C. LE BILAN POSITIF DU CYCLE COMMÉMORATIF DE 2014

Année mémorielle exceptionnelle, 2014 a vu coïncider le centenaire du déclenchement de la Première Guerre mondiale et le soixante-dixième anniversaire des débarquements en France et de la libération de la majeure partie du territoire français. L'enjeu consistait à éviter l'amalgame des mémoires des deux guerres , la confusion des sacrifices consentis et des souffrances vécues par les combattants et les populations civiles et à rappeler l'actualité des valeurs défendues par la France au cours de ces conflits . Aux yeux de votre rapporteur pour avis et des personnes qu'il a auditionnées, le programme commémoratif mis au point a bien tenu compte de ces risques et a, sans faire naître de « lassitude commémorative » chez nos concitoyens, suscité chez eux un intérêt renouvelé pour les facteurs économiques, sociaux, culturels et militaires dont l'impact a été ressenti par chacune des familles françaises.

La réflexion sur l'organisation du centenaire de 1914 a débuté dès 2011, avec la remise au Président de la République d'un rapport 9 ( * ) préconisant la mise en place d'une structure spécifique, rassemblant les principaux acteurs publics et associatifs intéressés, pour concevoir et organiser les commémorations de la Première Guerre mondiale. Pour préparer 2014, un groupement d'intérêt public (GIP), la Mission du centenaire de la Première Guerre mondiale , a donc été créé par un arrêté du 5 avril 2012 10 ( * ) .

Aujourd'hui, au terme de trois exercices budgétaires et au lendemain des commémorations de 2014, votre rapporteur pour avis estime que le GIP a rempli sa mission avec brio , tout en étant doté de moyens limités. Avec un effectif de 12,5 ETP et un budget total de 12 millions d'euros sur la période 2012-2014 , la Mission du centenaire a imaginé un cycle commémoratif riche, une « saison culturelle et mémorielle » associant tous les anciens belligérants autour de cinq événements clés , à la portée nationale ou internationale, et encourageant les projets locaux, portés par des acteurs publics ou privés.

Le programme officiel du centenaire en 2014

- le 28 juin à Sarajevo, commémoration de l'acte déclencheur de la Première Guerre mondiale, l'assassinat de l'archiduc François-Ferdinand d'Autriche-Hongrie et de son épouse, avec le soutien de l'Union européenne ;

- le 14 juillet, des représentants des 80 nations ayant participé à la guerre, accompagnant leur drapeau, ont participé au défilé. Chaque gouvernement était représenté par l'un de ses membres dans la tribune officielle ;

- le 3 août, une cérémonie franco-allemande a réuni au Hartmannswillerkopf le Président de la République et le président de la République fédérale d'Allemagne ;

- le 12 septembre, le Premier ministre a commémoré la première bataille de la Marne à Mondement ;

- le 11 novembre, dans le cadre d'un hommage à tous les combattants de la guerre, le Président de la République a inauguré le mémorial international de Notre-Dame-de-Lorette, sur lequel sont inscrits les noms des 580 000 soldats morts sur les champs de bataille du Nord-Pas-de-Calais.

Grâce à ce GIP, l'Etat a pu jouer son rôle d'impulsion des initiatives commémoratives sur l'ensemble du territoire . Un fonds du centenaire, piloté par la Mission et doté de 4,5 millions d'euros , est destiné à financer des projets retenus par les comités départementaux du centenaire et labellisés à la suite de leur validation par le conseil scientifique de la Mission, présidé par l'historien Antoine Prost. De décembre 2013 à juillet 2014, 850 de ces projets ont reçu un total de 2,6 millions d'euros , sur 1 230 demandes reçues (soit 69 % ).

De plus, le recours au mécénat permet de couvrir une part importante des dépenses d'intervention de la Mission. Si le scénario établi initialement et misant sur une collecte de 5 millions d'euros s'est révélé trop ambitieux , le GIP a déjà levé, selon les informations communiquées à votre rapporteur pour avis par son directeur général, 3,5 millions d'euros auprès de partenaires privés et a pour objectif de parvenir à 4 millions d'euros d'ici 2015. Cela représente 85 % du coût de l'organisation des cinq grandes manifestations nationales, des partenariats culturels, scientifiques et médiatiques et des outils développés par la Mission tels que son site internet, estimé à 4,72 millions d'euros , ou 89 % du fonds du centenaire.

Le centenaire a également été un formidable accélérateur du tourisme de mémoire . Lors des deuxièmes assises du tourisme de mémoire, qui se sont tenues en novembre 2013, un contrat de destination « Centenaire de la Grande Guerre » a été conclu pour une durée de trois ans entre Atout France, l'Etat, la Mission du centenaire et les collectivités territoriales traversées par le front 11 ( * ) . Son objet est de tirer parti de l'opportunité que constitue le centenaire pour développer l'offre touristique mémorielle , améliorer les capacités d'accueil des touristes et accroître la promotion , en France comme à l'étranger, des lieux de mémoire et des territoires de la Première Guerre mondiale.

Si, en 2014, le centenaire du déclenchement de la guerre a été un succès, il reste à garantir que les quatre années de commémoration qui le suivent se dérouleront dans les mêmes conditions. Or même pour 2015 il semblerait que les grandes orientations n'aient pas encore été tracées. La convention constitutive de la Mission du centenaire prévoit sa dissolution au plus tard le 31 décembre 2015. Aucun financement n'est à l'heure actuelle prévu pour la faire fonctionner l'an prochain.

Des réflexions sont menées actuellement pour décider de la forme que doit prendre le pilotage de la suite des commémorations du centenaire. Pour votre rapporteur pour avis, il serait inutile de remettre à plat le système actuel ; ce serait même un handicap à la veille de l'internationalisation croissante du processus, avec les Anglais pour la bataille de la Somme en 2016 ou les Canadiens en 2017 à propos de la bataille de la crête de Vimy. Au contraire, le GIP a fait la démonstration de son efficacité et ses équipes de leur professionnalisme . A la veille d'un acte II du centenaire qui doit permettre, sans se dispenser de l'évaluation de l'impact culturel, économique et pédagogique des cérémonies de 2014, de « fabriquer du consensus territorial » selon l'expression du directeur général de la Mission du centenaire, il ne serait pas judicieux de repartir d'une feuille blanche . La commémoration d'événements essentiels de la mémoire collective française, de Verdun au Chemin des Dames, reste à célébrer.

L'effort ne doit donc pas être relâché par rapport à 2014 mais au contraire maintenu : les attentes de nos concitoyens et de nos partenaires internationaux tout comme les impératifs historiques plaident pour que la poursuite de ce cycle commémoratif fasse l'objet de la même attention que son commencement .

L'organisation du soixante-dixième anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale a quant à elle été confiée à la DMPA. En 2014, huit cérémonies nationales ou internationales ont été organisées pour commémorer les événements de 1944 et la libération du territoire.

Le programme des commémorations
du soixante-dixième anniversaire de la Libération

- le 21 février : cérémonie au Mont-Valérien à la mémoire des résistants fusillés de l'Affiche rouge, en présence du Président de la République ;

- le 6 juin : cérémonie internationale à Ouistreham pour l'anniversaire du débarquement en Normandie présidée par le Président de la République, en présence de dix-neuf chefs d'Etat ou de gouvernement ;

- le 9 juin : cérémonie en mémoire des quatre-vingt-dix-neuf pendus de Tulle, en présence du Président de la République ;

- le 10 juin : cérémonie du soixante-dixième anniversaire du massacre d'Oradour-sur-Glane, présidée par le Premier ministre ;

- le 6 juillet : cérémonie commémorant les combats du Mont-Mouchet, en présence du Président de la République ;

- le 21 juillet : cérémonie commémorant les combats du Vercors, présidée par le Premier ministre ;

- le 15 août : cérémonie internationale commémorant l'anniversaire du débarquement de Provence présidée par le Président de la République, en présence de dix-sept délégations étrangères ;

- le 23 novembre : cérémonie commémorant la libération de Strasbourg, présidée par le ministre de la défense.

Le 6 juin et le 15 août , la France a accueilli les chefs d'Etat et de gouvernement des pays belligérants, l'accent étant mis, pour commémorer le débarquement en Provence, sur le rôle des soldats issus des Etats africains qui faisaient alors partie de l'empire français. Un budget total de 8,03 millions d'euros était consacré au financement de ce programme commémoratif par la loi de finances initiale pour 2014. Par ailleurs, sur le modèle du fonds du centenaire, 1,5 million d'euros ont été affectés au soutien à des projets locaux homologués par une instance départementale ad hoc pilotée par l'Onac rassemblant services de l'Etat, représentants du monde combattant et personnalités qualifiées. Selon les informations communiquées à votre rapporteur pour avis, près de 500 de ces initiatives auraient perçu une subvention.

Les sites mémoriels ont très largement profité de ces cérémonies et de la couverture médiatique dont elles ont fait l'objet. Ainsi, selon le compte-rendu du conseil des ministres du 12 novembre 2014, les principaux sites de mémoire de Basse-Normandie ont enregistré une hausse de leur fréquentation de 60 % de mars à août 2014, et même de 95 % en juin.

L'année 2015 devrait être logiquement marquée par la commémoration de la victoire sur le nazisme et de la fin de la guerre. Elle sera l'occasion d'insister sur la libération des camps, le retour des prisonniers de guerre et des requis du service du travail obligatoire (STO) mais également de rappeler que certaines parties du territoire, les poches de l'Atlantique (Lorient, Saint-Nazaire, La Rochelle) et de la mer du Nord (Dunkerque) ne furent libérés qu'après la capitulation de l'Allemagne le 8 mai 1945.

Enfin, le Gouvernement avait jugé nécessaire de mettre en place une mission interministérielle des anniversaires des deux guerres mondiales 12 ( * ) pour coordonner les commémorations du centenaire de la Première Guerre mondiale et du soixante-dixième anniversaire de la période 1943-1945, harmoniser les actions entreprises par les différentes administrations et « favoriser la création de réalisations permanentes susceptibles de renforcer la politique de mémoire de la Nation, de prolonger ces manifestations et d'enrichir le patrimoine national ». Regroupant douze ministères 13 ( * ) , plusieurs opérateurs de l'Etat, les associations d'élus (AMF, ADF, ARF) et les fondations et associations du monde combattant, elle est appuyée par un comité d'éthique et un comité scientifique.

Si le rôle de cette structure tel qu'il est défini par le décret qui l'institue peut sembler louable et la justifier pleinement, le peu d'informations que votre rapporteur pour avis a pu recueillir à son sujet et les conditions de sa création interrogent sur sa pertinence . Outil de reprise en main par le secrétariat d'Etat chargé des anciens combattants de l'organisation des commémorations, cette mission interministérielle n'a connu que trois réunions de ses ministres membres en deux ans. Le comité d'éthique s'est réuni à quatre reprises et le comité scientifique six fois. Il est permis de s'interroger sur la redondance de l'activité de ses quatre agents par rapport à la Mission du centenaire d'un côté et à la DMPA de l'autre. Prévue pour durer jusqu'au 31 décembre 2019, il serait bon de supprimer cette structure dès la fin de l'année 2015 , lorsque les commémorations liées à la Seconde Guerre mondiale se seront achevées et qu'il n'y aura plus à craindre de confusion des mémoires.


* 9 Joseph Zimet, Commémorer la Grande Guerre (2014-2020) : propositions pour un centenaire international ; rapport au Président de la République, septembre 2011.

* 10 Arrêté du 5 avril 2012 portant approbation du groupement d'intérêt public « Mission du centenaire de la Première Guerre mondiale - 1914-2014 », NOR: DEFD1210054A.

* 11 Les régions Champagne-Ardenne, Lorraine et Nord-Pas-de-Calais ; les départements de l'Aisne, de la Meuse et de la Somme ; les collectivités du front des Vosges (Vosges, Haut-Rhin).

* 12 Par le décret n° 2012-1305 du 26 novembre 2012 créant une mission interministérielle des anniversaires des deux guerres mondiales.

* 13 Défense, affaires étrangères, éducation nationale, intérieur, culture, enseignement supérieur, recherche, outre-mer, tourisme, anciens combattants, jeunesse et vie associative.

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