AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Les crédits de paiement de la mission « Travail et emploi » inscrits dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2015 s'élèvent à 11,068 milliards d'euros, soit une baisse de 3% environ par rapport à la loi de finances initiale pour 2014, retraitée au format 2015.

Cette diminution est pour le moins surprenante dans un contexte de hausse sensible du chômage. Fin septembre 2014, on comptait plus de 3,4 millions de demandeurs d'emplois dans la catégorie A, soit une progression annuelle de 4,3 %. Et le taux de chômage au sens du Bureau international du travail (BIT) augmentera de 0,1 point fin 2014 (9,8 % de la population active) puis de 0,3 point en 2015, pour atteindre 10,1 %.

Avec lucidité, le ministre du travail a déclaré le 25 octobre dernier être en situation d'« échec » face au chômage, avouant ainsi qu'il sera difficile d'inverser la courbe du chômage dans les mois à venir.

Au-delà de la baisse des crédits de la mission, justifiée par la nécessité de maîtrise des comptes publics, ce qui frappe votre rapporteur pour avis est l'inquiétante continuité des choix politiques en matière de politique de l'emploi, les zones d'ombre et les incertitudes qui fragilisent ce budget, et l'absence de politique ambitieuse et cohérente en matière d'apprentissage.

Le premier motif d'insatisfaction est lié au choix du Gouvernement de maintenir coûte que coûte les dispositifs existants et les priorités fixées depuis 2012.

Deux exemples sont particulièrement révélateurs.

Le premier est la propension de la majorité actuelle à donner la priorité aux contrats aidés dans le secteur non marchand plutôt que dans le secteur marchand. Le retour à l'emploi durable est pourtant bien plus aisé pour les personnes qui ont bénéficié d'un contrat aidé dans le secteur marchand, comme le montre une récente étude de la Direction de l'animation, de la recherche, des études et des statistiques (Dares). Le Gouvernement, dans la version initiale du PLF, avait entamé un début de rééquilibrage en prévoyant 270 000 contrats d'accompagnement dans l'emploi, qui concernent le secteur non marchand, et 80 000 contrats initiative emploi, ciblés sur la sphère marchande, contre respectivement 340 000 et 40 000 dans le précédent projet de loi de finances initiale. Malheureusement, un amendement adopté à l'Assemblée nationale, à l'initiative de M. Le Roux, est venu remettre en cause ce nécessaire rééquilibrage, en prévoyant 45 000 contrats aidés supplémentaires, à raison de 30 000 CAE et 15 000 emplois d'avenir, mais aucun contrat aidé supplémentaire dans le secteur marchand. Il conviendrait pourtant de donner résolument plus de poids aux contrats aidés dans la sphère marchande, compte tenu de leurs effets bénéfiques à moyen terme.

Le second exemple est l'échec relatif du contrat de génération. Si la philosophie à l'origine de ce dispositif ne peut qu'être approuvée, la complexité des règles d'attribution de l'aide financière a rebuté les employeurs. Entre mars 2013 et le 31 mai 2014, seulement 21 370 demandes d'aide ont été acceptées. Force est donc de constater que les objectifs initiaux du Gouvernement d'accorder 100 000 aides financières par an sont pour l'heure hors d'atteinte. Pire, le Gouvernement a derechef revu à la baisse ses prévisions pour 2014, passant de 33 305 aides à 20 000. Le contrat de génération est-il condamné à péricliter ? Ou bien le Gouvernement souhaite-t-il demander aux partenaires sociaux d'assouplir les règles d'attribution de l'aide ?

Le deuxième motif d'insatisfaction concerne les nombreuses zones d'ombre du budget.

L'Etat a pris l'engagement de prendre en charge le différé des indemnisations pour les intermittents du spectacle institué par la nouvelle convention assurance chômage, à travers le décret du 13 octobre 2014. L'Unédic estime que ce différé représente 70 millions en 2015, puis 100 millions d'euros en année pleine, mais aucun crédit n'est prévu à cet effet dans le budget. Le ministre du travail, lors de son audition devant notre commission, a lui-même reconnu que les négociations budgétaires entre ministères étaient toujours en cours.

Autre exemple : lors de son intervention télévisée jeudi 8 novembre, le Président de la République a exprimé le souhait d'étendre l'allocation transitoire de solidarité (ATS) aux personnes nées entre 1954 et 1956, ou de créer un dispositif similaire. Toutefois, cet engagement, qui n'est pas chiffré, ne devrait pas trouver de traduction dans le PLF pour 2015, mais plus vraisemblablement dans un texte financier l'année prochaine.

Par ailleurs, l'article 62 du PLF pour 2015 impose à l'Association de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées (Agefiph) et au Fonds d'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP) une contribution annuelle de 29 millions d'euros pendant trois ans pour financer des contrats aidés. Mais le Gouvernement n'a pas été en mesure de garantir le fléchage de ces fonds vers le financement des contrats à destination exclusive des personnes handicapées.

Enfin, les hésitations du Gouvernement en matière d'apprentissage contribuent aux graves difficultés que traverse actuellement cette formation en alternance.

La prime de 1 000 euros, instituée par l'article 63 du PLF pour 2015, vise à encourager les entreprises de moins de 250 salariés à recruter des apprentis, mais les règles retenues sont trop complexes et sa portée est très limitée. Surtout, sa création intervient un an à peine après la réforme très contestée des indemnités compensatrices forfaitaires (ICF), qui ont remis en cause le mécanisme, bien connu des entreprises, des primes à l'apprentissage versées par les régions.

La refonte de la maquette budgétaire du compte d'affectation spéciale « financement national du développement et de la modernisation de l'apprentissage » (FNDMA), tire les conséquences des profondes réformes du financement de l'apprentissage initiée depuis 2013. Mais ce compte ne peut pas, à lui seul, pallier l'absence de pilotage au niveau national de l'apprentissage. Un consensus existe sur la nécessité d'imaginer de nouvelles relations entre les régions et l'Etat, et en particulier le Ministère de l'éducation nationale, pour faire de l'apprentissage une filière d'excellence, pleinement reconnue, capable de lutter massivement contre le chômage qui frappe les plus jeunes de nos concitoyens.

Figure n° 1 : Evolution des crédits de paiement des programmes
de la mission « Travail et emploi » dans le projet de loi de finances initiale pour 2015

(en milliards d'euros)

Crédits de paiement
PLF initial 2015

Crédits de paiement ouverts en LFI 2014

Evolution
en valeur absolue entre LFI 2014 et PLF 2015

Variation relative entre
LFI 2014
et PLF 2015

Programme 102 « accès et retour à l'emploi »

7,497

7,240

+ 0,256

+ 3,54 %

Programme 103 « accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi »

2,905

2,879

+ 0,026

+ 0,9%

Programme 111 « amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail »

0,081

0,069

+ 0,012

+ 17,2 %

Programme 155 « conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travail »

0,771

0,786

- 0,014

- 1,85%

Source : Projets annuels de performances, annexe au projet de loi de finances pour 2014

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