TRAVAUX DE LA COMMISSION

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La commission examine le rapport pour avis de M. René-Paul Savary sur la mission « Santé » du projet de loi de finances pour 2015.

M. René-Paul Savary, rapporteur pour avis . - Pour 2015, le projet de loi de finances fixe les crédits de la mission « Santé » à 1,2 milliard d'euros, en hausse de 3 % à périmètre constant par rapport à la loi de finances initiale pour 2014. Cette évolution résulte de deux tendances contraires :

- les crédits du programme 204 relatif à la « prévention, à la sécurité sanitaire et à l'offre de soins », qui retrace en particulier les subventions pour charges de service public versées à certains opérateurs sanitaires de l'Etat, diminuent de 5,8 % ;

- à l'inverse, les crédits du programme 183 relatif à la « protection maladie », qui assure essentiellement le financement de l'aide médicale de l'Etat (AME), progressent de 13,7 %. Cette croissance soutenue explique, à elle seule, la hausse générale des crédits de la mission ; j'y reviendrai.

Permettez-moi de préciser que la mission « Santé » ne retrace ainsi qu'une partie limitée des dépenses publiques en matière sanitaire. L'essentiel des dépenses engagées dans ce domaine relève en effet des lois de financement de la sécurité sociale. La mission ne comporte en outre pas de dépenses de personnels et ne concerne que certains établissements publics du champ sanitaire dont la tutelle est au moins partiellement assurée par le ministère des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.

Cette précision étant faite, je souhaiterais faire porter mon intervention sur deux points saillants qui caractérisent l'évolution des crédits de la mission. Il s'agit, d'une part, des contraintes budgétaires croissantes qui pèsent sur les agences sanitaires à un moment où celles-ci doivent assurer des missions toujours plus nombreuses, et d'autre part, de la croissance non maîtrisée des crédits de l'AME.

Le programme 204 finance, à titre principal ou complémentaire, huit opérateurs de l'Etat qui participent à la mise en oeuvre des politiques nationales de prévention et de sécurité sanitaire. Depuis maintenant plusieurs exercices, ces agences sanitaires sont appelées à réaliser des efforts d'efficience et de productivité croissants. En conséquence :

- le PLF pour 2015 propose de ramener le montant total des subventions pour charges de service public qui leur sont allouées de 315 millions d'euros cette année à 301 millions d'euros en 2015, soit une baisse de 4,4 %, largement supérieure au taux de réduction d'au moins 2 % fixé par la lettre de cadrage du Premier ministre en date du 7 mai 2014 ;

- parallèlement, la diminution des plafonds d'autorisations d'emplois atteindra environ 2 % l'année prochaine, tous opérateurs confondus. Le plafond d'ETPT autorisés passe ainsi de 2 579 en 2014 à 2 527 en 2015, soit une suppression de 52 emplois.

Il est tout à fait légitime et logique que les opérateurs de l'Etat, y compris les agences sanitaires, prennent leur part dans les mesures de redressement des finances publiques. La poursuite des efforts de rationalisation suscite cependant aujourd'hui des inquiétudes d'autant plus fortes qu'elles s'ajoutent à l'attribution de nouvelles missions et aux incertitudes liées aux dispositions du projet de loi relatif à la santé que nous examinerons l'année prochaine.

La situation de l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) est particulièrement éloquente. Comme vous le savez, cette jeune agence - elle s'est substituée à l'Afssaps le 1 er mai 2012 - a pour mission principale de garantir la sécurité des produits de santé tout au long de leur cycle de vie. Elle bénéficie à ce titre d'une large délégation de puissance publique qui lui permet de prendre, au nom de l'Etat, plus de 80 000 décisions par an. Depuis 2012, son budget est couvert principalement par une subvention de l'Etat qui a été réduite de plus de 9 % au cours des trois dernières années.

En 2015, la subvention allouée à l'ANSM s'élève à un peu plus de 119 millions d'euros, ce qui correspond à une baisse de 3,2 % par rapport aux crédits ouverts en loi de finances pour 2014. Son plafond d'emplois est quant à lui fixé à 989 ETPT, soit une diminution de 20 ETPT par rapport à 2014.

Ces fortes contraintes budgétaires ne doivent pas conduire à remettre en cause la capacité de l'agence à réaliser les missions que le législateur lui a assignées. Sa force de réactivité pour prévenir et faire face aux urgences sanitaires liées aux produits de santé doit être préservée. Or l'ANSM est progressivement appelée à exercer de nouvelles missions : outre la montée en puissance de son département de pharmaco-épidémiologie, elle devra assurer des missions aussi diverses et fondamentales que la mise en oeuvre du nouveau règlement européen relatif aux essais cliniques de médicaments à usage humain, l'application de la future réglementation européenne visant à renforcer la sécurité des dispositifs médicaux, mais aussi l'application des mesures de la prochaine loi de santé, au titre notamment de la sécurisation de la chaîne d'approvisionnement en médicaments (article 36) ou encore de la création d'un accès ouvert aux données de santé (article 47).

Lors de son audition, la direction de l'ANSM a fait part des tensions grandissantes engendrées par cet « effet ciseau ». Les autres opérateurs que j'ai auditionnés - en particulier l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses), l'Institut national du cancer (Inca) ou encore l'Agence de la biomédecine (ABM) sont confrontés à des difficultés similaires. Tous ont souligné la nécessité de garder une taille critique suffisante pour maintenir une expertise de qualité. Ils ont également insisté sur les avantages que présenterait l'adoption d'une programmation pluriannuelle de leurs moyens.

De ce point de vue, il nous faudra être particulièrement attentifs à l'article 42 du projet de loi relatif à la santé qui entend habiliter le Gouvernement à agir par ordonnances pour réformer le système d'agences sanitaires. La fusion de l'InVS, de l'INPES et de l'EPRUS est d'ores et déjà programmée.

Des mesures visant à une mutualisation des fonctions support des différentes agences sont par ailleurs annoncées. Mais le projet de loi et son étude d'impact restent relativement sibyllins sur les intentions exactes du Gouvernement en ce qui concerne l'articulation des missions des différents opérateurs et les moyens qui leur seront attribués.

J'en viens au programme 183 dont la quasi-totalité des crédits, je l'ai dit, sont relatifs à l'AME.

Comme vous le savez, l'AME de droit commun, entrée en vigueur le 1 er janvier 2000, permet la prise en charge des soins des personnes étrangères en situation irrégulière résidant en France de façon ininterrompue depuis plus de trois mois et disposant de ressources inférieures à un plafond identique à celui fixé pour le bénéfice de la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C). Financé par l'Etat, le dispositif est géré par l'assurance maladie.

Selon le projet annuel de performances (PAP) de la mission « Santé », le nombre de bénéficiaires de l'AME de droit commun s'élevait à un peu plus de 282 400 fin 2013, contre environ 215 700 fin 2009 ; il a ainsi progressé de 30 % en l'espace de quatre ans. La part des dépenses d'hospitalisation des bénéficiaires de l'AME est de 70 % contre un peu plus de 50 % pour l'ensemble des assurés sociaux.

Les dépenses liées à l'AME de droit commun se caractérisent par une augmentation continue et très soutenue - leur rythme d'augmentation est supérieur à celui des dépenses d'assurance maladie - et surtout par une absence totale de fiabilité des prévisions budgétaires. En pratique en effet, l'AME fait l'objet de sous-budgétisations récurrentes. En 2013, les dépenses exécutées se sont élevées à 744 millions contre une prévision de 588 millions d'euros en loi de finances initiale.

Pour 2015, les crédits ouverts au titre de l'AME de droit commun s'élèveraient à 632,6 millions d'euros - soit 82,4 millions d'euros de moins qu'en 2013 et 84,4 millions d'euros de moins que la prévision actualisée pour 2014 - alors que la dépense tendancielle est de 717 millions d'euros. Comme chaque année, le Gouvernement sera ainsi conduit à ouvrir des crédits supplémentaires dans le collectif budgétaire de fin d'exercice. Parallèlement, les restes à charge de l'Etat vis-à-vis de l'assurance maladie se cumulent : ils atteignaient 52 millions d'euros fin 2013.

La nécessité de renforcer davantage la maîtrise du dispositif de l'AME apparaît donc évidente. La révision du dispositif ne doit bien sûr remettre en cause ni la nécessité de protéger les personnes concernées en leur permettant l'accès aux soins préventifs et curatifs qui leur sont nécessaires, ni la capacité à éviter que des affections non soignées ne s'étendent au sein de la population.

Plusieurs ajustements ont déjà été entrepris. Je pense notamment à l'alignement progressif - et qui sera total à compter du 1 er janvier 2015 - des modalités de tarification spécifiques à l'AME sur les tarifs nationaux appliqués pour les prestations en médecine, chirurgie et obstétrique (MCO).

Dans le même esprit, l'article 59 sexies du PLF pour 2015 aligne les délais de facturation des séjours des bénéficiaires de l'AME en établissement de santé sur ceux du droit commun. Selon les prévisions du Gouvernement, cette mesure se traduira par une économie pérenne de seulement 0,8 million d'euros à compter de 2016, après 7,2 millions d'euros en 2015.

Le dispositif prévu va donc dans le bon sens mais il est largement insuffisant et doit faire l'objet de mesures complémentaires. Je vous proposerai ainsi un amendement qui entend envoyer un signal responsable, par l'institution d'une contribution forfaitaire comparable à la participation plafonnée de droit commun à laquelle sont aujourd'hui soumis les assurés lorsqu'ils recourent à des soins médicaux.

Pour conclure et compte tenu de l'ensemble de ces considérations, les orientations budgétaires définies par le Gouvernement pour la mission « Santé » me paraissent appeler une position plus que réservée. Je vous propose donc de donner un avis défavorable à l'adoption des crédits de cette mission.

M. Jean-Noël Cardoux . - Je partage la conclusion du rapporteur sur l'AME mais je me concentrerai sur les agences. Il est louable de souhaiter faire des économies mais vouloir qu'elles soient uniformes et les faire sans discernement n'est pas de bonne politique. Il faut s'interroger sur le rôle des agences, leur utilité et leurs relations mutuelles, c'est pourquoi je pense qu'il faut être très prudent face à la volonté du Gouvernement d'aborder cette question par ordonnance. Les agences ont un budget de fonctionnement de près de 3,5 milliards d'euros et emploient 24 000 personnes. Je pense qu'il faut approfondir la question de leur organisation, éliminer les doubles compétences et remettre en cause l'existence de telle ou telle agence si nécessaire.

Mme Catherine Deroche . - Je m'interroge sur le budget de la Haute Autorité de santé : apparaît-il dans la mission Santé du PLF ?

M. Yves Daudigny . - La mission Santé du PLF engage une réduction des dépenses tout en préservant l'exercice des missions par les opérateurs dont la réforme structurelle doit intervenir dans la loi relative à la santé. On peut aussi relever le rétablissement de la participation de l'Etat au Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante pour un montant de 10 millions d'euros.

S'agissant de l'AME, cette aide permet de financer l'accès aux soins de personnes qui ne sont pas des assurés sociaux. Cela est conforme à nos valeurs mais aussi à un intérêt de santé publique. L'AME est d'abord une question de pragmatisme.

M. Gilbert Barbier . - Nous assistons, s'agissant des agences, à un empilement de structures qui empêche de distinguer exactement qui fait quoi, spécialement dans le domaine du médicament où l'on a du mal à suivre le cheminement d'une instance à l'autre. La nécessité de modifier les structures apparaît quand on constate que les agences traitent de sujets sur lesquels le nombre d'experts est limité et que ce sont donc les mêmes personnes qui sont appelées à siéger, par exemple, à l'ANSM et au sein de la commission de la transparence de la Haute Autorité de santé. Cette réforme est d'autant plus nécessaire que nombre de décisions se prennent aujourd'hui au niveau européen. Je suis donc favorable à ce que le budget de fonctionnement des agences baisse. Par ailleurs, je soutiens l'amendement tendant à mettre en place une participation de ceux qui reçoivent les soins au titre de l'AME.

M. Michel Amiel . - Je suis d'accord avec l'idée d'une participation financière des patients car rien n'est gratuit en ce bas monde. Cependant sur le programme 183, il y va également de notre tradition républicaine.

L'idée de mutualiser les agences remonte à la loi HPST et peut-être faudrait-il engager une nouvelle RGPP sur ces structures. Les ARS sont issues du rapprochement de sept instances préexistantes, nous pourrions avoir la même logique de mutualisation et de clarification des rôles pour les autres agences. Sans qu'il soit nécessaire de toutes les réunir, on pourrait envisager la création d'une agence nationale de santé. Je pense qu'il faut aborder ce problème de fond.

Mme Isabelle Debré . - La mise en place d'une franchise sur l'AME avait ralenti la progression des dépenses. Nous partageons tous l'humanisme qui est au fondement de cette mesure, mais il y a aussi un problème d'équité entre les étrangers en situation régulière qui paient les franchises et les personnes en situation irrégulières qui ne les paient pas. La question de la responsabilisation des patients se pose d'ailleurs également pour la CMU.

Par ailleurs, le Défenseur des droits avait défendu l'idée d'une fusion de la CMU et de l'AME. Où en sommes-nous ?

Mme Nicole Bricq . - J'étais, il y a quelques années, rapporteur de la mission « Sécurité sanitaire » qui contenait notamment les crédits pour faire face au risque d'épidémie de grippe aviaire et concernait des organismes en charge de la santé animale et ceux liés à la santé humaine. J'avais été frappée par le nombre des agences et je crains qu'il n'ait encore augmenté depuis. Elles ont été mises, il est vrai, sous plafond d'emploi mais je suis d'accord pour dire qu'une réforme structurelle est préférable à un coup de rabot uniforme. J'ai eu l'occasion, au Gouvernement, de rapprocher deux agences. Je peux vous assurer que cela exige du temps et de l'argent. Les différences de culture ne peuvent s'aplanir facilement et les structures administratives regimbent.

Sur l'AME, je crains, quelles que soient vos intentions, que vous n'ouvriez la porte à un débat dans lequel certains demanderont la suppression du dispositif et je pense qu'il faut éviter de l'instrumentaliser.

Mme Aline Archimbaud . - Je propose que nous auditionnions le secrétariat général pour la modernisation de l'action publique (SGMAP) qui est placé auprès du Premier ministre. Plusieurs experts y ont étudié le gisement d'économies que représente le moins de maladie au travers d'un suivi de cohorte, d'une part, d'une population bénéficiant de la CMU c et, de l'autre, d'une population ayant des revenus situés juste au-dessus du niveau de perception. Ils ont constaté qu'en un an, la population à la CMU-c est moins malade, ce qui entraine une moindre dépense de 500 euros par an, soit plus que le coût de la CMU. Le suivi régulier permet la stabilisation des pathologies et limite les dépenses de santé. C'est le gaspillage lié à la non-prise en charge qu'il faut arrêter.

S'agissant de la responsabilisation des patients, il y a peut-être une certaine désinvolture qui se développe mais je trouve la stigmatisation des populations fragiles tout-à-fait injustifiée.

Sur l'AME, il faut entendre les soignants qui sont auprès de ces populations, et notamment Médecins du Monde. 50 euros est une somme très importante pour ces malades. Ce n'est pas là que l'on peut faire une économie grâce à la prévention. Je pense que cela fait partie de nos valeurs républicaines.

M. Olivier Cadic . - Je vois la proposition du rapporteur comme une volonté d'éviter la dérive budgétaire. Je pense qu'il faut discuter de l'endroit où placer le curseur mais surtout nous rendre compte que c'est là un problème européen. Pour éviter les discours malsains, je pense que nous devons voir comment les pays qui nous entourent abordent cette question.

Mme Catherine Génisson . - Je pense qu'il faut simplifier le fonctionnement des agences et sans doute réduire leur nombre. Je partage sur l'AME ce qu'a dit Yves Daudigny. Il faut certainement lutter contre les filières illégales. Mais les migrants de Calais, par exemple, ne viennent pas se faire soigner. Ils sont transportés aux urgences quand leur état devient tellement grave qu'il n'y a pas d'alternative. Dans ce contexte, demander 50 euros n'a guère de sens et entraînera des difficultés réelles de recouvrement. Je ne vois donc pas où sera l'économie. Surtout, le dispositif répond à un enjeu de santé publique. Il vise à éviter que ne se propagent des maladies épidémiques comme la gale.

Je rappelle que c'est à l'Assemblée nationale que Claude Goasguen a émis des critiques sur le montant de l'AME. Mais celle-ci ne figurait pas au départ dans le budget de l'Etat car on estimait que ces soins devaient être pris en charge par les hôpitaux dans le cadre de leur mission de service public. Je trouve normal que l'on quantifie désormais l'AME. Par ailleurs je ne pense pas que ce soit une bonne idée de la fondre avec la CMU car elle doit rester ponctuelle.

M. Michel Vergoz . - Le souvenir de l'Afssaps et du Mediator est encore très présent à mon esprit et j'attends que l'ANSM fasse ses preuves avant de considérer qu'il faut protéger ses emplois. En effet, si nous ne voulons pas augmenter les impôts, il faut bien baisser les dépenses. Des réformes doivent être menées et je ne comprends pas que l'on octroie une autorisation de mise sur le marché à des médicaments qui n'ont pas d'apport thérapeutique.

Sur l'AME, l'augmentation de 30 % du nombre de bénéficiaires est le résultat direct du contexte de crise internationale. Pour échapper aux conflits, ces personnes viennent en France, dans ce qui leur paraît être un Eldorado. Il faut donc peser nos mots et ne pas jouer avec le feu. Tous ici, nous sommes conscients de l'enjeu de santé et je crois que nous partageons le fait que l'on ne peut laisser des personnes malades sans soins. Le problème est celui de l'immigration illégale. N'hésitons pas à traiter ce problème et ne laissons pas les extrémistes s'en emparer.

M. Alain Milon, président . - Je suis sûr que tous nous pensons qu'un être humain malade doit être soigné et aucun professionnel de santé ne refusera de prodiguer ces soins. Je m'étais opposé à l'idée d'une participation forfaitaire au moment de son introduction. J'ai évolué car le contexte économique a changé et que la situation internationale s'est aggravée. Comme d'autres ici, j'ai pu mesurer, lors de la campagne des sénatoriales, l'ampleur des interrogations des élus locaux sur ce sujet et je crois qu'il faut rassurer la population.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe . - L'expérience des uns ne vaut pas nécessairement pour les autres et, pour ma part, je n'ai jamais été interrogé sur l'AME par les élus.

Je souhaite d'abord souligner la complexité du système d'agences et le fait que les rapprochements ne sont pas simples. Il faut d'abord redéfinir les objectifs dans le domaine de la santé pour réformer le système. C'est notre rôle en tant qu'élus. L'empilement des structures au fil du temps a rendu la compréhension de l'ensemble difficile, et sans doute pour les agences elles-mêmes. Nous avons relevé au cours du débat sur le PLFSS la nécessité pour notre commission de se pencher sur la question du médicament.

Sur l'AME, évitons tout procès d'intention. Le rapporteur a clairement indiqué qu'il n'est pas question d'empêcher les personnes en cause d'être soignées ni de ne pas prendre en compte l'enjeu de santé publique. La question est financière et je note d'abord l'incohérence des chiffres du Gouvernement qui va nécessairement conduire à une sous budgétisation. La commission des finances, de son côté, semble vouloir proposer un plafonnement des dépenses à 450 millions. Je ne crois pas que tout cela soit de bonne gestion car, en l'occurrence, on sait qu'il ne suffira pas d'afficher un objectif de réduction de la dépense pour pouvoir l'atteindre.

Sur la question de la contribution forfaitaire, je note que l'AME est soumise, comme la CMU, à des conditions de ressources et que les bénéficiaires de la CMU sont exonérés de franchise. J'entends dire qu'il faut lancer un signal mais celui-ci me semble avoir une portée concrète assez faible et être surtout psychologique.

M. Jean-Pierre Caffet . - Le sujet de l'AME est récurrent, difficile et sensible. On peut l'aborder sous deux angles. Le premier est celui du public auquel s'adresse cette aide. Il s'agit d'étrangers en situation irrégulière, ce qui pose la question des flux migratoires. Il y a un sens à s'attaquer à ce problème qui taraude la société au travers de la question de l'immigration et du droit d'asile. Des textes seront discutés sur ces sujets. Mais une mesure sur l'AME ne réglera rien et risque d'ouvrir la boîte de Pandore.

Le sujet peut aussi être abordé sous l'angle budgétaire. La mesure proposée par le rapporteur sera-t-elle ou non efficace. Un forfait de 50 euros rapportera au mieux 12,5 millions d'euros, ce qui n'est pas proportionné à une dépense de plus de 700 millions. Il n'y a pas non plus de preuve évidente qu'un forfait limite la consommation de soins. Le forfait de 30 euros qui avait été mis en place avait certes fait baisser la consommation en soins de ville, mais avec un report sur les soins hospitaliers.

M. Jean-Marie Morisset . - Sur le programme 204, je souhaite savoir s'il y a une ligne spécifique cette année pour le financement de la partie sanitaire du plan de lutte contre les maladies, neuro-dégénératives annoncé par la ministre.

Mme Colette Giudicelli . - Je viens d'une ville frontière dans laquelle le ministre de l'intérieur s'est rendu récemment et a été surpris d'apprendre que 2 500 immigrés clandestins étaient passés en l'espace de quelques semaines, souvent dans des situations dramatiques. Il est trop tard pour aborder ce problème une fois que ces personnes sont sur le territoire car il faut bien les aider. C'est au niveau européen qu'il convient de régler ce problème.

Mme Patricia Schillinger . - J'ai pu constater également les interrogations des élus sur l'AME et la CMU mais ceci reflète aussi le sentiment de délaissement qu'une partie de notre population âgée ressent face à l'importance de leur reste à charge sur certains soins. Il y a des réformes à faire mais il faut éviter toute stigmatisation.

Mme Laurence Cohen. - Je m'interroge sur le fait que le budget des ARS et la question de l'amiante n'aient pas été abordés par le rapporteur. S'il faut rationaliser les agences et mieux déterminer les missions de chacun, je ne crois pas que des suppressions d'emploi arrangent les choses, surtout dans un contexte de forte demande de la sécurité sanitaire. On prend, à mon avis, le problème à l'envers.

Sur l'AME, je crains que l'on ne traite la question selon l'air du temps. Je relève par ailleurs que certains médecins de ville refusent de donner des rendez-vous aux bénéficiaires de la CMU.

M. Daniel Chasseing . - Si des praticiens refusent les bénéficiaires de la CMU, c'est inadmissible. Le problème est la charge budgétaire de l'AME sachant, de toute façon, que les médecins soigneront les personnes. La mesure proposée me semble relever du principe que la santé a un coût, ce qu'il est nécessaire de rappeler même si les sommes sont peu récupérées.

M. Alain Milon, président . - Je tiens simplement à préciser que l'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) est issue de la fusion de l'agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa) et de l'agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail (Afsset). Il y a eu mutualisation des administrations, mais sans porter atteinte à la capacité de recherche. Par ailleurs, l'ANSM a été créée en remplacement de l'Afssaps.

M. René-Paul Savary, rapporteur . - Le budget de la Haute Autorité de santé (HAS), qui est d'environ 60 millions d'euros, relève désormais d'une dotation de la Cnam. Le budget des ARS n'est, pour sa part, doté par la mission « Santé » du PLF que de 125 millions d'euros qui sont des crédits du fonds d'intervention régional, destinés à la prévention.

L'action 14, qui vise la prévention des maladies chroniques, est dotée de 62,15 millions d'euros en 2015, en baisse de 5,6 % par rapport à 2014.

Certes la France est un Eldorado dans un monde particulièrement troublé mais un Eldorado à crédit, et c'est pour cela que nous souhaitons envoyer un signe sur l'AME. Il y a un problème de filières mais il ne faut pas que notre système les encourage. C'est pour cela que je pense que la fusion de la CMU et de l'AME serait une mauvaise idée. Elle n'a d'ailleurs plus eu d'actualité depuis qu'elle a été proposée en 2010. Il n'est évidemment pas question de supprimer l'AME mais de prendre une mesure raisonnable. S'agissant des pays comparables, on peut constater que ceux-ci ont eu tendance à limiter ces dernières années leur prise en charge aux soins urgents que personne ne peut contester.

Pour moi, la responsabilisation des patients n'est pas une question de revenus. Elle s'applique tant à ceux qui sont entièrement pris en charge par la solidarité nationale qu'à ceux qui estiment qu'ils doivent, parce qu'ils payent des assurances chères, rentabiliser le système de santé. C'est pour cela que je suis opposé au tiers payant généralisé.

Pour les agences, l'essentiel est de mutualiser les fonctions support et de favoriser la mise en réseau.

Mon avis sur le budget de la mission Santé est défavorable pour le programme 204 en raison du recours aux ordonnances prévu par le projet de loi relatif à la santé et pour le programme 183 en raison de la sous-budgétisation de l'AME.

La commission émet un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Santé » du projet de loi de finances pour 2015.

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