B. LA POURSUITE DE L'EFFORT EN FAVEUR DE LA POLITIQUE DE MÉMOIRE

Il appartient à l'Etat d'assurer la transmission de la mémoire des engagements militaires du vingtième siècle et de celle des femmes et des hommes qui ont combattu pour la France à ces occasions. Cette responsabilité fait du ministère de la défense son second acteur culturel , après le ministère de la culture, et constitue l'un des moteurs du lien armée-Nation. L'action n° 2 du programme 167 en assure le financement. Cette politique est conçue par la direction de la mémoire, du patrimoine et des archives (DMPA) du ministère, qui pilote sa mise en oeuvre aux côtés de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (Onac), son principal opérateur qui est chargé depuis 2010 de l'entretien des nécropoles nationales et des hauts lieux de mémoire.

Le budget de cette action en 2015 est fixé à 22,7 millions d'euros , en diminution de 3,4 % par rapport à 2014 . Cela fait suite à deux années qui ont vu se succéder de très fortes augmentations en raison de la préparation des cérémonies de 2014, centenaire du déclenchement de la Première Guerre mondiale et soixante-dixième anniversaire des débarquements en Normandie et en Provence et de la libération de la majeure partie du territoire français. Les moyens affectés à la politique de mémoire en 2015 sont supérieurs de 93 % au niveau qu'ils atteignaient en 2012 .

La première mission de la DMPA est l'organisation des cérémonies inscrites au calendrier commémoratif national par des textes de nature législative ou réglementaire. Onze cérémonies figurent dans ce calendrier en 2015, pour un coût évalué à 1,69 million d'euros .

Le calendrier commémoratif national en 2015

- le 19 mars : journée nationale du souvenir et de recueillement à la mémoire des victimes civiles et militaires de la guerre d'Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc (loi du 6 décembre 2012) ;

- le dernier dimanche d'avril : journée nationale du souvenir des victimes et héros de la déportation (loi du 14 avril 1954) ;

- le 8 mai : commémoration de la victoire de 1945 (loi du 2 octobre 1981) ;

- le deuxième dimanche de mai : fête nationale de Jeanne d'Arc et du patriotisme (loi du 10 juillet 1920) ;

- le 27 mai : journée nationale de la Résistance (loi du 19 juillet 2013) ;

- le 8 juin : journée nationale d'hommage aux « morts pour la France » en Indochine (décret du 26 mai 2005) ;

- le 18 juin : journée nationale commémorative de l'appel historique du général de Gaulle à refuser la défaite et à poursuivre le combat contre l'ennemi (décret du 10 mars 2006) ;

- le dimanche suivant le 16 juillet : journée nationale d'hommage à la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites de l'Etat français et d'hommage aux « Justes » de France (loi du 10 juillet 2000) ;

- le 25 septembre : journée nationale d'hommage aux Harkis et autres membres des formations supplétives (décret du 31 mars 2003) ;

- le 11 novembre : commémoration de l'armistice de 1918 et hommage à tous les morts pour la France (lois du 22 octobre 1922 et du 28 février 2012) ;

- le 5 décembre : journée nationale d'hommage aux « morts pour la France » de la guerre d'Algérie et des combats du Maroc et de la Tunisie (décret du 26 septembre 2003).

La politique de mémoire ne se limite pas aux commémorations. La valorisation du très riche patrimoine mémoriel disséminé sur notre territoire constitue un impératif culturel mais aussi désormais un facteur de dynamisme économique pleinement reconnu.

Les hauts lieux de la mémoire nationale du ministère de la défense, qui symbolisent chacun des principaux conflits du siècle dernier auxquels la France a participé, sont au coeur de cette politique. Gérés et entretenus par l'Onac, par délégation de la DMPA, ils ont fait l'objet en 2014 d'une première définition juridique par un arrêté du 20 mars 6 ( * ) . Entrent dans cette catégorie les biens du domaine public de l'Etat qui relèvent du ministère de la défense et répondent à trois critères cumulatifs :

- être lié à la mémoire des conflits contemporains depuis 1870 ;

- avoir un caractère national et emblématique d'un aspect des conflits contemporains ;

- être entretenu par le ministère de la défense ou sous sa responsabilité.

Les neuf hauts lieux de la mémoire nationale

- le cimetière national de Notre-Dame-de-Lorette (Ablain-Saint-Nazaire, Pas-de-Calais), au titre des militaires morts pour la France aux côtés de leurs frères d'armes alliés (1914-1918) ;

- le cimetière national de Fleury-devant-Douaumont et la tranchée des baïonnettes (Meuse), au titre du sacrifice des soldats français à Verdun (1914-1918) ;

- l'ancien camp de concentration de Natzweiler-Struthof (Natzwiller, Bas-Rhin), au titre du système concentrationnaire nazi et de la Résistance européenne (1933-1945) ;

- le Mont-Valérien (Suresnes, Hauts-de-Seine), au titre de la répression exercée par les autorités allemandes pendant l'Occupation (1940-1944) ;

- le mémorial des martyrs de la Déportation (île de la Cité, Paris), au titre de la mémoire des déportés ;

- le mémorial de la prison de Montluc (Lyon, Rhône), au titre de l'internement par le régime de Vichy et les autorités allemandes pendant l'Occupation (1940-1944) ;

- le mémorial du débarquement de Provence (Mont-Faron, Var), au titre du débarquement des 15 et 16 août 1944 et de l'armée de la Libération ;

- le mémorial des guerres en Indochine (Fréjus, Var), au titre de la Seconde Guerre mondiale en Indochine (1940-1945) et de la guerre d'Indochine (1946-1954) ;

- le mémorial de la guerre d'Algérie et des combats du Maroc et de la Tunisie (quai Branly, Paris).

La rénovation et l'entretien des sépultures de guerre complètent cette politique de valorisation du patrimoine mémoriel. On compte sur le territoire français 265 nécropoles nationales et 2 000 carrés militaires communaux, auxquels il faut ajouter les 1 234 cimetières français répartis dans 78 pays étrangers.

La préservation des tombes situées en France ainsi qu'en Algérie, au Maroc et en Tunisie relève de l'Onac et s'inscrit dans le cadre d'un programme pluriannuel de rénovation construit autour du centenaire de la Première Guerre mondiale. Pour remplir cette mission, l'Onac bénéficie en 2015 d'une subvention de 7,88 millions d'euros , ce qui représente une hausse de près de 165 % par rapport à 2014, année où cette subvention ne s'élevait qu'à 2,99 millions d'euros .

L'entretien des sépultures présentes à l'étranger (hors Algérie, Maroc et Tunisie) est de la responsabilité de la DMPA, qui délègue des crédits aux postes diplomatiques français des pays concernés. Pour 2015, 1 million d'euros doivent être consacrés à leur entretien et 1,1 million à leur rénovation, notamment à Madagascar, en Belgique ou encore au Mali. Là encore, ces crédits sont en augmentation par rapport à 2014 de 23 % . Qui plus est, une enveloppe de 1,26 million d'euros est affectée au financement de nouveaux monuments commémoratifs, que ce soit en France ou à l'étranger.

La valorisation du patrimoine mémoriel est un facteur essentiel de développement du tourisme de mémoire , qui connaît grâce à l'actualité commémorative un essor sans précédent et dont l'importance fait l'objet d'une prise de conscience de la part des élus locaux et nationaux ainsi que des acteurs économiques. Dès 2010 , il avait été estimé que les sites historiques relatifs aux conflits contemporains avaient attiré plus de six millions de visiteurs , représentant un chiffre d'affaires de près de 45 millions d'euros . En 2013 , plus de sept millions de visiteurs se sont rendus dans les lieux de mémoire en France, dont presque un tiers d'étrangers.

La DMPA et la direction générale des entreprises (DGE) 7 ( * ) du ministère de l'économie, de l'industrie et du numérique coopèrent dans le cadre d'une convention « défense-tourisme » afin de professionnaliser la filière, à travers notamment la création d'un label Qualité tourisme propre aux sites mémoriels et la mise en place d'un observatoire du tourisme de mémoire. La tenue des assises du tourisme de mémoire en 2011 puis en 2013 avec l'appui d'Atout France et des collectivités territoriales est un signe des progrès réalisés dans la structuration de ce secteur d'activité.

Pour la première fois, la loi de finances initiale pour 2014 affectait 1 ,5 million d'euros au soutien, par la DMPA, à des projets locaux ayant trait à l'aménagement du patrimoine mémoriel et au développement du tourisme de mémoire. Votre rapporteur pour avis est satisfait de constater que le PLF pour 2015 prévoit son augmentation de 10 % pour la porter à 1,65 million d'euros .

Le ministère et l'Onac ont également soutenu ces dernières années, dans le cadre de conventions de partenariat, des projets mémoriels importants portés par des collectivités territoriales , tout particulièrement lorsqu'ils étaient en lien avec le centenaire de la Première Guerre mondiale. C'est le cas en Alsace, sur le site du Hartmannswillerkopf , où un historial franco-allemand doit être inauguré en 2016. C'est également le cas dans la Meuse, où après la rénovation de la nécropole nationale de Fleury-devant-Douaumont va débuter celle du monument de la tranchée des baïonnettes. Enfin, l'Etat a participé au financement du mémorial international de Notre-Dame-de-Lorette , sur lequel sont inscrits les noms des 580 000 soldats tombés dans la région au cours de la Première Guerre mondiale et qui a été inauguré par le Président de la République le 11 novembre dernier.

La DMPA et l'Onac soutiennent également de nombreuses initiatives pédagogiques portant sur la transmission de la mémoire des conflits du vingtième siècle. La plus importante d'entre elles est le concours national de la Résistance et de la Déportation (CNRD), auquel plus de 35 000 élèves ont participé en 2013-2014 sur le thème de « la libération du territoire et le retour à la République ». Au cours de cette même année scolaire, 458 projets présentés par des établissements scolaires ont reçu un financement de la part de la DMPA, pour un total de 234 084 euros . Un protocole « défense - éducation nationale » régit les relations entre ces deux ministères, et notamment la production de ressources pédagogiques. Selon les informations communiquées à votre rapporteur pour avis, il suscite l'intérêt du comité interministériel de modernisation de l'action publique (Cimap), qui supervise sa refonte.

A l'heure où le rôle de l'éducation nationale dans la présentation aux élèves des valeurs pour lesquelles plusieurs générations de Français se sont battus au siècle passé est parfois jugé insuffisant, votre rapporteur pour avis ne peut que déplorer que le projet de loi de finances pour 2015 diminue de près de 43 % les crédits affectés à la DMPA en faveur de ces actions pédagogiques, qui passent de 0,61 à 0,35 million d'euros . La situation est même encore plus dégradée du côté de l'Onac, qui voit sa subvention dédiée à de telles actions passer de 0,67 à 0,27 million d'euros ( - 60 % ).

A l'inverse, des moyens supplémentaires sont consacrés au soutien à des projets mémoriels portés par des acteurs publics ou privés, associations, fondations de mémoire ou encore collectivités territoriales. 3,5 millions d'euros sont inscrits à ce titre dans le PLF pour 2015, alors que 2,1 millions d'euros figuraient dans la loi de finances initiale pour 2014 ( + 67 % ). Il est vrai que l'an dernier, en plus de ce total, 1 million d'euros étaient directement fléchés vers des projets locaux liés au soixante-dixième anniversaire de l'année 1944. Au final, l'augmentation du montant des subventions destinées à financer ces initiatives locales est d'environ 13 % .

Un dossier est toutefois à l'arrêt : celui de l'édification à Paris d'un monument dédié aux morts en Opex . Lancé en 2011, son périmètre avait été clairement défini par le rapport rendu par un groupe de travail présidé par le général Thorette 8 ( * ) . Le projet de construction a été lancé en 2012, sept candidatures ont été reçues et examinée par un jury. Toutefois, selon les informations transmises à votre rapporteur pour avis par le ministère de la défense, l'appel d'offres a été déclaré sans suite en raison de débats portant notamment sur son lieu d'implantation, la place Vauban à Paris ayant été envisagée, et sur le périmètre des opérations concernées. Alors qu'un budget d'un million d'euros avait été inscrit dans la loi de finances pour 2013, il n'a pas été consommé. Une mission de réflexion complémentaire a été lancée : votre rapporteur pour avis s'interroge sur son utilité. Le Gouvernement doit trancher sans délai , car la reconnaissance de l'égalité, sur le plan mémoriel, entre la quatrième génération du feu et celles qui l'ont précédée ne saurait être davantage retardée.


* 6 Arrêté du 20 mars 2014 portant définition et fixant la liste des hauts lieux de la mémoire nationale du ministère de la défense ; NOR : DEFD1407040A.

* 7 Ex-direction générale de l'industrie, de la compétitivité et des services (DGCIS).

* 8 Rapport du groupe de travail « Monument aux morts en opérations extérieures », sous la présidence du général d'armée (2S) Bernard Thorette, octobre 2011.

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