C. LA CONTRIBUTION DU PROGRAMME 134

1. Un programme en forte baisse

Globalement, les crédits prévus pour 2015 sont en baisse par rapport à 2014 . Ils passent de 962,8 millions d'euros en AE et 973,2 millions d'euros en CP à, respectivement, 867 et 874 millions d'euros.

Cette très forte baisse apparente doit cependant être corrigée des changements de périmètre qui affectent le programme 134 et qui expliquent 60 % de la baisse apparente.

Après correction de ces effets de périmètre, la baisse est en réalité de 58 millions d'euros par rapport à 2014, soit un recul de 5,6 %. Cette nouvelle baisse s'ajoute au recul de 108 millions d'euros enregistré en 2014 par rapport à 2013 (-10 %).

Les changements de périmètre du programme 134 en 2015

Par rapport à la loi de finances pour 2014, les principales modifications touchant le programme 134 sont les suivantes :

- le transfert de la subvention pour charges de service public versée à Atout France (30,38 millions d'euros en AE/CP et 314 ETPT en PLF 2015) vers le ministère des Affaires étrangères et du développement international (programme 185) dans le cadre de la nouvelle compétence du MAEDI en matière de tourisme. Le ministère de l'Économie, de l'industrie et du numérique conserve une co-tutelle prévue par le code du tourisme sur le GIE Atout France (soutien à l'ingénierie touristique des collectivités locales).

- un montant de 3,8 millions d'euros en titre 2 correspondant à 38 ETPT, agents publics mis à disposition auprès d'Atout France, est également transféré au MAEDI.

- le transfert des dotations relatives au Laboratoire national d'essais (LNE) vers le programme 192. Le transfert correspond à 10,2 millions d'euros et 290 ETPT ;

- le fonds de soutien aux collectivités territoriales ayant contracté des produits structurés est transféré sur un autre programme du ministère des finances en PLF (50 millions d'euros vers le programme 344).

2. Une baisse limitée des moyens humains

Concernant les effectifs du programme, le plafond d'emplois s'établit à 5 219 ETP, contre 5 339 ETP l'année précédente. Les changements de périmètres qui affectent le programme 134 ont cependant un effet direct sur les emplois comptabilisés et rendent nécessaire un retraitement des données brutes. La baisse réelle est de 85 ETP. Elle reste d'une ampleur modeste (-1,6 %).

ÉVOLUTION DES MOYENS HUMAINS DU PROGRAMME 134

Plafond d'emplois (ETP)

Ä 2014/2013

Crédits (millions d'euros)

2011

2012

2013

2015

Programme 134

5 613

5 256

5 339

5 219

Évolution brute : -120

Évolution corrigée des effets de périmètre : 85

411,9

Source : PAP mission « Économie » pour 2015

3. Des évolutions cependant contrastées selon les actions
a) Certaines actions s'inscrivent en baisse sensible

- Les crédits de l'action 02 « Commerce, artisanat et services » visent à soutenir le commerce de proximité et les services à la personne. Ils connaissent un nouveau recul cette année encore : -21 millions d'euros, après une baisse de -12,4 millions d'euros en 2014.

(en millions d'euros)

Source : Réponses aux questionnaires budgétaires

Le Fisac était annoncé dans la version initiale du projet de loi de finances pour 2015 à 9 millions d'euros, contre 20 millions l'année dernière, 25 l'année précédente et 36 en 2012. À l'initiative du Gouvernement, l'Assemblée nationale a cependant adopté un amendement majorant de 8 millions d'euros les crédits du Fisac - dont le budget s'établit maintenant à 17 millions.

En réalité, les crédits du Comité professionnel de la distribution des carburants (CPDC) sont supprimés en 2015 et c'est désormais le Fisac, comme l'a indiqué Mme Carole Delga, secrétaire d'État chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire, lors de son audition par votre commission pour avis des affaires économiques, qui prendra en charge les dépenses de mise aux normes des stations-service. Cette ligne de dépenses, de 3 millions d'euros en 2014, viendra donc amputer d'autant les moyens du FISAC, qui ne disposera en fait que de 14 millions d'euros.

Cela appelle plusieurs commentaires.

Sur le ciblage des économies budgétaires d'abord. Le Fisac et le CPDC sont des dispositifs à fort effet de levier. L'impact économique et social d'un euro d'argent public investi dans ces outils est important pour les territoires ruraux et les zones urbaines défavorisées. Si chacun est conscient de la nécessité de réaliser des économies dans la dépense publique, votre rapporteur pour avis estime qu'il y a un coût d'opportunité important à concentrer les économies sur des dispositifs d'intervention dont l'efficacité est avérée .

Deuxième commentaire, sur la méthode. Les crédits du Fisac ont baissé entre 2010 et 2014. Cette année cependant, le dispositif a été réformé dans le cadre de la loi artisanat-commerce-TPE. Par ailleurs, en fin d'année dernière, la secrétaire d'État chargée du commerce, de l'artisanat et des services, Mme Sylvia Pinel, avait annoncé une rallonge de 70 millions d'euros sur deux ans pour apurer le stock des dossiers en souffrance. On pouvait donc penser qu'il existait une volonté politique forte de remettre le Fisac sur les rails, d'en faire un outil certes redimensionné à la baisse mais néanmoins pérennisé. Or, en affichant cette année encore des crédits en très fort recul, le Gouvernement brouille le message . Veut-il le réformer pour le pérenniser ou au contraire l'euthanasier ? Quel sens cela a-t-il de maintenir un dispositif d'intervention d'ampleur nationale tel que le Fisac s'il est doté de seulement 15 millions d'euros ? Cela est peu lisible et peu favorable à la consolidation de la confiance.

La dotation au comité professionnel de la distribution de carburant (CPDC), en érosion continue depuis 2008, est donc supprimée en 2015. Cet organisme a pour mission d'accompagner l'évolution du réseau de distribution de détail en carburants, l'enjeu étant de permettre sa modernisation (notamment pour répondre aux exigences en matière de mise aux normes) et le maintien de points de vente de proximité indispensable du point de vue de l'aménagement du territoire.

Dotation du CPDC

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

7,5

6,5

6,5

4,75

3,55

3,5

3,12

0

(en millions d'euros courants)

- L es crédits de l'action 03 « Actions en faveur des entreprises industrielles » visent à améliorer la compétitivité de l'industrie française en agissant sur son environnement économique, réglementaire, social, financier et technologique. Ils s'établissent en forte baisse pour 2015, à 167,3 millions d'euros - contre 194,5 millions d'euros en 2014 (-14 %). A périmètre constant, la baisse se ramène à -17 millions d'euros (-8,5 %).

)

- L'action 04, « Développement des télécommunications, des postes et de la société d'information », fera l'objet d'un développement spécifique dans la dernière partie de ce rapport. On se contentera donc d'indiquer ici qu'elle connait une baisse sensible, ses crédits étant fixés à 194,6 au lieu de 173,1 millions d'euros, en AE comme en CP. Cette baisse s'explique par la réduction de l'enveloppe destinée à compenser le coût de la mission de service public de La Poste dans le transport de la presse (-20 millions d'euros).

- Les crédits prévus pour 2014 au titre de l'action 07 « Développement international des entreprises et attractivité du territoire » (libellé modifié), c'est-à-dire la dotation à Ubifrance et à l'AFII, dont la fusion est prévue par le projet de loi relatif à la simplification de la vie des entreprises, s'établissent à 108,8 millions d'euros.

b) Les crédits d'autres actions sont stables, voire même en légère hausse

- Les moyens des autorités administratives indépendantes (ARCEP, CRE et Autorités de la concurrence) figurant aux actions 13, 14 et 15 sont stabilisés en valeur nominale.

Actions

Crédits 2014 (AE/CP)

Crédits 2015(AE/CP)

13. ARCEP

22,8/22,8

22,7/22,7

14. CRE

18,9/18,9

19/19

15. Autorité de la concurrence

20,7/20,7

20,2/20,2

(en millions d'euros courants)

- Les moyens de la DGCCRF , retracés par les actions 16 « Régulation concurrentielle des marchés » , 17 « Protection économique du consommateur » et action 18 « Protection économique du consommateur » actions 16 « Régulation concurrentielle des marchés » , s'établissent respectivement à 73,9, 123,1 et 45,6 millions d'euros. Considérés globalement, ils sont en progression de 4,9 millions d'euros, soit +2 %. Cela correspond à l'élargissement important des missions de la direction résultant de l'adoption de la loi consommation du 17 mars 2014.

-

- L'action 08 « Expertise, conseil et inspection » porte les crédits du Conseil général de l'économie, de l'industrie, de l'énergie et des technologies (CGEIET) dont la mission est d'éclairer les décideurs publics au moyen d'avis, d'audits et de contrôle. Ses moyens pour 2015 sont quasi stables à 18,9  millions d'euros (+1,5%).

- L'action 20 « Financement des entreprises » (libellé modifié) contribue au développement des PME et des ETI grâce à des interventions en garantie et cofinancement permettant de soutenir leur financement, mises en oeuvre par Bpifrance. Les crédits de cette action s'établissent à 30,1 millions d'euros .

Au final, on voit à travers le budget de la mission « Économie » un recentrage de l'intervention de l'État sur ses missions économiques régaliennes (régulation des marchés, protection des consommateurs) et un désengagement de certains actions d'intervention. En elle-même, cette démarche peut se justifier dans le contexte financier difficile des finances publiques. L'important est de bien cibler le désengagement et de le faire de manière lisible pour les opérateurs économiques.

4. Une baisse des crédits accentuée lors de l'examen du texte par l'Assemblée nationale

En seconde délibération, l'Assemblée nationale a adopté sur proposition du Gouvernement un amendement qui réduit de 18,8 millions d'euros les crédits de la mission « Économie » (en AE et en CP). La baisse se répartit ainsi :

- 7,7 millions d'euros sur le programme 134 « Développement des entreprises et du tourisme » ;

- 0,9 million d'euros sur le programme 220 « Statistiques et études économiques » ;

- 10,2 millions d'euros sur le programme 305 « Stratégie économique et fiscale ».

5. Une mise à contribution des petits commerçants et des chambres de commerce et d'industrie
a) La suppression de l'aide au départ des petits commerçants

Un autre motif d'inquiétude concernant le petit commerce résulte de la suppression de l'indemnité de départ en retraite instituée en 1982 en faveur de certains artisans et commerçants. Cette mesure figure à l'article 51 rattaché à la mission « Économie ». Depuis 2003, cette aide au départ est financée par l'État au sein du programme 134. Pour 2015, 5 millions d'euros ont été budgétés à cette fin. En 2013, l'aide au départ a bénéficié à 1 330 indépendants, soit 2 % des artisans et des commerçants liquidant leur retraite. Il s'agit des plus modestes, des travailleurs indépendants pauvres.

Votre commission pour avis est opposée à l'extinction de cette aide, qui frappe une population économiquement très fragile . L'aide au départ a peut-être des défauts. Elle peut inciter certains travailleurs indépendants à réduire le volume de leur activité au cours des années précédant leur départ à la retraite afin de pouvoir remplir les conditions d'attribution de l'aide, ce qui accentue encore la dépréciation de leur fonds. Par ailleurs, la manière de mesurer les ressources des bénéficiaires peut entraîner certaines injustices. Ainsi le calcul ne prend pas en compte les ressources issues de cessions d'actifs ou de la vente d'une licence, ce qui peut conduire à attribuer l'aide à des personnes dont la situation économique ne le justifie pas. Il serait donc utile de réformer les conditions de sa distribution, mais la suppression du dispositif ne se justifie pas.

b) Des prélèvements exceptionnels sur les CCI

L'année 2015 est marquée par une nouvelle mise à contribution du réseau consulaire. Les CCI voient le plafond de la taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (Tacvae) baisser de 213 millions d'euros (article 17 du projet de loi de finances pour 2015). Les chambres sont soumises par ailleurs à un prélèvement de 500 millions d'euros sur leur fonds de roulement (article 15 du projet de loi de finances pour 2015).

Que les CCI participent à l'effort collectif de réduction des dépenses et de la fiscalité, il n'y a rien de plus normal. Mais ce que désapprouve votre rapporteur pour avis, c'est la méthode ou plutôt l'absence de méthode - que reflète l'extrême instabilité de la norme fiscale . L'article 39 de la loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 de finances pour 2013 a étendu aux CCI le dispositif de plafonnement des taxes affectées mis en place par la loi de finances pour 2012 :

- plafond de 549 millions d'euros pour la TACFE ;

- plafond de 819 millions d'euros pour la TACVAE, soit un total de 1 368 millions d'euros.

L'article 47 de la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014 a ensuite abaissé le plafond de la TACVAE de 100 millions d'euros, le ramenant à 719 millions d'euros.

L'article 51 de cette même loi de finances pour 2014 a quant à lui opéré, au profit du budget général, un prélèvement exceptionnel de 170 millions d'euros sur les ressources affectées en 2014 au fonds de financement des chambres de commerce et d'industrie de région.

L'État opère un « pilotage à vue » du réseau des CCI sur le plan financier , selon l'expression utilisée par Claude Bérit-Débat et Jean Claude Lenoir dans leur bilan d'application de la loi du 23 juillet 2010 2 ( * ) . Pourtant, la réduction de la recette fiscale des CCI pourrait être un levier efficace pour inciter les CCI à se réformer, mais comment se réformer sans visibilité pluriannuelle des ressources ? Qu'on baisse les recettes des CCI soit, mais qu'on le fasse de façon programmée pour qu'elles puissent s'organiser et qu'on le fasse de façon modulée pour que celles des chambres qui ont engagé des efforts de réorganisation importants puissent conduire leur réorganisation de façon rationnelle.


* 2 Rapport d'information n° 712 (2013-2014) de MM. Jean-Claude LENOIR et Claude BÉRIT-DÉBAT, fait au nom de la commission des affaires économiques et de la commission pour le contrôle de l'application des lois, déposé le 9 juillet 2014

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