Avis n° 111 (2014-2015) de M. Philippe MOUILLER , fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 20 novembre 2014

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N° 111

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2014-2015

Enregistré à la Présidence du Sénat le 20 novembre 2014

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des affaires sociales (1) sur le projet de loi de finances pour 2015 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,

TOME VII

SOLIDARITÉ, INSERTION ET ÉGALITÉ DES CHANCES

Par M. Philippe MOUILLER,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Alain Milon, président ; M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général ; M. Gérard Dériot, Mmes Colette Giudicelli, Caroline Cayeux, M. Yves Daudigny, Mme Catherine Génisson, MM. Jean-Pierre Godefroy, Gérard Roche, Mme Laurence Cohen, M. Gilbert Barbier, Mme Aline Archimbaud, vice-présidents ; Mme Agnès Canayer, M. René-Paul Savary, Mme Michelle Meunier, M. Jean-Louis Tourenne, Mme Elisabeth Doineau, secrétaires ; MM. Michel Amiel, Claude Bérit-Débat, Mme Nicole Bricq, MM. Olivier Cadic, Jean-Pierre Caffet, Mme Claire-Lise Campion, MM. Jean-Noël Cardoux, Daniel Chasseing, Mmes Karine Claireaux, Annie David, Isabelle Debré, Catherine Deroche, M. Jean Desessard, Mme Chantal Deseyne, MM. Claude Dilain, Jérôme Durain, Jean-Yves Dusserre, Mme Anne Emery-Dumas, MM. Michel Forissier, François Fortassin, Jean-Marc Gabouty, Mme Françoise Gatel, M. Bruno Gilles, Mme Pascale Gruny, M. Claude Haut, Mme Corinne Imbert, MM. Éric Jeansannetas, Georges Labazée, Jean-Baptiste Lemoyne, Mmes Hermeline Malherbe, Brigitte Micouleau, MM. Jean-Marie Morisset, Philippe Mouiller, Louis Pinton, Mme Catherine Procaccia, M. Didier Robert, Mme Patricia Schillinger, MM. Michel Vergoz, Dominique Watrin.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) : 2234, 2260 à 2267 et T.A. 420

Sénat : 107 et 108 à 114 (2014-2015)

Les observations de la commission des affaires sociales

LES OBSERVATIONS DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Réunie le mercredi 19 novembre 2014 , sous la présidence de M. Alain Milon, président , la commission a examiné le rapport pour avis de M. Philippe Mouiller sur les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » du projet de loi de finances pour 2015 .

Dotée de 15,7 milliards d'euros , la mission constitue l'un des principaux vecteurs d'intervention de l'Etat en matière de lutte contre l'exclusion sociale et de protection des personnes les plus vulnérables.

La hausse substantielle des crédits du programme « Inclusion sociale, protection des personnes et économie sociale et solidaire », qui s'élèveront à 2,6 milliards d'euros , est avant tout due à une simplification du mode de financement du fonds national des solidarités actives (FNSA). Après avoir souligné le risque de sous-budgétisation des crédits destinés au RSA « activité », le rapporteur a pris acte de l'annonce d'une fusion prochaine de celui-ci avec la prime pour l'emploi (PPE). Il a indiqué demeurer attentif aux modalités de mise en oeuvre d'une réforme dont les contours demeurent encore flous et dont l'impact financier doit pouvoir être apprécié plus finement. Le rapporteur s'est par ailleurs déclaré favorable à une recentralisation du RSA « socle », au regard du poids que celui-ci représente sur les finances des départements et de l'absence de marges de manoeuvre dont disposent ces derniers pour la gestion de la prestation.

Le programme « Handicap et dépendance » , qui rassemble près des trois quarts des crédits de la mission, bénéficiera de 11,6 milliards d'euros en 2015, soit une augmentation de 1,4 % par rapport à 2014. Le rapporteur a insisté sur le risque de sous-évaluation des dépenses relatives à l'allocation pour adultes handicapés (AAH). Il a également fait part de sa crainte d'un désengagement de l'Etat du financement des maisons départementales pour personnes handicapées (MDPH). L'augmentation faciale du niveau de la dotation allouée aux MDPH n'est en effet obtenue qu'au prix d'une ponction de 10 millions d'euros sur le budget de la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), qui masque en réalité une baisse de plus de 8 millions d'euros de l'engagement de l'Etat.

Le rapporteur a par ailleurs regretté l'absence de pilotage stratégique du programme « Egalité entre les femmes et les hommes » , dont les crédits se stabilisent à hauteur de 25,2 millions d'euros après avoir connu une hausse substantielle en 2014. Il a noté l'absence de prise en compte des dépenses qu'engendrera l'adoption de la proposition de loi relative à la lutte contre le système prostitutionnel.

1,5 milliard d'euros seront alloués au programme support qui regroupe principalement les dépenses de personnel des ministères sociaux, de leurs antennes territoriales et des agences régionales de santé (ARS). La diminution des crédits par rapport à 2014 tient notamment à la réduction du plafond d'emplois à hauteur de 253 équivalents temps plein.

Suivant l'avis de son rapporteur, la commission a donné un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances »
ainsi qu'à l'article 60 du projet de loi de finances pour 2015.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

La mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », dotée de 15,7 milliards d'euros l'année prochaine, constitue l'un des principaux vecteurs d'intervention de l'Etat en matière de lutte contre l'exclusion sociale et de protection des personnes les plus vulnérables.

Si les crédits alloués au programme « Inclusion sociale, protection des personnes et économie sociale et solidaire », fixés à 2,6 milliards d'euros, connaissent une augmentation substantielle, celle-ci est avant tout liée à une modification du mode de financement du fonds national des solidarités actives (FNSA). Celui-ci était jusqu'à présent alimenté par une fraction du prélèvement de solidarité sur les produits de placement et les revenus du patrimoine, désormais affectée à la sécurité sociale. Votre rapporteur salue cette simplification mais regrette que, dans le même temps, l'impact de la revalorisation exceptionnelle du revenu de solidarité active (RSA) en 2015 soit pris en compte par l'affectation d'une nouvelle recette non pérenne pour un montant de 200 millions d'euros.

Votre rapporteur prend acte de l'annonce de la fusion prochaine du RSA « activité » avec la prime pour l'emploi (PPE) dont il souhaite qu'elle se traduise par la mise en place d'un mécanisme plus lisible pour les bénéficiaires et davantage incitatif. Il demeure cependant attentif aux modalités concrètes de mise en oeuvre de la réforme et s'interroge, compte tenu du fort taux de non-recours qui caractérise actuellement le RSA « activité » et du très faible nombre de bénéficiaires du RSA « jeunes », sur le caractère réaliste de la mise en place, à moyens constants, d'une prime d'activité qui serait ouverte dès l'âge de 18 ans.

Votre rapporteur sera par ailleurs attentif aux réflexions qui pourront être engagées par le groupe de travail sur le RSA dont le Premier ministre a annoncé la mise en place le 6 novembre dernier. Au regard du poids financier de plus en plus lourd que représente le RSA « socle » pour les départements et de l'absence de marges de manoeuvre dont disposent ces derniers pour la gestion de la prestation, votre rapporteur estime nécessaire de réfléchir à son transfert à l'Etat tout en préservant la compétence d'insertion des départements.

Le programme « Handicap et dépendance », qui rassemble à lui seul près des trois quarts des crédits, voit sa dotation augmenter de 1,4 % pour s'établir à 11,6 milliards d'euros. Votre rapporteur souligne le risque de sous-budgétisation des 8,5 milliards d'euros destinés au financement de l'allocation pour adulte handicapés (AAH), la dotation pour 2014 bénéficiant d'ailleurs d'un abondement en loi de finances rectificative. Si les moyens alloués par l'Etat au fonctionnement des MDPH, d'un montant de 66,3 millions d'euros, sont en augmentation, celle-ci n'est obtenue qu'au prix d'une ponction de 10 millions d'euros sur le budget de la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), qui masque en réalité une baisse de plus de 8 millions d'euros de l'engagement de l'Etat. Votre rapporteur s'interroge sur la pérennité d'un tel mécanisme et craint qu'il ne traduise un désengagement de l'Etat du financement de ces structures. S'agissant des établissements et services d'aide par le travail (Esat), qui doivent bénéficier de 2,7 milliards d'euros l'année prochaine, votre rapporteur souligne la fragilité structurelle de leur mode de tarification et regrette la faiblesse d'un plan d'aide à l'investissement dont l'effet sur la modernisation des Esat risque d'être limité.

Concernant le programme « Egalité entre les femmes et les hommes », dont les crédits se stabilisent à hauteur de 25,2 millions d'euros après avoir connu une hausse substantielle en 2014, votre rapporteur regrette le manque de pilotage stratégique des dotations et note l'absence de prise en compte des dépenses que devrait engendrer l'adoption de la proposition de loi relative à la lutte contre le système prostitutionnel.

Suivant l'avis de son rapporteur, la commission a donné un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » ainsi qu'à l'article 60 du projet de loi de finances pour 2015.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

I. LES DÉPENSES DE L'ETAT EN FAVEUR DE L'INCLUSION SOCIALE, DE LA PROTECTION DES PERSONNES ET DE L'ÉCONOMIE SOCIALE ET SOLIDAIRE

Le projet de loi de finances pour 2015 prévoit d'allouer au programme n° 304 « Inclusion sociale, protection des personnes et économie sociale et solidaire » 3,6 milliards d'euros de crédits de paiement, soit une augmentation de près 200 % par rapport à 2014. La répartition des crédits au sein des différentes actions qui composent le programme s'effectue de la façon suivante :

Figure n° 1 : Les crédits de paiement alloués en 2015 au programme n° 304 « Inclusion sociale, protection des personnes et économie sociale et solidaire »

(en millions d'euros)

Crédits
de paiement en 2015

Inclusion sociale, protection des personnes et économie sociale et solidaire

2 631,2

Revenu de solidarité active

2 330,9

Economie sociale et solidaire

4,7

Autres expérimentations

0,9

Aide alimentaire

32,6

Qualification en travail social

5,6

Protection juridique des majeurs

241,3

Protection et accompagnement des enfants, des jeunes et des familles vulnérables

15,3

Source : Projet annuel de performance annexé au projet de loi de finances

A. LES DÉPENSES RELATIVES AU REVENU DE SOLIDARITÉ ACTIVE

1. Le changement opéré dans le mode de financement du fonds national des solidarités actives

Le programme n° 304 contribue principalement au financement de la partie activité du revenu de solidarité active (RSA), via le fonds national des solidarités actives (FNSA). Celui du RSA « socle » est à la charge des départements. La dotation allouée au FNSA en 2015 doit s'élever à 2,3 milliards d'euros , soit quasiment quatre fois plus qu'en 2014.

Le revenu de solidarité active

1) Les critères d'éligibilité au RSA


Les conditions administratives :

Peuvent prétendre au bénéfice du RSA les personnes âgées de plus de 25 ans. Ne sont pas soumis à cette condition d'âge :

- les parents isolés, c'est-à-dire ne vivant pas en couple de manière déclarée et permanente et ne partageant pas leurs ressources et leurs charges avec un conjoint, concubin ou partenaire pacsé, ayant au moins un enfant à charge, né ou à naitre ;

- les personnes ayant travaillé au moins deux ans au cours des trois années précédant leur demande (c'est le « RSA jeunes »).

Les bénéficiaires du RSA doivent résider en France de manière stable, effective et permanente. Les ressortissants de l'espace économique européen et de la Suisse doivent résider en France de façon régulière depuis au moins trois mois. Sont exonérées de cette durée de résidence, les personnes exerçant une activité professionnelle ou ayant exercé une activité professionnelle mais qui sont en incapacité temporaire de travailler pour des raisons médicales ou suivent une formation ou sont inscrites sur la liste des demandeurs d'emploi.

Les autres ressortissants étrangers doivent être titulaires, depuis au moins cinq ans, d'un titre de séjour autorisant à travailler. Sont exonérés de ce titre les réfugiés, les apatrides, les bénéficiaires de la protection subsidiaire, les étrangers titulaires de la carte de résident ou d'un titre de séjour conférant des droits équivalents ainsi que les personnes ayant droit à la majoration pour parent isolé.


Les conditions de ressources :

Le montant du RSA dépend du niveau de ressources (revenus d'activité et autres) du demandeur et des autres membres du foyer. Est calculée la moyenne mensuelle des ressources perçues au cours des trois mois précédant la demande.

2) RSA « socle » / RSA « activité »

Le RSA « socle » se substitue au revenu minimum d'insertion (RMI) et à l'allocation parent isolé (API). Son montant, forfaitaire, est calculé en fonction de la situation familiale du demandeur. Il peut être majoré pour les personnes isolées ayant un enfant à charge (on parle alors de RSA « socle » majoré).

Montant maximal du RSA « socle » au 1 er janvier 2014 (en euros)

Nombre d'enfants

Personne seule

Parent isolé

Couple

0

509,30

654,00

763,95

1

763,95

872,00

916,74

2

916,74

1 090,00

1 069,53

Enfant supplémentaire

203,72

218,00

203,72

Le RSA « activité » est un complément aux revenus du travail qui doit garantir la progression des revenus d'activité de la personne. Il correspond à 62 % des revenus d'activité. Le niveau total du RSA versé à une activité est égal au montant du RSA « socle », augmenté de 62 % des revenus d'activité, diminué du niveau de ces revenus d'activité. Ainsi, une personne seule sans enfant à charge gagnant 500 euros par mois touchera :

509,30 euros + 62 % de 500 euros - 500 euros = 319,30 euros.

Lorsque le demandeur bénéficie d'une aide au logement, est propriétaire de son logement ou l'occupe à titre gratuit, le montant du RSA est diminué d'une somme forfaitaire dite forfait logement, qui varie de 61,12 euros pour une personne seule à 151,26 euros lorsque le foyer comprend trois personnes et plus.

La hausse considérable des crédits destinés au FNSA résulte d'un changement effectué dans son mode de financement . Jusqu'à présent, celui-ci était alimenté par une fraction du prélèvement de solidarité sur les produits de placement et les revenus du patrimoine, l'Etat apportant une contribution d'équilibre dont le niveau s'élevait à 595 millions d'euros en 2014. Cette recette est désormais entièrement versée à la sécurité sociale et le FNSA est donc financé dans sa totalité par une dotation de l'Etat.

Cette simplification devrait permettre de lisser dans le temps la contribution de l'Etat, puisque celle-ci ne dépendra plus des fluctuations d'une recette qui s'avérait volatile. Elle améliorera également la visibilité dont dispose le Parlement pour apprécier chaque année l'évolution des dépenses de RSA « activité ».

Votre rapporteur regrette cependant que, dans le même temps, il soit prévu d'abonder à hauteur de 200 millions d'euros la dotation de l'Etat par la contribution exceptionnelle de solidarité des fonctionnaires afin de tenir compte de la revalorisation exceptionnelle du RSA de 10 % sur cinq ans, en sus de l'indexation annuelle sur l'inflation, prévue par le plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale. Une telle mesure ne va pas dans le sens de la simplification opérée via l'affectation à la sécurité sociale du prélèvement de solidarité.

Elle traduit en outre le fait que le Gouvernement ne se donne pas les moyens d'assumer les conséquences des décisions qu'il a prises pour la revalorisation du RSA puisqu'il décide de financer leur impact sur le RSA « activité », non pas en augmentant de façon pérenne le niveau des crédits alloués par l'Etat, mais en y affectant une ressource extérieure non pérenne.

Le FNSA assure trois missions :

- la principale, en termes de volumes financiers, concerne le financement de la partie activité du RSA, pour un montant estimé à 1 951 millions d'euros en 2015 ;

- par dérogation avec la règle relative au partage des charges entre Etat et départements, il assure l'ensemble du financement du RSA « jeunes » ; ce mode de financement est reconduit pour l'année 2015 par l'article 60 du projet de loi de finances, rattaché à la mission ; la dotation devrait s'élever l'année prochaine à 26 millions d'euros ;

- il finance également une aide exceptionnelle dite « prime de Noël », versée à la fin de chaque année aux bénéficiaires du RSA et, depuis 2013, à ceux de l'allocation de solidarité spécifique (ASS), de l'allocation équivalent retraite (AER) et de l'allocation transitoire de solidarité (ATS) ; le coût global de cette aide sera l'année prochaine de 513 millions d'euros dont 424,1 millions d'euros pour les bénéficiaires du RSA et 88,9 millions d'euros pour ceux des autres prestations.

S'ajoutent à ces dépenses 39,5 millions d'euros destinés à compenser les frais engendrés pour les caisses d'allocations familiales (Caf) et celles de la mutualité sociale agricole (MSA) par la gestion du RSA « activité » et du RSA « jeunes ».

2. Le risque de sous-évaluation des dépenses relatives au RSA « activité »

Le projet annuel de performances prévoit le versement du RSA « activité » à 830 000 foyers en 2015.

Figure n° 2 : Evolution du nombre de bénéficiaires du RSA « activité »
et des montants moyens mensuels versés entre 2009 et 2015

2009

2010

2011

2012

2013

2014 p

2015 p

Nombre de bénéficiaires

598 800

659 884

700 413

720 900

772 519

761 462

830 000

Montant moyen mensuel (en euros)

178

173

179

183

190

182

200

Source : Projet annuel de performance annexé au projet de loi de finances pour 2015

Si le RSA « activité » présente des lacunes indéniables qui expliquent une montée en charge limitée du dispositif depuis sa création, il n'en demeure pas moins que les dépenses de l'Etat connaissent une évolution à la hausse dont votre rapporteur estime qu'elle est sous-estimée par le Gouvernement dans le présent projet de loi de finances.

En premier lieu, la revalorisation exceptionnelle du RSA « socle » a un impact, à la fois sur le niveau du RSA « activité » et sur le nombre de bénéficiaires potentiels. Selon le rapporteur spécial de la commission des finances, celui-ci devait être de 230 millions d'euros sur les dépenses de l'Etat au titre du RSA « activité » entre 2015 et 2017, ce qui signifie que la hausse de crédits envisagée par le Gouvernement sur cette période pour l'ensemble de la mission sera en grande partie absorbée sous le seul effet de la revalorisation exceptionnelle du RSA.

Dans le même temps, 68 % des bénéficiaires potentiels du RSA « activité » continuent de ne pas avoir recours à la prestation . Le niveau effectif des dépenses est donc très largement inférieur à ce qu'il pourrait être. De la même façon, avec 7 882 bénéficiaires au mois de mars 2014, le RSA « jeunes » est loin d'avoir atteint sa cible.

Or l'un des objectifs du plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale, adopté en janvier 2013, est justement l'amélioration du recours aux droits , notamment grâce à l'organisation de rendez-vous des droits par les Caf.

Votre rapporteur ne peut que soutenir de telles mesures et souhaiter qu'elles atteignent leur objectif de diminution du taux de non recours aux droits. Il insiste cependant, et les associations qu'il a entendues l'ont souligné à plusieurs reprises, sur le fait qu'une telle politique aura nécessairement un impact substantiel sur les dépenses de l'Etat. Or celui-ci n'est à aucun moment pris en compte dans les prévisions d'augmentation des dépenses à trois ans présentées dans le projet annuel de performances.

B. L'ABSENCE DE PERSPECTIVES CLAIRES CONCERNANT LA RÉFORME DU REVENU DE SOLIDARITÉ ACTIVE

1. Les limites du dispositif actuel
a) L'articulation entre RSA « socle » et RSA « activité »

Généralisé par la loi du 1 er décembre 2008 1 ( * ) à la suite d'expérimentations menées dans 34 départements, le RSA poursuit un objectif de lutte contre la pauvreté grâce au RSA « socle », issu de la fusion du revenu minimum d'insertion (RMI) et de l'allocation parent isolé (API), et de soutien au retour à l'emploi, via le RSA « activité » et la mise en oeuvre d'un parcours d'insertion.

Au mois de mars 2014, 2 344 054 personnes touchent le RSA en France métropolitaine et outre-mer . Le nombre de ces bénéficiaires, inégalement répartis sur le territoire français 2 ( * ) , connaît une hausse continue depuis plusieurs années en raison de la dégradation de la conjoncture économique et de la situation défavorable du marché du travail.

Figure n° 3 : Nombre d'allocataires du RSA en mars 2014

Métropole

Socle

Activité

Socle + Activité

Total

RSA

1 376 469

487 260

240 372

2 104 101

Dont RSA majoré

181 011

42 684

21 189

244 884

Dont RSA non majoré

1 195 458

444 576

219 183

1 859 217

RSA jeunes

2 260

4 888

613

7 761

TOTAL

1 378 729

492 148

240 985

2 111 862

Départements d'outre-mer

Socle

Activité

Socle + Activité

Total

RSA

185 991

30 099

15 981

232 071

Dont RSA majoré

32 493

2 767

1 505

36 765

Dont RSA non majoré

153 498

27 332

14 476

195 306

RSA jeunes

43

69

9

121

TOTAL

186 034

30 168

15 990

232 192

Métropole + Départements d'outre-mer

Socle

Activité

Socle + Activité

Total

RSA

1 562 460

517 359

256 353

2 336 172

Dont RSA majoré

213 504

45 451

22 694

281 649

Dont RSA non majoré

1 348 956

471 908

233 659

2 054 523

RSA jeunes

2 303

4 957

622

7 882

TOTAL

1 564 763

522 316

256 975

2 344 054

Source : DGCS - réponses aux questionnaires budgétaires

Le rapport publié en juillet 2013 par Christophe Sirugue a clairement mis en évidence les limites actuelles du RSA « activité » 3 ( * ) . Comme l'a indiqué votre rapporteur précédemment, le taux de non-recours à la prestation - 68 % en 2011 - est particulièrement élevé.

Plusieurs éléments peuvent expliquer ce phénomène : la complexité du dispositif, notamment des modalités de calcul des ressources, le manque d'informations des bénéficiaires potentiels, la crainte de ces derniers de se sentir stigmatisés en touchant une aide qui continue de s'ancrer dans une logique de minimum social. La Cour des comptes a par ailleurs constaté en 2013 le manque de lisibilité et le faible caractère incitatif d'une prestation soumise à des logiques différentes, difficilement conciliables - une logique individuelle d'encouragement au retour ainsi qu'au maintien dans l'emploi en même temps qu'une logique familiale de soutien aux bas revenus 4 ( * ) .

La coexistence du RSA « activité » avec la prime pour l'emploi (PPE), créée en 2001 5 ( * ) , fait par ailleurs l'objet de critiques. Celle-ci est saupoudrée entre 6,3 millions de foyers fiscaux. Son versement en une fois et avec une année de décalage - elle est attribuée sur la base des revenus déclarés l'année précédente - ne lui permet pas de jouer le rôle de levier vers le retour à l'emploi qui devrait être le sien. En outre, le gel de son barème depuis 2008, limite encore cet effet levier. Comme le souligne Christophe Sirugue dans son rapport, « il résulte de cette situation qu'aucun des deux dispositifs existant n'atteint ses buts : l'impact redistributif et la contribution à la réduction de la pauvreté sont limités ; les effets sur le soutien à la (re)-prise d'activité ou au maintien dans l'emploi sont faibles » .

La prime pour l'emploi

La prime pour l'emploi (PPE) est un crédit d'impôt versé, sous conditions de revenus, aux foyers fiscaux dont au moins l'un des membres exerce une activité professionnelle. Elle se traduit par une diminution de l'impôt sur le revenu ou par un versement de la part du Trésor public lorsque son montant est supérieur au niveau de l'impôt dû.

Pour bénéficier de la PPE en 2014, le revenu fiscal de référence du foyer pour l'année 2013 devait s'élever à 16 251 euros maximum pour une personne seule ou à 32 498 euros pour un couple. Ces montants sont augmentés de 4 490 euros par demi-part supplémentaire.

En 2014, les revenus d'activité pour l'année 2013 du bénéficiaire potentiel doivent être compris entre 3 743 euros et un plafond qui varie selon la situation familiale. Il est compris entre 17 451 euros pour une personne seule et 26 572 euros pour un couple dont seul l'un des deux membres exerce une activité professionnelle.

Le montant du « RSA activité » éventuellement perçu est déduit du montant de la PPE.

b) L'échec du RSA « jeunes »

La situation est encore plus critique s'agissant du RSA « jeunes », dont le nombre d'allocataires connaît une diminution continue depuis plusieurs années - la baisse est de 23 % entre le mois de juin 2011 et celui de mars 2013. En 2010, la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) évaluait le nombre de bénéficiaires potentiels du RSA « jeunes » à 130 000 foyers environ dont 110 000 foyers en emploi, pour un coût global en année pleine de 230 millions d'euros. Pour l'année 2015, la DGCS estime que le nombre de bénéficiaires devrait s'approcher de 7 000.

Figure n° 4 : Evolution du nombre de bénéficiaires du RSA « jeunes » entre mars 2011 et mars 2014 (France métropolitaine
et départements d'outre-mer)

Nombre

de bénéficiaire s

mars-11

juin-11

sept-11

déc-11

mars-12

juin-12

sept-12

9 604

10 246

9 628

9 498

9 421

9 303

8 545

déc-12

mars-13

juin-13

sept-13

déc-13

mars-14

8 409

8 483

8 451

7 291

7 845

7 882

Source : DGCS - réponses aux questionnaires budgétaires

L'échec du dispositif s'explique en grande partie par la rigidité des critères d'accès à la prestation. En effet, compte tenu des difficultés structurelles que rencontrent les jeunes sur le marché du travail, la condition d'avoir exercé une activité professionnelle pendant deux ans au cours des trois années précédant la demande de RSA « jeunes » conduit, en pratique, à exclure un grand nombre de bénéficiaires potentiels du versement de la prestation. Ces critères avaient pu trouver une justification dans la volonté d'éviter tout effet désincitatif à la recherche d'emploi sur ce public. Or les réponses aux questionnaires budgétaires fournies par le Gouvernement à votre rapporteur montrent qu'aucun effet désincitatif n'a jusqu'à présent été démontré.

Si le plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale a conduit à la mise en oeuvre de la « garantie jeunes », ce dispositif concerne un type de public très particulier qui n'est pas celui, plus large, visé par le dispositif du RSA « jeunes ». La question de la mise en place d'un dispositif de soutien financier et d'accompagnement vers l'emploi des jeunes qui auraient normalement dû bénéficier du RSA « jeunes » demeure par conséquent entière.

La « garantie jeunes »

La « garantie jeunes » s'adresse aux personnes âgées de 18 à 25 ans qui ne sont ni en emploi, ni en études, ni en formation et font face à une situation de grande précarité.

Le titulaire du contrat d'engagement bénéficie d'une allocation forfaitaire d'un montant mensuel maximal équivalent de celui du RSA, après abattement du forfait logement. L'allocation peut être intégralement cumulée avec les ressources d'activité du jeune tant que celles-ci ne dépassent pas un montant mensuel net de 300 euros.

10 territoires pilotes ont été désignés à compter du 1 er octobre 2013, permettant ainsi à 10 000 jeunes d'entrer dans le dispositif.

Lors de la conférence sociale de juillet 2014, le Premier ministre a annoncé la généralisation de la « garantie jeunes » à l'ensemble du territoire. Le dispositif devrait être proposé à 50 000 jeunes en 2015 et 100 000 jeunes en 2017.

Source : DGCS - Réponses aux questionnaires budgétaires

2. Les enjeux d'une future réforme
a) Vers la création d'une prime d'activité

Concomitamment à la création du RSA « activité » a été décidé le gel de la prime pour l'emploi (PPE). Comme l'a souligné le rapport de Christophe Sirugue, ce gel s'est traduit par la diminution des dépenses de PPE, accentuant l'effet saupoudrage de la prime et conduisant, progressivement, à lui faire perdre de son efficacité et à son extinction.

Dans ce cadre, la suppression de la PPE à l'horizon du 1 er janvier 2016, prévue par le projet de loi de finances rectificative pour 2014, constitue la suite logique de l'absence de décision claire au cours des dernières années sur le devenir de cette prime.

Une semaine après la présentation en conseil des ministres du projet de loi de finances rectificative, le Gouvernement a annoncé, le 18 novembre 2014, la création d'une prime d'activité qui résulterait de la fusion de la PPE et du RSA « activité ». La mise en place d'une telle prime était recommandée par le rapport Sirugue et avait été annoncée par le Président de la République le 20 août 2014, dans un entretien au journal le Monde.

Les contours de la réforme, qui doit faire l'objet d'un projet de loi présenté au Parlement dans le courant de l'année 2015, sont les suivants :

- elle serait versée mensuellement aux bénéficiaires ne gagnant pas plus de 1,2 Smic et les revenus du ménage dans son ensemble ne devraient pas dépasser un certain plafond ;

- la prime pourrait être perçue dès l'âge de 18 ans, les montants pouvant malgré tout varier pour les jeunes ;

- le coût du nouveau dispositif s'élèverait à environ 4 milliards d'euros, ce qui signifie que la réforme serait réalisée à coûts constants.

Cette annonce laisse un grand nombre de questions irrésolues. La réforme créera nécessairement des perdants, notamment chez les bénéficiaires de la PPE. Cet impact devrait être évalué précisément. Moins que la coexistence de deux dispositifs, c'est l'incapacité du RSA « activité » et de la PPE à remplir leurs objectifs qui est aujourd'hui préjudiciable. Au-delà de la simplification attendue, la fusion doit donc permettre la mise en place d'un mécanisme capable d'encourager efficacement le retour et le maintien dans l'emploi. Or les deux dispositifs reposent sur des logiques divergentes, la PPE étant un crédit d'impôt versé à titre individuel tandis que le RSA « activité », s'il poursuit un objectif de retour à l'emploi, constitue également un mécanisme de soutien aux revenus les plus modestes. Le faible taux de recours au RSA « activité » et l'échec du RSA « jeunes » ont été soulignés précédemment. La nouvelle prime d'activité devrait, pour être efficace, toucher un public plus large. Dès lors, la réforme peut-elle être véritablement envisagée à coûts constants ?

Votre rapporteur s'interroge sur l'ensemble de ces points dont l'éclaircissement conditionne le jugement positif qu'il pourrait porter sur une fusion longtemps attendue mais systématiquement repoussée en raison, justement, des difficultés qu'elle soulevait.

La réforme proposée par le rapport Sirugue

Le rapport Sirugue recommande la création d'une prime d'activité individualisée, ouverte à l'ensemble des travailleurs dès l'âge de 18 ans. Les revenus de ces derniers devraient être compris entre 0 et 1,2 Smic, le montant de la prime étant maximal à 0,7 Smic. Elle serait versée mensuellement sur la base des revenus déclarés tous les trois mois.

Le rapport recommande d'accompagner la mise en place de la prime de mesures complémentaires destinées aux publics les plus fragiles (familles monoparentales, familles monoactives). S'il indique que la réforme pourrait être envisagée à moyens constants, il souligne que « l'affectation de moyens supplémentaires, notamment pour financer les mesures complémentaires, serait cependant souhaitable et bienvenue » .

Source : Rapport Sirugue

b) L'opportunité du transfert à l'Etat de la gestion du RSA « socle »

Le 6 novembre 2014, à l'occasion du congrès de l'Assemblée des départements de France (ADF), le Premier ministre a annoncé la création d'un groupe de travail chargé de réfléchir à une réforme du RSA « socle », de son mode de gestion et de son articulation avec les autres allocations.

L'une des questions centrales qui devra être abordée par le groupe de travail sera celle d'un transfert à l'Etat de la compétence de gestion du RSA « socle » dont disposent actuellement les départements.

Les dépenses liées au RSA « socle » représentent un poids grandissant sur les finances départementales. En 2012, les conseils généraux ont dépensé 7,2 milliards d'euros au titre du RSA « socle », soit 31,4 % de plus qu'en 2008. Or, contrairement aux deux autres allocations individuelles de solidarité que sont l'allocation personnalisée pour l'autonomie (APA) et prestation de compensation du handicap (PCH), la gestion du RSA ne nécessite pas la mobilisation d'une équipe sociale ou médico-sociale chargée de déterminer le niveau de la prestation en fonction des besoins des bénéficiaires. En d'autres termes, les départements n'apportent qu'une plus-value limitée dans l'exercice de cette compétence et ne disposent d'aucune marge de manoeuvre sur la gestion et le versement de la prestation, celui-ci étant par ailleurs effectué par les Caf.

Votre rapporteur estime par conséquent souhaitable une réforme du RSA « socle » qui conduirait au transfert à l'Etat de la gestion de celui-ci. Devrait cependant être éclaircie rapidement la question des modalités financières selon lesquelles s'effectuerait un tel transfert.

Votre rapporteur considère par ailleurs que les conseils généraux doivent pouvoir continuer d'exercer les compétences qu'ils ont développées en matière d'insertion sociale et d'accompagnement vers l'emploi. Celles-ci devraient s'exercer dans un cadre clair et sous la forme d'un partenariat rénové, notamment avec Pôle emploi et les services de l'Etat concernés. La suppression de l'aide personnalisée pour le retour à l'emploi (Apre), prévue par la présente loi de finances, pourrait être l'occasion d'une remise à plat de ces questions. C'est également l'un des objectifs que se fixe le projet « Agille » (améliorer la gouvernance et développer l'initiative locale pour mieux lutter contre l'exclusion), qui a notamment donné lieu en avril 2014 à la signature d'une convention entre l'ADF, Pôle emploi et la direction générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP), pour une approche globale des politiques d'accompagnement.

C. LES AUTRES ACTIONS DU PROGRAMME « SOLIDARITÉ, INSERTION ET ÉGALITÉ DES CHANCES »

1. La protection des majeurs et des familles vulnérables

Regroupés jusqu'en 2014 au sein du programme n° 106 « Actions en faveur des familles vulnérables », les crédits relatifs à la protection juridique des majeurs ainsi qu'à la protection et à l'accompagnement des enfants, des jeunes et des familles vulnérables sont désormais intégrés dans le programme n° 304.

En 2015, 210,3 millions d'euros doivent être consacrés au financement des services mandataires et 31 millions d'euros à celui des mandataires individuels . L'objectif est pour l'Etat d'assurer le financement de 167 243 mesures de protection juridique des majeurs prises en charge par des services mandataires, soit 37 % du total, et de 35 791 mesures gérées par des mandataires individuels, ce qui correspond à 59,5 % du total. Les autres mesures sont prises en charge, soit par les organismes de sécurité sociale, soit par les départements.

Ces prévisions se fondent sur la prévision d'un ralentissement du nombre de mesures mises en oeuvre. Une telle hypothèse a cependant été contestée par plusieurs des associations auditionnées par votre rapporteur, qui regrettent l'affaiblissement de la participation de l'Etat au financement de ces mesures.

Les crédits consacrés à l'accompagnement des enfants, des jeunes et des familles vulnérables doivent quant à eux s'élever à 15,3 millions d'euros l'année prochaine. Ils prennent principalement le forme de subventions visant à assurer le financement de l'agence française de l'adoption (AFA), du groupement d'intérêt public (GIP) enfance en danger, des établissements d'information, de consultation et de conseil familial ainsi que des points d'accueil écoute jeunes (PAEJ).

2. L'aide alimentaire

L'action aide alimentaire doit être dotée de 32,6 millions d'euros l'année prochaine.

Ces crédits viennent en premier lieu compléter ceux qui sont consacrés à l'aide alimentaire par le fonds européen d'aide aux plus démunis (FEAD). Le FEAD a pris la suite en 2014 du programme européen d'aide aux plus démunis (PEAD) dont la suppression avait suscité des craintes nombreuses et la mobilisation de la France en faveur de la mise en place d'un dispositif équivalent. Le FEAD est doté de 3,5 milliards d'euros sur la période 2014-2020, dont 499 millions d'euros sont réservés à la France. Les montants versés chaque année au niveau européen sont complétés à hauteur de 15 % par le budget de l'Etat, soit 12,09 millions d'euros en 2015.

7,91 millions d'euros sont par ailleurs consacrés au financement des épiceries sociales. Celles-ci ne peuvent en effet prétendre au bénéfice du FEAD, les règles régissant le fonds imposant la gratuité des denrées distribuées avec son soutien.

Le reste des crédits vise à financer les services déconcentrés de l'Etat ainsi que les associations travaillant à la gestion de l'aide alimentaire.

3. Les actions relatives à l'économie sociale et solidaire

Au sein du programme n° 304, 4,7 millions d'euros sont destinés en 2015 au secteur de l'économie sociale et solidaire . Il s'agit notamment d'assurer le financement des chambres régionales de l'économie sociale et solidaire, dont le rôle a été renforcé par la loi du 31 juillet 2014 6 ( * ) . La dotation est en diminution de près de 5 % par rapport à 2014.

Votre rapporteur juge cette évolution paradoxale au regard de l'importance qu'accorde le Gouvernement au développement de ce secteur.

Il estime par ailleurs peu pertinent que ces crédits continuent de figurer au sein d'une mission relative à l'action sociale et à l'aide aux publics fragiles. L'économie sociale et solidaire constitue un pan de l'économie à part entière. L'ensemble des crédits qui lui sont consacrés devraient par conséquent pouvoir être regroupés au sein des missions « Economie » et « Travail et emploi » du budget de l'Etat, ce qui renforcerait la visibilité des actions menées et rendrait plus aisé les redéploiements de crédits.

II. LES MOYENS ALLOUÉS À LA POLITIQUE EN DIRECTION DES PERSONNES EN SITUATION DE HANDICAP

Le programme n° 157 « Handicap et dépendance » , qui devrait bénéficier de 11,6 milliards d'euros en 2015, soit une hausse de 1,4 % par rapport à 2014, regroupe près des trois quarts des crédits de la mission.

Il a pour principal objet le financement de l'allocation adulte handicapé (AAH) ainsi que celui des établissements et services d'aide par le travail (Esat). Il retrace également la participation de l'Etat au fonctionnement des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH).

Figure n° 5 : Les crédits de paiement alloués en 2015 au programme n° 157 « Handicap et dépendance »

(en millions d'euros)

Crédits
de paiement
en 2015

Handicap et dépendance

11 600,5

Evaluation et orientation personnalisée des personnes handicapées

56,3

Incitation à l'activité professionnelle

2 747,9

Ressources d'existence

8 774,0

Compensation des conséquences du handicap

16,1

Personnes âgées

2,4

Source : Projet annuel de performance annexé au projet de loi de finances pour 2015

A. L'ENVIRONNEMENT GLOBAL DU PROGRAMME

1. Le besoin de concrétisation des mesures lancées dans le cadre du comité interministériel du handicap

La réunion du comité interministériel du handicap le 25 septembre 2013 avait suscité des attentes et des espoirs nombreux chez les acteurs du secteur. Cinq axes de travail ont été définis qui concernent la jeunesse, l'emploi, l'accessibilité, l'accompagnement médico-social et l'accès aux soins ainsi que la gouvernance et la mobilisation de la société.

Si des décisions ont été prises pour un certain nombre d'axes, notamment s'agissant de l'accessibilité 7 ( * ) , d'autres sont encore en attente d'avancées concrètes. Il est ainsi de l'accompagnement des personnes handicapées, qui a fait l'objet d'un rapport de Denis Piveteau publié en juin 2014 8 ( * ) . Ce dernier formule des préconisations visant à éviter les ruptures de prise en charge des personnes handicapées, en substituant notamment à la logique de « places » la construction de réponses accompagnées, fondées sur la recherche de solutions immédiates ainsi que sur la construction de projets visant à les améliorer de façon continue. Marie-Sophie Desaulle, ancienne directrice générale de l'ARS des Pays-de-la-Loire et ancienne présidente de l'association des paralysés de France, vient d'être missionnée par le Gouvernement pour préciser les étapes et modalités de mise en oeuvre de ces recommandations.

Votre rapporteur demeure attentif à ce que ces travaux permettent d'aboutir rapidement à des évolutions tangibles ainsi qu'aux orientations qui pourront être fixées en décembre prochain lors de la prochaine conférence nationale du handicap.

Le rapport Piveteau a permis de mettre l'accent sur les publics qui sont placés dans une situation de fragilité particulière. Votre rapporteur insiste à ce titre sur les enjeux que soulève la prise en charge des personnes handicapées vieillissantes . Ces dernières sont confrontées à des problématiques spécifiques qui nécessitent que soient interrogées et remises à plat les solutions de prise en charge qui existent actuellement afin que puissent être construites des solutions d'accompagnement permettant d'éviter les ruptures et de respecter les projets de vie des personnes.

Votre rapporteur regrette que le projet de loi relatif à l'adaptation de la société au vieillissement, qui doit être prochainement examiné au Sénat, ne prenne pas véritablement en compte l'enjeu du vieillissement des personnes handicapées . Un timide rapprochement entre prise en charge des personnes âgées et handicapées est certes opéré à travers les maisons départementales de l'autonomie (MDA) - dispositif qui n'a d'ailleurs pas attendu la loi pour être expérimenté dans un certain nombre de départements - et les comités départementaux de la citoyenneté et de l'autonomie (CDCA). Les personnes handicapées vieillissantes restent malgré tout absentes du texte et la question de la suppression des barrières d'âge reste au demeurant irrésolue.

2. Une évolution encore trop peu maîtrisée des dépenses d'allocation pour adultes handicapés

8 524 millions d'euros seront consacrés au financement de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) en 2015, soit une hausse de 1,47 % par rapport à 2014.

L'allocation aux adultes handicapés

L'allocation aux adultes handicapés (AAH) peut être versée à toute personne âgée de plus de 20 ans, qui ne peut prétendre, ni à un avantage vieillesse, ni à une rente d'invalidité, et qui justifie d'un taux d'incapacité, apprécié par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) :

- supérieur ou égal à 80 % ;

- compris entre 50 % et 79 % mais assorti d'une restriction substantielle et durable d'accès à l'emploi (RSDAE) liée au handicap.

Pour les personnes ayant un taux d'incapacité compris entre 50 % et 79 %, le versement de l'AAH prend fin lorsqu'est atteint l'âge légal de départ à la retraite. Pour les autres bénéficiaires, une AAH différentielle peut être versée en complément d'une retraite.

L'AAH est une allocation différentielle. Son niveau dépend donc de la différence entre les ressources du bénéficiaire et un montant plafond revalorisé chaque année. Les personnes travaillant en milieu ordinaire doivent transmettre tous les trois mois leur déclaration de ressources à la caisse d'allocations familiales (Caf).

Montant maximal de l'AAH au 1 er septembre 2014 (en euros)

Personne seule

Couple

Pas d'enfant

800,45

1 600,9

Supplément par enfant à charge

+ 400,225

+ 400,225

Sous certaines conditions, pour les personnes les plus lourdement handicapées, l'AAH peut être cumulée avec le complément de ressources (179,31 euros par mois) ou la majoration pour vie autonome (104,77 euros par mois).

Pour les personnes ayant un taux d'incapacité égal ou supérieur à 80 %, l'AAH est attribuée pour une durée comprise entre un et cinq ans. Pour les autres allocataires, elle n'est désormais versée que pour une durée maximale de deux ans.

Le Gouvernement prévoit que l'AAH sera versée en 2015 à un nombre de bénéficiaires compris entre 1 045 000 et 1 064 000. La crise économique, le relèvement de l'âge légal de départ à la retraite ainsi que le report de certains publics depuis le RSA vers l'AAH constituent les trois principaux facteurs d'augmentation du nombre de bénéficiaires.

Figure n° 6 : Evolution du nombre de bénéficiaires de l'AAH et des montants moyens mensuels versés entre 2009 et 2014

2009

2010

2011

2012

2013

2014

Nombre de bénéficiaires

883 300

914 950

930 000

972 000

1 000 000

1 020 800

Montant moyen mensuel (en euros)

595

619

642

666

683

693

Source : Projet annuel de performance annexé au projet de loi de finances pour 2015

A l'effet « volume » s'ajoute un effet « prix » lié à la revalorisation annuelle de la prestation. Cet effet « prix » s'atténue depuis plusieurs années puisque la revalorisation exceptionnelle de la prestation de 25 % sur cinq ans a pris fin en 2012.

Le Gouvernement souligne également les efforts réalisés, notamment dans le cadre de la modernisation de l'action publique, pour harmoniser les pratiques d'attribution de l'AAH , qui devraient conduire à assurer, à l'avenir, une meilleure maîtrise du niveau des dépenses.

Les associations auditionnées par votre rapporteur ont cependant une analyse divergente. Elles estiment en effet que le niveau des dépenses d'AAH demeure sous-évalué : malgré un taux de non recours non négligeable, la hausse du nombre de bénéficiaires reste sensible et le niveau des dépenses difficilement maîtrisable.

Leur analyse est confortée par l'exécution du budget 2014. Le projet de loi de finances rectificative, présenté en conseil des ministres le 12 novembre dernier, abonde en effet à hauteur de 43 millions d'euros le niveau des crédits ouverts en loi de finances initiale afin de tenir compte de dépenses plus soutenues que ce qui avait été anticipé. La hausse des crédits prévue pour 2015 ne sera donc pas de 126 mais de 83 millions d'euros, ce qui apparaît insuffisant pour tenir compte, à la fois de la revalorisation annuelle de la prestation et de l'augmentation du nombre de bénéficiaires.

A l'enveloppe destinée au financement de l'AAH s'ajoutent 249,6 millions d'euros destinés à celui de l'allocation supplémentaire d'invalidité (ASI), contre 251 millions d'euros en 2014. Cette prestation est versée aux personnes qui perçoivent une pension d'invalidité ou un avantage vieillesse atteintes d'une invalidité générale et n'ayant pas encore atteint l'âge légal de départ à la retraite qui leur permettrait de percevoir l'allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa).

Pour justifier la baisse de l'enveloppe, le Gouvernement fait l'hypothèse d'une poursuite de la diminution du nombre d'allocataires, observée au cours des dernières années (elle est estimée à - 1,5 % l'année prochaine), qui ne serait pas totalement compensée par la revalorisation annuelle de la prestation. Au 31 décembre 2013, 74 480 personnes bénéficiaient de l'allocation.

B. LE FINANCEMENT DES MAISONS DÉPARTEMENTALE DES PERSONNES HANDICAPÉES

1. Une augmentation artificielle de la contribution de l'Etat au fonctionnement des maisons départementales des personnes handicapées

Trois principaux acteurs participent au financement du fonctionnement des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) : l'Etat, via le présent programme, la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) et les conseils généraux. En 2012, la répartition des charges entre ces trois financeurs s'établissait de la façon suivante : 41 % pour les conseils généraux, 35 % pour l'Etat et 19 % pour la CNSA 9 ( * ) .

Outre la contribution au fonctionnement des MDPH, la dotation allouée par l'Etat doit également compenser les vacances d'emplois liées aux personnels qui avaient été mis à disposition des MDPH au moment de leur création et ont depuis été mutés, réintégrés dans leur administration d'origine ou sont partis à la retraite sans avoir été remplacés.

Le Gouvernement indique que la contribution de l'Etat au financement des MDPH s'élèvera l'année prochaine à 66,3 millions d'euros , ce qui lui permet d'annoncer une augmentation des crédits de 2,98 % par rapport à 2014.

Cependant, cette hausse n'est obtenue que grâce à un apport de 10 millions d'euros en provenance du budget de la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA). En réalité, la dotation de l'Etat diminue d'un peu plus de 8 millions d'euros. Selon les informations dont dispose votre rapporteur pour avis, ces crédits, qui s'ajouteront à ceux qui sont déjà alloués aux MDPH à partir de la section III du budget de la CNSA, seront prélevés sur la section V de celui-ci 10 ( * ) .

Votre rapporteur s'inquiète de ce mécanisme qui permet au Gouvernement d'afficher une hausse artificielle des crédits alloués par l'Etat au fonctionnement des MDPH, uniquement obtenue au moyen d'une ponction effectuée sur le budget de la CNSA. Il s'interroge sur la pérennité d'un détournement dont il sera attentif à ce qu'il ne marque pas la première étape d'un désengagement de l'Etat du financement des MDPH.

2. La nécessité de revoir les modalités de fonctionnement des maisons départementales des personnes handicapées

Le projet annuel de performance annexé au projet de loi de finances assigne aux MDPH l'objectif de respecter en 2015 un délai moyen de traitement des dossiers de deux mois pour ceux relatifs aux enfants et de trois mois pour ceux concernant les adultes. Comme l'a souligné le président de l'association des directeurs de MDPH lors de son audition par votre rapporteur, de tels objectifs sont inatteignables au regard de l'augmentation continue d'activité à laquelle sont soumises les MDPH, qui résulte à la fois d'une hausse du nombre de demandes et de l'impact d'une réglementation parfois peu adaptée.

L'objectif de diminution des délais de traitement n'en demeure pas moins nécessaire et l'association des directeurs de MDPH a en conséquence formulé 11 propositions qui ont notamment pour objet d'augmenter les durées d'ouverture de droits ainsi que de simplifier les procédures de délivrance des cartes de stationnement pour les personnes handicapées. Des recommandations proches avaient été formulées en 2012 dans le rapport de Claire-Lise Campion et Isabelle Debré sur l'application de la loi handicap du 11 février 2005 11 ( * ) . Elles visaient en particulier à simplifier les démarches administratives pour les demandes de renouvellement ainsi qu'à transférer aux directions départementales de la cohésion sociale (DDCS) les compétences de notification et de fabrication de la carte européenne de stationnement.

Votre rapporteur juge particulièrement nécessaire la diminution de la charge de travail administrative à laquelle sont soumises les MDPH , afin que celles-ci puissent se recentrer sur leur mission première d'accompagnement des personnes en situation de handicap. Il est à ce titre particulièrement attentif à la mise en oeuvre du projet Impact (innover et moderniser les processus MDPH pour l'accès à la compensation sur les territoires), piloté par la CNSA et qui vise à revoir les processus de traitement des demandes en vue d'améliorer la qualité du service rendu. Votre rapporteur insiste sur l'importance du rôle de la CNSA , qui doit permettre d'assurer l'harmonisation des pratiques entre les départements.

De ce point de vue, le chantier des systèmes d'information apparaît prioritaire . Il s'agit là d'un sujet sur lequel le Sénat sera amené à se pencher prochainement dans le cadre de l'examen du projet de loi relatif à l'adaptation de la société au vieillissement dont l'article 47 donne pour mission à la CNSA la mission de concevoir et mettre en oeuvre un système d'information commun à l'ensemble des MDPH, l'article 51 fixant quant à lui la règle selon laquelle les MDPH utilisent un système d'information commun, interopérable avec ceux des départements et de le CNSA.

C. LES ÉTABLISSEMENTS ET SERVICES D'AIDE PAR LE TRAVAIL

1. Le financement contraint des établissements et services d'aide par le travail

Les établissements et services d'aide par le travail (Esat), entièrement financés par l'Etat, devraient percevoir l'année prochaine 2 748 millions d'euros , soit une augmentation de 1,53 % par rapport à 2014.

La dotation globale de fonctionnement, d'un montant de 1 469 millions d'euros , doit permettre le financement des 119 211 places autorisées au sein des 1 349 structures. Cette très légère augmentation des crédits par rapport à l'année 2014 s'inscrit dans un contexte où la fragilité du mode de tarification des Esat est de plus en plus patente. Dans une décision du 17 juillet 2013, le Conseil d'Etat a en effet annulé l'arrêté tarifaire du 2 mai 2012, remettant ainsi en cause un processus de convergence vers des tarifs plafonds dont le niveau, fondé sur une étude de coûts datant de 2008, n'était pas augmenté pour la quatrième année consécutive 12 ( * ) . Si le Gouvernement indique, dans le projet annuel de performances annexé à la présente mission que « la dotation 2015 prend en compte [...] les conséquences de l'annulation par le Conseil d'Etat de l'arrêté tarifaire pour 2012 et de la revalorisation du tarif plafond sur la base duquel est mis en oeuvre, depuis 2009, un mécanisme de converge des dotations des Esat destiné à renforcer l'équité dans l'allocation de ressources à ces établissements » , aucune précision n'est donnée quant à la façon dont il a procédé pour se conformer à la décision du Conseil d'Etat.

Votre rapporteur souligne qu'au-delà de la revalorisation des tarifs plafonds, qui ne peut qu'être limitée compte tenu des contraintes qui pèsent sur l'évolution des finances publiques, une réflexion plus globale doit être engagée sur l'évolution du mode de tarification des Esat qui puisse s'appuyer sur une étude nationale de coûts actualisée.

A la dotation globale de fonctionnement s'ajoutent 1 277 millions d'euros destinés à compenser pour les Esat une partie du coût de la rémunération garantie aux travailleurs handicapés (GRTH).

Si le Gouvernement fait le choix de maintenir en 2015 la suspension du programme de création de 10 000 places en Esat qui avait été lancé en 2008, il se fixe en revanche pour objectif d'appuyer la modernisation de ces structures à travers le déploiement d'un plan d'aide à l'investissement . Celui-ci, dont le montant avait été fixé à 3,5 millions d'euros en 2014, est cependant ramené à 2 millions d'euros l'année prochaine, ce qui porte le niveau de la subvention moyenne à moins de 1 500 euros par établissement. L'effet levier sur l'investissement risque par conséquent d'être fort limité. Pourtant, comme le souligne le projet annuel de performances, les Esat qui figurent parmi les structures les plus anciennes du secteur médico-social et sont confrontés à des besoins importants de modernisation.

Au regard de la faiblesse des montants en jeu, votre rapporteur s'interroge sur la pertinence d'un dispositif qui s'apparente davantage à du saupoudrage qu'à la mise en oeuvre d'une politique véritablement structurée d'appui au développement et à la modernisation des Esat.

2. Repenser la place des établissements et services d'aide par le travail au sein du parcours de vie des personnes handicapées

L'un des axes de travail identifiés par le comité interministériel du 25 septembre 2013 concerne l'emploi des personnes handicapées. Il s'agit là d'un enjeu central pour la présente mission qui, comme cela a été indiqué précédemment, assure l'ensemble du financement des Esat.

Au cours de ses auditions, votre rapporteur a pu constater que, au-delà des enjeux relatifs à la tarification et à la modernisation, le rôle des Esat dans le parcours de vie des personnes handicapées. A la frontière entre le secteur médico-social et les politiques de l'emploi, les Esat occupent en effet une place particulière dans le champ des établissements et services sociaux et médico-sociaux.

Comme cela a été souligné à plusieurs reprises devant votre rapporteur, les Esat sont trop peu souvent en mesure d'assurer pleinement leur mission de tremplin vers l'emploi en milieu ordinaire. Ce constat est confirmé par le récent rapport d'Annie Le Houérou sur l'emploi des personnes handicapées en milieu ordinaire 13 ( * ) . Soulignant la nécessité d'aller jusqu'au bout des principes inscrits dans la loi du 11 février 2005, le rapport estime qu' « à l'image, mais non à l'identique, de ce qui a été fait pour l'école depuis une décennie maintenant, le cadre ordinaire de travail doit devenir l'objectif premier à regarder. Il ne s'agit nullement d'opposer le milieu ordinaire de travail au secteur protégé, mais de permettre aux personnes d'exercer un métier selon les modalités qui leur conviennent le mieux à tel ou tel moment de leur vie et qui peuvent donc varier » .

Le rapport insiste par conséquent sur la nécessité de développer la formation et les compétences des travailleurs en Esat, afin de faciliter le passage vers le milieu ordinaire. Il souligne également l'intérêt des expériences menées à travers les Esat « hors les murs ». Ces structures, sans unité de production intégrée, accompagnent les personnes dans le milieu de travail ordinaire, dans le cadre d'une convention signée avec une entreprise. A l'heure actuelle, 28 Esat de ce type, disposant de 1 113 places, sont répartis dans 13 régions françaises.

S'agissant de l'emploi des personnes handicapées, votre rapporteur s'inquiète de l'article 62 du projet de loi de finances qui crée une contribution annuelle de 29 millions d'euros à la charge de l'association de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées (Agefiph) ainsi que du fonds d'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP) sur la période 2015-2017 pour assurer le financement des contrats aidés.

III. LES AUTRES PROGRAMMES DE LA MISSION « SOLIDARITÉ, INSERTION ET ÉGALITÉ DES CHANCES »

A. LE PROGRAMME « EGALITÉ ENTRE LES FEMMES ET LES HOMMES »

1. L'absence de vision stratégique sur l'évolution des crédits

Le programme « Egalité entre les femmes et les hommes » comporte essentiellement des subventions destinées à des associations agissant au plan national ou local. L'enveloppe allouée au programme, après avoir augmenté d'un peu plus de 14 % en 2014, sera stable l'année prochaine. Elle devrait s'élever à 25,2 millions d'euros en 2015.

Figure n° 7 : Les crédits de paiement alloués au programme « Egalité entre les femmes et les hommes » en 2015

(en millions d'euros)

Crédits
de paiement en 2015

Egalité entre les femmes et les hommes

25,2

Egalité entre les femmes et les hommes dans la vie professionnelle, économique, politique et sociale

1,9

Promotion des droits, prévention et lutte contre les violences sexistes

15,0

Soutien du programme égalité entre les femmes et les hommes

1,4

Actions de soutien, d'expérimentation en faveur de l'égalité

entre les femmes et les hommes

4,4

Prévention et lutte contre la traite des êtres humains

2,4

Source : Projet annuel de performance annexé au projet de loi de finances pour 2015

Votre rapporteur regrette qu'aucune stratégie globale ne se dégage d'un programme qui se réduit, pour l'essentiel, à la reconduction de subventions d'une année sur l'autre. Le Gouvernement s'est pourtant fixé des objectifs ambitieux en la matière, que ce soit à travers la loi relative à l'égalité réelle entre les femmes et les hommes 14 ( * ) ou avec le lancement du quatrième plan interministériel de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes (2014-2016) ou du plan d'action national de lutte contre la traite des êtres humains (2014-2016).

2. L'absence d'anticipation du coût des mesures contenues dans la proposition de loi relative à la lutte contre le système prostitutionnel

C'est à partir de l'action « Prévention et lutte contre la prostitution et la traite des êtres humains », créée en 2014, que devrait logiquement être financé le volet accompagnement social de la proposition de loi relative à la lutte contre le système prostitutionnel 15 ( * ) . Or, à aucun moment, le projet annuel de performance annexé au projet de loi de finances ne fait mention des dépenses supplémentaires qui pourraient être engendrées par l'adoption de ce texte.

Il indique en revanche que 2,6 millions d'euros prélevés sur les ressources propres de l'agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (Agrasc) seront utilisés pour la mise en oeuvre du plan d'action national de lutte contre la traite des êtres humains par le biais d'un fonds de concours. Or l'article 4 de la proposition de loi relative à la lutte contre le système prostitutionnel prévoit justement la mobilisation d'une partie des fonds de l'Agrasc pour assurer le financement du parcours de sortie de la prostitution.

B. LE PROGRAMME « CONDUITE ET SOUTIEN DES POLITIQUES SANITAIRES, DU SPORT, DE LA JEUNESSE ET DE LA VIE ASSOCIATIVE »

Le programme regroupe des crédits de fonctionnement destinés aux ministères sociaux, à leurs antennes territoriales ainsi qu'aux agences régionales de santé (ARS).

1 493,6 millions d'euros lui seront alloués en 2015, essentiellement pour financer les dépenses de personnel, ainsi que la modernisation des systèmes d'information dans les ministères sociaux. Le niveau des crédits se fonde sur un objectif de diminution du plafond d'emplois de 253 équivalents temps plein l'année prochaine, ce qui fait passer celui-ci à 10 305.

Figure n° 8 : Les crédits de paiement alloués en 2015 au programme « Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales,
du sport, de la jeunesse et de la vie associative »

(en millions d'euros)

Crédits
de paiement en 2015

Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales,
du sport, de la jeunesse et de la vie associative

1 493,6

Fonctionnement des services

20,3

Systèmes d'information

27,3

Affaires immobilières

73,9

Communication

5,7

Affaires européennes et internationales

6,8

Statistiques, études et recherche

10,1

Financement des agences régionales de santé

560,0

Personnels mettant en oeuvre les politiques sociales et de la santé

245,8

Personnels mettant en oeuvre les politiques du sport, de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative

298,3

Personnels mettant en oeuvre les politiques pour les droits des femmes

14,0

Personnels mettant en oeuvre les politiques de la ville,
du logement et de l'hébergement

43,6

Personnels transversaux et de soutien

125,7

Autres dépenses de personnel

22,1

Source : Projet annuel de performance annexé au projet de loi de finances pour 2015

EXAMEN DE L'ARTICLE RATTACHÉ

Article 60 - Financement de la partie socle du revenu de solidarité active en faveur des jeunes par le fonds national des solidarités actives

Objet : Cet article a pour objet de reconduire en 2015 le mode de financement dérogatoire du RSA « jeunes ».

I - Le dispositif proposé

L'article L. 262-24 du code de l'action sociale et des familles fixe les règles de financement du revenu de solidarité active (RSA). La partie « socle », qui correspond à la fusion du revenu minimum d'insertion (RMI) et de l'allocation parent isolé (API) est à la charge des départements. La partie « activité » est financée par l'Etat via le fonds national des solidarités actives (FNSA).

Par dérogation à cette règle générale, le FNSA prend en charge l'ensemble du RSA « jeunes », qu'il s'agisse de la partie « socle » ou « activité ». Peuvent bénéficier de cette prestation les personnes âgées de 18 à 25 ans qui ont travaillé au moins deux ans au cours des trois années précédant leur demande.

Compte tenu du caractère particulièrement restrictif de ces critères d'admission au bénéfice de la prestation, seuls 7 882 jeunes la touchaient en mars 2014, un chiffre en diminution de 23 % par rapport à 2011. Le coût de la prise en charge du RSA « jeunes » devrait s'élever à 26 millions d'euros l'année prochaine pour le FNSA.

II - Les modifications introduites par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.

III - La position de votre commission

Le Gouvernement justifie le maintien de ce dispositif de financement dérogatoire par les incertitudes qui pèsent sur l'avenir de cette prestation et sur les réformes qui pourraient lui être apportées. Or ces incertitudes figurent justement parmi les éléments qui ont conduit votre commission à donner un avis négatif à l'adoption des crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».

Par cohérence avec la position qu'elle a adoptée sur l'ensemble de la mission, la commission a émis un avis défavorable à l'adoption de cet article rattaché.

EXAMEN EN COMMISSION

_______

Réunie le mercredi 19 novembre 2012, sous la présidence de M. Alain Milon, président, la commission procède à l'examen du rapport pour avis de M. Philippe Mouiller sur le projet de loi de finances pour 2014, mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».

M. Philippe Mouiller, rapporteur pour avis . - Dotée de 15,7 milliards d'euros en 2015, la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » constitue l'un des principaux vecteurs d'intervention de l'Etat en matière de politiques sociales. Ses quatre programmes, de taille très inégale, couvrent des champs variés qui ont pour point commun la lutte contre l'exclusion sociale et la protection des personnes les plus vulnérables.

Le programme « Handicap et dépendance », qui devrait bénéficier de 11,6 milliards d'euros, soit une hausse de 1,4 %, regroupe près des trois quarts des crédits. Il a pour principal objet le financement de l'allocation aux adulte handicapé (AAH), pour un montant de 8,8 milliards d'euros, mais retrace également celui des établissements et services d'aide par le travail (Esat), à hauteur de 2,7 milliards d'euros, ainsi que la participation de l'Etat au fonctionnement des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), qui devrait s'élever à 66 millions d'euros. S'agissant de ces dernières, j'attire votre attention sur le fait que, si le Gouvernement prévoit une augmentation faciale des dépenses allouées par l'Etat au fonctionnement des MDPH, celle-ci n'est obtenue que grâce à un apport de 10 millions d'euros de la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA). En réalité, la dotation de l'Etat diminue d'un peu plus de 8 millions d'euros. Une telle mesure doit nous interroger : cette ponction sur le budget de la CNSA est-elle exceptionnelle ou marque-t-elle la première étape d'un désengagement de l'Etat du financement des MDPH ? Les conseils généraux prennent déjà en charge plus de 40 % de leurs dépenses de fonctionnement. Cette part est-elle amenée à s'alourdir dans les années à venir ?

Deuxième par la taille, le programme « Inclusion sociale, protection des personnes et économie sociale et solidaire », doté de 2,6 milliards d'euros, vient avant tout abonder le fonds national des solidarités actives (FNSA), qui est chargé d'assurer le financement de la partie activité du revenu de solidarité active (RSA). Le programme regroupe également des enveloppes de taille plus limitée, dont les principales sont destinées au financement des services chargés d'assurer la protection juridique des majeurs, pour un peu plus de 240 millions d'euros, ainsi qu'à la participation de la France au programme européen d'aide alimentaire, pour 32,6 millions d'euros. Il comporte également 4,7 millions d'euros de subventions destinées au secteur de l'économie sociale et solidaire, en diminution de près de 5 % par rapport à 2014.

Cette évolution est paradoxale au regard de l'importance qu'accorde le Gouvernement au développement de ce secteur. J'estime par ailleurs que l'économie sociale et solidaire doit pouvoir pleinement trouver sa place au sein de la mission « Economie » du budget de l'Etat et qu'il est par conséquent contreproductif de maintenir certains crédits au sein de la présente mission.

En 2015, 2,3 milliards d'euros seront alloués au FNSA, soit quasiment quatre fois plus qu'en 2014. Cette hausse considérable des crédits est en réalité le résultat d'un changement dans le mode de financement du FNSA. Jusqu'à présent, celui-ci était alimenté par une fraction du prélèvement de solidarité sur les produits de placement et les revenus du patrimoine, l'Etat apportant une contribution d'équilibre dont le montant s'élevait à 595 millions d'euros en 2014. Le prélèvement de solidarité est désormais entièrement versé à la sécurité sociale et le FNSA est donc financé dans sa totalité par une dotation de l'Etat.

Il s'agit là d'une simplification bienvenue qui permettra de lisser la contribution de l'Etat, puisqu'elle ne dépendra plus des fluctuations d'une recette qui s'avérait volatile. Elle améliorera également la visibilité dont dispose le Parlement pour apprécier chaque année l'évolution des dépenses de RSA « activité ». Un financement complémentaire de 200 millions d'euros doit permettre de tenir compte de l'impact de la revalorisation exceptionnelle du RSA. Je regrette cependant qu'il soit issu de la contribution exceptionnelle de solidarité des fonctionnaires. Au final, l'année prochaine, 1,9 milliard d'euros seront consacrés par le FNSA au financement du RSA « activité », 26 millions d'euros à celui du RSA « jeunes » et 513 millions d'euros à celui de la prime de Noël.

D'une ampleur bien moindre, puisque ses crédits doivent s'élever à 25,2 millions d'euros, le programme « Egalité entre les femmes et les hommes » comporte essentiellement des subventions destinées à des associations agissant au plan national ou local. Au-delà de la reconduction annuelle de ces subventions, il apparaît difficile de voir se dessiner une stratégie d'ensemble au sein de ce programme, alors même que le Gouvernement s'est fixé des objectifs ambitieux en la matière. L'enveloppe allouée, après avoir augmenté d'un peu plus de 14 % en 2014, sera stable l'année prochaine. Pourtant, c'est à partir de l'action « Prévention et lutte contre la prostitution et la traite des êtres humains », créée en 2014, que devrait logiquement être financé le volet accompagnement social de la proposition de loi relative à la lutte contre le système prostitutionnel. Or, à aucun moment, le projet annuel de performance annexé au projet de loi de finances ne fait mention des dépenses supplémentaires qui pourraient être engendrées par l'adoption de ce texte.

Enfin, un quatrième programme regroupe des crédits de fonctionnement destinés aux ministères sociaux, à leurs antennes territoriales ainsi qu'aux agences régionales de santé (ARS). 1,5 milliard d'euros lui seront alloués en 2015, essentiellement pour financer les dépenses de personnel, ainsi que la modernisation des systèmes d'information dans les ministères sociaux. Le niveau des crédits se fonde sur un objectif de diminution du plafond d'emplois de 253 équivalents temps plein l'année prochaine.

J'en viens à quelques observations plus précises sur la mission. La première porte sur la sincérité des prévisions effectuées par le Gouvernement. Les crédits consacrés au financement de l'AAH et du RSA « activité » représentent à eux seuls 70 % du montant total de la mission. Notre commission est donc appelée à donner un avis sur une mission qui comprend, pour l'essentiel, des dépenses de « guichet » dont l'évolution tendancielle est, par définition, difficile à maîtriser. Quelle est cette évolution ? Les dépenses d'AAH ont connu une hausse continue au cours des dernières années qui devrait se poursuivre à l'avenir. Or, la sous-évaluation des crédits pourrait être d'environ 200 millions d'euros. S'agissant du RSA, le Gouvernement a fait le choix de revaloriser de 10 % le montant du RSA « socle » sur la durée du quinquennat, décision qui aura un impact indirect de 230 millions d'euros sur les dépenses de l'Etat au titre du RSA « activité » entre 2015 et 2017. D'autre part, nous savons que 68 % des bénéficiaires potentiels n'ont pas recours au RSA « activité », ce qui signifie que le niveau réel des dépenses est très largement inférieur à ce qu'il pourrait être. De la même façon, avec 7 882 bénéficiaires au mois de mars 2014, le RSA « jeunes » est loin d'avoir atteint ses objectifs. Or, comme l'a très justement souligné le rapporteur spécial de la commission des finances, le Gouvernement prévoit une hausse de 2,9 % des crédits de la mission sur la période 2015 à 2017, sans commune mesure avec celle de 7,9 % qui a été observée au cours des trois années passées. Ces éléments conduisent nécessairement à conclure au manque de sincérité des prévisions formulées par le Gouvernement dans ce projet de loi de finances.

Comment renouer avec la sincérité dans le contexte que nous connaissons de fortes contraintes sur l'évolution de nos finances publiques ? En engageant une réforme profonde des minima sociaux. Le 20 août dernier, le Président de la République a fait part de son intention de fusionner le RSA « activité » avec la prime pour l'emploi (PPE). Le projet de loi de finances rectificative pour 2014 prévoit bien de mettre fin au versement de la PPE, en 2016. Le Gouvernement vient d'annoncer la création d'une prime d'activité qui remplacerait la prime pour l'emploi et le RSA « activité » à partir du 1 er janvier 2016. Cette prime devrait être réservée aux bas salaires et devrait bénéficier également aux moins de 25 ans. Elle devrait être versée chaque mois, aux personnes gagnant moins d'environ 1,2 fois le smic et selon les conditions de ressource du ménage. Toutefois les modalités précises restent à définir avec les parlementaires, en tenant compte du fait que, pour l'instant, le RSA n'a pas atteint ses objectifs en matière de retour à l'emploi, que la gestion administrative de la prestation reste très complexe et que les contrôles demeurent perfectibles. En 2012, les conseils généraux ont dépensé 7,2 milliards d'euros au titre du RSA « socle », soit 31,4 % de plus qu'en 2008. Lors du dernier congrès de l'Assemblée des départements de France (ADF), le Premier ministre a annoncé la création d'un groupe de travail qui aura notamment pour mission de trancher la question d'une éventuelle recentralisation de la prestation. J'estime qu'il s'agit là d'une piste qui doit être sérieusement étudiée, compte tenu de l'absence de marges de manoeuvre à la disposition des départements, qui les conduit à ne plus assumer qu'un rôle de guichets.

Dans le champ de la politique du handicap, la réunion du comité interministériel du 25 septembre 2013 avait suscité des attentes et des espoirs nombreux chez les acteurs du secteur. Les auditions m'ont permis de mesurer l'ampleur de leur déception. Les associations ont en particulier regretté que le rapport de Denis Piveteau, publié en juin dernier et qui formule un certain nombre des préconisations visant à éviter les ruptures de prise en charge des personnes handicapées, n'ait pas encore trouvé de traduction concrète. Pour ce qui concerne le fonctionnement des MDPH, nous savons qu'elles sont confrontées à une augmentation soutenue de leur charge de travail. Or des mesures de rationalisation pourraient aisément être mises en oeuvre afin de générer des économies de fonctionnement. Je pense en particulier à l'obligation qu'ont les MDPH de réexaminer tous les deux ans la situation des bénéficiaires de l'AAH dont le taux d'incapacité est compris entre 50 % et 79 %. Des améliorations substantielles pourraient également être apportées au fonctionnement des MDPH grâce à l'harmonisation de leurs systèmes d'information, sujet que traite le projet de loi relatif à l'adaptation de la société au vieillissement.

S'agissant des Esat, dont le financement repose entièrement sur l'Etat, je ne peux que relayer les craintes qui ont été formulées devant moi. La censure par le Conseil d'Etat en 2013 du niveau des tarifs plafonds fixés pour 2012 a mis en lumière les limites d'un système de tarification qui devrait être entièrement revu sur la base d'une véritable étude nationale de coûts. Une telle évolution apparaît indissociable d'une réflexion sur la place et le rôle des Esat dans les parcours de vie des personnes handicapées afin qu'ils puissent notamment, lorsque cela est possible, assurer pleinement leur mission de tremplin vers le travail en milieu ordinaire. A l'occasion de la semaine pour l'emploi des personnes handicapées, qui se déroule actuellement, nombreuses sont les associations qui font part de leurs inquiétudes sur cette question. Comme les années précédentes, le Gouvernement prévoit de maintenir la suspension du programme de création de places en Esat qui avait été lancé en 2008. L'objectif officiel est de concentrer les moyens sur la modernisation des structures. Or le montant total du plan d'aide à l'investissement s'élèvera à 2 millions d'euros l'année prochaine, soit une subvention moyenne d'un peu moins de 1 500 euros par établissement. L'effet levier sur l'investissement risque par conséquent d'être fort limité.

Plus globalement, je ne peux que vous faire part de mes préoccupations quant au manque de dispositifs adaptés pour accompagner les personnes handicapées vieillissantes. Comment former au mieux les professionnels chargés de les accompagner ? Quelles solutions de prise en charge mettre en place ? Dans quelle mesure les Esat, les maisons d'accueil spécialisées (MAS) ou les Ehpad peuvent-ils être des lieux de vie adaptés ? Autant de questions auxquelles, malheureusement, le projet de loi relatif à l'adaptation de la société au vieillissement n'apporte pas de réponses.

Au regard de ces observations, je vous proposerai de donner un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » ainsi qu'à celle de l'article 60 qui lui est rattaché et vise à reconduire en 2015 le financement dérogatoire du RSA jeunes via le seul FNSA. Ma position se fonde sur les incertitudes nombreuses qui entourent cette mission - réforme du RSA « activité », financement des MDPH, réforme de la tarification des Esat, financement des mesures contenues dans la proposition de loi relative à la lutte contre le système prostitutionnel - ainsi que sur la certitude que, pour une grande part, les crédits qui lui seront alloués en 2015 s'avèreront insuffisants pour couvrir les besoins existants.

M. Jean-Marie Morisset . - Je partage la position du rapporteur tendant à donner un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission. La Cour des comptes a bien souligné qu'en 2014, il manquerait 500 millions d'euros pour abonder le FNSA. La sous-évaluation est également patente s'agissant de l'AAH. Si les MDPH fonctionnent bien, elles font face à un afflux de demandes difficile à absorber et leur gestion pèse de plus en plus sur les conseils généraux. Je regrette que, une fois de plus, le projet de loi de finances ne prévoie pas d'ouvertures de places en Esat alors que les besoins existent. S'agissant des personnes handicapées vieillissantes, j'insiste sur le fait que les départements ne doivent pas avoir à combler les lacunes de l'Etat en la matière.

M. René-Paul Savary . - Vous dites que les conseils généraux financent environ 40 % du fonctionnement des MDPH. Notons que dans certains départements, la proportion est bien supérieure. Le statut de groupement d'intérêt public (GIP) des MDPH complique considérablement leur fonctionnement : on oblige des personnels d'horizons différents à travailler ensemble et les structures n'ont souvent pas la taille critique pour mobiliser toutes les ressources humaines dont elles ont besoin. Je suis personnellement favorable à une intégration des MDPH au sein des conseils généraux, afin que les moyens humains et de fonctionnement puissent être mutualisés.

La gestion des Esat par les départements a, un temps, été évoquée. Sans doute serait-il bien plus pertinent que ces structures relèvent des collectivités territoriales qui sont compétentes en matière de formation professionnelle et de développement économique.

Quelles sont les économies attendues de la suppression de la PPE annoncée par le Gouvernement ?

Nous savons tous que le RSA « jeunes » n'a pas atteint ses objectifs. De là à considérer qu'il a été conçu de façon à ne pas fonctionner, il n'y a qu'un pas... En revanche, la garantie jeunes peut permettre d'apporter un soutien à certaines catégories de publics.

Mme Elisabeth Doineau . - La fusion du RSA « activité » et de la PPE est nécessaire et mérite d'être saluée. En effet, la PPE était saupoudrée entre un grand nombre de bénéficiaires et la coexistence de deux dispositifs distincts aux objectifs proches entraînait une dispersion des moyens. J'appelle cependant votre attention sur le mode de calcul de la future prime d'activité, qui ne doit pas défavoriser les familles monoparentales.

Je suis par ailleurs réservée quant à l'idée de confier aux caisses d'allocations familiales (Caf) la gestion du RSA dans son ensemble. Il ne me semble en effet pas pertinent de confier à des acteurs distincts, d'une part la gestion de l'allocation, d'autre part la mise en oeuvre des politiques d'accompagnement liées au versement de celle-ci.

Mme Nicole Bricq . - Je m'étonne que le rapporteur parle du manque de sincérité budgétaire de la mission. Attention à ne pas confondre la sincérité et la sous-évaluation, qui est effectuée par tous les Gouvernements et généralement corrigée en loi de finances rectificative.

S'agissant de la PPE, je tiens à rappeler que le dispositif, tel qu'il avait été pensé initialement par le Gouvernement de Lionel Jospin, devait permettre de donner un véritable coup d'accélérateur à l'emploi. Il était conçu comme un impôt négatif. Mais le dispositif a évolué. Il coûte aujourd'hui très cher sans que les ménages concernés soient toujours en mesure de comprendre pourquoi ils perçoivent la PPE. C'est bien pour cette raison que le Sénat demande depuis plusieurs années la fusion du RSA « activité » et de la PPE. Le rapporteur nous dit qu'il faut engager une réforme profonde des minima sociaux. J'aimerais que la majorité sénatoriale nous éclaire sur ses propositions en la matière.

Mme Isabelle Debré . - Le rapport que j'avais écrit en 2012 avec Claire-Lise Campion sur l'application de la loi de 2005 soulignait déjà que le réexamen tous les deux ans de la situation des bénéficiaires de l'AAH ayant un taux d'incapacité compris entre 50 % et 79 % posait problème. Nous avions également recommandé que la compétence de délivrance des cartes européennes de stationnement soit transférée aux directions départementales de la cohésion sociale. Monsieur le rapporteur, savez-vous si cette recommandation a été mise en oeuvre ?

M. Michel Forissier . - En tant que chef d'entreprise, j'ai toujours été très réservé quant aux vertus des dispositifs incitatifs en matière d'emploi. Les fonds publics sont bien trop souvent déviés pour ce type de mesures alors que les efforts doivent avant tout porter sur le développement de la formation professionnelle continue.

S'agissant de l'égalité entre les femmes et les hommes, je pense qu'il faut intégrer cet enjeu dans l'ensemble des textes que nous examinons plutôt que de mettre en oeuvre des mesures qui s'apparentent davantage à de la communication.

M. Yves Daudigny . - Concernant les MDPH, le GIP constitue la seule forme juridique permettant d'associer pleinement les associations à la prise de décisions. Ces dernières sont très attachées à ce qu'aucune modification ne soit apportée au statut des MDPH et souhaiteraient que ce modèle puisse être copié s'agissant des futures maisons départementales de l'autonomie (MDA).

S'agissant du RSA, j'insiste sur le fait que les départements ne sont absolument pas en mesure d'apporter une plus-value à sa gestion, ce qui n'est pas le cas s'agissant de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA). Une reprise par l'Etat de cette compétence ne serait donc pas problématique.

M. Daniel Chasseing . - Nous manquons de structures d'accompagnement pour les personnes handicapées vieillissantes. L'Ehpad n'est pas nécessairement la solution la plus adaptée pour celles qui ne sont plus en mesure de travailler en Esat mais nous manquons de places en foyers occupationnels.

L'économie sociale et solidaire joue un rôle essentiel. Je regrette que les crédits inscrits dans cette mission soient en diminution.

M. Michel Vergoz . - Je suis déçu que le rapporteur ne formule aucune proposition concernant la réforme des minima sociaux. Certains départements sont très en difficulté pour la gestion du RSA. J'aimerais savoir si, oui ou non, le rapporteur soutient l'idée d'un transfert à l'Etat de la gestion de la prestation.

Mme Corinne Imbert . - Le vieillissement des personnes handicapées est une préoccupation de l'ensemble des conseils généraux. Nous manquons de places en foyers occupationnels et le maintien de la suspension du programme de créations de places en Esat n'est pas une bonne nouvelle car certaines auraient pu être réservées à ce type de public. Mon département expérimente l'accueil des personnes handicapées vieillissantes dans des résidences pour personnes âgées du type foyers-logements. Mais cela peut susciter des craintes car les structures ne sont pas nécessairement adaptées au départ et il existe un risque de rupture de parcours. Il s'agit pourtant d'une solution intéressante pour que soient utilisées les places qui sont libres dans certaines structures tout en évitant un engorgement dans les Esat ou les foyers occupationnels.

M. René-Paul Savary . - Je partage les propos de Michel Vergoz concernant la recentralisation du RSA. L'examen du projet de relatif à la nouvelle organisation territoriale de la République sera d'ailleurs l'occasion d'aborder cette question. Il nous faut être particulièrement attentif aux conditions financières dans lesquelles pourrait s'effectuer ce transfert de compétences.

M. Alain Milon, Président . - Je tiens à rassurer Michel Vergoz, la majorité sénatoriale a des idées. Elle les a exposées au cours de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Elle le fera à nouveau pour le projet de loi de finances.

M. Philippe Mouiller, rapporteur pour avis . - En réponse à René-Paul Savary, le pourcentage de 40 % correspond bien à la participation moyenne de l'Etat au financement des MDPH au niveau national en 2012. Concernant leur statut, je rejoins plutôt la position d'Yves Daudigny : le GIP présente un grand nombre de qualités et il convient de conserver un certain degré d'autonomie aux MDPH.

La PPE étant versée avec une année de décalage - c'est-à-dire sur les revenus de l'année précédente -, si la réforme est bien applicable dès le 1 er janvier 2016, la suppression de la PPE n'aura pas généré d'économies pour le budget de l'Etat. Notons que la prime d'activité annoncée par le Gouvernement pourrait toucher les jeunes dès l'âge de 18 ans, ce qui devrait permettre de pallier les lacunes du RSA « jeunes ». Je rejoins Elisabeth Doineau pour souligner la vigilance dont nous devons faire preuve s'agissant des foyers monoparentaux. En réponse à Michel Vergoz, je confirme que je suis bien favorable au transfert à l'Etat de la gestion du RSA. J'estime en revanche que la mission d'accompagnement doit continuer d'être exercée par les départements.

En réponse à Nicole Bricq, il me semble que lorsque le Gouvernement sait pertinemment qu'il sous-évalue un certain nombre de dépenses, il y a là un manque de sincérité.

Concernant la réforme des minima sociaux, nous sommes prêts à faire des propositions, notamment dans le cadre du groupe de travail que vient d'annoncer le Gouvernement.

Isabelle Debré a fait part des recommandations qu'elle avait formulées concernant la simplification des tâches des MDPH. Je sais que ces recommandations reçoivent un accueil favorable auprès des acteurs du secteur mais n'ont pas trouvé, pour le moment, de traduction concrète.

Concernant les personnes handicapées vieillissantes, préoccupation en effet partagée par tous, l'expérimentation dont a parlé Corinne Imbert mériterait en effet d'être examinée plus avant, notamment lorsque nous aurons à nous pencher sur le projet de loi relatif à l'adaptation de la société au vieillissement.

Suivant la proposition du rapporteur pour avis, la commission émet un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », ainsi qu'à l'article 60 rattaché.

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR POUR AVIS

_______

• Fédération nationale des associations gestionnaires au service des personnes handicapées et fragile (Fegapei)

Muriel Vidalenc, directrice générale

Didier Arnal, directeur général adjoint

Marie Aboussa, directrice déléguée

Pia Cohen , directrice des relations institutionnelles

• Association des directeurs de maisons départementales des personnes handicapées (ADMDPH)

Igor Dupin , président

• Assemblée des départements de France (ADF)

Jean-Pierre Hardy, chef du service des politiques sociales

• Association des paralysés de France (APF)

Jacques Zeitoun , vice-président

Véronique Bustreel , conseillère nationale Travail-Emploi-Formation & Ressources

• Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale (Fnars)

François Bregou, responsable du service Stratégie et Analyse des politiques publiques

Alexis Goursolas, chargé de mission

• Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis (Unapei)

Thierry Nouvel , directeur général

• Direction générale de la cohésion sociale (DGCS)

Sabine Fourcade , directrice générale

Vincent Billerey, chef de bureau des minima sociaux

Fatima Touami, chargée de mission


* 1 Loi n° 2008-1249 du 1 er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d'insertion.

* 2 Selon les informations fournies à votre rapporteur par le Gouvernement, la part de la population couverte par le RSA (en comptant les bénéficiaires, les conjoints et les enfants à charge) est plus importante dans les départements du nord de la France (12 % dans le Nord et le Pas-de-Calais), du pourtour méditerranéen (11 % dans les Pyrénées-Orientales, dans l'Aude et dans le Gard, 10 % dans les Bouches-du-Rhône) ainsi qu'en Seine-Saint-Denis (13 %, soit la part la plus importante de la métropole). Près du quart de la population des départements d'outre-mer est couverte par le RSA, la proportion s'élevant à 32 % à La Réunion.

* 3 Christophe Sirugue, député de Saône-et-Loire, Rapport au Premier ministre sur la réforme des dispositifs de soutien aux revenus d'activité modestes, juillet 2013.

* 4 Cour des comptes, insertion au rapport public annuel 2013 : « le RSA activité : une prestation peu sollicitée : un impact restreint », février 2013.

* 5 Loi n° 2001-458 du 30 mai 2001 portant création d'une prime pour l'emploi.

* 6 Loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l'économie sociale et solidaire.

* 7 L'ordonnance n° 2014-1090 du 26 septembre 2014, prise en application de la loi n° 2014-789 du 10 juillet 2014, oblige les établissements recevant du public qui ne respectent pas les exigences d'accessibilité au 31 décembre 2014 à élaborer un agenda d'accessibilité programmée (Ad'Ap). Ils disposent d'un délai d'un an à l'issue de la publication de l'ordonnance pour déposer leur agenda à la préfecture. Ce délai peut être prorogé de 3 ans maximum en cas de difficultés techniques ou financières liées à l'évaluation ou à la programmation des travaux ou lorsqu'un premier agenda a été rejeté.

* 8 Denis Piveteau, « Zéro sans solution : le devoir collectif de permettre un parcours de vie sans rupture, pour les personnes en situation de handicap et pour leurs proches », 10 juin 2014.

* 9 Données issues du rapport annuel de la CNSA pour 2013.

* 10 Le budget de la CNSA est composé de sept sections : la section III est destinée au financement de la prestation de compensation du handicap (PCH) et des MDPH ; la section V regroupe un ensemble de dépenses, notamment d'animation, de prévention et d'études en direction des personnes en situation de perte d'autonomie ; elle est notamment utilisée pour le financement des plans d'aide à l'investissement dans le secteur médico-social.

* 11 Rapport d'information n° 635 (2011-2012) de Mmes Claire-Lise Campion et Isabelle Debré, au nom de la commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois, « Loi Handicap : des avancées réelles, une application encore insuffisante », juillet 2012.

* 12 Conseil d'État, 1 ère et 6 ème sous-sections réunies, 17/07/2013, 344035. Le Conseil d'Etat indique également en son considérant n° 28 que « pour la quatrième année consécutive, les tarifs plafonds ont été fixés au même niveau, déterminé en fonction d'une étude reposant sur des données relatives à l'exercice 2008, sans que les ministres compétents ne cherchent à apprécier l'incidence de l'application des règles de convergence fixées par les arrêtés successivement applicables sur la situation des établissements et services, en particulier sur la situation de ceux dont les charges immobilières sont très nettement supérieures à la moyenne, pour des raisons tenant notamment à leur localisation géographique, alors même que l'arrêté attaqué, par ses effets propres, qui se cumulent avec les effets des arrêtés pris pour les exercices antérieurs, emporte, pour les structures dépassant les tarifs plafonds, des conséquences importantes ».

* 13 Annie Le Houérou, députée des Côtes d'Armor, rapport au Premier ministre : « Dynamiser l'emploi des personnes handicapées en milieu ordinaire : aménager les postes et accompagner les personnes », septembre 2014.

* 14 Loi n° 2014-873 du 4 août 2014 pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes.

* 15 L'intitulé de la proposition de loi a été modifié en commission spéciale par le Sénat. Celle-ci est désormais renommée « Proposition de loi visant à la lutte contre la traite des êtres humains à des fins d'exploitation sexuelle, contre le proxénétisme et pour l'accompagnement des personnes prostituées ». De la même façon, le parcours de sortie de la prostitution est devenu le projet d'insertion sociale et professionnelle.

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