objectifs de qualité de l'air (15 ug/m 3 en moyenne annuelle pour les PM 2,5 et 25 pour les PM 10), des seuils d'information et de recommandations (30 ug/m 3 en journalier pour les PM 2,5 et 50 pour les PM 10) et des seuils d'alerte (50 ug/m 3 en journalier pour les PM 2,5 et 80 pour les PM 10).

Après la tenue d'un comité interministériel de la qualité de l'air (CIQA), la mise en oeuvre du « Plan d'urgence pour la qualité de l'air » a débuté en avril 2013.

Source : Institut national du Cancer

Le Programme de surveillance air et santé (Psas) de l'Institut de veille sanitaire établit des liens entre les variations d'un jour à l'autre des niveaux de pollution et celles de la mortalité pour différentes causes dans plusieurs villes françaises. Les résultats les plus récents (portant sur la période 2000-2006), montrent que la mortalité non-accidentelle journalière augmente lorsque les concentrations de PM 2,5 augmentent. En Île-de-France, l'augmentation des concentrations s'accompagne également d'une augmentation de 2 à 7 % des passages aux urgences d'enfants pour causes respiratoires.

Le respect des valeurs guide de qualité de l'air de l'OMS (10 ug/m 3 par an pour les PM 2,5, contre environ 17 actuellement à Paris), permettrait d'éviter annuellement entre 2 et 4 % des recours aux urgences pour bronchiolite chez les nourrissons et pour asthme chez les nourrissons et chez les enfants de 2 à 14 ans 2 ( * ) .

Une étude de 2011, issue du programme européen Aphekom, est basée sur des données de 25 villes européennes, dont 9 françaises. Les conclusions de cette étude conduite sur 12 millions de personnes montraient des espérances de vie réduites, à 30 ans, de 3,6 à 7,5 mois selon les villes. L'étude estime ainsi que 2 900 morts prématurées par an dues aux particules fines pourraient être évitées si les concentrations moyennes annuelles de PM 2,5 respectaient la valeur de référence de l'OMS (10 ug/m3).

Plus récemment encore, une étude financée par l'Union européenne et publiée en décembre 2013 dans la revue scientifique The Lancet , a montré qu'une exposition prolongée aux particules fines présentes dans l'air, même pour des concentrations inférieures à la réglementation européenne, avait des effets néfastes sur la santé.

Les gaz émis par les moteurs diesel contiennent également du dioxyde d'azote, responsable de maladies cardiaques et vasculaires. Certains filtres à particules utilisés aujourd'hui, s'ils permettent bien de réduire l'émission de particules fines, conduisent en revanche à une augmentation du rejet de dioxyde d'azote par les moteurs diesel.

S'il demeure difficile d'apprécier quelle est la part exacte du diesel dans l'impact de la pollution de l'air sur la santé de l'homme, on sait en revanche que les fumées émises par les véhicules fonctionnant au gazole sont dangereuses pour la santé, et que les particules fines qu'elles contiennent en grande quantité sont cancérogènes.

En 1988, les gaz d'échappement des moteurs diesel ont été classés dans le groupe 2A par le Centre international de recherche sur le Cancer (CIRC), organe de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), c'est-à-dire reconnus comme « probablement cancérogènes pour l'homme ».

Classement des agents par les Monographies du CIRC

Groupe 1 - L'agent est cancérogène pour l'Homme : 113 agents.

Groupe 2A - L'agent est probablement cancérogène pour l'Homme : 66 agents

Groupe 2B - L'agent est peut-être cancérogène pour l'Homme : 285 agents.

Groupe 3 - L'agent est inclassable quant à sa cancérogénicité pour l'Homme : 505 agents.

Groupe 4 - L'agent n'est probablement pas cancérogène pour l'Homme : 1 agent.

Source : CIRC

En juin 2012 , à l'issue d'une réunion d'une semaine regroupant des spécialistes internationaux, le CIRC a revu sa classification en faisant entrer les gaz d'échappement des moteurs diesel dans le Groupe 1 3 ( * ) , en se basant principalement sur des données épidémiologiques 4 ( * ) . Il a ainsi été établi que le risque de cancer du poumon est environ trois fois plus important chez les sujets les plus exposés aux particules diesel. A également été mise en évidence une association positive avec un risque accru de cancers de la vessie, sur la base d'éléments plus limités.

Ces études, portant sur des expositions professionnelles au diesel, permettent d'objectiver un lien de causalité entre particules diesel et cancer chez l'homme.

Cette re-classification par l'OMC doit attirer notre attention sur l'important enjeu de santé publique que constitue la concentration excessive en particules fines de l'air que l'on respire, en particulier dans les grandes agglomérations et à proximité des axes routiers.


* 1 Organisation mondiale de la santé. Review of evidence on health aspects of air pollution (2013).

* 2 Chatignoux E. Host S. Expositions à la pollution atmosphérique et recours aux urgences pour pathologies respiratoires chez les enfants en Ile-de-France. Paris : Observatoire régional de santé Ile-de-France (2013).

* 3 L'étude du CIRC porte sur une cohorte de plus de 12 000 personnes.

* 4 Ces données ont notamment porté sur deux études concernant l'exposition de travailleurs des mines non métalliques aux Etats-Unis, qui ont confirmé un risque accru de survenue du cancer du poumon. D'autres études ont objectivé cette augmentation du risque de mortalité par cancer du poumon chez des cheminots exposés aux émissions diesel et chez des transporteurs routiers exposés régulièrement aux pots d'échappement.

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