B. LE PROGRAMME 149 : LA FORÊT PASSE SOUS LES 300 MILLIONS D'EUROS.

L'analyse des crédits du programme 149 a été placée sous la responsabilité de votre rapporteur Jean-Jacques Lasserre.

1. L'Office national des forêts : acteur majeur mais fragile de la forêt française.
a) L'Office national des forêts, un acteur majeur de la filière bois.

Etablissement public de l'État, l'Office national des forêts (ONF) a été créé en 1966, succédant à l'administration des eaux et forêts, pour gérer les forêts publiques, et en particulier les forêts domaniales , qui appartiennent à l'État et représentent 1,8 millions d'hectares , soit un peu plus de 10 % des forêts françaises.

L'ONF dispose d'un statut dérogatoire par rapport aux autres établissements publics industriels et commerciaux, puisque les deux tiers de ses agents sont des fonctionnaires.

Outre sa mission de gestion des forêts domaniales, l'ONF a pour mission de gérer les forêts des collectivités , selon le régime forestier. Ces forêts représentent 18 % des surfaces boisées en France, soit 2,9 millions d'hectares . Enfin, l'ONF assure diverses missions d'intérêt général et réalise des prestations de service dans le domaine forestier. A ce titre, l'ONF assure l'accueil du public ou encore assure pour le compte de l'État des services de restauration de terrains de montagne (RTM), et de défense des forêts contre les incendies (DFCI).

L'ONF commercialise chaque année environ 40 % des bois mis sur le marché en France (50 % du chêne, 35 % du sapin-épicéa et 90 % du hêtre) : 6,3 millions de mètres cubes (Mm 3 ) provenant de la forêt domaniale et 8,3 Mm 3 provenant des forêts des collectivités territoriales, ce qui en fait un acteur majeur de la mobilisation du bois. C'est d'ailleurs grâce à l'ONF que la permanence de l'approvisionnement en bois est assurée.

b) Le rapport de la Cour des comptes confirme les difficultés de l'ONF.

En juin 2014, la Cour des Comptes a adopté un rapport particulier portant sur la situation de l'ONF entre 2009 et 2012. Ce rapport met en lumière les difficultés structurelles de l'ONF depuis plusieurs années , et qui ont pour conséquence un résultat net de l'établissement tout juste à l'équilibre, et une trésorerie négative au 31 décembre de chaque année d'environ 300 millions d'euros.

La progression des charges de l'ONF résulte largement d'une augmentation de sa masse salariale , passée de 408 millions d'euros en 2004 à 470 millions d'euros en 2014. L'augmentation du taux de cotisation au compte d'affectation spéciale « Pensions » y est pour beaucoup, puisque ce poste est passé durant la même période de 47,7 millions d'euros à 104 millions d'euros. Les revalorisations statutaires ont aussi pesé sur les comptes de l'ONF, la Cour des comptes estimant que le cadre fixé par le nouvel espace statutaire (NES) a représenté un surcoût annuel de plus de 5 millions d'euros. Si l'office a respecté l'objectif de baisse de ses effectifs de 1,5 % par an fixé par les deux contrats d'objectifs et de performances (COP) signés avec l'État respectivement pour les périodes 2007-2012 et 2012-2016, la masse salariale n'est stabilisée que depuis 2012. Cette stabilisation a été obtenue au prix d'une saignée dans les effectifs de l'Office, qui sont passés de 10 366 agents en 2004 à 8 968 en 2014, dont 2 953 ouvriers forestiers .

À côté d'un problème de dépenses, l'ONF rencontre des difficultés à faire progresser ses recettes . La Cour des comptes souligne que « les objectifs de volume de récolte n'ont pas été atteints » en forêt domaniale. Par ailleurs, les prix du bois sont restés faibles durant les dernières années, faisant stagner les produits de la vente de bois. Pour 2014, les résultats pourraient cependant être meilleurs qu'escomptés du fait d'une bonne tenue des prix, avec 260 millions d'euros de recettes contre 240 millions d'euros prévus. En forêt des collectivités, les objectifs de mobilisation du bois sont mieux atteints, l'ONF ayant récolté en moyenne sur 2007-2012, 7,7 Mm 3 par an. Mais une progression plus forte est encore possible jusqu'à 10 Mm 3 à moyen terme.

La Cour des comptes souligne également qu'il existe une charge importante que l'ONF conserve dans l'exercice des missions d'intérêt général, alors que celles-ci devraient être entièrement supportées par l'État . La Cour constate enfin que les activités du secteur concurrentiel, pour beaucoup assurées par des filiales, sont pour certaines déficitaires, et recommande de se séparer de participations de l'office dans ses filiales.

c) Un soutien de l'État en retrait par rapport aux années précédentes.

Les dotations budgétaires au profit de l'ONF forment la majorité des crédits du programme 149. Elles se décomposent en plusieurs blocs :

- la contribution d'équilibre , qui avait été relevée de 10 millions d'euros en 2014, est abaissée de 20 millions d'euros pour 2015, pour représenter 31,6 millions d'euros ;

- les missions d'intérêt général , constituées des actions de défense des forêts gérées par l'ONF contre les incendies ou la restauration des terrains de montagne, ou encore les travaux pour prévenir les mouvements des dunes littorales, sont financées à hauteur de 22,3 millions d'euros , soit exactement le même montant qu'en 2014 ;

- enfin, l'État maintient le versement compensateur à 140,4 millions d'euros. Relevé de 20 millions d'euros en 2014, le versement compensateur représente le différentiel entre les recettes et produits de la gestion des forêts des collectivités territoriales par l'ONF. La prise en charge de cette mission est complétée par les contributions des communes forestières sous une double forme : une contribution de 2 euros par hectare de forêt gérée par l'ONF et un pourcentage sur les ventes de bois effectuées par l'ONF, au titre des frais de garderie. Le total des contributions des collectivités territoriales s'élève à environ 30 millions d'euros par an.

Au final, l'État prévoit de réserver à l'ONF une enveloppe globale de 194,3 millions d'euros , soit les deux tiers du budget du programme 149.

d) Préserver un avenir pour l'ONF.

La programmation budgétaire fait le pari d'un redressement des recettes de l'ONF fournies par le marché . Il est vrai que l'établissement a modernisé ses techniques de ventes de bois, en basculant depuis 2006 ses ventes de bois sur pied par adjudications publiques vers des ventes par contrats de bois façonnés, permettant d'améliorer la valeur ajoutée pour l'ONF. L'ONF a développé également des activités nouvelles assez dynamiques, comme la vente de plaquettes forestières pour les chauffages bois.

Si l'effort demandé à l'ONF de se passer de 20 millions d'euros de subventions par rapport à 2014 paraît atteignable , en tout état de cause, votre rapporteur pour avis souligne la nécessité de ne pas décourager l'Office , qui a déjà effectué des efforts considérables.

Ayant perdu presque 20 % de ses effectifs depuis 15 ans, l'établissement doit baisser encore de 150 ETP par an son plafond d'emploi, pour respecter le COP 2012-2016. Il conviendrait de ralentir ce rythme effréné de destruction des emplois forestiers, faute de quoi le maillage territorial de l'ONF finira par devoir être totalement revu.

Au final, votre rapporteur pour avis réclame le maintien d'un soutien de l'État à l'ONF dans le futur COP qui a été annoncé, pour remplacer l'actuel, qui n'est plus adapté à la situation : la bonne santé de l'Office conditionne celle de la filière bois dans son ensemble.

2. Des coupes rases budgétaires en 2015 qui mettent à mal l'ambition forestière nationale.
a) Des crédits à leur étiage historique.

L'analyse globale de l'enveloppe budgétaire du programme 149 montre une forte baisse des crédits :

- les AE passent de 321 millions d'euros en 2014 à 279 millions d'euros en 2015, soit une baisse de 13,1 % .

- les CP passent de 338 millions d'euros en 2014 à 297 millions d'euros en 2015, soit une baisse de 12,1 % .

L'ensemble du programme, passe donc en dessous de la barre des 300 millions d'euros , alors qu'il avait atteint les 400 millions d'euros après la tempête de 1999, et qu'il était monté à plus de 350 millions d'euros après la tempête Klaus de 2009.

Cette baisse s'explique pour 20 millions d'euros par la réduction des crédits au bénéfice de l'ONF.

Elle s'explique aussi par une économie non récurrente sur les crédits en faveur du Centre national de la propriété forestière (CNPF). Établissement public à caractère administratif, le CNPF a pour mission de contribuer aux actions de développement concernant la forêt privée, par l'animation, la coordination, la recherche, la formation, et la diffusion des connaissances. Son action s'appuie sur les 18 Centres régionaux de la propriété forestière (CRPF). Avec un budget d'environ 40 millions d'euros par an, le CNPF et les centres régionaux emploient environ 500 personnes, notamment des techniciens chargés d'encourager la gestion durable de la forêt privée, forêt qui produit un peu plus de 20 Mm 3 de bois par an.

Disposant d'une trésorerie jugée abondante par le Gouvernement, estimée à sept mois de fonctionnement, le CNPF se voit privé en 2015 de la dotation de 16 millions d'euros dont il bénéficiait en 2014 .

Votre rapporteur estime que, si les établissements publics n'ont pas vocation à faire des réserves trop abondantes, il est nécessaire de retenir une approche prudente en matière de prélèvement sur fonds de roulement. Mettre en difficulté le CNPF irait à l'encontre de l'objectif de mobilisation du bois, qui était celui du volet forestier de la loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt.

Les autres lignes de crédit du programme 159 sont, pour leur part, globalement stables :

- la restauration de terrains de montagne par les autres acteurs que l'ONF dispose d'une enveloppe de 9,6 millions d'euros en CP, comme en 2014 ;

- les crédits en faveur des actions de défense de la forêt contre les incendies , destinés aux autres acteurs que l'ONF, s'élèvent en 2015, comme en 2014, à 16,6 millions d'euros en CP ;

- la subvention pour charges de service public au profit de l'Institut technique du bois, de l'ameublement et de la forêt , FCBA, est maintenue comme en 2014 à 7,5 millions d'euros, ce qui représente un peu moins du quart de son budget de fonctionnement. Le FCBA coopère avec les instituts et organismes de recherche pour apporter son appui à la filière bois dans le domaine de la recherche appliquée ;

- enfin, les crédits de nettoyage des parcelles affectées par la tempête Klaus de 2009 sont inscrits comme le prévoit l'exécution du plan chablis mis en place après la tempête, pour un montant de 42,9 millions d'euros, soit 1 million d'euros de moins qu'en 2014. Ce plan doit mobiliser sur la période 2009-2017 pas moins de 536 millions d'euros, dont 61 millions d'euros provenant du deuxième pilier de la PAC. Au 1 er juin 2014, 355 millions d'euros de subventions pour le nettoyage des parcelles, dont 22 millions d'euros en provenance des crédits européens, avaient déjà été engagés auprès des bénéficiaires.

b) Le fonds stratégique de la forêt et du bois (FSFB) : un outil faiblement doté.

Le projet de loi de finances pour 2014 a annoncé la création d'un nouvel instrument financier pour la forêt : le fonds stratégique de la forêt et du bois (FSFB). L'article 67 de la loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt d'octobre 2014, a inscrit le FSFB dans la loi, et a précisé son rôle à l'article L. 156-4 du code forestier, dans l'attente d'un décret d'application qui devrait intervenir début 2015.

Destiné à combler le vide laissé par la disparition en 1999 du fonds forestier national (FFN) créé en 1946, le FSFB a pour double objectif :

- de soutenir des investissements en amont et en aval de la filière bois, par exemple pour améliorer la desserte des massifs forestiers, pour améliorer les techniques de prélèvement du bois en forêt, pour mutualiser entre entreprises forestières les investissements immatériels ou encore pour favoriser la constitution d'outils de transformation.

- de mener des actions d'animation , d'études, de recherche et d'innovation, par exemple lors des phases de lancement des stratégies locales de développement forestier (SLDF), ou pour favoriser le regroupement de propriétaires.

Article L. 156-4 du code forestier

« En application des articles L. 112-1 et L. 121-1 et afin de permettre la valorisation de l'ensemble des fonctions économiques, sociales et environnementales des bois et forêts, l'État concourt par le fonds stratégique de la forêt et du bois au financement de projets d'investissements, prioritairement en forêt, et d'actions de recherche, de développement et d'innovation qui s'inscrivent dans le cadre des orientations stratégiques du programme national de la forêt et du bois et des priorités arrêtées dans les programmes régionaux de la forêt et du bois. Ces projets et ces actions visent notamment à améliorer la gestion durable et multifonctionnelle de la forêt.

« Les mécanismes d'abondement du fonds stratégique de la forêt et du bois intègrent les fonctions d'intérêt général de la forêt mentionnées à l'article L. 112-1.

« Un décret définit les modalités de gouvernance du fonds et les règles d'éligibilité à son financement. »

Les crédits budgétaires ne sont qu'une des ressources du FFSB, et s'inscrivent déjà en recul par rapport à 2014 : seulement 21,8 millions d'euros sont inscrits en CP en 2015, contre 25,5 millions d'euros en 2014 et les AE tombent de 14,4 millions d'euros à 10,7 millions d'euros.

Outre les crédits budgétaires, le FSFB est alimenté par environ 3,8 millions d'euros de recettes provenant de la taxe additionnelle à la taxe foncière sur les propriétés non bâties , perçue sur tous les immeubles classés au cadastre en nature de bois et forêt, et qui était affectée avant 2014 aux chambres d'agriculture, pour financer les actions prévues aux les plans pluriannuels régionaux de développement forestier (PPRDF). Votre rapporteur pour avis souligne comme l'année dernière à cet égard que si ces crédits sont affectés au FSFB, il est essentiel qu'ils continuent à financer les PPRDF, pour ne pas pénaliser cette démarche en faveur de la forêt et du bois lancée à la suite de la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche de 2010 par les chambres d'agriculture.

Enfin, le FSFB doit percevoir le produit de la taxe de défrichement , créée par la loi d'avenir, et qui devrait rapporter environ 18 millions d'euros par an en régime de croisière.

Au final, le FSFB ne dispose donc que de 43,6 millions d'euros pour relancer la politique d'intervention économique en faveur de la forêt et du bois . Et encore, cette évaluation suppose que le produit de la taxe de défrichement soit réellement perçu, or, l'évaluation à 18 millions d'euros n'est pas certaine et ne pourra être observée qu'en régime de croisière, vraisemblablement pas sur le budget 2015.

Votre rapporteur pour avis s'interroge sur la capacité à satisfaire la nouvelle ambition forestière proclamée avec si peu de moyens. On peut au demeurant regretter que l'action en faveur du bois ne se traduise pas par la création d'un compte d'affectation spéciale pour le FSFB, comme cela avait été demandé durant la discussion du projet de loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt.

Les professionnels du bois estiment qu'il faudrait 150 millions d'euros par an environ pour relancer la filière bois. Le projet de loi de finances pour 2015 en est loin. La mobilisation du bois reposera donc d'abord et avant tout sur la bonne volonté des acteurs, aidés par des dispositifs fiscaux maintenus, mais de faible ampleur.

Alors que le projet de loi relatif à la transition énergétique encourage le développement des chaudières à biomasse, et donc offre de nouvelles perspectives à la filière bois, celle-ci manque cruellement de crédits pour financer sa modernisation.

La piste de l'allocation de crédits carbone n'étant plus pertinente , du fait de la faiblesse des cours des crédits carbone, il faudrait envisager de nouvelles recettes pour abonder le FSFB.

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