Avis n° 112 (2014-2015) de MM. Jean-Claude LUCHE et Philippe NACHBAR , fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, déposé le 20 novembre 2014

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N° 112

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2014-2015

Enregistré à la Présidence du Sénat le 20 novembre 2014

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (1) sur le projet de loi de finances pour 2015 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,

TOME II

Fascicule 1

CULTURE :
PATRIMOINES, TRANSMISSION DES SAVOIRS

Par MM. Jean-Claude LUCHE et Philippe NACHBAR,

Sénateurs.

(1) Cette commission est composée de : Mme Catherine Morin-Desailly , présidente ; M. David Assouline, Mme Corinne Bouchoux, M. Jean-Claude Carle, Mme Marie-Annick Duchêne, M. Louis Duvernois, Mmes Brigitte Gonthier-Maurin, Françoise Laborde, Claudine Lepage, Colette Mélot, M. Jean-Marc Todeschini , vice-présidents ; Mmes Françoise Férat, Dominique Gillot, M. Jacques Grosperrin, Mme Sylvie Robert, M. Michel Savin, secrétaires ; MM. Pascal Allizard, Maurice Antiste, Dominique Bailly, Mmes Marie-Christine Blandin, Maryvonne Blondin, MM. Philippe Bonnecarrère, Gilbert Bouchet, Jean-Louis Carrère, Mme Françoise Cartron, MM. Joseph Castelli, François Commeinhes, René Danesi, Jean-Léonce Dupont, Mme Nicole Duranton, MM. Jean-Claude Frécon, Jean-Claude Gaudin, Mme Samia Ghali, M. Loïc Hervé, Mmes Christiane Hummel, Mireille Jouve, MM. Guy-Dominique Kennel, Claude Kern, Pierre Laurent, Jean-Pierre Leleux, Mme Vivette Lopez, MM. Jean-Jacques Lozach, Jean-Claude Luche, Jacques-Bernard Magner, Christian Manable, Philippe Marini, Mmes Danielle Michel, Marie-Pierre Monier, MM. Philippe Nachbar, Jean-Jacques Panunzi, Cyril Pellevat, Daniel Percheron, Mme Christine Prunaud, MM. Stéphane Ravier, Bruno Retailleau, Abdourahamane Soilihi, Hilarion Vendegou.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) : 2234, 2260 à 2267 et T.A. 420

Sénat : 107 et 108 à 114 (2014-2015)

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

L'architecture du budget de la mission « Culture » distingue trois grands programmes :

- programme 175 « Patrimoines »,

- programme 131 « Création »,

- programme 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ».

En 2015, le budget global de la mission s'établit à environ 2 585 millions d'euros en crédits de paiement et à 2 554 millions d'euros en autorisations d'engagement.

Le présent fascicule regroupe l'examen successif :

- du programme 175 « Patrimoines » par M. Philippe Nachbar. Les crédits de ce programme représentent 29,1 % de ceux de la mission « Culture » et sont destinés à des politiques patrimoniales très variées : monuments historiques, architecture, musées, archéologie préventive, archives et patrimoine linguistique ;

- du programme 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » par M. Jean-Claude Luche. Avec 42,5 % de crédits de l'ensemble de la mission, ce programme finance non seulement des politiques culturelles telles que l'enseignement supérieur, l'éducation artistique et culturelle ou l'action culturelle internationale, mais aussi les fonctions de « soutien » du ministère de la culture et de la communication.

PATRIMOINES

PREMIÈRE PARTIE - - LE PROGRAMME 175 « PATRIMOINES »

I. UNE STABILISATION DES CRÉDITS EN 2015

A. DES CRÉDITS GLOBALEMENT STABLES MAIS VARIANT D'UNE ACTION À L'AUTRE

Après une baisse marquée au sein de la mission « Culture » en 2014, le programme 175 voit ses crédits stabilisés en 2015. En effet, les crédits de paiement (CP) sont en légère hausse (+0,6 %) passant de 746,56 millions à 751 millions d'euros. Les autorisations d'engagement (AE) subissent quant à elles une baisse modérée de 2,04 %, passant ainsi de 761,07 à 745,57 millions d'euros.

Le directeur général des patrimoines a indiqué à votre rapporteur pour avis que l'évolution des AE s'explique par les montants importants engagés en 2014 au titre des projets ne donnant pas lieu à de nouveaux besoins en 2015 : le PRIAM (pôle de recherches interdisciplinaires archéologiques de Moselle), la grotte de Lascaux IV, le site historique de l'ancien hôpital Jean-Martial à Cayenne, ou encore la fin du schéma directeur sécurité incendie (SDSI) au Louvre et le marché d'externalisation des réserves des musées pour un montant cumulé de 25 millions d'euros. À périmètre constant, le montant des autorisations d'engagement est donc en progression.

Au sein du programme, les crédits des actions évoluent différemment :

- les crédits des actions 2 « Architecture » et 8 « Acquisition et enrichissement des collections publiques » sont réellement stabilisés , les premiers n'augmentant que de 0,05 % (soit un total d'environ 27,8 millions d'euros) et les seconds ne diminuant que de 0,02 % (soit 8,35 millions d'euros en AE=CP) ;

- les crédits des actions 1 « Patrimoine monumental » et 3 « Patrimoine des musées de France » sont les seuls à baisser tant en AE qu'en CP . Les AE de l'action 1 diminuent de 1,41 % (soit -4,87 millions d'euros) pour s'établir à 340,37 millions d'euros, tandis que les CP diminuent de 1,32 % (soit -4,38 millions d'euros), atteignant 327,85 millions d'euros. Les AE destinés aux musées diminuent de 1,66 %, s'établissant ainsi à 331,11 millions d'euros, et les CP ne baissent que de 0,02 %, représentant 339,53 millions d'euros ;

- l'action 7 « Patrimoine linguistique » est la seule à connaître une hausse en AE comme en CP. Si elle est relativement importante (+11 %), elle ne reflète qu'une faible augmentation en volume puisque cela représente 291 000 euros, pour un total de 2,9 millions d'euros ;

- les crédits des actions 4 « Patrimoine archivistique et célébrations nationales » et 9 « Patrimoine archéologique » évoluent différemment selon qu'il s'agisse des AE ou des CP . Les AE de l'action 4 augmentent de 247 241 euros (+1,05 %) tandis que les CP diminuent de 2,35 millions d'euros (-8,68 %) pour atteindre 24,76 millions d'euros. L'évolution de l'action dédiée à l'archéologie est la plus contrastée : les AE de l'action chutent de 33,17 % (soit -5,6 millions d'euros) pour s'établir à 11,28 millions d'euros, et les CP augmentent de 10,95 millions d'euros soit une hausse de 124 %.

Comme l'indique le directeur général des patrimoines dans la présentation stratégique du projet annuel de performances du programme 175, les orientations pour les années 2015-2017 s'articulent autour de trois axes :

- contribuer au projet national d'éducation artistique et culturelle et à la qualité de l'accueil des publics ;

- assurer la transmission de ce patrimoine aux générations futures ;

- oeuvrer pour l'égalité des territoires et leur mise en valeur patrimoniale et architecturale.

Aux côtés de la direction générale des patrimoines, la mise en oeuvre des politiques patrimoniales s'appuie sur :

- le réseau des directions régionales des affaires culturelles (DRAC ). Elles couvrent les conservations régionales de monuments historiques, les services régionaux de l'archéologie (SRA), les conseillers pour les musées, ceux pour l'architecture, ou pour l'ethnologie. Les DRAC agissent en partenariat étroit avec les collectivités territoriales et les acteurs culturels régionaux. Les 100 services territoriaux de l'architecture et du patrimoine (STAP), intégrés aux DRAC depuis 2010, exercent une mission de conseil auprès des collectivités et des particuliers et sont chargés de la délivrance d'avis sur les projets modifiant les espaces protégés ;

- les conservateurs de l'État mis à disposition des archives départementales, pour assurer le contrôle scientifique et technique ;

- les 18 opérateurs sous tutelle du ministère de la culture et de la communication (Arts décoratifs, Centre des monuments nationaux, Domaine national de Chambord, musée du Louvre, etc.) ;

- le réseau des services à compétence nationale (le centre de recherche et de restauration des musées de France - C2RMF -, les services d'archives, le laboratoire de recherches des monuments historiques, etc.)

B. LES OPÉRATEURS

1. Des efforts moindres en 2015
a) Les crédits

Les opérateurs du programme ont très largement contribué à l'effort budgétaire entre 2012 et 2014. Le seuil prudentiel des 30 jours de fonctionnement par financement du fonds de roulement a été analysé avec attention afin de calibrer les derniers efforts demandés à certains établissements.

Deux baisses de crédits significatives sont à noter pour 2015 :

- une diminution d'un million d'euros pour le Musée d'Orsay , en raison de la bonne santé financière de l'établissement et de sa capacité à autofinancer ses projets d'investissement ;

- une baisse de deux millions d'euros de la subvention d'investissement courant du Musée du Louvre . Cette décision tire les conséquences de ressources prévisionnelles supplémentaires, notamment liées à la nouvelle stratégie de marques et de licences lancée par l'établissement, et aux intérêts du fonds de dotation attendus à compter de 2016.

Subventions aux opérateurs

(en milliers d'euros)

Opérateur(s) financé(s)

AE PLF 2015

CP PLF 2015

AFR - Académie de France à Rome

855

855

CAPA - Cité de l'architecture et du patrimoine

16 936

16 936

CMN - Centre des monuments nationaux

24 421

24 421

CNAC-GP - Centre national d'art et de culture
- Georges Pompidou

82 151

82 151

EPMBQ - Établissement public du musée du quai Branly

22 398

22 398

EPV - Établissement public du musée et du domaine national de Versailles

18 884

13 884

Établissement public du château de Fontainebleau

13 593

11 593

Établissement public du domaine de Chambord

2 778

2 778

INRAP - Institut national de recherches archéologiques préventives

5 000

5 000

MuCEM - Musée des civilisations de l'Europe et
de la Méditerranée

18 723

18 723

Musée d'Orsay et musée de l'Orangerie

8 268

8 268

Musée des arts décoratifs

14 675

14 675

Musée du Louvre

98 405

102 005

Musée Guimet

4 871

4 871

Musée Henner

366

366

Musée Moreau

286

286

Musée Picasso

4 060

4 060

Rmn - Grand Palais - Réunion des musées nationaux
et du Grand Palais des Champs Élysées

24 594

24 194

Total

361 264

357 464

Source : Projet annuel de performances pour 2015

b) Les emplois

Les emplois affectés aux opérateurs du programme 175 « Patrimoines » sont rémunérés par le programme 224. Le projet annuel de performances pour 2015 indique que le plafond d'emplois est de 10 961 emplois de titre 2 dont 6 191 sont rattachés au programme 175. Le ministère de la culture et de la communication a indiqué à votre rapporteur pour avis que les arbitrages de répartition des emplois de titre 2 n'avaient pas encore été rendus. Toutefois, deux priorités semblent d'ores et déjà acquises :

- le maintien des effectifs placés au contact du public dans les services à compétence nationale ;

- le maintien des effectifs actuels de titre 2 au sein des établissements publics .

En outre, dans le cadre de l'ouverture sept jours sur sept des établissements publics de Versailles, du Louvre et d'Orsay, il est précisé que les emplois nécessaires seront progressivement mis en place pour accompagner cette mesure.

Auditionné par votre rapporteur pour avis, le président du Centre des monuments nationaux a évoqué un problème récurrent au sein des opérateurs de l'État : les vacances de postes sur les emplois de titre 2. Aussi a-t-il plaidé en faveur d'une plus grande souplesse à l'égard des plafonds d'emplois de titre 3, rémunérés par les opérateurs qui par ailleurs sont appelés à développer leurs ressources propres. Il est en effet paradoxal de demander aux opérateurs d'accroître leur capacité d'auto-financement alors qu'ils n'ont pas de marge de manoeuvre pour compenser des emplois non pourvus de titre 2, faute de candidatures.

Le ministère de la culture et de la communication a indiqué que, hors mesures de transfert et à périmètre constant, les suppressions d'emplois rémunérés par les opérateurs relevant du programme 175 prévues par le présent projet de loi de finances s'élèvent à 16 équivalents temps plein travaillé (ETPT), soit une diminution de 0,18 %. Elles concernent les plus grosses structures :

- le Centre national d'art et de culture - Georges Pompidou (CNAC-GP) : 5 suppressions dont 3 postes vacants, pour 1 038 ETPT en 2014 ;

- la Réunion des musées nationaux-Grand Palais (RMN-GP) : 5 suppressions dont un poste vacant, pour un plafond de 983 ETPT en 2014 ;

- l'Institut national des recherches archéologiques préventives (Inrap) : 6 suppressions pour 2 095 ETPT sous plafond en 2014.

2. Le CMN : un périmètre et des missions étendus

Deux monuments ont récemment rejoint le périmètre du CMN : le domaine national de Rambouillet en 2009 et le Fort de Brégançon en 2014 . Ces deux ensembles immobiliers étaient jusqu'alors des résidences présidentielles. Le Fort de Brégançon a été ouvert au public à l'été 2014 ; un bilan sera dressé à la fin de la saison touristique en septembre 2014 pour être présenté au conseil d'administration de l'établissement.

Votre rapporteur pour avis note la précision apportée par le ministère de la culture et de la communication : cet élargissement du parc immobilier du CMN s'est opéré à budget constant, hormis pour le fort de Brégançon pour lequel un transfert de crédits est prévu en 2014 (175 000 euros) en provenance du ministère de la défense qui assurait jusqu'ici l'entretien du monument.

Le CMN a donc fait face à un nouvel élargissement de son périmètre, dont la consolidation paraît souhaitable depuis plusieurs années afin de garantir le modèle de péréquation économique permettant à l'établissement public d'entretenir et d'ouvrir de nombreux sites. Votre commission avait d'ailleurs souhaité consolider ce périmètre au travers de la proposition de loi (PPL) relative au patrimoine monumental 1 ( * ) de nos collègues Françoise Férat et Jacques Legendre, adoptée en deuxième lecture le 3 novembre 2011, rejoignant ainsi les préconisations de la Cour des comptes 2 ( * ) .

Le Centre des monuments nationaux s'est également vu confier une nouvelle mission par le Président de la République.

Comme l'indique un communiqué de presse de la Cour des comptes en date du 11 juillet 2014, la perspective du départ de l'état-major de la marine sur le site de Balard avait provoqué un débat sur le devenir du site de l'Hôtel de la Marine. Cette réflexion avait conduit à envisager que la Cour des comptes, située à proximité immédiate du bâtiment, installe une partie de ses effectifs (aujourd'hui logés dans deux bâtiments de l'État qui alors auraient été cédés) au sein de la partie banale, c'est-à-dire à usage de bureaux, de l'Hôtel de la Marine.

Le Président de la République a confié au président du Centre des monuments nationaux (CMN), Philippe Bélaval, la mission de gérer l'Hôtel de la Marine lorsque les militaires l'auront quitté. Ce dernier a présenté un projet permettant de fonder une décision publique sur ce dossier. Il ressort de cette étude que la prise en compte des besoins de la Cour rendrait moins productive la valorisation locative du reste de l'ensemble de bureaux et entraînerait de ce fait un déséquilibre financier de l'ensemble de l'opération.

Au vu de cet impact négatif, le premier président de la Cour des comptes a estimé qu'il était de l'intérêt général que la Cour ne sollicite pas cette occupation.

Un communiqué de la Présidence de la République, en date du 21 septembre 2014 indique que « ce bâtiment prestigieux, ancien garde meuble de la Couronne, est aujourd'hui le siège de l'État-major de la Marine nationale.

À la suite du départ de cet État-major vers les nouvelles installations du ministère de la Défense à Balard, le 1 er janvier 2016, l'Hôtel de la Marine sera confié en gestion dans sa totalité au Centre des monuments nationaux et restera ainsi propriété pleine et entière de l'État.

Fort de son expérience d'ouverture au public des monuments historiques, le Centre des monuments nationaux rendra accessible au plus grand nombre, les appartements historiques prestigieux de l'Hôtel, et notamment les salons d'apparat ouvrant sur la colonnade de la Place de la Concorde . Le circuit de visite comprendra également des espaces rappelant la présence de la Marine dans le bâtiment, ainsi que des espaces d'exposition temporaire et des espaces de médiation et de services, représentant une surface totale d'environ 4 000 m², aujourd'hui totalement fermée aux visiteurs.

Le reste des espaces, soit 8 000 m² composés pour l'essentiel de bureaux et de locaux techniques, fera l'objet par le Centre des monuments nationaux, d'une exploitation assurant la soutenabilité financière de l'opération pour les finances publiques .

Cette exploitation s'attachera, dans la destination des espaces rénovés, à valoriser les traditions et les savoir-faire d'excellence de la France.

L'ouverture au public, prévue en 2017, d'un monument aussi remarquable constituera un événement important, aussi bien en termes d'élargissement et de démocratisation de l'accès au patrimoine national que de rayonnement international et d' attractivité touristique de Paris ».

Dans ses réponses au questionnaire budgétaire, le ministère de la culture et de la communication a indiqué que le coût du projet est évalué à 59 millions d'euros et fait l'objet d'un financement mobilisant des subventions versées par le ministère, le fonds de roulement du CMN et un emprunt auprès de la Caisse des dépôts et consignation. Auditionné par votre rapporteur pour avis, le président du CMN, M. Philippe Belaval, a indiqué que les études étaient effectivement en cours.

Interrogée à ce sujet par votre rapporteur pour avis, la ministre de la culture a indiqué que pour tenir compte de ces nouvelles missions, le ministère de la culture et de la communication a augmenté la subvention d'investissement du CMN de 18 à 18,5 millions d'euros et sa subvention de fonctionnement de 6 à 9 millions d'euros.

II. L'ARCHÉOLOGIE PRÉVENTIVE : LA FIN D'UN MAUVAIS CYCLE ?

A. L'ANNÉE 2014 EST MARQUÉE PAR UN DYSFONCTIONNEMENT INFORMATIQUE GRAVE EMPÊCHANT LA MISE EN oeUVRE DE LA RÉFORME VOULUE PAR LE LÉGISLATEUR

La collecte de la redevance d'archéologie préventive (RAP) repose sur deux filières : la filière culture (Directions régionales des affaires culturelles - DRAC) pour les aménagements soumis à étude d'impact au titre du Code de l'environnement et la filière urbanisme pour les aménagements relevant d'autorisation d'urbanisme.

Votre commission a pu constater, lors de l'examen des projets de loi de finances précédents, que le financement de l'archéologie préventive défini par la loi du 1 er août 2003 n'était pas satisfaisant car il ne permettait pas de couvrir les coûts engendrés, provoquant des retards dans la mise en oeuvre des diagnostics et des chantiers de fouilles conduits par l'Inrap.

Malgré plusieurs ajustements votés entre 2004 et 2009, le rendement était inférieur aux besoins : en 2011 il dépassait péniblement les 70 millions d'euros tandis que l'inspection générale des finances évaluait le besoin à 125 millions d'euros. Le ministère de la culture et de la communication a apporté un total de 170 millions d'euros entre 2006 et 2012. C'est la raison pour laquelle le gouvernement a souhaité réformer le mode de financement dans le cadre du projet de loi de finances rectificative n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 . Le nouveau dispositif ainsi adopté concerne la filière urbanisme et adosse la nouvelle RAP à la taxe d'aménagement . Votre commission, suivie par l'ensemble des sénateurs en séance publique, a adopté une disposition visant à élargir l'assiette de la RAP afin de porter son rendement aux 122 millions d'euros estimés nécessaires pour le bon fonctionnement du dispositif.

Le législateur a ainsi voulu mettre fin au déficit chronique de l'archéologie préventive, obligeant le ministère de la culture et de la communication à redéployer des crédits exceptionnels pour financer dans l'urgence l'Inrap et le Fnap. Si cette réforme a produit ses effets à partir de 2013 comme cela été prévu, le rendement attendu n'a jamais été atteint en 2014 comme cela avait pourtant été annoncé. Selon les informations transmises à votre rapporteur pour avis par le ministère de la culture et de la communication, il ne sera vraisemblablement pas atteint avant 2015, voire début 2016.

Malgré des alertes relayées ces deux dernières années par votre commission, la transition entre l'ancien et le nouveau système de redevance a été marquée par des difficultés techniques rencontrées par les services déconcentrés du ministère du logement pour procéder à la liquidation de cette taxe selon les nouvelles règles votées par le Parlement . Il en est résulté une absence de rendement de cette filière dès le mois de mars 2013. La reprise de cette part de liquidation dans Chorus a pu être effective en mars 2014 et les premiers versements à l'Inrap et au Fnap (Fonds national pour l'archéologie préventive), notamment, ont eu lieu en avril 2014 seulement.

Cette situation a mis en péril, non seulement les services d'archéologie de collectivités territoriales agréés qui perçoivent directement la RAP sur leur territoire (20 actuellement), mais également l'Inrap et le Fnap . Elle a occasionné des difficultés de trésorerie, qui ne remettent pas en cause, toutefois, l'architecture de la réforme et son bien-fondé. Le ministère de la culture et de la communication a cependant dû pallier le manque à gagner en 2013 et en 2014.

Afin d'assurer une continuité minimale du service et d'éviter tout défaut de paiement du salaire de ses 2 100 agents, le ministère a dû mobiliser 49 millions d'euros sur 2013 et 2014 en faveur de l'Inrap . Les concours apportés se décomposent comme suit :

En 2013 :

- d'une part, des concours d'un montant de 10 millions d'euros étaient prévus au budget 2013 de l'Inrap afin de compenser la montée en charge progressive de la nouvelle RAP. Ce concours devait faire l'objet d'une ouverture nette en loi de finances rectificative pour 2013 qui n'est pas intervenue et a été autofinancé par le programme 175 ;

- d'autre part, des concours d'un montant de 25 millions d'euros, sous formes d'avances de trésoreries, autofinancés par le programme 175 au détriment de ses autres objectifs.

En 2014 :

En l'absence de reprise d'un encaissement régulier de la RAP en début d'année 2014, une avance de trésorerie de 14 millions d'euros a été également consentie à l'Inrap au premier semestre de l'année.

Le ministère a également dû procéder en 2013 à une avance de 3 millions d'euros, sur crédits budgétaires, afin qu'il puisse honorer les engagements déjà pris.

Les versements émanant de la filière urbanisme ont repris à la fin du mois d'avril 2014. Depuis le début de l'année 2014, l'Inrap a reçu 25,1 millions d'euros de RAP dont 16 millions d'euros émanant de la filière urbanisme, et le FNAP a perçu 14,1 millions d'euros dont 8,8 millions d'euros émanant de la filière urbanisme.

En outre, comme le rappelle le ministère de la culture et de la communication dans ses réponses au questionnaire budgétaire, le constat d'un rendement de la taxe affectée au Centre national du jazz et des variétés (CNV) supérieur au plafond fixé en loi de finances d'une part, et de l'impossible atteinte de l'objectif rendement de la RAP à 122 millions d'euros en 2014 d'autre part, l'on conduit à diminuer temporairement le plafond de la RAP. En effet, l'article 11 de la loi de finances rectificative n° 2014-891 du 8 août 2014 a relevé de 24 à 28 millions d'euros le plafond de la taxe sur les spectacles de variété et a abaissé, en contrepartie, de 122 à 118 millions d'euros celui de la redevance d'archéologie préventive.

Comme le ministère l'a indiqué, « ce choix de gestion temporaire ne remet pas en cause l'objectif d'un rendement de la RAP à 122 millions d'euros nécessaire pour parvenir à un financement équilibré de la politique de l'archéologie préventive . »

B. UN BUDGET CONTRASTÉ QUI MARQUE L'ACHÈVEMENT DE TRAVAUX

Les autorisations d'engagement passent de 16,9 millions en 2014 à 11,3 millions d'euros en 2015, ce qui représente une baisse de plus de 33 %. A contrario on note une très forte hausse des crédits de paiement - de plus de 124 % - qui passent de 8,8 millions à 19,7 millions d'euros.

L'évolution des crédits entre 2014 et 2015 s'explique par :

- la fin des projets de centres de conservation et d'études (CCE) en région (Alsace, Poitou-Charentes et Auvergne) et le financement des restes à payer des projets de CCE déjà engagés en 2015 ( 3,84 millions d'euros en CP mais seulement 0,9 en AE ).

- le financement de la suite des projets lancés en 2014 : 2 millions en CP (dépenses d'intervention) sont destinés à la poursuite des travaux du projet Lascaux IV qui consiste en la création d'un centre international d'art pariétal à Montignac (Dordogne) ; 3,5 millions d'euros en CP (dépenses d'investissement) doivent permettre d'achever les travaux du PRIAM en Lorraine.

- l'instauration d'une subvention pour charges de service public en faveur de l'Inrap à hauteur de 5 millions d'euros en AE=CP afin de compenser les charges qui lui incombent et ne sont pas financées par la RAP.

III. UNE POLITIQUE MUSÉALE DYNAMIQUE REPOSANT SUR DES CRÉDITS ENFIN STABILISÉS

A. LA BAISSE DES CRÉDITS EST TERMINÉE

Après deux années difficiles, les musées bénéficient enfin d'une stabilisation de leurs crédits , tant au niveau de l'action 3 « Patrimoine des musées de France » que l'action 8 « Acquisition et enrichissement des collections publiques ».

Après une chute de près de 10 % en 2014, les crédits de paiement de l'action 3 se stabilisent à 339,53 millions d'euros. Les subventions pour charges de service public s'élèvent à 257,92 millions d'euros en AE=CP. Les dépenses d'intervention en crédits déconcentrés d'investissement, fixées à hauteur de 13 millions d'euros en AE et 17,15 millions d'euros en CP, doivent financer la poursuite du plan « Musées en région ». Les opérations visées sont les suivantes :

- la rénovation et la restructuration du musée Unterlinden de Colmar en région Alsace ;

- la réhabilitation et l'extension du musée Crozatier du Puy-en-Velay en région Auvergne ;

- la réhabilitation du musée des Beaux-arts de Dijon en région Bourgogne ;

- la rénovation du musée de la Résistance à Saint-Marcel en région Bretagne ;

- la poursuite des travaux de rénovation du musée du sel de Salins-les-Bains en région Franche-Comté ;

- la fin des travaux à la cité internationale de la tapisserie à Aubusson, en région Limousin ;

- la poursuite de la rénovation du musée historique lorrain en région Lorraine ;

- l'extension des musées Ingres à Montauban et Henri-Martin à Cahors, en région Midi-Pyrénées ;

- la poursuite des travaux d'extension du musée des Beaux-arts de Nantes en région Pays-de-la-Loire.

Ceux de l'action 8 , qui avaient chuté de 48 % en 2013 et de 2,3 % en 2014, sont enfin maintenus à 8,35 millions d'euros .

Les ressources propres des musées nationaux et les subventions pour acquisitions sont détaillées dans les réponses du ministère de la culture et de la communication au questionnaire budgétaire :

- 5 établissements publics consacrent aux acquisitions un pourcentage des recettes de droits d'entrée dans les collections permanentes, fixé par décret statutaire (de 20 % pour les musées du Louvre, du Quai Branly et Rodin et de 16 % pour le musée d'Orsay et de l'Orangerie) ;

- 2 subventions pour charges de service public (action 8 du programme 175) sont attribuées au musée Guimet (0,5 million d'euros en 2013 et 2014, avant mise en réserve) et au centre Pompidou (1,29 million d'euros en 2013 et 2014, avant mise en réserve) ;

- 2 dotations annuelles sur le Fonds du patrimoine sont réservées à l'enrichissement des collections de l'établissement du Palais de la Porte-Dorée (0,14 million d'euros en 2013, pas de dotation en 2014) et du musée du Quai Branly (0,28 million d'euros en 2013 et 2014), ce dernier recevant une subvention complémentaire de la part du MENESR (ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche) de l'ordre de 0,28 million d'euros ;

- une subvention (action 8 du programme, dépenses pour immobilisations corporelles de l'État) est versée à la Réunion des musées nationaux-Grand Palais (RMN-GP) pour le règlement des acquisitions réalisées pour le compte de l'État et affectées dans les musées services à compétence nationale (SCN) et dans les musées du château de Fontainebleau et la Cité de la céramique-Sèvres & Limoges, récemment devenus des établissements publics. La dotation s'est élevée, après mise en réserve de 6 % en 2013 et 7 % en 2014, à 0,99 million d'euros en 2013 et à 0,98 million d'euros en 2014.

Les subventions du Fonds du patrimoine (action 8 du programme) sont accordées sur décision de la ministre chargée de la culture et destinées à acquérir des oeuvres présentant un intérêt majeur pour les collections patrimoniales publiques (voir la liste des oeuvres financées en 2013 et 2014 en annexe). La dotation totale du Fonds du patrimoine s'est élevée, après mise en réserve de 6 % en 2013 et 7 % en 2014, à 3,10 millions d'euros en 2013 et à 3,09 millions d'euros en 2014.

Les perspectives en 2015 sont les suivantes :

Pour les subventions annuelles pour acquisitions (en AE=CP) :

Leur montant de 2013, déjà maintenu en 2014, est reconduit à l'identique dans le PLF 2015 (montants hors gel) :

- Musée des arts asiatiques Guimet : 0,5 million d'euros

- CNAC-GP (Musée national d'art moderne - MNAM) : 1,29 million d'euros

- RMN-GP pour les acquisitions des musées SCN : 1,06 million d'euros

- Centre des monuments nationaux (CMN) : 0,205 million d'euros

- Cité de l'architecture et du patrimoine (CAPA) : 0,125 million d'euros.

Pour le Fonds du patrimoine (en AE=CP) :

La dotation du Fonds du patrimoine s'élève à 3,64 millions d'euros dans le PLF 2015 (avant mise en réserve et en AE=CP, toutes dotations confondues: archives, CMN, ... ), contre 3,09 millions d'euros en 2014. La stabilité des dispositifs fiscaux est parallèlement assurée afin de mobiliser, en complément, le mécénat d'entreprise, en particulier pour le financement des trésors nationaux et des oeuvres d'intérêt patrimonial majeur. À cet égard, la contribution du Fonds du patrimoine peut être sollicitée en s'inscrivant notamment dans le cadre d'opérations d'acquisition à financements multiples, qui tendent à devenir plus nombreuses. Le Fonds du patrimoine peut compléter par ailleurs les crédits déconcentrés des FRAM pour soutenir le financement d'acquisitions prestigieuses destinées aux collections publiques n'appartenant pas à l'État.

« Fiscalité et acquisitions »

Le dispositif dit du « mécénat d'entreprise » de l'article 238 bis -0 A du code général des impôts (CGI) 3 ( * ) permet aux entreprises de bénéficier d'une réduction d'impôt si elles participent à l'acquisition par l'État ou par une personne publique d'un « trésor national » 4 ( * ) ou bien si elles participent à l'achat par l'État ou par une personne publique d'un bien culturel situé en France ou à l'étranger, dont l'acquisition présente un intérêt majeur pour le patrimoine national au point de vue de l'histoire, de l'art ou de l'archéologie (dit « oeuvre d'intérêt patrimonial majeur » ou OIPM). En 2013, ces dispositions ont permis de réunir 12,96 millions d'euros, dont 5,33 millions d'euros pour les musées nationaux , afin de financer des oeuvres et objets d'art d'une valeur totale de 18,13 millions d'euros (voir la liste des oeuvres acquises, toutes institutions confondues, en annexe).

D'autres sources de financement complètent ces dispositifs : mécénats divers propres aux établissements, contributions des sociétés d'amis des musées, dons, donations et legs en numéraire des entreprises et des personnes privées, etc . Ainsi, pour les musées qui ont bénéficié de dons, donations et legs en nature, le total des montants s'élève à 203,24 millions d'euros en 2013 (montant exceptionnel lié à une importante donation au profit du Centre national d'art et de culture Georges Pompidou ), et du dispositif de la dation en paiement d'oeuvres d'art. Instituée par la loi du 31 décembre 1968, la dation permet l'acquittement d'impôts (essentiellement les droits de succession et l'impôt de solidarité sur la fortune-ISF) par la remise à l'État d'oeuvres d'art « de haute valeur artistique ou historique ». La valeur libératoire totale des offres de dations affectées en 2013 dans les musées nationaux et autres institutions du ministère de la culture et de la communication a été de 2,36 millions d'euros (voir tableau de répartition en annexe III).

Source : Ministère de la culture et de la communication

Le tableau ci-dessous retrace par ailleurs l'évolution des subventions de l'État aux acquisitions des musées en région entre 2009 et 2014.

Exécution

(en millions d'euros)

FRAM État
(y compris FRAR)

Fonds du patrimoine

Total

2009

2,66

1,18

3,84

2010

2,8

0,85

3,65

2011

2,48

0,43

2,91

2012

2,68

1,6

4,28

2013

1,04

1,1

2,14

2014 (au 30/06)

1,03

0,13

1,16

Source : Ministère de la culture et de la communication, réponse au questionnaire budgétaire

L'État affecte des crédits inscrits à l'action 8 du programme 175 à l'enrichissement des collections des musées de France dépendant des collectivités territoriales, par l'intermédiaire des 25 FRAM - fonds régionaux d'acquisition pour les musées - et des 5 FRAR - fonds régionaux d'aide à la restauration - (qu'il alimente en principe à parité avec les conseils régionaux).

Ces crédits complètent ceux votés par les collectivités territoriales propriétaires des musées de France en région . Le montant des crédits affectés à la part État du FRAM (qui comprend également un pourcentage marginal destiné aux FRAR) était respectivement de 1,04 million d'euros et de 1,03 million d'euros en 2013 et 2014 (prévisions du projet de loi de finances après mise en réserve).

Le montant des crédits affectés à la part État du FRAM (comprenant également un pourcentage marginal destiné aux 5 FRAR), est stabilisé et s'établit à 1,1 million d'euros (hors mise en réserve) dans le projet de loi de finances pour 2015 .

B. LA CIRCULATION DES oeUVRES : DÉMOCRATISATION ET ÉGALITÉ DES TERRITOIRES

L'irrigation du territoire et la circulation des collections publiques figurent parmi les objectifs du ministère de la culture et de la communication. Comme l'indique le tableau ci-après, l'évolution des crédits destinés aux musées territoriaux démontre une volonté de soutien inscrite dans la durée. Les crédits de fonctionnement sont stables depuis la seule baisse votée lors de la loi de finances pour 2013.

Dotations inscrites en LFI

(en millions d'euros)

LFI 2009

LFI 2010

LFI 2011

LFI 2012

LFI 2013

LFI 2014

PLF 2015

AE

7,60

7,60

7,60

7,60

6,84

6,84

6,84

CP

7,60

7,60

7,60

7,60

6,84

6,84

6,84

Source : Ministère de la culture et de la communication, réponse au questionnaire budgétaire

Ces crédits sont attribués en priorité au récolement et à l'inventaire ainsi qu'à la restauration des collections. L'action pédagogique, la valorisation et la diffusion des collections, sous forme de publications papier ou de mise en ligne, sont également soutenues par ces crédits. Il est indiqué à votre rapporteur pour avis qu'en 2015, un effort accru sera consacré au récolement décennal et que les musées de France territoriaux bénéficieront en 2015 d'une période complémentaire pour l'achèvement de celui-ci, avec le soutien de l'État.

Bilan du récolement décennal

Le récolement décennal dans les musées nationaux

En ce qui concerne les musées nationaux relevant du ministère de la culture et de la communication, le volume de collections avoisine les 11 millions de biens, constitué à 80 % de biens archéologiques (musées d'archéologie nationale de Saint-Germain-en-Laye et musée national de préhistoire des Eyzies-de-Tayac).

Fin 2013, le taux de réalisation du récolement avoisinait les 53 % (et presque 59 % en excluant les collections des 2 musées nationaux d'archéologie). Avec un gain de presque 14 points par rapport à 2012 (le taux était alors d'un peu moins de 40 %), ce taux traduit une accélération sensible du récolement. Cette dernière s'explique notamment par la montée en puissance de l'activité au musée national de préhistoire, qui a mis au point une méthodologie adaptée au récolement des collections archéologiques.

Le bilan définitif (arrêté au 12 juin 2014) est encore en cours d'établissement. Néanmoins, au vu des éléments d'ores et déjà recueillis auprès de l'ensemble des conservations des musées nationaux du ministère, il apparaît que le taux de réalisation du récolement devrait avoisiner les 63 % (et environ 85 % en excluant les collections des 2 musées nationaux d'archéologie), ce qui confirme l'accélération notée en 2013 (il n'est pas encore possible à ce stade de confronter ce taux à celui des musées nationaux relevant d'autres ministères que celui de la culture, le recueil des données étant en cours).

Le récolement décennal dans les musées de France

Le bilan du récolement décennal en régions est lui aussi en cours de finalisation. La moyenne nationale du taux de récolement est à 34,8 % de réalisation, ce qui indique un doublement des résultats depuis fin 2012.

1 167 musées sont concernés toutes régions confondues. Cependant, 123 musées n'ont jamais répondu à l'indicateur, ne fournissant, ni leur volume à récoler (la cible), ni le volume de biens récolés. Par ailleurs, 64 musées sont toujours à 0 % (ce qui signifie que leur cible a été fournie - par le musée ou par la direction régionale des affaires culturelles DRAC - mais que le récolement n'a pas commencé, ou n'a pas été signalé).

Ces 187 musées mis à part, il en reste 960 réalisant le récolement. Cet ensemble se décompose comme suit :

- 35,3 % des établissements (soit 339 musées) ont achevé leur récolement ;

- 34,4 % des établissements (soit 330 musées) ont récolé entre 50 et 99 % de leurs collections :

. dont 14,5 % (soit 139 musées) ont récolé entre 80 et 99 % de leurs collections ;

. 19,9 % (soit 191 musées) ont récolé entre 50 et 80 % de leurs collections ;

- 30,3 % des établissements (soit 291 musées) ont réalisé moins 50 % du récolement.

Le récolement des dépôts des musées nationaux

Le récolement des dépôts des musées nationaux fait l'objet d'un traitement spécifique. Il est encadré par la commission de récolement des dépôts d'oeuvres d'art (CRDOA), créée en 1996 à la suite d'un rapport de la Cour des comptes. Présidée depuis 2009 par Jacques Sallois, président de chambre honoraire à la Cour des comptes, elle est actuellement régie par les articles D.113-27 à D.113-30 du code du patrimoine.

Fin 2013, le volume des dépôts des musées nationaux (hors ceux du musée national d'art moderne) s'élève à 134 780 biens. À la même date, le volume récolé de ces dépôts est de 114 176 biens. À ce jour, le récolement dans les ministères est achevé tandis qu'à l'étranger, il ne reste plus que 1 058 biens à récoler.

La fin du premier récolement des dépôts des musées nationaux peut être envisagée dans un avenir proche. Il reste en effet, fin 2013, un peu moins de 25 000 biens à récoler, répartis essentiellement en 2 blocs : d'une part un ensemble de 7 400 dépôts environ du musée Guimet, et un ensemble de 12 000 dépôts entre musées nationaux, dont le récolement est en cours. Ainsi, depuis deux ans, les conservations ont été invitées à porter leurs efforts en priorité sur le récolement de ces dépôts entre musées nationaux, qui sera le prélude à un certain nombre d'opérations de décroisement. L'année 2013 a donc été largement consacrée à la préparation de cette opération (travail en archives, établissement des listes précises, ayant conduit à un affinage de la cible) et au récolement proprement dit. Hormis ces deux ensembles, il ne restera qu'un peu plus de 5 000 dépôts à récoler, en France et à l'étranger.

Source : Ministère de la culture et de la communication, réponse au questionnaire budgétaire

Les crédits d'investissements sont subordonnés à la production, par l'équipe du musée, d'un projet scientifique et culturel (PSC), d'un programme de conservation et de présentation des collections ainsi que d'un programme architectural et fonctionnel . En outre, la participation de l'État est modulée en tenant compte des capacités financières des maîtres d'ouvrage et de la place qu'ils accordent aux enjeux de démocratisation culturelle.

Comme l'indique le tableau ci-après, les crédits d'investissement sont globalement stables ces dernières années, hormis la hausse intervenue en 2011 à l'occasion du lancement du plan « Musées pour les régions » qui a marqué une rupture avec la période précédente en matière d'effort budgétaire.

Dotations inscrites en LFI

( en millions d'euros )

LFI 2009

LFI 2010

LFI 2011

LFI 2012

LFI 2013

LFI 2014

PLF 2015

AE

3,74

3,74

25,75

16,69

12,00

15,00

13,00

CP

15,74

16,74

18,75

15,07

15,55

15,00

17,15

Source : Ministère de la culture et de la communication, réponse au questionnaire budgétaire

Comme le précise le ministère de la culture et de la communication dans ses réponses à votre rapporteur pour avis , ces concours ont permis en 2014 d'inaugurer notamment : le musée des musiques populaires à Montluçon, les réserves du musée des Beaux-arts de Dijon, le musée Soulages à Rodez, le musée d'histoire à Marseille, le musée des beaux-arts et d'archéologie de Valence et le familistère de Guise. En décembre 2014 sera également inauguré le musée de la mine à Saint-Etienne.

En 2015 devraient avoir lieu sept inaugurations : les musées d'Unterlinden à Colmar, Crozatier au Puy-en-Velay, Pont-Aven en Bretagne, Paul Dubois-Alfred Boucher à Nogent-sur-Seine, Rimbaud à Charleville-Mézières, Thomas Henri à Cherbourg et du Verre à Sars-Poterie.

2015 verra également le démarrage ou la poursuite de la phase de travaux notamment pour les musées Girodet de Montargis, des Beaux-arts et d'archéologie de Besançon, Fleury de Lodève, la cité internationale de la tapisserie et de l'art tissé d'Aubusson, et le musée historique Lorrain de Nancy, d'art et d'industrie/la Piscine de Roubaix, des Beaux-Arts de Nantes, des vallées cévenoles à Saint-Jean-du-Gard, ainsi que du Père Pinchon à Fort-de-France.

Dans ce contexte budgétaire de soutien aux musées territoriaux, la question de la circulation des oeuvres devient essentielle pour atteindre l'objectif de démocratisation affiché par le ministère.

La politique de prêts et dépôts par l'État

Les dépôts et les prêts

La loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales pose le principe d'une politique de prêts et de dépôts par l'État d'oeuvres significatives de ses collections, pour des durées déterminées, aux musées de France relevant des collectivités territoriales. Ainsi, les musées nationaux répondent aux demandes des musées territoriaux souhaitant compléter des fonds déjà existants ou renouveler leur programme muséographique, notamment dans le cadre de travaux de rénovation. La liste des nouveaux dépôts consentis au cours de l'année 2013 au bénéfice des collectivités territoriales figure en annexe. Ces dépôts s'ajoutent à l'ensemble des dépôts antérieurement accordés.

Parallèlement à ces dépôts, les musées nationaux poursuivent une politique dynamique de prêts temporaires. En 2013, 4 393 prêts ont été consentis (hors les prêts du musée national d'art moderne et du musée du Quai Branly) auprès d'institutions culturelles françaises et étrangères, correspondant à 372 expositions. Parmi ces prêts, les musées de France relevant de collectivités territoriales ont bénéficié de 2 251 prêts de la part des musées nationaux (hors les prêts du musée national d'art moderne et du musée du Quai Branly).

Les transferts de propriété des dépôts de l'État antérieurs à 1910

Après récolement, les oeuvres déposées avant le 7 octobre 1910 doivent faire l'objet d'une proposition de transfert de propriété au bénéfice des collectivités territoriales en application de l'article L. 451-9 du code du patrimoine. Au total, depuis le début de la procédure (2008), 7 426 oeuvres ont été transférées (état au 31 décembre 2013). En 2013, l'État a fait 10 propositions de transfert aux collectivités territoriales, représentant 989 oeuvres. On trouvera à l'annexe 2 des informations complémentaires sur les transferts de propriétés vers les collectivités territoriales.

Source : Ministère de la culture et de la communication, réponse au questionnaire budgétaire

Votre rapporteur pour avis note avec intérêt la nouvelle initiative intitulée « L'entreprise à l'oeuvre », qui met en oeuvre l'une des recommandations du rapport d'Alain Seban 5 ( * ) remis à la ministre de la culture et de la communication en mai 2013. Le principe est celui d'expositions conçues autour d'une sélection d'oeuvres exceptionnelles issues des collections nationales, et ouvertes à la visite des salariés sur leur lieu de travail pendant une semaine. Cinq entreprises et sept sites ont été retenus pour l'expérimentation lancée en 2014 (pour la période du 3 novembre au 5 décembre), en concertation avec les DRAC. Chaque entreprise a fait un choix thématique : « Les constructeurs » de Fernand Léger chez Renault ou « Le représentation féminine dans l'art asiatique » du musée Guimet dans l'entreprise de cosmétiques Sothys. Une mission de sécurité et de sûreté a été menée par l'inspection des patrimoines et un comité de la médiation culturelle piloté par le département de la politique des publics de la direction générale des patrimoines.

C. LE MUSÉE PICASSO : LA FIN D'UN CHANTIER MÉDIATIQUE

Fermé pour rénovation depuis août 2009, le musée national Picasso Paris a de nouveau ouvert ses portes au public le 25 octobre dernier, après trois ans et demi de travaux. Compte tenu de la polémique ayant entaché ce projet muséal très attendu, votre rapporteur pour avis a interrogé le ministère de la culture et de la communication à son sujet.

En effet, en mai 2014 - soit à la veille de la date initialement prévue pour la réouverture, l'établissement public du musée national Picasso a connu un changement de présidence. Après une courte période d'intérim confié à Jérôme Bouët, inspecteur général des affaires culturelles et membre du conseil d'administration du musée, Laurent Le Bon, conservateur général du patrimoine, et directeur du centre Pompidou Metz, a été nommé président de l'établissement public du musée Picasso Paris par décret du 16 juin 2014. Sa mission prioritaire était d'ouvrir le musée au public, dans les meilleures conditions possibles.

Le chantier du musée Picasso a permis la rénovation complète de l'hôtel Salé, monument historique du XVII e siècle, qui abrite les collections nationales, issues en très grande majorité de quatre dations faites à l'État, dont le musée a la garde (21 367 oeuvres de 35 artistes). Ce programme comprend également la création d'une aile supplémentaire abritant un auditorium, des espaces pédagogiques et des éléments techniques indispensables au fonctionnement du musée. Ces travaux permettent au musée d'améliorer sa capacité d'accueil du public et d'augmenter de plus de 50 % ses espaces d'exposition, passant de 1 600 m² à 2 500 m². En raison de sa complexité et des nombreuses évolutions dont il a fait l'objet depuis son lancement en 2011, le chantier, dont la responsabilité de la maîtrise d'ouvrage a été assurée par l'établissement public lui-même, a connu plusieurs décalages de calendrier.

Initialement prévu pour durer deux ans, le chantier aura finalement duré trois ans et demi et s'est achevé en septembre 2014 pour le bâtiment principal et l'aile technique, date repoussée en décembre 2014 pour les locaux administratifs. Son coût s'élève à 53,6 millions d'euros, financé par l'État à hauteur de 19,2 millions d'euros (36 %), par l'itinérance à l'étranger des collections nationales dont le musée a la garde pour 32,4 millions d'euros (60 %) et par un mécénat d'Eiffage pour les travaux de l'immeuble de bureaux pour 2 millions d'euros (4 %) .

En ce qui concerne le fonctionnement du musée, certaines hypothèses de construction du budget initial 2014, arrêtées fin 2013, ont dû être révisées, notamment l'ouverture au public au second semestre 2014 ainsi que la fréquentation et les recettes de billetterie associées (billet d'entrée à 11 euros et tarif réduit à 9 euros).

Selon le budget initial pour 2014, le budget de fonctionnement du musée s'élevait, en dépenses, à 10,3 millions d'euros, dont 3 millions d'euros de charges de personnel (30 %) et, en recettes, à 10,6 millions d'euros, dont 6,3 millions d'euros de ressources propres hors amortissements (soit 64 %) et une subvention pour charges de service public de 3,6 millions d'euros, permettant de dégager un résultat prévisionnel bénéficiaire de 300 000 euros et une capacité d'autofinancement de 200 000 euros .

Le report de l'ouverture du musée au 25 octobre 2014 s'est traduit par l'allocation par le ministère de la culture et de la communication au musée Picasso d'une subvention complémentaire de 2 millions d'euros permettant à la fois de compenser l'impact du décalage en fonctionnement (1,3 million d'euros) et l'évolution des dépenses d'investissement (0,7 million d'euros).

La préparation du budget 2015 s'appuie sur l'extension, en année pleine, des dernières hypothèses budgétaires de 2014. En 2015, première année complète d'ouverture, la situation financière du musée fera naturellement l'objet d'un suivi attentif.

Un total de 100 emplois équivalent temps plein (ETP) est prévu pour le musée, soit pris en charge directement par le ministère, soit sur le budget de l'établissement public.

D. LA COMMISSION SCIENTIFIQUE NATIONALE DES COLLECTIONS (CSNC) : PREMIER BILAN

Instituée par la loi n° 2010-501 du 18 mai 2010 visant à autoriser la restitution par la France des têtes maories à la Nouvelle-Zélande et relative à la gestion des collections , la CSNC a pour mission de conseiller les personnes publiques ou les personnes privées gestionnaires de fonds régionaux d'art contemporain, dans l'exercice de leurs compétences en matière de déclassement ou de cession de biens culturels appartenant à leurs collections , à l'exception des archives et des fonds de conservation des bibliothèques.

À cet effet, la commission :

1° définit des recommandations en matière de déclassement des biens appartenant aux collections visées aux 2° et 3°, et de cession des biens visés au 4° ; elle peut également être consultée, par les autorités compétentes pour procéder à de tels déclassements ou cessions, sur toute question qui s'y rapporte ;

2° donne son avis conforme sur les décisions de déclassement de biens appartenant aux collections des musées de France et d'oeuvres ou objets inscrits sur l'inventaire du Fonds national d'art contemporain et confiés à la garde du Centre national des arts plastiques ;

3° donne son avis sur les décisions de déclassement de biens culturels appartenant aux autres collections qui relèvent du domaine public ;

4° peut être saisie pour avis par les personnes privées gestionnaires de fonds régionaux d'art contemporain, lorsque les collections n'appartiennent pas au domaine public, sur les décisions de cession portant sur les biens qui les constituent.

Son organisation a été précisée par le décret n° 2011-160 du 8 février 2011 ; la CSNC est composée de quatre collèges. Installée le 21 novembre 2013 , elle devrait prochainement rendre son premier rapport au Parlement, à défaut d'avoir pu le faire dans le délai d'un an suivant la publication de la loi.

D'après les indications fournies par le ministère de la culture et de la communication à votre rapporteur pour avis, la CSNC pourra faire ses premières recommandations en matière de déclassement, relativement à l'absence ou à la perte pour certains biens ou catégories de biens de tout « intérêt public du point de vue de l'histoire, de l'art, de l'archéologie, de la science ou de la technique ». La ministre chargée de la culture lui a demandé de ne motiver ses avis qu'en fonction de cette perte ou cette absence d'intérêt public, indépendamment des motifs qui conduiront les propriétaires à solliciter auprès d'elle le déclassement d'un ou plusieurs biens de leurs collections.

La CSNC s'est réunie sept fois avec les ordres du jour suivants :

- 21/11/2013 : séance plénière, installation de la commission ;

- 17/01/2014 : 1 er collège : délimitation des périmètres de compétence de la commission, proposition d'un projet de règlement intérieur de la CSNC, définition du processus d'examen des demandes de déclassement, échange sur le principe de la mise en place d'un groupe de travail sur les restes humains ;

- 21/02/2014 : 1 er collège : esquisse d'un plan pour le rapport annuel de la commission, projet de contribution au rapport annuel de la commission : les notions de collection publique et de domanialité dans une perspective historique de l'antiquité à nos jours, projet de contribution au rapport annuel de la commission : le débat sur l'inaliénabilité et le déclassement au cours des deux dernières décennies ;

- 21/02/2014 : 4 ème collège : audition de personnalités invitées, responsables d'institutions relevant du 4 ème collège (Mobilier national, établissement public de la cité de la céramique - Sèvres et Limoges) ;

- 20/06/2014 : 3 ème collège : audition de personnalités invitées, responsables d'institutions relevant du 3 ème collège (Direction générale des arts plastiques, Centre national des arts plastiques, Fonds régionaux d'art contemporain-FRAC) ;

- 26/09/2014 : 2 ème collège : audition de personnalités invitées, responsables d'institutions relevant du 2 ème collège (Service des musées de France de la direction générale des patrimoines et services responsables de musées dans les ministères chargés de la défense et de l'éducation nationale) ;

- 26/09/2014 : 4 ème collège : audition de personnalités invitées, responsables de collections relevant du 4 ème collège (Service du patrimoine de la direction générale des patrimoines - sous-direction des monuments historiques et sous-direction de l'archéologie, centre des monuments nationaux - CMN).

À ce jour, la CSNC n'a reçu aucune demande officielle de déclassement ni de la part de l'État ou d'une collectivité territoriale, ni de la part d'un FRAC.

IV. LE PATRIMOINE MONUMENTAL : LES CONDITIONS DE LA TRANSMISSION AUX GÉNÉRATIONS FUTURES

A. LE CONTRÔLE SCIENTIFIQUE ET TECHNIQUE

Le ministère de la culture et de la communication, dans la présentation stratégique du projet annuel de performances (PAP) du présent programme, souligne l'importance de la mission du contrôle scientifique et technique qui lui incombe. Une meilleure définition du contenu de ce contrôle doit traduire les conclusions du Comité interministériel pour la modernisation de l'action publique (CIMAP) du 17 juillet 2013 relatif à l'évaluation de la réforme de la maîtrise d'oeuvre et de la maîtrise d'ouvrage des monuments historiques .

Les principales mesures retenues par le ministère de la culture et de la communication sont les suivantes :

- dans le prolongement du bilan sanitaire quinquennal 2012, faire établir par les DRAC un document stratégique de conservation destiné à cadrer la programmation de travaux et en lien avec les collectivités sur une période de 3 à 5 ans ;

- assurer la collecte plus rapide et exhaustive, à travers les systèmes informatisés disponibles, des informations relatives à la participation des collectivités locales et des propriétaires au financement des travaux subventionnés par l'État ;

- améliorer la prise en compte de la capacité contributive des propriétaires de monuments historiques (collectivités et propriétaires privés) au financement des opérations de travaux sur monuments historiques en considérant les effets de cumuls des dépenses budgétaires et fiscales dans la décision d'attribution d'une subvention au titre des monuments historiques ;

- parvenir dans la programmation à des tranches fonctionnelles de travaux dimensionnées en fonction des capacités financières des collectivités propriétaires ;

- élaborer une circulaire conjointe du ministère de la culture et de la communication et du ministère de l'économie et des finances (MINEFI), précisant et actualisant les modalités d'instruction des demandes, d'engagement et de versement des subventions aux propriétaires pour les travaux d'entretien et de restauration des monuments historiques.

Attentif au besoin exprimé par les propriétaires désormais en charge de la maîtrise d'ouvrage - qui fut régulièrement relayé par votre commission - le ministère de la culture et de la communication communique désormais davantage sur les possibilités d'assistance prévues dans ce domaine. Ainsi, comme l'indique le PAP du programme pour 2015, l'expertise scientifique du laboratoire de recherches des monuments historiques (LRMH) est à la disposition des maîtres d'ouvrage sur sollicitation des DRAC ou de l'inspection générale des patrimoines . Les guides pratiques publiés en octobre 2012 par la direction générale des patrimoines offrent aux propriétaires de monuments historiques classés ou inscrits.

Votre rapporteur pour avis prend note de la volonté du ministère d'aller plus loin, comme le démontre la mise en place, au premier semestre 2014, du groupe de travail chargé d'élaborer une stratégie d'intervention en matière de monuments historiques sur le territoire . Un premier document national a été élaboré et devrait être transmis à votre rapporteur pour avis.

Par ailleurs, des dispositifs fiscaux viennent aider les propriétaires en contrepartie de fortes contraintes liées aux prescriptions relatives à l'entretien et la restauration des monuments historiques. Ils permettent de déduire les charges foncières afférentes aux monuments dont la gestion ne procure pas de revenus et d'imputer sur le revenu global les déficits fonciers supportés par les propriétaires.

B. LA TRÈS LENTE ÉROSION DES CRÉDITS SE POURSUIT

1. Des crédits en très légère baisse globale mais stabilisés pour l'entretien des monuments historiques

Les crédits de l'action 1 « Patrimoine monumental » s'élèvent à 340 millions d'euros en AE et 327 millions d'euros en CP . Ces montants sont appréciables en période de contrainte budgétaire. Ils révèlent toutefois un écart qui se creuse entre la réalité de l'effort budgétaire en direction des monuments historiques et le seuil de 400 millions que votre rapporteur avait estimé nécessaire dans son rapport de 2014 pour entretenir le parc monumental de la France.

Comme le précise le projet annuel de performances pour 2015, les crédits d'entretien et de restauration représentent environ 328 millions d'euros en AE et 312 millions d'euros en CP . Si les crédits d'entretien sont préservés par rapport à 2014 (48 millions d'euros), ceux destinés à la restauration sont en baisse (de près de 9 millions en AE et de 5 millions en CP).

Sont notamment prévus, au titre des grands projets, les financements :

- des études et travaux nécessaires au schéma directeur de restauration et d'aménagement (SDRA) du Grand Palais , soit un montant de 4 millions d'euros en AE et 3,6 millions en CP ;

- de la poursuite du schéma directeur de Versailles , à hauteur de 20 millions d'euros en AE et 15 millions en CP ;

Les dépenses d'intervention de l'action 1 doivent atteindre, en 2015, 152,12 millions d'euros en AE et 160,64 millions d'euros en CP . Les crédits déconcentrés représentent respectivement 147,17 et 158,6 millions d'euros. Sont ainsi prévus :

- 21,71 millions d'euros en AE=CP de subventions de fonctionnement versées à des collectivités territoriales ou à des particuliers pour les travaux d'entretien qu'ils réalisent sur des monuments historiques dont ils sont propriétaires ;

- 125,6 millions d'euros en AE et 136,9 millions d'euros en CP de subventions d'investissement pour les opérations de restauration engagées par des collectivités territoriales ou les propriétaires privés qui assurent eux-mêmes la maîtrise d'ouvrage. Le montant de la participation de l'État est généralement compris entre 30 et 50 % du coût des travaux qui peuvent être subventionnées pour les monuments historiques classés, et entre 15 et 25 % pour les monuments inscrits.

2. Un taux de consommation exceptionnellement élevé

Les tableaux présentés ci-avant mettent en évidence la répartition des crédits notifiés puis des crédits consommés par région.

Comme le ministère de la culture et de la communication l'avait prévu, le taux d'exécution des crédits est exceptionnellement élevé en 2013 avec 109 % des AE et 108 % des CP. Ceci s'explique par la consommation des crédits de 2012 « dégelés » au début de l'année 2013 et consommés en seulement 2,5 mois.

Ce taux apparaît comme un signe positif pour les monuments historiques car il reflète une dynamique monumentale et laisse espérer un meilleur accompagnement des propriétaires dans la maîtrise d'ouvrage.

Il ne doit toutefois pas occulter la situation économique du secteur des entreprises de restauration des monuments historiques. Leur groupement (GMH) a indiqué à votre rapporteur pour avis que depuis le début de l'année 2014, six entreprises spécialisées ont disparu, ce qui représente une perte de 300 emplois.

V. LES ARCHIVES : PLUSIEURS DÉFIS CONCOMITTANTS

A. LA FERMETURE PARTIELLE DU SITE DE FONTAINEBLEAU

En application du principe de précaution, le 28 mars dernier, le ministère de la culture et de la communication a dû prendre en urgence la décision d'interdire l'accès de deux des bâtiments (unités U1 et U2) du site des Archives nationales à Fontainebleau . Il s'agit d'une mesure provisoire, n'ayant pas conduit à la fermeture de la totalité du site qui est toujours en fonctionnement, quoique dans des conditions réduites.

Cette décision a été prise à la suite des conclusions du diagnostic technique conduit par l'Opérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la culture (OPPIC). Ce dernier a fait état de dégradations structurelles évolutives importantes sur ces bâtiments, risquant de porter atteinte à la sécurité des personnes .

Construits respectivement en 1977 et en 1984, les bâtiments U1 et U2 ont été implantés sur un terrain marneux instable , qui, en se dilatant, exerce des pressions sur leur structure. Ils subissent en effet depuis l'origine des contraintes liées en grande partie à leur principe constructif. Les armatures de béton armé sont soumises à des mouvements qui les fragilisent, sous l'action combinée des mouvements de terrain résultant, des fluctuations de la nappe d'eau et des opérations successives de chargement et déchargement d'archives.

Les unités U1 et U2 abritent notamment les bureaux des 52 agents travaillant sur le site, une salle de lecture ouverte aux chercheurs et des réserves offrant 60 kilomètres linéaires d'archives . Celles-ci, conservées sur 5 niveaux de sous-sol, sont devenues temporairement inaccessibles, tant pour les lecteurs que pour les producteurs. Il s'agit principalement des archives du Conseil d'État, du Conseil Constitutionnel, de Météo France ainsi que des archives privées déposées par les architectes.

Dans l'attente des conclusions d'une expertise sur l'état des bâtiments demandée à l'OPPIC, le ministère a mis en place les mesures nécessaires pour sécuriser le site et assurer un fonctionnement a minima de celui-ci dans l'intérêt des agents et des usagers.

À court terme, la priorité du ministère de la culture et de la communication a été de permettre la reprise d'activités sur le site, en travaillant sur deux axes : retrouver des conditions de travail satisfaisantes pour les agents et procéder à la récupération des outils de travail restés dans les bâtiments. Une fois connues les conclusions du diagnostic, actuellement réalisé par l'OPPIC, il sera possible de proposer les mesures adaptées.

La situation du site a été débattue lors de quatre réunions du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) spécial de la filière archives qui s'est aussi rendu par deux fois sur place en délégation .

L'installation de bâtiments modulaires destinés à accueillir les bureaux s'est faite en deux temps. Dans une première phase, un bâtiment industriel de 135 m² a été mis en place le 23 avril 2014 pour y installer dix postes de travail. Puis, des bâtiments supplémentaires d'une superficie de 800 m² ont été implantés en juillet, ce qui a permis à chaque agent de retrouver un poste de travail. Ces installations vont également rendre possible l'ouverture à l'automne d'une petite salle de lecture, afin d'accueillir à nouveau les chercheurs sur rendez-vous.

Le plan de charge du site de Fontainebleau a dû être adapté pour cette période et la situation des personnels aménagée. Les entrées de nouvelles archives sur le site de Fontainebleau ont été suspendues. Les versements devraient reprendre au cours du dernier trimestre 2014. L'activité s'est poursuivie dans les trois autres bâtiments du site de Fontainebleau (« Provisoire », « Transitoire » et « Peigne ») non concernés par les désordres structurels, dans lesquels sont conservés 20 kilomètres linéaires d'archives qui demeurent accessibles et peuvent donner lieu à communication. La procédure de récolement des fonds du site « Provisoire » se poursuit, le traitement des communications administratives des fonds du site « Transitoire » a également repris.

Le ministère de la culture et de la communication poursuit également l'objectif à court terme de pouvoir pénétrer à nouveau dans les bâtiments U1 et U2, afin de récupérer dossiers et matériels de travail et de mettre en sécurité les locaux, ce qui implique que les conditions de sécurité soient réunies et que les mouvements des immeubles enregistrés en temps réel le permettent.

Dès lors que les résultats issus des observations en cours le permettront, les opérations de récupération devraient donc pouvoir démarrer, sur une durée de dix jours ouvrés.

B. LA NUMÉRISATION

1. La montée en puissance de la politique de numérisation

La numérisation et la mise en ligne des sources archivistiques constituent un enjeu stratégique pour le développement des services aux usagers et la valorisation du patrimoine conservé dans les services d'archives publics. De fait, le réseau des archives s'est engagé très tôt dans la diffusion numérique de ses ressources : les premières opérations de numérisation ont eu lieu dès 1994, tandis que les premières mises en ligne sur Internet ont suivi à partir du début des années 2000 .

Les corpus mis en ligne connaissent depuis dix ans une progression constante et très importante de leur volume. Les services d'archives ont à ce jour numérisé plus de 404 millions de pages de documents d'archives, dont 240,5 millions concernent l'état civil, et près de 9 millions de documents iconographiques et photographiques. Cette offre a doublé entre 2011 et 2013 . Il faut noter la diversification progressive des programmes de numérisation et de mise en ligne : axés dans les premières années sur l'état civil et le cadastre, ils ouvrent aujourd'hui de très riches perspectives pour le public, avec notamment la diffusion de sources nominatives complémentaires (recensements de population, archives de l'enregistrement et des hypothèques), de corpus iconographiques et photographiques, de la presse ancienne locale, de fonds emblématiques anciens ou privés. L'ensemble de ces ressources ne concerne encore cependant qu'une très faible proportion des fonds d'archives détenus par les services du réseau.

Les programmes de numérisation font l'objet d'investissements importants de la part de l'État et des collectivités territoriales. Les services à compétence nationale (SCN) des archives nationales, des archives nationales d'Outre-mer et des archives nationales du monde du travail ont dépensé près de 500 000 euros en 2013. La salle des inventaires virtuelle du SCN Archives nationales , lancée en 2013, concrétise plusieurs années d'investissements et de travail scientifique. Les internautes ont désormais accès aux deux tiers des instruments de recherche disponibles, qu'ils consultent par l'intermédiaire d'un plan d'orientation générale (POG) ou d'un moteur de recherche. Les fonctionnalités de recherche ont vocation à être affinées : le chantier du « référentiel acteurs » des archives nationales, qui identifie et répertorie l'ensemble des producteurs des fonds, doit permettre de décloisonner les recherches dans les archives et d'améliorer la facilité d'accès à un patrimoine complexe pour le public.

L'État a d'autre part apporté des subventions importantes aux projets de numérisation, notamment dans le cadre du plan national de numérisation du ministère de la culture et la communication . Ce dispositif financier a constitué ces dernières années un levier essentiel pour soutenir une politique d'investissements en faveur de la numérisation et de la diffusion du patrimoine archivistique. 536 000 euros d'aides ont été accordés en 2012 et près de 720 000 euros en 2013 . Au total, le financement par l'État des opérations de numérisation des services d'archives s'élève à plus de 2 millions d'euros pour 2012-2014 (649 000 euros en 2012, 1 096 250 euros en 2013, 302 700 euros en 2014).

Le projet VITAM (valeurs immatérielles transmises aux Archives pour mémoire) est un programme d'investissement interministériel visant à développer une solution logicielle libre. Son objectif est double : doter les archives nationales d'une plate-forme d'archivage numérique (ADAMANT) et stimuler davantage l'archivage numérique des collectivités (projet AD-ESSOR). Les crédits destinés au projet VITAM sont de 2,3 millions d'euros en AE et 1,7 million en CP. Les crédits déconcentrés d'intervention sont en baisse de 2,55 millions d'euros en CP (à 6,5 millions d'euros) en raison de l'avancée des projets liés aux commémorations et célébrations nationales en région.

La commémoration de la Première guerre mondiale explique que les dispositifs d'aide financière de l'État se soient consacrés intensivement au soutien des actions portant sur les sources de 1914-1918. La combinaison des investissements des conseils généraux et des subventions de l'État s'est révélée très efficace. Entre 2012 et 2014, le taux de numérisation des registres matricules est passé de 30 à 95 % de couverture du territoire national .

Soutenues par l'État, les collectivités territoriales en charge des services d'archives régionales, départementales et municipales ont continué à investir de façon importante dans la numérisation. On observe une stabilisation des investissements, signe de l'importance accordée par les tutelles locales des services d'archives à la diffusion numérique des fonds d'archives. Les conseils généraux ont ainsi dépensé 3,6 millions d'euros en 2013, contre 3,4 millions d'euros en 2012. Un service d'archives départementales consacre en moyenne 40 000 euros à la numérisation, un service d'archives municipales, 6 500 euros, ce qui représente une part importante de leur budget et démontre un engagement volontariste.

2. Les résultats de l'évaluation

La politique de numérisation du ministère a fait l'objet, en 2013, d'une évaluation au titre de la modernisation de l'action publique . Cette évaluation a proposé six pistes de modernisation, axées en particulier sur la réorganisation du pilotage et de la gouvernance, et sur l'élaboration d'un schéma stratégique ministériel de la numérisation. Trois scénarii proposent des perspectives d'évolution : le premier envisage une pause des investissements et la consolidation des fondamentaux ; le second préconise leur poursuite, considérant que seul un infime pourcentage des ressources culturelles a été couvert ; le troisième propose de diriger les investissements vers le développement de nouveaux services numériques favorisant une exploitation plus optimale des corpus en ligne.

Pour le secteur des archives, la consultation très importante des sites Internet des services du réseau démontre une forte utilisation des corpus proposés aux usagers. En 2013, les ressources archivistiques en ligne ont suscité 80 millions de connexions, représentant 2,4 milliards de pages vues. L'étude des publics des archives révèle une demande de plus en plus forte et diversifiée, rendant plus que pertinente la poursuite des programmes de numérisation. Après la mobilisation du réseau en faveur des sources de la Grande guerre, de nouveaux axes stratégiques sont définis, parmi lesquels la numérisation des sources notariales et des documents de la Seconde guerre mondiale.

Matériau sériel de première importance, massivement consultées dans les salles de lecture, les archives des notaires constituent une source historique exceptionnelle depuis le Moyen-Âge jusqu'à nos jours. Elles possèdent la particularité de s'adresser à de très nombreux publics et leur numérisation constituerait la suite logique des programmes de diffusion des ressources généalogiques.

Le lancement d'une politique de sauvegarde et de valorisation des documents de la Seconde guerre mondiale répondrait à plusieurs objectifs-clés : préserver les sources fragiles et précieuses du conflit, répondre à un intérêt très fort du public pour une histoire récente, aux dimensions mémorielles, et relancer l'histoire critique de la Seconde guerre mondiale en favorisant son enrichissement par le désenclavement de sources encore peu exploitées. Ces deux axes stratégiques démontrent l'importance d'une inscription dans la durée des investissements consentis pour la numérisation et la mise en ligne : comme les autres sources d'archives, ces projets concernent une volumétrie très importante, dont la valeur se nourrit de l'exhaustivité de sa mise à disposition auprès du public.

Depuis 2010, le réseau des archives a commencé à se tourner vers le développement de services numériques culturels innovants, afin de contribuer à l'optimisation de l'exploitation des sources en ligne et à leur enrichissement . Ceci correspond aux orientations proposées par l'évaluation de la politique publique de numérisation et nécessite d'être amplifié. L'appel à projets « services numériques culturels innovants », lancé par le ministère de la culture et de la communication en 2010, 2012 et 2014, a permis à des services d'archives de mener des projets expérimentaux, fondés sur de nouvelles technologies numériques, en harmonie avec les nouveaux usages de la société. Les archives départementales de la Vendée ont par exemple proposé un travail de dynamisation de l'histoire locale autour de la constitution collaborative de dictionnaires biographiques et géographiques. L'enrichissement participatif des ressources en ligne est un axe très exploré par les archives : près de 30 services proposent déjà des modules d'annotation collaborative aux internautes. D'autres axes sont expérimentés, comme le développement d'applications numériques de découverte du patrimoine, pour l'alimentation desquelles les documents numérisés constituent une matière première privilégiée. Enfin, la mise au point de modes de recherche décloisonnés et intuitifs dans les ressources, utilisant notamment les potentialités du web sémantique, est un créneau d'avenir, qu'il convient de soutenir résolument.

L'ensemble de ces perspectives - poursuite de la numérisation selon des axes nationaux et développement de services numériques innovants - doit s'appuyer sur le portail national interministériel des archives (PNIA) , en cours de réalisation, qui devrait constituer un canal fédérateur d'accès aux ressources nationales et locales, valorisant ainsi les investissements consentis. Porté par le ministère de la culture et de la communication en partenariat avec les ministères de la défense et des affaires étrangères, le projet de PNIA constituera un point d'accès unique à ces documents et aux instruments de recherche qui en permettent l'exploitation. Ce portail permettra leur repérage et leur valorisation, tout en renvoyant vers les sites des services d'archives concernés pour la consultation proprement dite des images. En cours de définition (la rédaction du marché de réalisation est à l'étude), ce portail, dont le déploiement est prévu pour la fin 2016, jouera également le rôle d'outil national d'enrichissement du portail européen des archives, déjà déployé, et sur lequel la présence d'archives françaises doit être renforcée . Enfin, ce portail est conçu comme un levier technologique, et a vocation à proposer aux services d'archives qui souhaiteront les adopter des normes et des outils favorisant l'interopérabilité des données, leur transition vers le web sémantique et la construction collaborative d'instruments de recherche.

*

* *

Compte tenu de ces observations, votre rapporteur pour avis du programme 175 propose à votre commission de donner un avis de sagesse à l'adoption des crédits de la mission « Culture » du projet de loi de finances pour 2015 .

ARTICLE 50 bis (nouveau)

Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 1 er mars 2015, un rapport sur la possibilité d'affecter au Centre des monuments nationaux les bénéfices d'un tirage exceptionnel du loto réalisé à l'occasion des Journées européennes du patrimoine.

* * *

Cet article nouveau a été adopté à l'Assemblée nationale par voie d'amendement 6 ( * ) à l'initiative de M. de Mazières.

Il vise à compenser le phénomène d'érosion des crédits destinés au patrimoine monumental, décrit plus haut par votre rapporteur pour avis.

Comme le précise l'auteur de l'amendement, il s'agit de « d'étudier l'opportunité d'abonder l'action 1 « patrimoine monumental » d'une dotation complémentaire originale et pérenne en lui affectant les recettes d'un jeu de loterie, organisé annuellement par La Française des jeux (FDJ) à l'occasion des Journées européennes du patrimoine.

En effet, sur le modèle du prélèvement de 1,8 % sur les jeux et loteries exploités par la FDJ dont bénéficie le Centre national de développement du sport (plafonné à 150 millions d'euros), le patrimoine français pourrait bénéficier de recettes orientées vers le Centre des monuments nationaux.

Depuis les années 1990, le Royaume-Uni, via le Heritage Lottery Fund , l'Allemagne ou encore l'Italie ont instauré ce type de financement en faveur de leur patrimoine.

Au demeurant, cette dotation n'obérerait pas les résultats de la FDJ (dont le chiffre d'affaires en 2013 s'est élevé à 12,35 milliards d'euros) puisqu'il s'agirait de créer un tirage au caractère exceptionnel, qui capitaliserait sur le succès populaire des Journées européennes du patrimoine (12 millions de visiteurs lors de l'édition 2014). »

En outre, votre commission a donné un avis favorable à l'adoption de l'article 50 bis rattaché .

TRANSMISSION DES SAVOIRS ET DÉMOCRATISATION DE LA CULTURE

SECONDE PARTIE - LE PROGRAMME 224 « TRANSMISSION DES SAVOIRS ET DÉMOCRATISATION DE LA CULTURE »

I. DES INQUIÉTUDES MALGRÉ UN BUDGET GLOBALEMENT PRÉSERVÉ

A. DES ÉVOLUTIONS TRÈS INÉGALES SELON LES ACTIONS

Les crédits du programme 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » soutiennent des actions transversales du ministère de la culture : enseignement supérieur, éducation artistique et culturelle (EAC) et ouverture à l'international. En outre, le programme mutualise les fonctions de soutien du ministère (ressources humaines, systèmes d'informations, logistiques, etc .)

Le projet annuel de performances pour 2015 précise les trois priorités définies par le ministère de la culture et de la communication :

- améliorer l'attractivité de l'enseignement supérieur et le structurer à cette fin ;

- favoriser l'accès de chacun à la culture, notamment grâce au développement de l'EAC ;

- faciliter le développement des politiques culturelles transversales et partenariales sur l'ensemble du territoire et à l'international.

Pour atteindre ces objectifs, le ministère s'appuie sur le renforcement du partenariat avec les collectivités et la valorisation de l'innovation dans les dispositifs et les modes d'intervention.

Les crédits pour l'année 2015 sont stabilisés à 1 093 002 811 euros en autorisations d'engagement (AE), en hausse de 0,3 %, et à 1 099 949 126 euros en crédits de paiement (CP), ce qui représente une augmentation de 0,38 % . Ce maintien global des crédits masque toutefois de très fortes variations au sein du programme :

- l'action 1 « Soutien aux établissements d'enseignement supérieur et insertion professionnelle » voit ses crédits augmenter de 15 millions d'euros (soit +6,3 %) environ, avec 254,02 millions d'euros en AE et 264,76 millions d'euros en CP. Cette hausse doit toutefois être nuancée car elle intègre désormais les crédits jusqu'alors identifiés dans l'action 3 « Soutien aux établissements d'enseignement spécialisé », supprimée pour 2015 , et qui s'élèvent à 5,5 millions d'euros. L'évolution spécifique à l'action 1, à périmètre constant, n'est donc que de 9,5 millions d'euros, soit une hausse de 3,8 % . Votre rapporteur pour avis développera son analyse de l'évolution de la maquette budgétaire, tout à fait préjudiciable aux enseignements artistiques ;

- les crédits de l'action 2 « Soutien à la démocratisation et à l'éducation artistique et culturelle » sont en baisse 4,2 millions d'euros par rapport à 2014 (-4,97 %) avec 81,51 millions d'euros . Cette baisse ne touche pas le plan d'éducation artistique et culturelle. En outre, d'après le ministère de la culture et de la communication, les crédits seraient en réalité en hausse de 3,5 % hors réserve parlementaire ;

- les crédits de l'action 6 « Action culturelle internationale » sont en diminution de 2 % avec un peu moins de 6 millions d'euros . Environ 63 % (3,8 millions d'euros) sont destinés à des actions en faveur de la diffusion des cultures étrangères en France et de l'accueil des professionnels et des artistes étrangers en France. 440 000 euros sont consacrés à la promotion de la création et des industries culturelles françaises à l'étranger dans le domaine du livre, de la musique et de l'architecture. Le reste des crédits finance la coopération technique et les échanges entre institutions culturelles. Le ministère de la culture précise que l'enveloppe destinée à l'Institut français est maintenue à hauteur de 1,36 million d'euros ;

- les crédits de l'action 7 « « Fonds de soutien du ministère » sont en légère augmentation (+1 %) et atteignent 749,37 millions d'euros en AE et 747,68 millions d'euros en CP. La responsable du programme 224 a indiqué à votre rapporteur pour avis que la question de la masse salariale était particulièrement importante pour le ministère de la culture et de la communication où le niveau des rémunérations est particulièrement bas, en comparaison avec d'autres ministères. Aussi des mesures catégorielles de valorisation ont-elles été autorisées, dans le cadre du triennal budgétaire. Les crédits de fonctionnement, soit 66,8 millions d'euros en CP, sont stables par rapport à 2014.

B. LES MOYENS DES OPÉRATEURS ET DU MINISTÈRE

Le programme 224 regroupant les fonctions de soutien du ministère de la culture et de la communication, son analyse justifie un développement relatif au plafond d'emploi. Ce dernier s'établit à 10 961 ETPT (équivalent temps plein travaillé), en augmentation de 29 ETPT par rapport à 2014.

Le schéma d'emplois pour 2015 est fixé à +15 ETPT et inclut les créations d'emplois spécifiques sur le titre 2 pour l'établissement public du musée et du domaine national de Versailles pour une ouverture de sept jours par semaine. Les suppressions d'emplois sont fléchées principalement en administration centrale dans la filière administrative. La filière de l'enseignement supérieur est sanctuarisée conformément aux priorités gouvernementales, ce que rappelle le projet annuel de performances pour 2015.

Les emplois et crédits de titre 2 du ministère sont répartis de la façon suivante :

Emplois

Crédits

Programme 175 - Patrimoines

6 191

373 969 631

Programme 131 - Création

1 083

65 413 838

Programme 224 - Transmission des savoirs et démocratisation de la culture

2 916

176 141 770

Programme 186 - Recherche culturelle et culture scientifique

197

11 846 013

Programme 180 - Presse

47

2 840 756

Programme 313 - Contribution à l'audiovisuel et à la diversité radiophonique

31

1 893 423

Programme 334 - Livre et industries culturelles

496

29 987 066

Total

10 961

662 092 498

Source : Projet annuel de performances pour 2015

Les mesures catégorielles évoquées dans la présentation de l'action 7 se déclinent ainsi :

Mesures catégorielles

Catégorie ou intitulé de la mesure

ETP concer-nés

Caté-gories

Corps

Date
d'entrée
en vigueur de
la mesure

Nombre de mois
d'incidence sur 2015

Coût 2015

Coût en année pleine

Effets extension année pleine mesures 2014

203 540

2 007 080

Revalorisation de la grille indiciaire de la catégorie C

3 700

C

Adjoints administratifs, adjoints techniques, adjoints d'accueil, de surveillance et de magasinage

02-2014

1

160 000

1 920 000

Revalorisation indemnitaire

22

A

Inspecteurs généraux des affaires culturelles

07-2014

6

43 540

87 080

Mesures statutaires

2 246 460

2 246 460

Revalorisation de la grille indiciaire de la catégorie C

3 700

C

Adjoints administratifs, adjoints techniques, adjoints d'accueil, de surveillance et de magasinage

01-2015

12

1 240 000

1 240 000

Grade d'accès fonctionnel

A

Attachés, architectes urbanistes de l'État

01-2015

12

184 400

184 400

Augmentation du taux de promotion de grade

A, B, C

01-2015

12

427 660

427 660

Requalification des DRAC

26

A

DATE

01-2015

12

150 000

150 000

Création d'un nouveau grade

A

Chefs de travaux d'art

01-2015

12

100 000

100 000

Requalifications

Agents non titulaires

01-2015

12

100 000

100 000

Revalorisation statutaire

17

A

Inspecteurs et conseillers

01-2015

12

44 400

44 400

Mesures indemnitaires

850 000

850 000

Revalorisation indemnitaire

01-2015

12

850 000

850 000

Transformations d'emploi (requalification)

300 000

300 000

Repyramidage de la filière administrative

40

C et B

Adjoints administratifs et secrétaires administratifs

01-2015

12

300 000

300 000

Total

3 600 000

5 403 540

Source : Projet annuel de performances pour 2015

Enfin pour 2015, le taux de glissement vieillesse-technicité (GVT) est évalué à 1,92%, soit une augmentation de la masse salariale évaluée à 7,02 millions d'euros, hors crédits destinés aux pensions.

Ses éléments de ressources humaines sont évidemment à mettre en relation avec les subventions destinées aux opérateurs. Pour le programme 224, elles se répartissent comme suit :

Subventions aux opérateurs

(en milliers d'euros)

Opérateur(s) financé(s)

AE PLF 2015

CP PLF 2015

AFR - Académie de France à Rome

5 219

5 219

Centre national des arts du cirque

3 367

3 367

CNSAD - Conservatoire national supérieur d'art dramatique

3 716

3 716

CNSMD Lyon - Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Lyon

13 688

13 688

CNSMD Paris - Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris

25 417

25 417

École du Louvre

2 125

2 125

Écoles d'architecture - Écoles nationales supérieures d'architecture

50 523

50 523

Écoles d'art en Région

11 451

11 451

ENSAD - École nationale supérieure des arts décoratifs

11 586

11 586

ENSBA - École nationale supérieure des beaux-arts

7 749

7 749

ENSCI - École nationale supérieure de création industrielle

3 953

3 953

ENSMIS - École nationale supérieure des métiers de l'image et du son

0

0

EPPD - Établissement public du palais de la porte Dorée (Cité nationale de l'histoire de l'immigration et aquarium)

4 462

4 462

INP - Institut national du patrimoine

6 294

6 294

Institut Français (programme 185 - Diplomatie culturelle et d'avenir)

1 360

1 360

OPPIC - Opérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la Culture

9 490

9 490

Total

160 400

160 400

Source : Projet annuel de performances pour 2015

II. LES ENSEIGNEMENTS ARTISTIQUES : LE DÉSENGAGEMENT DE L'ÉTAT À LA VEILLE DE LA RÉFORME TERRITORIALE

A. LE CADRE LÉGISLATIF DE LA DÉCENTRALISATION DES ENSEIGNEMENTS ARTISTIQUES

L'article 101 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales précise la répartition des compétences entre les collectivités territoriales et l'État en matière d'enseignements artistiques spécialisés dans les domaines du spectacle vivant, clarifiant ainsi le rôle respectif et les responsabilités de chaque niveau de collectivité dans l'organisation territoriale de ce secteur (article L. 216-2 du livre V du code de l'éducation).

Les communes et leurs groupements se sont ainsi vu confier la gestion et la responsabilité de la mise en oeuvre des premiers niveaux d'enseignement au sein des conservatoires, l'État conservant la responsabilité du classement et du contrôle pédagogique des établissements classés « conservatoires à rayonnement communal (CRC), départemental (CRD) et régional (CRR) ».

Les départements se sont vu confier l'élaboration de schémas visant l'égal accès sur le territoire à ces formations.

Les régions ont pris en charge l'organisation et le financement d'un cycle d'enseignement professionnel initial (CEPI), conduisant à la délivrance par l'État du diplôme national d'orientation professionnelle (DNOP) et destiné aux élèves s'orientant vers l'enseignement supérieur du spectacle vivant.

En outre, dans son article 102, la loi de 2004 crée le cadre de développement et de mise en oeuvre d'un enseignement supérieur du spectacle vivant relevant de la responsabilité de l'État . Les établissements d'enseignement supérieur dans les domaines de la musique, de la danse, du théâtre et des arts du cirque assurent notamment la formation aux métiers d'interprètes et d'enseignants. Ces établissements sont habilités par le ministre chargé de la Culture à délivrer des diplômes nationaux dans des conditions fixées par décret (article L. 759-1 livre V du code de l'éducation).

Enfin, la loi de 2004 prévoyait le transfert aux départements et régions des crédits (action 3 du programme 224 « soutien aux établissements d'enseignement spécialisé ») que l'État accordait jusqu'alors aux conservatoires, via les communes, principales gestionnaires de ces structures (article L. 216-2-1 Livre V du code de l'éducation) .

Cependant, comme l'a rappelé Mme Catherine Morin-Desailly 7 ( * ) , la réforme n'a pas pu être menée convenablement en raison d'un accompagnement insuffisant de l'État et d'une frilosité des régions qui craignaient un surcoût. Toutefois les expérimentations conduites dans trois régions (Poitou-Charentes, Nord-Pas-de-Calais et Rhône-Alpes) ont démontré que cette crainte était infondée et que les professionnels des conservatoires étaient en attente d'une mise en oeuvre de la réforme et d'un pilotage au niveau régional.

B. LE RETRAIT DE L'ÉTAT EN TROIS ANS

Arguant de l'absence de mise en oeuvre, depuis 2004, des dispositions de la loi concernant les CEPI et leur financement, l'État a souhaité « recentrer son action » : « L'État s'est focalisé sur ses compétences légales et réglementaires en matière de contrôle pédagogique pour le soutien et l'accompagnement du développement des pratiques amateurs de haut niveau. Il a également commencé à réformer et structurer l'enseignement supérieur », indique le ministère de la culture dans ses réponses au questionnaire de votre rapporteur pour avis .

Par conséquent, en 2013, les crédits déconcentrés de l'action 3 du programme 224, accordés par les directions régionales des affaires culturelles (DRAC) aux communes pour le fonctionnement (entre 4 et 7 % du budget des conservatoires) des conservatoires classés (142 établissements : 40 CRR et 102 CRD) ont diminué de 25 %. Les aides individuelles aux élèves ont été cependant sauvegardées. Les dotations accordées à l'enseignement spécialisé sont ainsi passées de 27 millions d'euros à 21,9 millions d'euros (hors mise en réserve) en 2013 . La baisse des crédits a été répercutée de façon différente par les DRAC selon les territoires concernés, l'État ayant souhaité laisser aux préfets toute latitude pour moduler la répartition de la baisse entre les différents conservatoires concernés.

Cette baisse, associée à un recentrage de l'action de l'État sur l'enseignement supérieur, s'est poursuivie en 2014 . Elle s'est traduite par une diminution des crédits de 31,5 % par rapport à 2013, passant ainsi de 21,9 millions d'euros à 15 millions d'euros (hors mise en réserve). Sur la base d'une répartition de crédits (associée à des fourchettes de potentiel financier des communes concernées et croisée avec le nombre d'élèves) et une fois le gel appliqué, les montants suivant ont été notifiés aux DRAC : 13,45 millions d'euros au titre des subventions pour le fonctionnement des CRR et CRD ; 1,1 million d'euros au titre des aides individuelles. D'après le ministère de la culture « il leur a été demandé d'accorder en priorité les concours financiers aux CRR et CRD participant au projet d'établissements d'enseignement supérieur . Ainsi, en 2014, l'ensemble des établissements adossé à des « pôles » ont vu leurs crédits maintenus au niveau de 2013. Certains autres ont même pu bénéficier d'un rehaussement . »

Selon les informations communiquées à votre rapporteur pour avis, il a été demandé aux préfets de région de diriger la part des crédits destinés au financement d'aides individuelles sous conditions 8 ( * ) vers les situations les plus urgentes. Par ailleurs, en 2014, l'application d'un « bonus » complémentaire d'un montant de 300 euros a été préconisée. Il a été accordé aux élèves déjà bénéficiaires d'une aide et se trouvant en dernière année de cycle pré-professionnel, c'est-à-dire au seuil de l'entrée dans l'enseignement supérieur.

Enfin, le ministère a précisé que « les CRR et CRD ont pu bénéficier en 2014 de crédits d'intervention sur projets dans le cadre de la poursuite du plan Éducation artistique et culturelle (EAC) pour un montant de 2,2 millions d'euros sur les crédits déconcentrés de l'action 2 de programme 224 » en vue de favoriser le renforcement et le développement de leur action en la matière, au regard de la priorité de politique publique accordée par la Ministre de la culture et de la communication à l'EAC depuis 2012.

La situation constatée en 2015 s'inscrit dans la suite logique de ce retrait progressif, puisque l'action 3 est tout simplement supprimée de la maquette budgétaire du programme 224 . Le ministère précise que « la poursuite de ce recentrage de l'action de l'État en matière d'enseignement artistique sur l'enseignement supérieur est programmée pour 2015. Les crédits devraient passer de 15 millions d'euros à 5,5 millions d'euros (hors gel). La diminution des dotations de fonctionnement accordées aux communes pour les CRR et CRD n'a pas vocation à remettre en cause l'existence de ces établissements, a fortiori du fait de la faible part des subventions de l'État dans le budget des conservatoires. Ce recentrage s'accompagne, à travers l'éligibilité des conservatoires à des actions d'EAC, de la reconnaissance et du renforcement des actions déjà développées en matière d'EAC comme de démocratisation de l'accès à ces enseignements. L'objectif d'assurer au sein des établissements une meilleure représentation de la diversité sociale reste central . »

Il est par ailleurs indiqué que la priorité accordée par le ministère à l'enseignement supérieur doit s'articuler avec la capacité des établissements d'enseignement spécialisé à alimenter l'enseignement professionnel par la mise en oeuvre des cycles d'orientations professionnels (COP), comme par l'apport de ressources pédagogiques et matérielles au fonctionnement des établissements d'enseignement supérieur adossés à des conservatoires classés. Le ministère indique que « le soutien financier de l'État aux conservatoires concernés est maintenu à hauteur de 4,4 millions d'euros ».

Ce dernier chiffre montre que les aides individuelles , sous conditions de ressources au bénéfice des élèves au seuil de la professionnalisation et de l'entrée dans l'enseignement supérieur sont également maintenues à hauteur de 1,1 million d'euros .

C. LES CONSÉQUENCES DE CE RETRAIT POUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET LES ÉLÈVES

Malgré l'argumentaire du ministère de la culture expliquant que les crédits de l'État ne représentaient que 10 % au plus du budget des structures concernées, son désengagement est très mal vécu par les directeurs des conservatoires dont les représentants ont été auditionnés par votre rapporteur pour avis. Ils ont en effet mis en évidence les éléments suivants :

- devant faire face à la chute des crédits depuis deux ans, certains conservatoires ont dû supprimer des postes . Ont été cités, à titre d'exemple, les suppressions de trois postes au CRD d'Orléans et quatre postes au CRD de l'Aveyron ;

- le recentrage budgétaire des CRC a manifestement incité les conservatoires à augmenter les tarifs applicables aux élèves ne vivant pas dans la commune dans laquelle ils sont implantés (ainsi le CRR d'Angers prévoit un tarif pour les angevins) ;

- beaucoup d'incertitudes pèsent sur les conservatoires qui, à défaut de pouvoir intégrer un pôle d'enseignement supérieur et de recherche, ne peuvent compter sur les appels à projet de l'EAC pour conserver des crédits. Or ces derniers ne sont en aucun cas une option pérenne et les critères d'attribution varient énormément d'une DRAC à l'autre. Ainsi, en 2014 dans les Pays de la Loire, les CRC étaient éligibles aux aides prévues dans le cadre de l'EAC, tandis que dans beaucoup d'autres régions seuls les CRD et les CRR pouvaient bénéficier de ces crédits ;

- tous ces effets créent une rupture d'égalité sur le territoire , d'autant plus forte que la dynamique autour de l'enseignement supérieur et de la recherche varie énormément d'un territoire à l'autre. À Nantes le conservatoire semble exclu des financements prévus pour le pôle ESR, d'après les informations transmises à votre rapporteur pour avis. En revanche les conservatoires de Paris-Boulogne et Aubervilliers ont intégré un pôle.

- de nombreux directeurs de conservatoires, les CRD notamment, s'interrogent sur l'utilité du classement de la structure qu'ils dirigent. En effet, le label de conservatoire entraîne certaines contraintes, coûteuses à gérer, qui n'ont plus de réelle contrepartie. Aussi envisagent-ils d'abonner le classement pour absorber la diminution des crédits et continuer à remplir leurs missions.

Votre rapporteur pour avis déplore la suppression de l'action 3 sans concertation des professionnels concernés, et à la veille de la réforme territoriale qui pourrait être l'occasion d'opérer enfin le transfert des crédits prévu depuis la loi précitée de 2004.

III. L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR : UNE DYNAMIQUE INSTITUTIONNELLE ET BUDGÉTAIRE DONT LES ÉCOLES D'ART NE BÉNÉFICIENT PAS TOUTES DE LA MÊME FAÇON

A. DES CRÉDITS EN HAUSSE

Comme indiqué plus haut, l'action 1 bénéficie de la plus forte hausse (3,8 %) de crédits du programme en 2015 , même après retraitement des crédits résiduels prévus pour les enseignements artistiques (soit 5,5 millions d'euros).

Trois objectifs sont définis par le ministère de la culture dans le projet annuel de performances :

- l'achèvement du processus d'intégration au LMD (licence-master-doctorat) ;

- le développement du réseau au plan européen et international ;

- la consolidation de la dimension professionnelle.

Le budget pour 2015 doit tenir compte de la réforme opérée par la loi du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche .

Les réformes concrètes induites par la loi du 22 juillet 2013
relative à l'enseignement supérieur et à la recherche

Une série de modifications statutaires procèdent du rapprochement des modèles entre le ministère de la culture et de la communication (MCC) et le ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche (MENESR). La loi tend à accélérer les processus déjà à l'oeuvre pour fonder une autonomie des établissements qui soit plus conforme aux critères en vigueur dans l'enseignement supérieur : élection du président, désignation du directeur après avis du conseil d'administration, instauration d'une durée homogène du mandat du directeur, etc.

S'agissant de la composition du conseil d'administration, le ministère chargé de l'Enseignement supérieur est représenté, la représentation des étudiants et des enseignants est accrue, des personnalités qualifiées rejoignent le conseil d'administration. Un décret harmonisant la gouvernance des établissements est en cours de préparation.

La loi accélère l'élaboration de l'instance Culture susceptible de porter les valeurs et les méthodes propres à son offre de formation. Une instance consultative Culture , visant les mêmes objectifs que le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche (CNESER) ou le Conseil national de l'enseignement supérieur de la recherche agricole, agroalimentaire et vétérinaire (CNESERAAV) est ainsi en cours d'élaboration .

Une nouvelle forme de relation contractuelle entre le MCC et les établissements est en réflexion . À côté des contrats d'objectifs et de performance pour les seuls établissements publics nationaux (ou se substituant à ceux-ci) pourrait être définie une relation contractuelle plus résolument orientée sur les objectifs stratégiques à moyen terme. Elle s'étendrait à l'ensemble des établissements en vertu du partage des tutelles : MCC/MENESR pour les établissements publics nationaux et MCC/Collectivités territoriales pour les établissements publics de coopération culturelle.

Source : Ministère de la culture et de la communication, réponse au questionnaire budgétaire

Près de 53 % des crédits (140,3 millions d'euros) sont des dépenses de fonctionnement qui se répartissent comme suit :

- 56,09 millions d'euros pour l'enseignement supérieur « architecture et patrimoine » ;

- 35,86 millions d'euros pour l'enseignement supérieur « arts plastiques » ;

- 45,08 millions d'euros pour l'enseignement supérieur « spectacle vivant » ;

- 2,4 millions d'euros prévus pour le surcoût lié à la titularisation des agents contractuels dans le cadre de la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 dite « Sauvadet ».

35 000 élèves ont suivi un cursus d' « enseignement supérieur culture » (ESC) en 2013-2014. Le coût moyen d'un étudiant est d'environ 10 200 euros . L'ensemble des établissements composant l'enseignement supérieur Culture, soit 101 établissements dans les domaines de l'architecture, des arts plastiques, du patrimoine, du spectacle vivant, du cinéma et de l'audiovisuel, devraient bénéficier des avancées de la loi en termes de visibilité et d'attractivité. Leur capacité d'adaptation au schéma licence-master-doctorat (LMD) et de dialogue avec des partenaires universitaires et de recherche dans les réponses à différents appels à projets ces dernières années traduisent un rapprochement plus prononcé avec ces partenaires, sans que soient remises en question leur autonomie et leurs spécificités. Le ministère de la culture et de la communication participe à la stratégie nationale de l'enseignement supérieur (StraNES) confiée par la loi au ministère chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche : son représentant a fait valoir au sein du comité StraNES les spécificités de l'ESC en matière de formation à la créativité et à l'autonomie comme facteurs d'innovation technologique et sociétale.

Les dépenses d'investissement s'élèvent à 14,7 millions d'euros en AE (soit une croissance de près de 49 %) et 27,48 millions d'euros en CP (soit une hausse de 25 % par rapport à 2014) . Les crédits de paiement sont ainsi répartis :

- 4,92 millions pour les écoles d'architecture , dont 3,95 millions d'euros pour les travaux de réhabilitation et d'extension de l'ancien hôpital Sabourin en vue du relogement de l'école d'architecture de Clermont-Ferrand ;

- 6,4 millions d'euros pour les écoles d'art . 4,5 millions d'euros en CP seront notamment destinés au projet ARTEM (Art, Technologie, Management) qui repose sur l'alliance entre trois grandes écoles nancéiennes. L'école nationale supérieure des beaux-arts bénéficiera de 1,9 million d'euros en CP pour financer des travaux de sécurité ;

- 12,05 millions d'euros pour les écoles du spectacle vivant , afin de poursuivre les travaux engagés sur des opérations telles que l'Institut international de la marionnette (IIM) à Charleville-Mézières, le Centre national des arts du Cirque (CNAC) à Châlons-en-Champagne, ou le Centre de formation professionnelle aux techniques du spectacle (CFPTS) à Bagnolet.

Les dépenses d'intervention s'élèvent à 90,98 millions d'euros en AE et 88,98 millions d'euros en CP . L'accent est mis sur les bourses d'études et aides individuelles qui s'élèvent à 35,92 millions d'euros en AE=CP et se répartissent comme suit :

Montant du besoin pour l'année civile 2015
(en euros)

Bourses sur critères sociaux

31 165 573

Aide spécifique pour les déplacements des étudiants d'outre-mer

189 723

Aide au mérite

588 948

Frais de gestion CNOUS (2 % du total)

667 136

FNAUA

500 000

AFR AES, BCS INP

413 513

Bourses mobilité écoles d'architecture

1 300 000

Aides individuelles aux élèves des CRR et CRD

1 100 000

Total

35 924 893

Source : Projet annuel de performances pour 2015

B. LES ÉCOLES D'ART : EN ATTENTE D'UNE RÉFORME

Les 45 écoles d'art regroupent deux catégories d'établissements :

- les 10 établissements publics nationaux , auparavant sous tutelle du ministère de la culture, et désormais sous tutelle conjointe du MENESR ;

- les 35 écoles territoriales constituées soit sous forme d'EPCC (établissement public de coopération culturelle), sous tutelle des collectivités territoriales et accompagnées par le ministère de la culture qui les autorise à délivrer des diplômes nationaux, soit sous forme de régie municipale (deux écoles) soit encore sous forme d'établissement public local ou d'association (Le Fresnoy).

Les établissements de l'enseignement supérieur Culture avaient adhéré aux Pôles de recherche et d'enseignement supérieur (PRES) créés par la loi Recherche de 2006, à hauteur de 42 % des écoles. Les communautés d'universités et établissements (ComUE) qui leur succèdent au titre de la loi (article 62, L-718-2) représentent une opportunité pour les établissements de l'enseignement supérieur Culture. En effet, elles permettent de mieux mettre en relation les différents acteurs du territoire et renforcent la logique de site que promeut la loi. Néanmoins, le ministère prend acte des difficultés rencontrées par les établissements qui n'ont pas été associés aux processus de regroupements ou qui n'ont pas eu l'opportunité de négocier un statut de membre à part entière des ComUE . Une part importante des établissements a d'ailleurs choisi le statut d'associé (art. L-718-3). Il leur garantit des opportunités de partenariats sans les engager dans des mutualisations auxquelles ces établissements ne sont pas forcément préparés.

Les EPCC ont vocation à prendre place dans les communautés d'universités et établissements. Bien qu'ils ne relèvent pas de la tutelle conjointe instituée par l'article 4 de la loi, ils sont parmi les acteurs les mieux armés pour faire le lien entre les pouvoirs publics dont ils relèvent : d'une part, le ministère chargé de la culture (au titre des diplômes nationaux qu'ils délivrent) et, d'autre part, les collectivités territoriales qui constituent leur tutelle principale, ainsi qu'entre les pouvoirs publics et les milieux économiques dont ils sont parfois très proches.

Toutefois votre rapporteur pour avis relève avec inquiétude les disparités existant entre les deux catégories d'écoles d'art , sources d'inégalités pour les étudiants et pour les directeurs qui doivent faire face à des contraintes matérielles et statutaires très différentes selon la nature de l'établissement qu'il dirige.

Ces différences ont été soulignées tant par l'Association nationale des écoles supérieures d'art (ANdÉA) que par le ministère de la culture, elles concernent :

- le statut des enseignants : ceux des écoles territoriales ne voient pas leur activité de recherche reconnue aujourd'hui et leur statut les empêchent de bénéficier d'une mobilité comme ceux des écoles nationales ;

- les écoles territoriales qui bénéficient du soutien des collectivités territoriales ont plus de moyens pour recruter des contractuels et faciliter le rayonnement international de l'établissement, ainsi que pour réaliser les investissements qui font souvent cruellement défaut dans les établissements publics nationaux, à l'image de l'école nationale supérieure des beaux-arts de Paris. Les écoles territoriales doivent en revanche prévoir les dépenses du GVT, intégrées seulement dans le seul budget des écoles nationales.

Votre rapporteur pour avis estime qu'une réforme est nécessaire pour que l'enseignement supérieur artistique ne soit plus organisé sur un modèle à deux vitesses dans lequel ne se retrouvent ni les directeurs, ni les enseignants, ni les étudiants. Une conférence des directeurs d'écoles d'art , envisagée aujourd'hui par le ministère de la culture, semble indispensable pour que ces sujets soient sérieusement pris en compte. En outre, une réorganisation du ministère apparaît urgente pour pallier la carence de pilotage de l'ESR, éclaté entre plusieurs directions générales, le secrétariat général n'ayant qu'une mission de coordination, sans pouvoir décisionnaire.

Enfin votre rapporteur pour avis souhaite relayer l'inquiétude des écoles d'art territoriales qui s'interroge de la pérennité des crédits consacrés à la structuration de la recherche dans les EPCC (soit 1 million d'euros) afin de répondre aux recommandations de l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (AERES) et du Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche (CNESER). Sans cette aide de la part de l'État, il leur serait impossible de continuer à financer la recherche qu'ils sont pourtant tenus de développer.

C. L'ÉCOLE NATIONALE SUPÉRIEURE DES BEAUX-ARTS DE PARIS : L'URGENCE D'UN SURSAUT

1. Le référé de la Cour des comptes

Cet établissement public à caractère administratif placé sous la tutelle du ministère de la culture et de la communication - c'est l'un des opérateurs du programme 224 - constitue la plus ancienne et la plus prestigieuse école d'enseignement des arts plastiques en France, née au lendemain de la Révolution française.

Cette institution a également été créée en vue du rayonnement de Paris et, à ce titre, présente la particularité d'accueillir un musée, en raison des collections constituées à des fins pédagogiques.

Comme le rappelle le projet annuel de performances pour 2015, « de la tradition des académies associant enseignement et collections artistiques , (l'école) a gardé la volonté d'inscrire la création au sein d'un patrimoine immobilier séculaire, abritant de très nombreuses oeuvres d'art, et de maintenir et enrichir la pratique d'une pédagogie fondée sur l'atelier, dirigé par un artiste-professeur ».

Dans un référé rendu public le 3 février 2014, la Cour des comptes a dressé un constat extrêmement critique de la situation de l'école nationale supérieure des beaux-arts (ENSBA). À l'issue du contrôle qui portait sur les exercices 2001 à 2011, la Cour a émis quatre séries de critiques, rappelées lors de l'audition organisée par la commission des finances du Sénat le 30 avril 2014 :

- la première critique porte sur la place et au rayonnement de l'ENSBA en France et à l'étranger . L'école ne partage aucune fonction support avec des établissements comparables, qu'ils soient parisiens ou nationaux. Un déficit de réflexion et de stratégie quant au devenir de l'école apparaît donc ; il incombe aussi bien au ministère de la culture qu'à celui de l'enseignement supérieur et de la recherche. Par ailleurs, l'ENSBA souffre d'un manque d'ouverture à l'international : elle peine à attirer aussi bien des étudiants que des enseignants étrangers. Cette situation la met en difficulté pour tenir son rang dans la compétition internationale ;

- les conditions de conservation des oeuvres représentent le deuxième angle de critiques adressées à l'ENSBA, qui abrite 2 000 peintures et 3 700 sculptures. Ces oeuvres sont bien évidemment un élément de richesse mais leur conservation constitue la source de multiples difficultés. Les préoccupations liées à la surveillance, au contrôle et à la préservation des oeuvres - située rue Bonaparte, l'école est en zone inondable - n'ont pas encore connu de solution. C'est pourquoi la Cour préconise un adossement de l'école à un autre établissement, par exemple : la Bibliothèque nationale de France, le musée du Louvre, le musée d'Orsay ou le Centre Pompidou ;

- le troisième sujet d'interrogation de la Cour des comptes porte sur l'organisation de la politique éditoriale et des expositions de l'ENSBA. Ces dernières demeurent en effet relativement confidentielles avec 30 000 à 35 000 visiteurs par an. En outre, l'école n'a mis en oeuvre aucune mutualisation dans le cadre de ses éditions ;

- enfin, la Cour s'inquiète de la gestion administrative de l'établissement. Elle pointe des déficiences liées à l'absence de contrat de performance, au défaut de comptabilité analytique ainsi qu'à la faiblesse des procédures de contrôle interne et de suivi. Toutes carences qui rendent difficile de mieux rationaliser les moyens de l'école. Sur la gestion des ressources humaines, celle-ci est devenue prévisionnelle, il n'existe aucun outil de contrôle sur le temps de travail ni sur les conséquences des titularisations impliquées par la mise en oeuvre de la loi Sauvadet.

En conclusion, la Cour des comptes relève un défaut d'orientation stratégique dans le pilotage de l'ENSBA . Elle estime qu'un contrat de performance sur une période triennale s'impose avec une réflexion d'ensemble sur les filières de l'enseignement artistique. Un plan général de conservation des oeuvres paraît également nécessaire avec l'adossement à un autre établissement. Elle estime que le budget de l'école est limité mais des économies peuvent néanmoins être réalisées.

2. La nécessaire mobilisation de l'État après des années de dérives

Alerté par ce référé, votre rapporteur pour avis a souhaité auditionner le directeur de l'ENSBA - arrivé en 2011, soit à l'issue de la période ayant fait l'objet du contrôle de la Cour des comptes - et sa secrétaire générale.

Le constat est celui d'un établissement dont le pilotage a connu de nombreuses dérives, non sanctionnées par sa tutelle pendant des années, et qui aujourd'hui essaie de rétablir une situation catastrophique avec des moyens très limités .

Conscient de la volonté des dirigeants de l'école d'améliorer la situation en tenant compte des critiques de la Cour des comptes, votre rapporteur pour avis a relevé quelques éléments permettant d'illustrer l'ampleur des difficultés auxquelles ils sont confrontés :

- la subvention de l'État couvre 70 % des besoins de l'établissement, encouragé à développer ses ressources propres, reposant principalement sur la location d'espaces et le mécénat. Or l'école doit faire face à de très importants travaux d'accessibilité et de mise aux normes . On mesure l'état de délabrement des locaux en apprenant que l'école a été menacée de fermeture en raison du non-respect des normes d'électricité, ou encore qu'un plafond s'est récemment effondré. Un suivi normal des besoins de l'établissement depuis le début des années 2000 aurait évidemment permis d'éviter une telle situation.

Depuis trois ans, les nouveaux responsables de l'établissement se sont efforcés de rééquilibrer les recettes en favorisant le mécénat par rapport à la location d'espaces , comme le montre le schéma ci-dessous. Toutefois cette démarche n'est pas aisée, les mécènes demandant systématiquement comme contrepartie la mise à disposition d'espaces au sein de l'école pour des événements privés.

Source : ENSBA

La première phase de diagnostic, menée par l'Opérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la culture (OPPIC), vient de s'achever, confirmant que les travaux devront s'étaler sur une dizaine d'années pour un coût total de 50 millions d'euros environ . Il faut également tenir compte du coût de la réfection du système électrique, de 2,5 millions d'euros, tandis que l'aménagement des deux amphithéâtres qui seront rénovés nécessitera 350 000 euros supplémentaires.

Le directeur de l'école a pu convaincre une entreprise privée de prendre à sa charge les travaux de l'amphithéâtre d'honneur pour 1,5 million d'euros.

En outre, alors que le développement d'une communication efficace en direction des mécènes potentiels nécessite de mobiliser des ressources, le budget de la communication a dû être divisé par deux pour tenir compte des contraintes budgétaires , tandis que le système informatique est dans un tel état d'obsolescence que l'école a doublé ses effectifs dans le domaine de l'informatique en recrutant... un seul ETPT.

Selon le projet annuel de performances pour 2015, la subvention pour charges de service public s'élève à 7,357 millions d'euros , en augmentation de 300 000 euros par rapport à 2014. Mais cette subvention avait été réduite de 200 000 euros en 2013 et de 300 000 euros en 2014. Le fonds de roulement ne peut être diminué, son niveau atteignant désormais le seuil prudentiel de 30 jours de fonctionnement .

20 à 25 % du budget sont consacrés à l'activité d'enseignement de l'école. Rejoignant le constat dressé par l'Association nationale des écoles supérieures d'art (ANdÉA), votre rapporteur pour avis estime que la question de la rémunération des professeurs se pose avec acuité. L'ENSBA est en train de mettre en place un 3 e cycle dans le cadre du pôle de recherche et d'enseignement supérieur Paris sciences et Lettres : cette démarche repose sur l'activité bénévole de deux professeurs depuis trois ans, en attendant une réponse à la demande de création de deux emplois . Le régime indemnitaire est interdit pour rémunérer des professeurs contractuels alors que dans d'autres écoles européennes comme Düsseldorf, les professeurs touchent un salaire mensuel de 6 000 euros nets . Aujourd'hui l'ENSBA rémunère les enseignants contractuels à un niveau de 3 000 euros mensuels tout au plus, les plus jeunes enseignants ne touchant pas plus de 1 500 euros nets par mois. Dans ces conditions, il paraît évident que l'établissement ne pourra régler seul la question du rayonnement international soulevée par la Cour des comptes .

Compte tenu des contraintes présentées ci-dessus, les responsables de l'école souhaitent aujourd'hui étudier la possibilité de créer une fondation adossée à l'Institut de France (académie des beaux-arts) et un fonds de dotation, afin de développer de nouvelles recettes, aujourd'hui détaillées comme suit.

Il est rappelé que les frais d'inscription s'élèvent à 460 euros et que l'établissement compte 550 étudiants. Pour pallier la pénurie d'espace préjudiciable au bon déroulement des enseignements, une location de salles à Saint-Ouen a été décidée. Le ministère de la culture a d'ailleurs salué cette démarche dans le projet annuel de performances en précisant que « le développement de l'école à Saint-Ouen marque la démarche volontariste de l'établissement de s'ouvrir aux enjeux sociaux et urbains contemporains ». Compte tenu du constat dressé ci-dessus, il est tentant de penser que cette délocalisation a surtout été guidée par des considérations d'ordre financier. Mais, après tout, le ministère de tutelle est également en charge de la communication...

IV. L'ÉDUCATION ARTISTIQUE ET CULTURELLE : LES CRÉDITS SONT CONFORTÉS

A. LA POURSUITE DU PROJET NATIONAL

1. La coordination interministérielle

Les principales orientations pour 2015 s'inscrivent dans le cadre du projet national de l'éducation artistique et culturelle (EAC) lancé en 2013 par le ministère de la culture et de la communication.

Les conditions nécessaires à cette réussite ont relevé en premier lieu de la cohérence entre les politiques déployées par les ministères de la culture et de la communication et de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Votre commission a d'ailleurs régulièrement appelé les différents ministères à mieux se coordonner, et en particulier celui de l'éducation nationale à se mobiliser davantage en faveur de l'EAC.

Cette cohérence s'est traduite par l'inscription, pour la première fois depuis la création des deux ministères, de l'éducation artistique et culturelle dans la loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013 d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République et par la signature le 3 mai 2013 d'une circulaire commune aux deux ministres instituant la notion de « parcours d'éducation artistique et culturelle » .

Comme le précise le ministère de la culture et de la communication, « le parcours s'inscrit dans une politique éducative et culturelle globale et partagée. Il doit se concevoir comme une construction d'apprentissages sur un territoire, à destination des jeunes, en et hors temps scolaire . Le parcours favorise ainsi la concertation entre les différents opérateurs d'un territoire afin de construire une offre éducative et culturelle cohérente qui aille au-delà de la simple juxtaposition d'actions . »

Comprenant les enseignements dispensés dans le cadre scolaire et complété par des actions éducatives élaborées dans une démarche de projet en partenariat, à l'école ou hors de l'école , le parcours d'EAC conjugue ainsi l'ensemble des connaissances acquises, des pratiques expérimentées et des rencontres avec les oeuvres, les lieux et les professionnels des arts et de la culture. Il se construit dans la complémentarité des temps scolaire, périscolaire et extra-scolaire . « Ce parcours contribue pleinement à la réussite et à l'épanouissement de chaque jeune par la découverte de l'expérience esthétique et du plaisir qu'elle procure, par l'appropriation de savoirs, de compétences, de valeurs, et par le développement de sa créativité. Il concourt aussi à tisser un lien social fondé sur une culture commune. » (circulaire du 3 mai 2013).

Enfin, la circulaire prévoit la rédaction d'un vademecum du partenariat et souligne l'enjeu que constitue la formation des enseignants. Des repères pour la formation des enseignants en éducation artistique et culturelle sont en cours de finalisation.

Par ailleurs, le Haut conseil de l'éducation artistique et culturelle (HCEAC) a été renouvelé et s'est ouvert plus largement à la dimension interministérielle (ministères en charge de la ville, de l'agriculture, de la jeunesse...) et aux collectivités territoriales (Association des maires de France, Assemblée des départements de France, Association des régions de France, Fédération nationale des collectivités territoriales pour la culture).

Enfin, le ministère de la culture et de la communication a engagé la construction de cadres contractuels avec les autres ministères via la signature de conventions bilatérales intégrant l'enjeu de l'EAC. Une convention signée avec le ministère en charge de la Ville, le 5 mars 2014, a dégagé un objectif prioritaire en faveur de l'accès des jeunes des quartiers populaires de la ville à un parcours d'éducation artistique et culturelle. La convention signée avec le ministère en charge de l'enseignement supérieur, le 12 juillet 2013, a élargi aux étudiants la politique d'EAC. Décidée à la suite de cette convention, la « Journée des arts et de la culture à l'université » a mobilisé, pour sa première édition le 10 avril 2014, 70 universités, 14 centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires, 14 grandes écoles, autour de plus de 300 événements.

En 2015, l'effort du ministère de la culture et de la communication portera sur :

- des moyens renforcés au service des territoires : en 2015, le ministère de la culture et de la communication va poursuivre son effort budgétaire pour le développement de la politique d'éducation artistique et culturelle. Ces crédits, principalement déconcentrés aux directions régionales des affaires culturelles (DRAC), accompagneront les démarches des collectivités territoriales qui développent, dans un cadre contractuel pluriannuel (projet éducatif de territoire, convention de développement culturel, plan local d'EAC, contrat local d'éducation artistique, etc .), une politique de parcours d'EAC. Il soutiendra les projets intégrant les dispositifs existants, articulant les temps scolaires, périscolaire et extra scolaires . Les projets refléteront une approche de l'éducation artistique et culturelle de l'enfance au lycée et impliqueront les structures culturelles et artistiques du territoire, les conservatoires comme les associations d'éducation populaire ;

- la formation, une condition de la qualité de l'éducation artistique et culturelle : la formation est essentielle pour assurer la qualité de l'EAC sur l'ensemble du territoire national. Cet enjeu central inclut la formation initiale et continue de l'ensemble des acteurs de l'EAC : enseignants, médiateurs, animateurs.

Les ministères de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche et de la culture et de la communication développeront un module « éducation artistique et culturelle » dans les écoles supérieures du professorat et de l'éducation (ÉSPÉ). Le ministère de la culture et de la communication mobilise de son côté les écoles d'enseignement supérieur sous sa tutelle. En accord avec leur cahier des charges, un travail interministériel est engagé pour développer au sein des ÉSPÉ des formations mixtes sur la base des dispositifs mis en place par les pôles de ressources pour l'éducation artistique et culturelle (PREAC) ;

- le développement de la recherche : la recherche est indispensable pour la formation des acteurs et leur capacité d'innovation. Le ministère de la culture et de la communication entend soutenir des programmes de recherche dans le domaine de l'éducation artistique et culturelle et encouragera le développement d'un programme à l'échelle européenne ;

- le numérique, levier de création, d'innovation et d'éducation : il appartient au ministère de la culture et de la communication d'encourager l'ensemble de ses opérateurs à développer, dans le sillage de la circulaire du 3 mai 2013 et avec l'appui des possibilités offertes par le numérique, des ressources culturelles dans une véritable dynamique d'innovation. Le ministère réorganisera son portail « culture.fr » pour en faire la plateforme ministérielle des ressources numériques culturelles réutilisables dans le cadre de l'EAC. Il souhaite également que l'innovation irrigue de manière pérenne les trois piliers de l'éducation artistique et culturelle, à l'heure où les plus jeunes utilisent des outils numériques comme vecteurs d'information, de communication et de création. L'ensemble du réseau culturel - dont en premier lieu les médiathèques et les centres de ressources - sera mobilisé et accompagné pour faciliter l'accès de tous et notamment des jeunes aux ressources numériques mais également valoriser leurs projets ;

- le soutien à la créativité et aux initiatives des jeunes : le ministère souhaite soutenir et valoriser les initiatives portées par les jeunes dans tous les champs disciplinaires de l'art et de la culture. Ainsi, des dispositifs de soutien accordés à des structures de proximité amenées à repérer des jeunes talents et à les accompagner en pré-professionnalisation seront expérimentés et une manifestation dédiée à l'entrepreneuriat des jeunes en matière de culture sera mise en place.

2. Les crédits pour 2015

Sur les 81,51 millions d'euros en AE=CP destinés à l'action 2 « Soutien à la démocratisation et à l'éducation artistique et culturelle » du programme 224, 77,05 millions en dépenses d'intervention sont prévus pour couvrir notamment les dépenses liées à l'éducation artistique et culturelle, qui s'élevent au total à 41 millions d'euros en AE=CP dont 38,05 millions de crédits déconcentrés .

Seuls 2,95 millions sont des crédits centraux, et correspondent au soutien d'associations nationales qui oeuvrent dans la mise en oeuvre de la politique d'EAC :

- Union nationale des jeunesses musicales de France (UNJMF) pour 800 000 euros ;

- Association nationale de recherche et d'action théâtrale (ANRAT) pour 140 000 euros ;

- rencontres internationales de théâtre en Corse (ARIA) pour 40 000 euros ;

- Association nationale des villes et pays d'art et d'histoire (ANVPAH) pour 100 000 euros.

9 millions de crédits déconcentrés sont également destinés aux dispositifs partenariaux généralement menés sur le temps scolaire dans des établissements scolaires du premier et du second degré (éducation nationale, enseignement agricole).

10 millions sont prévus en 2015 pour le plan pluriannuel EAC lancé en 2013 , contre 7,5 millions en 2014 et 2,5 en 2013.

11,25 millions d'euros sont destinés aux projets fédérateurs en fort développement dans les régions. Ils ne se limitent pas au temps scolaire et recouvrent le soutien apporté aux structures artistiques et culturelles : jumelages avec des écoles, résidences d'artistes en lien avec le milieu scolaire, conventions avec les collectivités tels que les contrats éducatifs locaux (CEL) ou les contrats ou plans locaux d'éducation artistiques (CLEA ou PLEA).

2,80 millions d'euros sont dédiés à l'éducation à l'image parmi lesquelles les opérations « écoles au cinéma» et « collèges au cinéma».

3 millions visent à soutenir les actions de formation et de documentation et colloques, dont 2,4 millions sont consacrés aux centres de formation de musiciens intervenants (CFMI) . Les neuf CFMI ont vocation à coopérer avec les pôles d'enseignement supérieur.

Enfin, 2 millions d'euros sont prévus pour les programmes de sensibilisation en région afin de permettre une première approche de la culture, tels que « Architecture au collège ».

Le tableau ci-dessous présente le détail des crédits par région en 2013 et 2014.

B. LES TERRITOIRES RURAUX ET PÉRI-URBAINS

Le ministère de la culture a indiqué vouloir prioritairement orienter ses crédits vers certains territoires péri-urbains et ruraux, en complément de ceux retenus pour les territoires identifiés dans le cadre de la « Politique de la ville ».

Les territoires ruraux et péri-urbains font partie intégrante des nombreux dispositifs de partenariat existant entre l'État et les collectivités territoriales. Ils sont d'ailleurs des interlocuteurs de l'État via le conseil des collectivités territoriales pour le développement culturel (CCTDC).

Afin de répondre à l'attente culturelle forte de populations en renouvellement sur des territoires intermédiaires entre villes et campagnes, une réflexion menée en 2013-2014 s'est fondée sur la « nouvelle typologie des campagnes françaises » proposée en 2012 par la Délégation interministérielle à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale (DATAR). Cette typologie recense trois types de campagnes et 7 sous-catégories de territoires. Le choix a été fait de concentrer les efforts sur le 3 e type de campagne, celles dont la densité de population est la plus faible, et dont l'accès à la culture est encore inaboutie . Sur cette base, la réflexion en vue d'identifier les types d'espaces à retenir au titre des territoires prioritaires de la politique d'EAC a pris en compte les critères suivants :

- cibler les territoires où les jeunes sont particulièrement présents ;

- donner la priorité, dans ces territoires, aux populations jeunes les moins favorisées économiquement et socialement.

Ont donc été retenues en priorité :

- la sous-catégorie 5 « campagnes à faibles revenus, économie présentielle et agricole » (près de 2,3 millions d'habitants, 7 222 communes, près de 120 000 km²) : les communes correspondantes se caractérisent par un afflux de catégories socioprofessionnelles « modestes » (ouvriers, employés). Elles attirent des populations cherchant un foncier d'un prix accessible et situé en périphérie des grandes agglomérations et des villes moyennes. Les niveaux fiscaux des ménages concernés se situent à la moyenne de l'ensemble de champ d'étude, les disparités de revenus y sont les plus faibles ;

- la sous-catégorie 7 « campagnes à faibles revenus, croissance résidentielle, économie présentielle et touristique dynamique, avec éloignement des services d'usage courant » (1 million d'habitants, 2 134 communes, 51 300 km²) : les communes correspondantes sont généralement marquées par une très faible densité et une population âgée, mais ont connu récemment un brassage de populations générant un bilan démographique positif . Ces nouveaux arrivants appartiennent à toutes les classes d'âges et catégories socioprofessionnelles. Les revenus fiscaux des ménages y sont inférieurs à la moyenne globale et les disparités de revenus plus importantes.

À l'issue de cette identification par les services du ministère de la culture et de la communication, la liste des communes et intercommunalités sélectionnées a été envoyée aux DRAC concernées. Cette liste n'est ni limitative, ni prescriptive. Elle doit être considérée comme un outil d'aide à la décision, sous l'autorité du préfet et en collaboration avec les collectivités territoriales, afin de déterminer les territoires prioritaires avec lesquels développer une politique de parcours d'EAC.

Ces politiques seront menées dans un cadre contractuel pluriannuel en mutualisant les ressources artistiques, mais aussi favorisant la médiation à l'oeuvre, et l'appropriation de la culture et du patrimoine. Des exemples de tels projets pluriannuels peuvent être donnés : projet éducatif territorial, convention de développement culturel, plan local d'éducation artistique et culturelle, contrat local d'éducation artistique,... La rédaction de ces conventions sera adaptée à chaque territoire suivant la spécificité des besoins (en ingénierie, en diagnostics, en mutualisations).

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Compte tenu de ces observations, votre rapporteur pour avis du programme 224 propose à votre commission de donner un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Culture » du projet de loi de finances pour 2015.

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La commission émet un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Culture » du projet de loi de finances pour 2015 .

EXAMEN EN COMMISSION

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MERCREDI 19 NOVEMBRE 2014

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Mes chers collègues, nous voici réunis pour examiner les crédits des trois programmes de la mission « Culture ». Je cède d'abord la parole à M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis sur les crédits du programme 175 « Patrimoines ».

M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis des crédits du programme « Patrimoines » . - Les crédits du programme « Patrimoines » évoluent de la façon suivante en 2015 : -2 % en autorisations d'engagement (AE) avec 745,57 millions d'euros, et +0,6 % des crédits de paiement (CP) avec 751 millions d'euros. Si les crédits sont globalement stables, leur évolution varie fortement d'une action à l'autre.

En observant les subventions aux opérateurs du programme 175, on constate que les efforts qui leur sont demandés sont moins importants que les années précédentes. Deux baisses significatives de crédits sont à signaler : une diminution d'un million d'euros pour le Musée d'Orsay et de deux millions d'euros pour le Musée du Louvre. Ces établissements ont en effet mis en oeuvre des politiques audacieuses visant à assurer leur autofinancement, notamment par une démarche de « labellisation ».

Les arbitrages relatifs aux emplois de titre 2 n'ont pas encore été rendus, mais le ministère a indiqué que le maintien des effectifs placés au contact du public était une priorité d'ores et déjà acquise. En outre, dans le cadre de l'ouverture sept jours sur sept des établissements publics de Versailles, du Louvre et d'Orsay, les emplois nécessaires seront progressivement mis en place. J'observe que certains établissements souhaiteraient pouvoir bénéficier d'une marge de manoeuvre plus grande sur les emplois de titre 3 qu'ils auto-financent, car bien souvent, ils doivent faire face à des vacances de poste durables sur les emplois de titre 2. Cela serait également le gage d'une plus grande souplesse dans leur gestion. Espérons que les mesures catégorielles décidées en matière de ressources humaines pour 2015 permettront de revaloriser les postes en question et d'attirer de nouvelles candidatures.

Je souhaiterais dire un mot du Centre des monuments nationaux (CMN), qui jouit d'une situation financière excellente et de crédits constants, alors même que son périmètre a récemment été élargi. Après le domaine national de Rambouillet en 2009, le fort de Brégançon a rejoint le CMN. Ces élargissements ont été réalisés à budget constant, hormis pour le fort de Brégançon pour lequel un transfert de crédits de 175 000 euros est intervenu en provenance du ministère de la défense, qui assurait jusqu'ici l'entretien du monument.

Le CMN s'est surtout vu confier, cette année, une nouvelle mission par le Président de la République. En effet, il devra assurer la gestion de l'hôtel de la Marine que nous avions visité, il y a quelques années, alors qu'une polémique était née au sujet de sa reprise par une entreprise privée. Le CMN aura pour mission de rendre accessible au plus grand nombre les appartements historiques de l'hôtel et notamment les salons d'apparat. Le reste des espaces, soit 8 000 mètres carrés, seront composés de bureaux et locaux techniques loués à des opérateurs privés. Le coût du projet a été évalué à 59 millions et devrait faire l'objet d'un financement mobilisant des subventions versées par le ministère, le fonds de roulement du CMN et un emprunt auprès de la Caisse des dépôts et consignations. La subvention d'investissement du CMN passe cette année de 18 à 18,5 millions d'euros et la subvention de fonctionnement à 9 millions d'euros. L'organisation d'un tirage exceptionnel du Loto à son profit lors des journées du patrimoine, comme l'évoque l'article 50 bis du projet de loi de finances, permettrait de lui apporter une ressource supplémentaire et je vous proposerai donc d'émettre un avis favorable à l'adoption de cet article rattaché.

Concernant les monuments historiques, on constate la poursuite de la lente érosion des crédits qui s'établissent à 340 millions d'euros en autorisations d'engagement, soit une baisse de cinq millions d'euros, et 327 millions d'euros en crédits de paiement. Si les crédits d'entretiens sont préservés à hauteur de 48 millions d'euros, ceux destinés à la restauration diminuent de 9 millions. Les grands projets financés en 2015 sont principalement la poursuite du schéma directeur de Versailles et le schéma directeur de restauration et d'aménagement du Grand Palais.

J'ai auditionné ce matin le groupement des entreprises de restauration de monuments historiques et du patrimoine (GMH), dont les représentants m'ont fait part de leur grande inquiétude quant à la situation financière de ces entreprises. En effet, depuis le 1 er janvier 2014, six entreprises de restauration ont été placées en liquidation judiciaire, ce qui représente la destruction de deux cents emplois de métiers d'art. Les recrutements d'apprentis sont au point mort. La fragilisation de la situation de ces entreprises, qui est directement liée à la baisse des financements pour la restauration du patrimoine, mène à la perte d'un savoir-faire que nous ne retrouverons plus jamais. Il s'agit là d'un véritable cri d'alarme. Des solutions existent et doivent être mises en oeuvre. Je suis favorable à ce qu'une partie des produits du jeu et de la loterie soient partiellement affectés à la restauration du patrimoine.

La politique muséale est confortée cette année après des baisses importantes de crédits en 2013 et 2014. Les crédits de paiement de l'action 3 se stabilisent à hauteur de 339 millions d'euros. Les dépenses d'intervention en crédits déconcentrés sont fixées à 17 millions d'euros en crédits de paiement pour financer la poursuite du plan « Musées en région ». Parmi les exemples de projets financés par ce plan, on trouve le musée Unterlinden de Colmar ou la cité de la tapisserie d'Aubusson.

Les crédits de l'action 8, relative aux acquisitions des collections publiques, sont maintenus cette année à 8,35 millions d'euros, mais je rappelle qu'ils avaient diminué de 48 % en 2013. Les travaux du récolement décennal sont toujours en cours, avec un taux de réalisation de 63 %. Compte tenu de l'affaiblissement de la capacité d'acquisition des musées ces dernières années, le ministère de la culture encourage désormais la circulation des oeuvres et lance une nouvelle initiative intitulée « l'entreprise à l'oeuvre » : cinq entreprises ont été retenues pour cette expérimentation qui consiste à exposer des oeuvres des collections nationales pendant une semaine sur des lieux de travail. Ainsi, une exposition des oeuvres de Fernand Léger a lieu dans les locaux de l'usine Renault de Flins. J'ajoute, pour conclure sur la politique muséale, que nous devrions très prochainement être destinataires du premier bilan de la commission scientifique nationale des collections, qui doit présenter une stratégie en matière de déclassement ou de cession de biens culturels appartenant aux collections publiques.

Un mot sur les archives, dont les crédits s'élèvent à 24 millions d'euros, pour dire que la politique de numérisation de poursuit et que le projet VITAM (valeurs immatérielles transmises aux archives pour mémoire) bénéficie cette année de 2,3 millions d'euros en AE et 1,7 million d'euros en CP.

Je terminerai ma présentation en évoquant le cas difficile de l'archéologie préventive qui devait être réglé par la réforme de la redevance d'archéologie préventive (RAP). Je vous rappelle que nous avions en effet adopté un nouveau dispositif pour la collecte au sein de la filière urbanisme dans le cadre de la loi de finances rectificative du 28 décembre 2011 afin d'adosser la RAP à la taxe d'aménagement. Nous avions également fixé son rendement à 122 millions d'euros.

Or les acteurs de l'archéologie préventive ont été confrontés à une situation extrêmement préoccupante en 2013 et 2014 puisque la collecte de la filière urbanisme a été empêchée en raison d'un dysfonctionnement grave du logiciel Chorus au sein du ministère du logement. De l'aveu même du ministère de la culture, cette situation a mis en péril l'Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP), établissement public national, mais aussi le Fonds d'aides, le Fonds national pour l'archéologie préventive (FNAP), et les vingt services territoriaux d'archéologie préventive qui perçoivent directement la RAP pour financer leurs activités. 49 millions d'euros, prélevés sur d'autres chapitres, ont dû être versés à l'INRAP pour éviter les défauts de paiement. La ministre nous a expliqué que les choses allaient rentrer dans l'ordre dès la fin de l'année, mais aucune information ne nous a été transmise sur le plafonnement de la RAP, dont le seuil a été abaissé cet été de 4 millions pour servir de « gage » au relèvement du plafond de la taxe sur les spectacles alimentant le Centre national de la chanson, des variétés et du jazz (CNV).

Une grande incertitude pèse donc sur ce secteur déjà fragilisé économiquement, au sein duquel un certain nombre d'opérateurs ont d'ores et déjà disparu.

Compte tenu de ces observations, je propose à la commission un avis de sagesse pour l'adoption des crédits du programme 175 « Patrimoines » de la mission « Culture ».

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Mes chers collègues, y a-t-il des questions sur les crédits du programme « Patrimoines » ?

Mme Brigitte Gonthier-Maurin . - Conclure à une « sanctuarisation » des crédits me semble bien optimiste, quand la stabilisation relative que nous observons dans ce budget suit deux années consécutives de forte diminution des crédits. En tenant compte de l'inflation, l'évolution des budgets dédiés au patrimoine me paraît très défavorable.

S'agissant du financement des musées, il est vrai que les établissements déploient des ressources d'imagination et de volonté extraordinaires pour stabiliser leurs budgets, notamment par le recours au mécénat. Pour autant, le mécénat constitue un financement par essence aléatoire. Il ne saurait se substituer à une dotation pérenne. Si le mécène fait défaut, de nombreux emplois et projets sont instantanément compromis : c'est d'ailleurs ce qui a récemment contraint le Centre Pompidou de renoncer à plusieurs initiatives, décentralisées et internationales.

Mme Corinne Bouchoux . - Ma question a pour objet les réserves des musées. La mission d'information de l'Assemblée nationale sur la gestion des réserves et dépôts des musées créée fin 2013 a rendu l'été dernier un rapport d'étape dont les constats me semblent particulièrement préoccupants, notamment en ce qui concerne les oeuvres issues de la spoliation, dites « Musées Nationaux Récupération » (MNR). Contrairement aux engagements répétés du Gouvernement, aucun financement n'est prévu pour la quête de provenance des MNR. Il s'agit là d'une niche à contentieux qui risque de nous coûter beaucoup plus cher qu'une quête de provenance mise en oeuvre en amont !

M. Jacques Grosperrin . - Connaît-on l'impact financier et budgétaire de l'ouverture sept jours sur sept des musées concernés, c'est-à-dire le Louvre, Orsay et Versailles ? Quels rapports peuvent être noués entre l'archéologie préventive et l'archéologie commerciale ? N'y aurait-il pas là des pistes d'amélioration ?

Mme Marie-Annick Duchêne . - Je souhaite revenir sur le sujet de la participation du Loto au financement du patrimoine. L'installation de la statue équestre de Louis XIV sur la place d'armes du palais de Versailles a été financée par la Française des jeux, grâce, notamment, à l'implication de M. Aillagon. En l'occurrence, la Française des jeux s'était montrée très disponible. Il revient aux acteurs du patrimoine de prendre l'initiative de les solliciter.

Mme Marie-Pierre Monier . - Après les baisses des crédits du programme « Patrimoines » observées les années précédentes, il nous faut nous réjouir de la hausse des crédits pour 2015, si petite soit-elle. De plus, ces baisses correspondaient à l'achèvement de grands projets de rénovation. Le projet de loi relatif au patrimoine, qui devrait nous être présenté sous peu, nourrit de grandes attentes.

M. Philippe Bonnecarrère . - Ma question porte sur le rôle en matière de maîtrise d'ouvrage public pour les équipements culturels de l'opérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la culture (OPPIC), évoqué notamment dans les documents qui nous ont été présentés par le Gouvernement. Nous savons que la maîtrise d'ouvrage publique dans le domaine patrimonial n'a pas toujours été aussi pertinente qu'on aurait pu le souhaiter. Avez-vous un avis à nous présenter sur l'efficacité de cet opérateur immobilier propre au ministère de la culture ?

Dans un contexte de stabilisation - ou d'érosion, selon le point de vue - de ce budget, je souhaite émettre une réserve liée aux pertes financières qui vont concerner le patrimoine à travers les contrats de plan État-régions. Nombre de contrats de plan comprenaient des volets « patrimoine » et certains d'entre eux ont permis le financement d'opérations ambitieuses, à l'instar de la rénovation de la cathédrale de Chartres, qui a été permise en partie par le contrat de plan de la région Centre. Je m'inquiète car on constate un glissement des financements depuis le volet « patrimoine » des contrats de plan vers les volets territoriaux, sans engagements de l'État à ce jour. Or, à ma connaissance, l'État a indiqué qu'il ne serait pas signataire de ces volets territoriaux. Ce renvoi aux collectivités me préoccupe et laisse prévoir une perte sèche de financements en faveur du patrimoine, avec pour conséquence les effets de levier que nous connaissons.

Mme Sylvie Robert . - Ma question porte sur l'architecture. La loi dite « Grenelle II » prévoit la transformation des zones de protection du patrimoine architectural urbain et paysager (ZPPAUP) en aires de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine (AVAP) à la date du 14 juillet 2016. Le budget prévoit le financement d'une partie des études préalables à cette transformation. En tout état de cause, toutes les ZPPAUP devront donc être converties en AVAP avant cette date. Avez-vous des informations sur le nombre de ZPPAUP en cours de transformation en AVAP ?

Pourriez-vous nous en dire plus sur les conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE), qui sont financés par une taxe spécifique, et sur l'évolution de leur rôle en matière d'aménagement de l'espace ? Le futur projet de loi sur le patrimoine devra-t-il prévoir des évolutions en la matière ?

M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis . - Je répondrai à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, qu'effectivement les budgets ont subi une forte baisse pendant deux ans, en 2013 et 2014, et que la stabilisation actuelle des crédits pour 2015 me satisfait. Je suis d'accord pour rester très vigilant quant à la suite de l'exécution du budget, sur les annulations de crédits en loi de finances rectificative et les mesures de régulation budgétaires en cours d'exercice. C'est le rôle de notre commission que d'y veiller.

Mon rapport ne contient aucun élément quant à la recherche de provenance des MNR, mais je vous propose de me faire l'interprète de notre commission sur ce point lors de l'examen des crédits de la mission en séance.

Le ministère de la culture a d'ores et déjà accompagné les musées dans la mise en oeuvre de la mesure d'ouverture sept jours sur sept. Le projet annuel de performances indique que les emplois seront créés progressivement.

Je ne dispose pas d'éléments particuliers sur les collaborations possibles entre archéologie préventive assurée par l'INRAP et par les opérateurs privés mais je pense que tous subissent les mêmes difficultés.

La loi « Patrimoine » devrait être examinée au premier semestre 2015, selon les informations données par M. Vincent Berjot, directeur général du patrimoine, auditionné dans le cadre du groupe d'études sur les patrimoines, et confirmées par Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication, lors de son audition par notre commission le 12 novembre dernier.

Un crédit de 3,35 millions d'euros est prévu au titre de l'assistance à la maîtrise d'ouvrage, question posée par notre collègue Bonnecarrère.

Compte tenu des éléments budgétaires et en conclusion de ce débat, je proposerai à la commission d'adopter une position de sagesse sur ces crédits, sachant qu'à titre personnel je serai favorable à leur adoption.

M. David Assouline, rapporteur pour avis des crédits « Création et cinéma » de la mission « Culture » . - J'ai l'honneur de présenter cette année l'avis de notre commission sur les crédits du programme 131 « Création » et sur le soutien public au cinéma.

Je débuterai ma brève présentation sur le budget destiné à la création. Nous pouvons nous féliciter du maintien des crédits visant à encourager la création et à favoriser la diffusion dans les domaines du spectacle vivant et des arts plastiques. Hors investissements dans la Philharmonie, les crédits sont en hausse de 2 %. C'est un excellent signe en période de contrainte budgétaire, et je note que la promesse du Premier ministre a été tenue.

Le programme mobilise au total un peu plus de 734 millions d'euros en crédits de paiement, dont 667 pour le spectacle vivant et 66 millions pour les arts plastiques. Certes, les amoureux des arts plastiques les trouveront injustement minorés mais la stratégie du ministère est cohérente et dynamique, et propose une maquette de performance qui montre bien le souci de rationalisation des objectifs et des moyens mis en oeuvre.

Les dépenses de fonctionnement des opérateurs du spectacle vivant diminuent encore légèrement de 2 millions d'euros environ, avec un effort demandé pour une année supplémentaire à l'Opéra de Paris et à l'Orchestre de Paris. Le chantier de la Philharmonie, que les gouvernements successifs ont eu à gérer depuis le début de l'année 2009. Le projet, qui a fait l'objet de dépassements budgétaires faramineux suite à des prévisions sous-estimées arrive enfin à terme avec le lancement de la première saison début 2015 et 9,8 millions d'euros de crédits d'intervention. Ce nouvel équipement devrait constituer un atout réel pour le rayonnement de la France et pour la démocratisation culturelle puisque de nouveaux publics seront privilégiés dans la programmation et la politique tarifaire. Son emplacement dans les quartiers populaires du Nord-Est de la capitale illustre d'ailleurs cette volonté d'ouverture. D'autres équipements du programme 131 sont soutenus dans le cadre de ce budget, je pense notamment aux fonds régionaux d'art contemporain, avec la réalisation de FRAC « de nouvelle génération », les prochaines ouvertures étant prévues en Basse-Normandie et en Aquitaine.

Les crédits déconcentrés de fonctionnement dans le domaine du spectacle vivant s'élèvent à 284 millions d'euros, dont 192 millions pour les labels et réseaux.

Malgré une hausse de 5 % des crédits de paiement, qui mérite d'être soulignée, les arts plastiques continuent à faire figure de « parent pauvre » de la création française. J'ai découvert à l'occasion de cet avis et des nombreuses auditions que j'ai effectuées les difficultés rencontrées par les artistes plasticiens :

- ils bénéficient de moins de 10 % des crédits du programme ;

- ils ne peuvent pas s'appuyer sur un régime d'indemnisation du chômage comme celui des intermittents ;

- beaucoup d'entre eux vivent en dessous du seuil de pauvreté avec un revenu médian des artistes visuels affiliés à la Maison des artistes de 14 010 euros en 2010 ;

- ils attendent toujours une réponse du ministère du travail pour mettre en place une convention collective ;

- alors que la contractualisation devrait bientôt atteindre le taux de 100 % pour les structures du spectacle vivant, les artistes plasticiens se voient refuser tout contrat avec les galeries d'art, même si une réflexion a été mise en oeuvre l'année dernière ;

- les acteurs privés, mais aussi - et c'est le plus choquant - les structures publiques ne respectent pas leur droit d'exposition, les privant ainsi de revenus complémentaires, et diminuant l'assiette de leurs cotisations à la sécurité sociale ;

- enfin des dérives des systèmes de cotisations ont été dénoncées à plusieurs reprises par l'inspection générale des affaires culturelles (IGAC) et l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) qui ont décrit la situation dramatique d'artistes privés de retraite.

Je souhaiterais que nous prenions le temps d'appréhender ensemble tous ces sujets en amont du projet de loi, par l'organisation de tables rondes et d'auditions, sur la liberté de création, l'architecture et les patrimoines, que la ministre a annoncé pour le printemps 2015.

J'aimerais maintenant prendre le temps d'évoquer deux sujets qui me paraissent essentiel pour la création française, et pour lesquels je vous proposerai tout à l'heure deux amendements.

Le premier concerne le Centre national de la chanson, des variétés et du jazz (CNV). Principalement financé par une taxe sur les spectacles, cet établissement public est aujourd'hui un outil essentiel pour la filière musicale. En s'appuyant sur la vitalité des plus importantes sociétés, il collecte la taxe - en forte augmentation ces dernières années du fait, non pas tant de la diversification que de la concentration du public sur les grosses productions - pour en redistribuer 35 % sous forme d'aides sélectives qui visent à soutenir les entreprises les plus fragiles et faire émerger de nouveaux talents. Cette année, après avoir été abaissé à 24 millions d'euros lors de la loi de finances pour 2014, le plafond de cette taxe sur les spectacles a été relevé à 28 millions d'euros par la loi de finances rectificative du 8 août, sur la base d'un « gage » financier pesant sur la redevance d'archéologie préventive, momentanément affaiblie en raison de problèmes de collecte. Or dès 2014 le rendement devrait être compris entre 28,5 et 29 millions d'euros, pour croître jusqu'à 30 millions en 2015. Alerté par les nombreux professionnels sur ce sujet, je m'en suis ému auprès de la ministre de la culture. J'ai été très heureux de constater que mes propos avaient été entendus puisqu'elle nous a indiqué la semaine dernière qu'un arbitrage favorable avait été rendu pour relever le plafond. Je vous proposerai donc de ne pas attendre le collectif budgétaire et d'adopter dès aujourd'hui un amendement proposant les mêmes mesures. À terme, il me semble urgent d'envisager un déplafonnement de cette taxe pour que le CNV puisse remplir de nouvelles missions et répondre aux attentes du secteur. Ma religion sur cette question est que quand un secteur est potentiellement dynamique, écrêter décourage la production et réduit alors le montant des aides qu'il est possible de verser aux entreprises les plus fragiles.

Le second sujet concerne la TVA applicable aux livraisons d'oeuvres d'art, qui est passée au taux intermédiaire de 10 % tandis que les importations sont assujetties au taux de 5,5 %.

Après la théorie de l'avantage comparatif démontré par Ricardo au début du 19 e siècle, nous avons inventé, en 2014, la théorie du « désavantage comparatif » : en privilégiant les importations d'oeuvres d'art aux livraisons locales de nos artistes, nous avons en effet institutionnalisé une concurrence déloyale dont la scène française est aujourd'hui victime. Nous avons en quelque sorte inventé le contraire du protectionnisme ! Vous comprendrez aisément pourquoi je vous présenterai un amendement tendant à revenir sur cette situation insensée, en proposant que les livraisons d'oeuvres d'art soient assujetties au taux de TVA réduit de 5,5 %.

En ayant préservé les crédits de la création en période de contrainte budgétaire, le ministère de la culture a donné un signal fort. À nous de prendre le relais, de montrer que la culture est autre chose qu'un supplément d'âme. La création est garante de notre liberté d'expression, à nous de la défendre, notamment au moyen d'une volonté budgétairement bien affirmée.

Côté cinéma, le projet de loi de finances préserve ce qui doit l'être, mais on voit bien qu'il en faudra davantage pour pérenniser notre système original et vertueux de soutien à l'activité cinématographique : je vous proposerai de nous opposer à une tentative malheureuse et dangereuse de la commission des finances, qui se propose d'écrêter les taxes affectées au Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) d'opérer un prélèvement sur son fonds de roulement. Pourquoi vouloir mettre à bas notre système vertueux de soutien à l'industrie cinématographique, quand tout le monde salue ses résultats, alors que c'est grâce au fonds de soutien que le cinéma français a pu résister au cinéma américain comme nul autre cinéma européen ? C'est un mystère, que nous devrons éclaircir avec nos collègues de la commission des finances.

Une diminution des crédits de 61,5 millions serait un coup terrible porté au secteur. Plus de 300 millions d'euros ont déjà été prélevés ces dernières années et le CNC n'a plus de marges s'il veut tenir les engagements qu'il a pris en matière de financement des profits.

Le rendement des taxes affectées au fonds de soutien va encore diminuer l'an prochain : on était à 800 millions d'euros il y a quatre ans, à 700 millions l'an dernier et les prévisions sont à 630 millions l'an prochain : le recul est de 20 % en quatre ans et de 10 % en un an.

Je rappelle que ces taxes sont par ordre croissant :

la taxe sur la vidéo, qu'elle soit physique ou en ligne : son produit est estimé à 21 millions d'euros, contre 28 millions l'an passé, c'est 25 % de moins et la baisse va se poursuivre ;

la taxe sur les entrées en salle, qui, heureusement, reste stable à 134 millions d'euros. Les salles de cinéma attirent toujours plus de public, notamment grâce à leur numérisation désormais achevée ;

enfin, le nerf de la guerre, c'est la taxe sur les services de télévision, qui représente les trois-quarts du fonds de soutien : elle passe de 537 à 474 millions d'euros, parce que la partie due par les distributeurs, la TST-D, diminue de 70 millions d'euros.

La TST-D a été créée en 2007 pour faire contribuer au fonds de soutien tous les distributeurs de télévision, y compris CanalSat, Numéricable, SFR, Bouygues Télécom et Orange ; on se souvient que pour éviter de la payer, les opérateurs avaient séparé la télévision de leur offre triple-play , puis nous avons élargi l'assiette à l'ensemble de l'abonnement ; les opérateurs l'ont contesté devant la justice européenne, elle a finalement validé l'élargissement. C'est pourquoi le budget pour 2014 a été établi sur une estimation de 270 millions d'euros.

Or, dès le mois de mai dernier, les premiers acomptes ont montré que le produit de cette taxe ne dépasserait pas 200 millions d'euros et qu'il manquerait donc 70 millions d'euros au financement que le CNC pourrait engager cette année pour les nouvelles productions. Dans ces conditions, le Gouvernement a rendu l'arbitrage suivant : la TST-D n'est pas augmentée, le CNC devra se contenter de ces 200 millions sur la ligne TST-D, mais le fonds de soutien sera intégralement « entre ses mains ». Il ne subira ni écrêtement de la taxe, ni prélèvement supplémentaire sur son fonds de roulement.

Pourquoi cet arbitrage est-il si important ? Parce que le fonds de soutien et la « réserve » qui figurent dans le bilan du CNC ne sont pas un « magot » que l'établissement garderait pour des jours meilleurs ; ces fonds ont été prélevés sur l'activité cinématographique spécifiquement pour financer de nouveaux films, c'est le principe. Mais, techniquement, cela veut dire aussi que le CNC n'en dispose pas complètement, car ces lignes de compte correspondent à des provisions et à des contreparties de films qui sont en production ou qui vont l'être rapidement : cet argent n'est pas « disponible », il est déjà engagé dans l'activité cinématographique.

Le CNC pilote une politique publique de soutien à l'activité cinématographique et audiovisuelle, ses dépenses d'intervention irriguent l'ensemble de l'industrie cinématographique, à quoi s'ajoutent les obligations faites aux chaînes de télévision de produire et de diffuser des films, ainsi que des règles pour protéger l'exclusivité des nouveaux films en salle, ce que l'on appelle la chronologie des médias. Cet ensemble constitue notre système de soutien au cinéma, c'est grâce à lui que nous continuons de produire 270 films par an, que les films français captent plus du tiers des spectateurs hexagonaux, que les salles ont réalisé plus de 200 millions d'entrées l'an passé, que la branche représente 250 000 emplois directs et que notre industrie cinématographique est exportatrice.

Or, c'est au moment où le financement du fonds de soutien est en difficulté que notre commission des finances nous propose... de ponctionner encore le fonds de roulement du CNC et d'écrêter les taxes qui lui sont affectées.

La révolution numérique, parce qu'elle change les usages, parce qu'elle facilite les contournements de règles, parce qu'elle limite la valeur marchande du cinéma à la télévision, bouleverse le cadre que nous avons patiemment construit pour le cinéma et l'audiovisuel. Nous devons le moderniser, l'adapter encore à la révolution numérique, certainement pas le fragiliser et faire douter l'ensemble de la filière de l'engagement de l'État. Le CNC ne dispose pas de la trésorerie pour être prélevé de 61,5 millions d'euros, comme le propose notre commission des finances, une telle ponction arrêterait dans l'heure un nombre important de projets sur lesquels le CNC s'est déjà engagé.

C'est pourquoi je vous proposerai de nous mobiliser, collectivement, contre les deux amendements adoptés par la commission des finances sur la première partie du projet de loi de finances : le premier à l'article 15, qui « écrête » les taxes affectées au CNC ; le second qui insère un article additionnel après l'article 16, pour prélever 61,5 millions d'euros sur le fonds de roulement du Centre.

Je vous proposerai, ensuite, un amendement pour corriger un décalage en matière de crédit d'impôt « cinéma », qui joue contre les producteurs établis en France : le crédit d'impôt pour dépenses de production est plus avantageux pour les films produits par des entreprises établies hors de France que pour les entreprises établies en France. En effet, un producteur établi hors de France peut bénéficier jusqu'à 20 millions d'euros d'un crédit d'impôt dit « crédit d'impôt international » (C2I) pour des dépenses effectuées en France, tandis que le plafond est fixé à 4 millions d'euros pour un producteur établi en France.

L'attraction de tournages étrangers est un enjeu pour l'activité cinématographique, ce qui justifie le montant du crédit d'impôt international. Mais il est incompréhensible que les entreprises établies en France soient moins bien traitées, ce qui revient à les décourager, ou à tourner à l'étranger : La Belle et la Bête , film financé par des producteurs français, a été tourné en Allemagne parce que les conditions y étaient plus avantageuses... C'est pourquoi je vous proposerai d'élever à 20 millions d'euros le plafond du crédit d'impôt « national », c'est-à-dire de s'aligner sur celui du crédit d'impôt « international ».

J'interrogerai le Gouvernement, enfin, sur les réformes utiles à notre industrie cinématographique. L'année 2014 a été très riche en analyses, en concertation, le temps est venu d'agir, il faut de la cohérence et, aussi, de l'ambition pour notre activité cinématographique et audiovisuelle. J'en évoque des aspects dans mon rapport, sur le fonds de soutien, sur la chronologie des médias et sur le soutien à l'exportation, autant de sujets où il y a beaucoup à faire, dans les meilleurs délais.

Compte tenu de ces observations, je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption des crédits du programme « Création», au sein de la mission « Culture ».

M. Jean-Pierre Leleux . - Je vous félicite pour votre excellent rapport. Vous avez raison de rappeler comment le système fonctionne dans son ensemble, car ce cycle vertueux du fonds de soutien est méconnu ou mal compris. Notre soutien public au cinéma, qui remonte au lendemain de la dernière guerre mondiale, est un succès incontestable, c'est grâce à lui que la France est au premier rang européen pour l'industrie cinématographique, vous avez raison de rappeler qu'il y a des emplois à la clé. Nos voisins nous envient un tel système, ils le copient, pourquoi devrions-nous le fragiliser, le déstabiliser ?

Notre commission a toujours su trouver un consensus pour défendre ces principes vertueux - c'est pourquoi j'aurais pu signer votre rapport et pourquoi j'aimerais que nous travaillions avec nos collègues des finances. Vous le dites bien : les « réserves » du CNC ne sont pas un « magot », mais des provisions pour investissements, il y a des films à la clé qui sont déjà en production, pour lesquels l'État a déjà donné sa parole. Le CNC a déjà fourni des efforts puisqu'au lieu de percevoir 270 millions d'euros au titre de la TST-D, il n'en percevra que 200 millions : il a déjà ajusté ses interventions, pourquoi lui demander un effort supplémentaire ? C'est pourquoi je m'associe très volontiers à votre suggestion de nous mobiliser contre les deux amendements de la commission des finances. La Fédération des industries du cinéma nous alerte : la production est en baisse, attention à ne pas la fragiliser davantage, la menace est bien réelle !

Quant au crédit d'impôt, je crois que le ministère des comptes publics a fini par comprendre qu'effectivement, un tel crédit rapporte finalement davantage qu'il ne coûte à l'État, ce qui a facilité le relèvement du plafond l'an passé.

Mme Marie-Christine Blandin . - Nous confirmez-vous ce que Mme la ministre nous a dit la semaine dernière : le budget est-il en légère augmentation, même sans compter la contribution exceptionnelle pour la Philharmonie de Paris ?

Vous vous félicitez de la Philharmonie, mais la provinciale que je suis ne peut manquer de constater qu'entre la salle Pleyel, l'auditorium rénové de la Maison de la Radio et maintenant la Philharmonie, il n'y en a que toujours pour les mêmes : une analyse comparée des investissements de l'État entre Paris et les autres territoires serait intéressante...

J'adhère parfaitement à votre approche sociale des professions artistiques ; le sujet est effectivement important et nous manquons également ici de relations de travail avec la commission des affaires sociales. Mme la ministre nous a dit qu'elle réserverait le meilleur accueil à un amendement sur le cumul d'un emploi et d'une pension de retraite pour les auteurs, il faudra y être vigilant. J'observe que les documents budgétaires mentionnent une contribution de l'État aux régimes de retraites de la Comédie Française et de l'Opéra national de Paris. Il est tout à fait normal que ces artistes bénéficient de pensions de retraite, mais d'autres artistes qui ont travaillé longtemps dans d'autres établissements et qui ont cotisé pour des retraites complémentaires, trouvent leurs pensions bloquées ou minorées du fait d'ambiguïtés entre affiliation et assujettissement au régime dont ils dépendent.

Je partage votre plaidoyer pour les arts plastiques et j'y ajouterai les musiques actuelles, qui sont plébiscitées par le public mais pour lesquelles nous ne faisons rien ou presque : il y a 86 scènes importantes, mais nous consacrons à peine 9,7 millions d'euros pour les musiques actuelles, alors que des actions très peu dispendieuses peuvent avoir une grande utilité. Je pense, en particulier, à Skip the use , groupe du Nord : il n'a fallu que très peu de subventions pour les aider, pour leur mettre le pied à l'étrier. Il faut aller dans ce sens, il y a beaucoup à faire en la matière.

Enfin, je suis très attachée, tout comme vous, à la préservation des instruments réunissant culture et cinéma.

Mme Maryvonne Blondin . - Si Jean-Pierre Leleux aurait pu écrire ce rapport, je ne suis pas certaine qu'il en serait de même pour moi, car je ne peux me satisfaire d'un budget « préservé » quand je vois toutes les craintes qu'il inspire, et d'abord celle de voir les grands équipements franciliens absorber les crédits au détriment de nos territoires où, par exemple, les scènes nationales ont le plus grand mal à boucler leur budget. Même chose pour les scènes de musiques actuelles (SMAC) confrontées à la baisse des subventions des collectivités territoriales. Je suis devenue comme allergique à la Philharmonie et à ses demandes sans cesse renouvelées de rallonges... Je comprends qu'il faille terminer un chantier, mais jusqu'à quand faudra-t-il payer pour cet équipement ? Et quelle sera la participation de la Ville de Paris ?

S'agissant des arts plastiques et des plasticiens, il y a effectivement beaucoup à dire et à faire - mais ce budget évite soigneusement le sujet, tout comme celui des intermittents.

M. Philippe Bonnecarrère . - Je m'associe également aux réserves émises sur les amendements diminuant les ressources du CNC.

La « stabilisation » des crédits doit être mise en perspective, elle intervient effectivement après plusieurs années de recul et il faut compter aussi avec le repli annoncé des collectivités territoriales, qui participent beaucoup aux projets culturels. Voyez les contrats de plan État-région (CPER), leur volet culturel et patrimonial est souvent très riche, mais les moyens vont manquer ; on nous a dit, par exemple, que pour le soutien aux scènes nationales, aucun crédit nouveau ne serait attribué l'an prochain, au-delà de ceux déjà engagés : c'est très inquiétant.

S'agissant de la répartition territoriale des équipements culturels, je me souviens du « contrat moral » en faveur d'une pause sur les grands équipements effectivement implantés en Ile-de-France, auquel Aurélie Filippetti avait souscrit. Toutefois ces équipements devraient prévoir davantage de programmation en région : or je ne trouve nulle trace d'un tel engagement dans ce budget.

Enfin, vous ne faites nulle mention des intermittents, monsieur le rapporteur, alors que ce sujet est sur notre agenda. La semaine dernière, en audition, Mme la ministre nous a dit que la mission Archambaud travaillait à une solution pérenne : qu'est-ce à dire ? Et ne faudrait-il pas provisionner des crédits ? Sinon il n'y aura tout simplement aucun moyen pour la réforme ?

Pour toutes ces raisons, je suis très réservé sur ces crédits.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin . - Je soutiens notre rapporteur lorsqu'il s'intéresse au volet social de la situation des artistes ; cette question, du reste, est liée à celle des intermittents.

Je réserve notre vote sur les amendements, jusqu'à ce que nous ayons pu les examiner au sein de mon groupe. Je suis personnellement favorable aux deux premiers, mais je m'interroge sur le troisième : à qui profitent les crédits d'impôt ? Si l'on élève le plafond, ne va-t-on pas privilégier les grandes sociétés de production, qui profitent déjà tant du système de l'intermittence ?

M. David Assouline, rapporteur pour avis . - Effectivement, la question artistique et la question sociale sont étroitement liées, la grande majorité des artistes plasticiens doivent se résoudre à des conditions de vie difficiles, au seuil de pauvreté : ils le font par passion pour l'art, mais dans des conditions matérielles précaires, et je considère de notre devoir de faire tout ce qui est en notre pouvoir pour les aider - mes amendements vont dans ce sens.

Avec la commission des finances, nous constatons que tout est à recommencer à chaque renouvellement sénatorial. Nous étions parvenus à faire comprendre l'intérêt du fonds de soutien pour l'industrie cinématographique, pour l'économie de notre pays, mais nous devons expliquer à nouveau ces éléments - et je dois dire que je ne m'attendais pas à de tels amendements... C'est pourquoi j'aimerais que nous nous manifestions collectivement, au nom de la commission, pour bien marquer l'importance de notre engagement contre un nouveau prélèvement sur le fonds de roulement du CNC : peut-être pourrions-nous adopter une sorte de motion en ce sens.

S'agissant la Philharmonie, nous sommes tous d'accord pour dire que les surcoûts sont regrettables, nous nous en sommes tous émus. Mais, maintenant, il faut finir le chantier, personne du reste ne propose d'en rester là et de ne plus rien payer... C'est donc la dernière année de contribution exceptionnelle. La situation sera ensuite dans un cadre plus ordinaire.

Quant à la programmation « hors les murs », en région, je suis parfaitement d'accord avec vous : il faut accélérer les choses, je pense par exemple au Palais de Tokyo, qui n'a rien fait hors Paris depuis trois ans, alors que c'est explicitement dans la lettre de mission de la direction !

Enfin, si je n'ai pas parlé des intermittents, c'est que je n'ai pas lu la dernière page de mon intervention et que je ne vous ai pas exposé tout ce qui figure dans mon rapport, préférant, dans le temps imparti, me concentrer sur le budget.

Mme Sylvie Robert . - Merci à notre rapporteur pour la qualité de sa présentation. Je pense que nous pouvons effectivement nous féliciter du maintien des crédits même si un certain nombre de fragilités sont soulignées. Nous soutiendrons les amendements présentés par notre rapporteur car il faut préserver les outils vertueux tels que le CNV ou le CNC. Dans les éléments positifs que nous pouvons mentionner figure le maintien des crédits déconcentrés. Je partage vos réserves sur le taux de TVA applicable aux plasticiens et l'idée de travailler sur ce sujet me paraît excellente. Mais il me semble également important de mener une réflexion sur l'aménagement du territoire, au-delà de la question de l'équilibre entre Paris et les régions : il faut se pencher sur la situation à l'intérieur des régions pour étudier les leviers en matière de solidarités territoriales, que le ministère de la culture n'actionne pas aujourd'hui. Nous devons rester vigilants sur ce point.

M. Philippe Bonnecarrère . - J'ai omis de mentionner le crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE) : l'objectivité me conduit à préciser que son impact n'est pas négligeable. Notre collègue a posé la question en pensant aux sociétés de production mais nos acteurs culturels publics en bénéficient également puisque leurs budgets ne sont jamais que des charges salariales qui ouvrent droit à ce crédit d'impôt. L'évaluation de l'effet pour une scène nationale que je connais bien constitue une indication intéressante : le gain est de 40 000 euros pour un budget compris entre 2,5 et 3 millions d'euros.

M. David Assouline, rapporteur pour avis . - À qui profite le crédit d'impôt cinéma ? À l'ensemble des producteurs, à l'ensemble des films produits en France.

L'an passé, nous avons augmenté à 30 % le taux de crédit d'impôt pour les films à « petit » budget, c'est-à-dire de moins de 4 millions d'euros : c'est bien la production dans sa diversité qui est visée. Le relèvement du plafond bénéficiera effectivement aux films à plus gros budget, mais je ne crois pas qu'il faille opposer les uns aux autres, tous participent de l'activité cinématographique dans notre pays, tous créent de l'emploi en France... plutôt que chez nos voisins. C'est le sens de mon amendement : il ne faut pas décourager la production en France, c'est important et urgent.

M. Jean-Claude Luche, rapporteur pour avis des crédits du programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » de la mission « Culture » . - J'ai l'honneur de présenter pour la première année les crédits du programme 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ». Pour résumer mon analyse du budget pour 2015, je dirais qu'au-delà des crédits du programme, globalement préservés, les décisions du ministère de la culture révèlent un désengagement de l'État et un pilotage défaillant.

Les crédits sont préservés pour l'ensemble du programme, avec 1 099 millions d'euros en crédits de paiement soit une hausse très nuancée de 0,38 %. Cependant les évolutions sont très inégales d'une action à l'autre :

- ils sont en forte hausse (3,8 % à périmètre constant) pour l'action 1 relative à l'enseignement supérieur culturel qui bénéficie de 264 millions d'euros en crédits de paiement,

- ils baissent de 5 % au sein de l'action 2 malgré le renforcement des moyens destinés à l'éducation artistique et culturelle. En effet, 41 millions d'euros sont dédiés à l'éducation artistique et culturelle, dont 10 millions pour le plan pluriannuel éponyme qui bénéficiait de 7,5 millions l'année dernière ;

- les crédits baissent de 2 % encore au sein de l'action culturelle internationale mais sont confortés pour l'action 7 dédiée au fonds de soutien du ministère avec une augmentation de 29 équivalents temps plein travaillé. J'ajoute que 3,6 millions d'euros sont prévus pour 2015 au titre des mesures catégorielles et 7 millions pour la mesure de glissement vieillesse-technicité (GVT).

J'aimerais maintenant m'attarder sur la notion de désengagement de l'État qui est flagrante lorsqu'on analyse ce programme. L'illustration la plus évidente de mon propos est la suppression de l'action 3 qui regroupaient les crédits relatifs aux enseignements artistiques, accordés par les directions régionales de l'action culturelle (DRAC) aux communes pour le fonctionnement des conservatoires classés, soit 40 conservatoires à rayonnement régional et 102 conservatoires à rayonnement départemental. Je rappelle que les crédits de cette action devaient être sanctuarisés en attendant leur transfert aux départements et régions en application de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales. Plusieurs articles de cette loi organisaient la décentralisation des enseignements artistiques avec une répartition des compétences entre les collectivités territoriales et l'État.

Alors que nous étions sur le point de pouvoir enfin donner une nouvelle impulsion à cette décentralisation avec la réforme territoriale, le ministère a choisi de faire disparaître les crédits ou presque, puisque seuls 5,5 millions d'euros sont préservés mais au sein de l'action 1 relative à l'enseignement supérieur.

Nous observons aujourd'hui le résultat d'un processus engagé il y a trois ans. Rappelez-vous : dès le projet de loi de finances pour 2013, ils étaient passés de 29 à 22 millions d'euros. L'année dernière, leur montant était à nouveau diminué de 31 %, pour atteindre 15 millions. La suppression de l'action est donc la suite logique de ce désengagement réalisé sans aucune concertation avec les acteurs concernés.

J'ai rencontré l'association des directeurs des conservatoires de France : ils m'ont fait part des conséquences de ce désengagement de l'État, déjà observées sur le terrain en 2014. La première d'entre elles est relative à l'emploi : trois postes ont ainsi été supprimés au conservatoire à rayonnement départemental d'Orléans, quatre dans celui de l'Aveyron. Compte tenu des perspectives annoncées pour 2015, les directeurs s'interrogent sur la pertinence du classement des conservatoires qu'ils dirigent, et c'est la deuxième conséquence que je souhaitais évoquer. Ils estiment que ce classement induit des contraintes coûteuses qui n'ont plus nécessairement d'intérêt compte tenu de la disparition du soutien financier de l'État, perçu jusqu'alors comme une contrepartie. Enfin, ils sont très inquiets en découvrant la nouvelle logique du ministère qui attribuera les crédits résiduels aux conservatoires adossés à un pôle d'enseignement supérieur. En effet, les disparités entre territoires sont fortes et la dynamique d'intégration voulue par la loi dite du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche varie beaucoup selon les pôles. Aussi la rupture d'égalité a-t-elle été évoquée lors de mes auditions, ce qui me paraît particulièrement alarmant.

Désengagement, c'est le mot qui m'est également venu à l'esprit en découvrant le cas de l'école nationale supérieure des beaux-arts de Paris (ENSBA). Cette institution est non seulement la plus prestigieuse école d'enseignement des arts plastiques, mais c'est aussi un musée dont les collections ont été constituées à des fins pédagogiques.

Dans son dictionnaire inachevé des idées reçues, Gustave Flaubert donnait la définition suivante : « Hémicycle : Ne connaître que celui des Beaux-Arts ». Je peux vous dire que cela ne serait pas facile aujourd'hui car les lieux sont dans un tel état qu'il est désormais impossible d'y organiser les cours normalement, avec un système électrique devenu dangereux, un plafond d'amphithéâtre qui s'est récemment effondré, et des menaces de fermeture pour raison de sécurité.

Ce triste état des lieux intervient alors que la Cour des comptes a rendu public, le 3 février 2014, un référé très sévère à l'encontre de l'ENSBA portant sur les années 2001-2011. De nombreuses critiques y sont évoquées. Elles concernent le rayonnement international de l'école, les conditions de conservation des oeuvres, la politique éditoriale et d'expositions, et enfin la gestion administrative de l'établissement.

Malgré ce constat très alarmant, le ministère ne semble pas avoir considéré le cas de cet établissement comme une priorité. L'image de notre enseignement artistique dans le monde entier est en jeu, mais l'effort financier de l'état reste quasi identique, puisque la subvention n'augmente que de 300 000 euros pour atteindre 7,3 millions d'euros, après deux baisses successives en 2013 et 2014.

Au-delà de ce cas, qui me semble particulièrement important, c'est le pilotage de l'enseignement supérieur culturel qui semble faire défaut aujourd'hui. Permettez-moi d'évoquer la situation des écoles d'art, qui reflète cette carence de l'État. En effet, de nombreuses disparités existent entre :

- d'une part, les écoles nationales, désormais sous la double tutelle du ministère de la culture et celui du ministère en charge de l'enseignement supérieur et de la recherche ;

- d'autre part, les écoles territoriales, constituées en majorité sous forme d'établissements publics de coopération culturelle (EPCC), donc sous tutelle des collectivités territoriales, sous contrôle du ministère de la culture qui autorise à délivrer les diplômes nationaux.

Nous le savons depuis longtemps, les disparités entre ces deux types d'écoles constituent un handicap : les statuts des enseignants sont très différents et celui des enseignants des écoles territoriales ne prévoit pas de temps de recherche alors que les écoles sont tenues de structurer les activités de recherche afin de répondre aux recommandations du Haut conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (HCERES) et du Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche (CNESER).

La marge de manoeuvre financière est également très différente entre les deux types d'écoles, les écoles nationales ne pouvant aujourd'hui rémunérer convenablement leurs professeurs. Ces derniers sont payés entre 1 500 et 3 000 euros en fin de carrière, alors que chez nos voisins européens les salaires sont de 6 000 euros. Comment, dans ces conditions, favoriser le rayonnement international de nos établissements d'enseignement supérieur ?

Ce qui me semble regrettable, c'est que le rapport que nous avions demandé au Gouvernement dans le cadre de l'article 85 de la loi du 22 juillet 2013 n'a pas été rendu. Notre collègue Corinne Bouchoux n'a d'ailleurs, à ma connaissance, pas eu de réponse à sa question écrite sur le sujet, alors que le délai prévu par la loi était fixé au 30 juin 2014.

Je dois reconnaître que le ministère n'a pas tiré les conséquences de la réforme de l'enseignement supérieur puisqu'il n'a pas modifié son organisation interne. En effet, le secrétariat général n'a qu'un rôle de coordination au sein du ministère, mais le pilotage est laissé aux directions générales. Comment, dans ces conditions, relever tous les défis de l'enseignement supérieur culturel ? Il ne suffit pas d'augmenter les crédits comme c'est le cas pour 2015, ainsi que je viens de vous le démontrer.

Vous le constatez, malgré des crédits globalement préservés, l'analyse du programme 224 me paraît extrêmement alarmante.

Compte tenu de ces observations, je vous propose un avis défavorable pour l'adoption des crédits de la mission « Culture ».

Mme Marie-Annick Duchêne . - À la suite du rapport de notre présidente sur ce sujet, j'avais été moi-même alertée en temps voulu sur l'évolution possible des conservatoires en région. Très vite, nous nous sommes rapprochés d'une université afin que le conservatoire y soit adossé. Sur le plan stratégique, c'est la bonne démarche. Il est regrettable que d'autres conservatoires aient raté le coche, l'information ne leur étant pas parvenue à temps. Nous ne pouvons pas laisser tomber tous ces professeurs de musique qui tiennent leur maison à bout de bras. Le ministère de la culture et de la communication va très loin dans ses exigences, peut-être serait-il judicieux de donner à ces conservatoires quelques années supplémentaires pour se repositionner ?

Mme Marie-Christine Blandin . - L'état des lieux de ces écoles supérieures dressé par nos collègues Jean-Pierre Bordier et Cécile Cuckierman dans le cadre du groupe de travail de notre commission sur l'application de la loi relative aux EPCC avait produit le même constat : le statut d'EPCC, qui devait être un statut de désir commun, a été abusivement utilisé par l'État et parachuté autoritairement sur des structures pour lesquelles ce mécanisme n'était pas pertinent, d'où cette difficulté pour ces écoles de sortir de l'ornière en matière de budget, de rémunération et de statut de leurs enseignants.

M. David Assouline . - Nous partageons en grande partie l'état des lieux du rapporteur, nous accompagnons un certain nombre des critiques qui ont été formulées. Permettez-moi de demander une précision : comment procédera-t-on pour le vote de l'avis de la commission sur les crédits de la mission ?

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Nous nous prononcerons par un seul vote sur l'ensemble de la mission « Culture » qui regroupe les trois programmes que nous venons d'examiner. Chaque rapporteur émet un avis spécifique sur les crédits du programme qu'il présente. Il revient ensuite à la commission de se prononcer par un avis global sur l'ensemble de la mission.

M. David Assouline . - Même si nous partageons les constats du rapporteur sur ce programme, nous voterons globalement en faveur des crédits de mission.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Je vous proposerai volontiers, après les congés de fin d'année, d'auditionner dans le cadre d'une table ronde un certain nombre de directeurs de conservatoires représentatifs de nos territoires, car je pense que persiste une mauvaise connaissance ou appréciation de ces établissements qu'on qualifie encore parfois d'élitistes, alors qu'ils ont beaucoup changé, sont désormais plus tournés vers les pratiques amateurs et ont revu leurs méthodes qui étaient par le passé contestées et contestables. Il ne faut pas opposer éducation artistique et culturelle et enseignement artistique, c'est un continuum , une complémentarité nécessaire.

M. Jean-Claude Luche, rapporteur pour avis . - Je me réjouis de votre proposition car elle va nous permettre de mieux comprendre les objectifs et les perspectives d'avenir de ces conservatoires. Si on diminue les moyens de nos conservatoires, c'est bien notre développement culturel de demain qui est en jeu. Chaque collectivité a sa spécificité, il sera intéressant d'auditer et de croiser les différentes formules trouvées.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - J'avais déjà vivement alerté notre commission sur le risque que ces crédits disparaissent un jour, faute d'accord sur une décentralisation assumée collectivement par l'ensemble des élus en faveur d'une ambition pour les enseignements artistiques. Nous voilà désormais devant une réalité préoccupante telle que l'a présentée notre collègue.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Nous allons maintenant nous prononcer sur les amendements. Il faut bien noter que les amendements de la commission des finances seront examinés dans la partie recettes tandis que les crédits de la mission sont présentés en seconde partie du projet de loi de finances. Concernant la question du CNC, c'est la troisième année de ponction sur le fonds de roulement. Je tiens à rappeler que c'est antiéconomique puisque cela revient à dire aux producteurs « plus vous faites de films et moins cela a d'intérêt pour vous et pour la création ». Ce n'est pas un bon signe à envoyer et cela risque de pervertir le système sur le moyen terme. Je me suis déjà émue auprès de la commission des finances à ce propos. Je vous invite à alerter nos homologues dont le rapporteur général de la culture pour la commission des finances.

Je laisse M. Assouline présenter les amendements et me permettrai d'émettre une réserve sur le troisième.

M. David Assouline . - Je pense que le premier amendement a été suffisamment développé, il doit corriger une inégalité flagrante. Le taux de TVA à 10 % pour les artistes de la scène française n'est pas acceptable s'il est de 5 % pour les artistes des autres pays européens.

Le deuxième concerne l'écrêtement prévu par les amendements de la commission des finances. Il ne faut pas bouleverser le CNV et les petites salles, sachant que 35 % des fonds du CNV sont redistribués à ces dernières.

Le troisième porte sur le crédit d'impôt audiovisuel donnant un avantage comparatif aux producteurs hors de France par rapport aux producteurs français. En effet, le plafond est de 4 millions d'euros pour les producteurs établis en France et de 20 millions pour ceux établis hors de France. Certains producteurs français partent ainsi tourner de grands films à l'étranger. On attire des producteurs étrangers mais on ne sait pas retenir nos propres producteurs. Je suis en accord avec le commentaire de M. Leleux : le désavantage pour les caisses de l'État est compensé par les recettes fiscales et sociales liées aux tournages réalisés dans notre pays.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Je tiens à préciser que les amendements n° 1 et 3 sont gagés car il y a une perte de recettes pour l'État.

M. Jean-Claude Carle . - Nous ne sommes pas opposés sur le fond aux amendements de David Assouline mais je m'abstiendrai ainsi que mon groupe à cause du gage. Il y suffisamment de taxes et de prélèvements pour ne pas en ajouter de nouveaux.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Je suis personnellement favorable aux deux premiers amendements mais aurai une question concernant le troisième. Je pense que la question est justement soulevée, la localisation du tournage est un sujet important. Nos voisins européens se sont lancés dans des politiques d'exonération afin d'attirer des tournages sur leur sol. Le CNC nous a bien sûr sollicités à ce propos mais ces crédits d'impôt sont des produits d'appel, tandis que notre crédit national est davantage un crédit de soutien. L'année dernière, le plafond du crédit d'impôt a été relevé de 1 à 4 millions d'euros et nous avons relevé son taux de 20 à 30 % pour les films à petits moyens. L'objectif est de soutenir le film mais pas d'exonérer systématiquement tout une branche professionnelle. Je livre donc cette réflexion, c'est un sujet auquel il faudra être attentif.

M. David Assouline . - Je prends note de l'absence de désaccord sur le fond. M. Carle s'interroge, où entend-on prendre cet argent ? Vous connaissez la difficulté de l'exercice pour trouver l'exacte formule financière qui permette de respecter les exigences de l'article 40 de la Constitution. Je n'ai pas l'expertise de la commission des finances, je ne peux pas au moment où je vous parle trouver un mécanisme de redéploiement au débotté. Je vous fais donc la proposition suivante, et je m'y engage en tant que rapporteur : afin que cet amendement soit discuté en séance, car il serait utile que l'on aborde cette question de façon concomitante avec l'examen de la mesure qui vient d'être annoncée sur le crédit d'impôt international dans le prochain collectif budgétaire, je vous propose que cet amendement soit présenté en séance comme un amendement d'appel, pour ensuite le retirer parce que la formule de compensation n'est effectivement pas complètement sécurisée.

M. Jean-Claude Carle . - Nous nous abstiendrons de façon positive !

La commission adopte les amendements n° 1, 2 et 3.

Mme Marie-Christine Blandin . - Si j'entends bien, l'amendement 3 est biodégradable...

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Je vous rappelle que ces amendements, qui portent sur la première partie, n'affectent pas les crédits de la mission. Nous en venons au vote de l'avis de la commission sur les crédits de la mission. Concernant les amendements de la commission des finances, il faudra nous mobiliser en séance.

M. Philippe Bonnecarrère . - Je ne reviens pas sur l'argumentation que j'ai développée précédemment sur la combinaison de réduction des crédits culturels année après année, de la diminution des dotations des collectivités en matière culturelle et du fait que le volet culturel se trouve dangereusement écarté des contrats de plan État-région (CPER). Je reconnais que la décision sur cette mission n'est pas évidente, c'est un budget finalement assez gris, ni blanc ni noir. Ce budget fait l'objet d'une forme d'affaissement progressif où tous les opérateurs sont mis sous pression. Notre collègue Jean-Claude Luche a largement insisté sur cet aspect. J'ai le sentiment, en définitive, que le vrai problème de ce ministère est l'absence de priorisation : il veut tout tenir quand la situation ne le permet pas. L'affaissement de l'ensemble du dispositif serait regrettable. L'avis défavorable de notre groupe vise à inciter le ministère à mieux prioriser à l'avenir son budget.

M. David Assouline . - Ce qui a été marquant, pour tout le secteur de la création, c'est l'engagement du Premier ministre de ne pas réduire ces crédits. Je trouve que s'il y a un domaine où donner un avis défavorable revient à envoyer un mauvais signal, c'est bien celui-là. Face à cet effort de stabilisation, je trouve dommage de donner un avis défavorable.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin . - L'examen de ces crédits intervient dans un contexte particulier. La question de l'avenir des collectivités territoriales et des restrictions budgétaires auxquelles elles sont confrontées est importante. Les arbitrages en cours risquent de déboucher sur des décisions dont les conséquences pourraient être graves. Avec les restrictions imposées aux collectivités territoriales dans le domaine de la culture et la restriction apportée au budget des régions de 776 millions, je suis très inquiète.

Mme Corinne Bouchoux . - Bien que nous ayons des sujets d'inquiétude et de préoccupation, comme par exemple le statut des enseignants des écoles d'art, nous voterons favorablement car nous observons certains signaux positifs et encourageants.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Mes chers collègues, je vous propose de nous prononcer sur l'ensemble des crédits de la mission « Culture ».

La commission émet un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Culture » du projet de loi de finances pour 2015.

Nous devons aussi nous prononcer sur l'article rattaché 50 bis prévoyant l'affectation du produit d'un tirage du loto au profit du Centre des monuments nationaux (CMN).

La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 50 bis du projet de loi de finances pour 2015.

M. David Assouline . - Mme la présidente, serait-il possible, à titre d'information, de consulter notre commission sur les amendements de réduction de la dotation du CNC adoptés par la commission des finances ?

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Comme vous le constatez, nous sommes unanimement défavorables à ces amendements.

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Pour le programme « Patrimoines »

Ministère de la culture et de la communication

MM. Vincent BERJOT, directeur général, délégué interministériel aux archives de France, et Kevin RIFFAULT, sous-directeur

Centre des monuments nationaux

M. Philippe BELAVAL, président

Groupement français des entreprises de restauration de monuments historiques

MM. Didier DURAND, président, Marc-Henri MENARD, membre du bureau directeur, et Mme Catherine CHARBONNEAU, secrétaire générale

Pour le programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture »

Ministère de la culture et de la communication

Mme Lucie MUNIESA, secrétaire générale adjointe

École nationale supérieure des beaux-arts de Lyon

MM. Emmanuel TIBLOUX, directeur, Sylvain LIZON, directeur de l'École nationale supérieure d'arts de Paris-Cergy, et Mme Maud LE BARZIC, chargée de mission

Association des conservatoires de France

Mme Catherine BAUBIN, présidente, et M. Jean-Marcel KIPFER, directeur

École nationale supérieure des beaux-arts

M. Nicolas BOURRIAUD, directeur, et Mme Fabienne KLEIN, secrétaire générale

ANNEXES

Audition de Mme Fleur Pellerin,
ministre de la culture et de la communication

Le 12 novembre 2014

Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication. - Madame la présidente, mesdames et messieurs les sénateurs, je veux remercier votre commission pour son invitation à venir présenter devant elle le budget de la culture pour 2015. Permettez-moi, puisqu'il s'agit de ma première audition au Sénat, de vous féliciter, madame la présidente, pour votre élection à la présidence de cette commission. Nous avons travaillé ensemble par le passé sur les questions d'équité fiscale en matière de numérique, aujourd'hui une ambition majeure nous réunit à nouveau : la culture.

Venons-en à ce budget qui est l'objet de nos débats.

Après deux ans de baisse et de rationalisation en 2013 et 2014, le budget du ministère de la culture et de la communication est conforté pour les trois prochaines années. Il connaît même une légère augmentation de 0,33 % en 2015 s'agissant de l'ensemble des crédits budgétaires pour s'élever à 7,08 milliards d'euros.

Cette stabilisation est bien le signe d'une priorité donnée par le Gouvernement à la culture et aux médias, dans le contexte de finances publiques que l'on connaît.

C'est un signe fort donné à l'égard de l'ensemble des professionnels, des artistes, des hommes et des femmes qui oeuvrent au quotidien pour notre patrimoine et notre création. C'est un engagement puissant aussi vis-à-vis des collectivités locales : l'État ne se désengage pas et reste à leurs côtés pour porter les politiques culturelles sur l'ensemble des territoires C'est un enjeu essentiel pour moi puisque, comme vous le savez, la culture est un champ de responsabilité éminemment partagé entre l'État et l'ensemble des niveaux de collectivités locales. À l'heure où les débats à venir dans le cadre de la loi relative à la nouvelle organisation territoriale de la République (loi NOTRe), de même que ceux qui ont eu lieu lors du vote de la loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (MAPTAM), réinterrogent les modes de partenariat entre les collectivités et l'État et, à l'heure où la contrainte sur les finances publiques locales induit des retraits ou l'abandon de certains projets, il était indispensable de montrer que l'État continuera à prendre toute sa part.

Cette stabilisation du budget demandera de poursuivre les efforts, de maintenir des équilibres délicats. Mais elle permettra, en les hiérarchisant, de financer les priorités de mon action. Ces priorités transversales, j'ai déjà eu l'occasion de les évoquer lors de mon audition devant la commission des affaires culturelles il y a quelques semaines.

Il s'agit d'abord de repenser l'accès à la culture, en partant des pratiques culturelles des Français, et particulièrement des jeunes. Je suis heureuse aujourd'hui de pouvoir vous dire que le budget 2015 poursuit résolument l'effort en faveur de l'éducation artistique et culturelle qui aura vu ses moyens spécifiquement dédiés augmenter d'un tiers entre 2015 et 2012.

Il s'agit ensuite de renforcer l'excellence française pour en faire un instrument au service du rayonnement culturel de notre pays : le budget 2015 prévoit ainsi les moyens nécessaires à l'ouverture de la Philharmonie. Au-delà des questions, légitimes, sur le coût et l'avancement des travaux, c'est surtout un magnifique équipement d'excellence et de rayonnement qui permettra à notre pays de trouver une place sur la carte européenne et internationale des métropoles « qui comptent » en matière musicale. Engager, après deux années d'efforts importants, le processus de consolidation de nos opérateurs muséaux et patrimoniaux, c'est aussi leur permettre de poursuivre ou accélérer leurs initiatives comme le Centre Pompidou à Málaga ou le Louvre Abou Dhabi en faveur du rayonnement de nos collections et de nos savoir-faire à l'étranger.

Je souhaite enfin encourager le renouveau créatif, celui de nos artistes, de nos auteurs, de toutes nos industries culturelles. C'est pourquoi le budget 2015 préserve les crédits dédiés à la création dans son ensemble et met aussi l'accent sur les moyens dédiés aux écoles d'enseignement supérieur qui accueillent chaque année plus de 36 000 étudiants qui sont les créateurs de demain.

Ces grandes orientations se déclinent dans l'ensemble des politiques culturelles, multiples, que porte le ministère et que je souhaite vous présenter en commençant par les crédits de la mission culture.

Priorité à la jeunesse, il me semble important de pouvoir commencer mon propos par le programme transmission des savoirs et démocratisation de la culture qui permet de concrétiser deux priorités. La première, c'est la poursuite du plan en faveur de l'éducation artistique et culturelle. Il verra ses moyens augmenter pour atteindre 40 millions d'euros afin que les directions régionales des affaires culturelles (DRAC) - puisque cet argent, vous le savez, est déconcentré - puissent en particulier accompagner les collectivités locales et proposer des projets culturels de qualité sur le temps libéré par la réforme des rythmes scolaires : un tiers des activités proposées aux enfants concerne en effet une activité culturelle. C'est une véritable mobilisation de tous les acteurs de terrain, associations, bibliothèques, écoles de musiques, théâtres et compagnies, qui s'organise. Je souhaite que les DRAC soient encore plus présentes à leurs côtés. C'était un engagement : plus d'un tiers de ces crédits sont consacrés aux territoires issus de la cartographie prioritaire. C'est un choix politique que le Gouvernement assume. Car la culture joue un rôle majeur pour recréer du lien social et lutter contre les inégalités. C'est au fondement de la mission de ce ministère.

La seconde priorité est celle de l'enseignement supérieur, à commencer par les étudiants eux-mêmes, dont on connaît les conditions économiques parfois difficiles. J'augmenterai ainsi de plus de 14,5 % les bourses sur critères sociaux et les aides pour les étudiants, afin de ne pas fragiliser le recrutement des écoles parmi des populations à faible revenu. Il y va de notre responsabilité sociale. S'agissant des écoles elles-mêmes, le budget 2015 permettra de poursuivre la structuration des formations professionnalisantes. Pour mener à bien cet enjeu de structuration, j'ai dû faire le choix difficile de concentrer désormais les moyens sur les seuls conservatoires à rayonnement départemental et régional adossés à des pôles supérieurs d'enseignement du spectacle vivant, mission qui relève de la responsabilité de l'État. 2015 verra aussi, et j'en suis particulièrement heureuse, le lancement de nouveaux projets d'investissement, qu'il s'agisse de la création d'une école de la photographie à Arles ou de la modernisation nécessaire des écoles d'architecture de Marseille puis de Toulouse.

Des créateurs de demain aux créateurs d'aujourd'hui il n'y a qu'un pas. Le Premier ministre s'y était engagé dès le mois de juin dernier, les crédits du programme création sont consolidés, en 2015 mais aussi pour les trois années à venir. À l'heure où la mission tripartite de MM. Gille, Combrexelle et de Mme Archambault travaille avec l'ensemble des acteurs concernés sur des solutions viables et pérennes s'agissant du régime de l'intermittence, c'était un signe indispensable pour tous les professionnels de l'engagement de l'État en faveur de la création. Les moyens budgétaires alloués au spectacle vivant participent du reste à la structuration de l'économie de ce secteur et à l'amélioration des conditions d'emplois des artistes. On l'oublie trop souvent, mais ces moyens budgétaires représentent avant tout de l'emploi : l'aide aux compagnies, c'est la garantie de leur activité et de leur capacité à salarier les artistes. La commande publique est une source de revenus pour les auteurs et les plasticiens. Les subventions aux labels nationaux comme les centres dramatiques incluent des moyens de production qui, tout simplement, permettent de payer des artistes et des techniciens !

Je le disais en introduction, le budget de 2015 permet l'ouverture de la Philharmonie, un nouvel équipement de référence pour la diffusion musicale mais aussi pour la sensibilisation de nouveaux publics grâce à son programme éducatif ambitieux. Au-delà des vicissitudes de la fin du chantier, ce que marque ce budget 2015 est bien l'ouverture de l'établissement. Les crédits de l'État sont bien prévus, en matière de fonctionnement, la Philharmonie étant appelée à travailler, et c'est bien normal, dans un souci de synergie avec la Cité de la Musique et les structures musicales qu'elle accueillera.

D'un mot, j'évoquerai les arts plastiques, avec la rénovation des hôtels de Montfaucon et de Caumont qui accueilleront à Avignon la collection Lambert, plus grande donation faite depuis 20 ans en France, dont l'ouverture est prévue en juillet 2015.

Voilà, à grands traits, les points saillants des crédits budgétaires alloués au secteur de la création. Mes propos ne seraient pas complets si je n'évoquais pas avec vous la richesse des secteurs des patrimoines.

En matière d'archéologie, une subvention pour charge de service public de 5 millions d'euros sera mise en oeuvre pour l'Institut de recherches en archéologie préventive (INRAP). Il ne s'agit pas de modifier le régime de financement de cet opérateur dont nous aurons peut-être l'occasion de reparler - le ralentissement de l'économie, associé à la fin des difficultés dans les circuits de recouvrement, rend toujours l'équilibre financier de l'établissement fragile, mais bien de reconnaître pleinement l'existence des missions de service public qui lui sont confiées en matière scientifique comme territoriale.

Mais, plus généralement, en matière de patrimoines, l'État répondra aussi présent avec un maintien des crédits déconcentrés, soit plus de 224 millions d'euros s'agissant des monuments historiques, dont on sait l'importance pour les monuments, mais aussi pour l'emploi et l'activité économique de nos territoires. Du reste, et c'est un point saillant du budget 2015, grâce aux marges dégagées par la fin de grands chantiers décidée dès 2012, l'effort d'investissement peut aujourd'hui reprendre tout en s'accompagnant d'une vision plus structurée et plus rationnelle. Et ce grâce à l'élaboration de schémas directeurs d'entretien et de restauration qui se substituent progressivement à une logique d'opérations au coup par coup : l'État joue ainsi plus pleinement son rôle de contrôle scientifique et technique en se dotant d'outils plus efficaces et plus rationnels. Le schéma directeur de Versailles se poursuit, celui de Fontainebleau prend une nouvelle dimension opérationnelle alors que s'engagent les schémas du centre Pompidou et du Grand Palais.

L'amélioration de l'accueil du public sera également au coeur de nos priorités, avec la rénovation de l'accueil du musée de Cluny, la restitution au public de l'hôtel de la Marine grâce à la mobilisation des moyens et de l'expertise du Centre des monuments nationaux et de la Caisse des dépôts, le projet Pyramide du Musée du Louvre ou encore l'expérimentation de l'ouverture 7 jours sur 7, à l'horizon 2017, de trois grands musées nationaux très fréquentés que sont Versailles, le Louvre et le musée d'Orsay.

Même s'il s'agit d'un projet dématérialisé, c'est bien la meilleure accessibilité du public au patrimoine archivistique qui est aussi à l'oeuvre avec le projet interministériel de plateforme d'archivage électronique, dit VITAM. Grâce à la mobilisation des moyens des investissements d'avenir et suite à un travail de large coopération avec les ministères de la défense et des affaires étrangères, il permettra d'assurer la conservation des archives électroniques, de plus en plus importantes compte tenu de la dématérialisation croissante des décisions administratives. On aurait bien tort - c'en est un bel exemple - d'opposer patrimoine et modernité !

M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis des crédits du programme patrimoines . - Je vous remercie, madame la ministre, pour cette présentation, ainsi que pour l'annonce que vous avez faite d'une augmentation des crédits consacrés au patrimoine, qui revêt une grande importance pour notre pays, s'agissant de notre mémoire collective, mais aussi des emplois qu'il crée et maintient.

Je souhaiterais que vous nous donniez des informations sur les situations respectives de l'Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP) et du Centre des monuments nationaux.

M. David Assouline, rapporteur pour avis des crédits du programme création . - Même si, dans un contexte contraignant, le budget de la culture est inférieur à ce qu'il devrait être, force est de constater qu'il est stabilisé, en principe pour les trois ans à venir.

S'agissant du programme 131, les promesses ont été tenues et hors crédits alloués au chantier de la Philharmonie, nous aurions même pu observer une légère augmentation.

Le système de la taxe sur les spectacles, dont les recettes viennent principalement des grosses structures, telles que les Zénith ou le Palais omnisport de Bercy et qui alimente le Centre national de la chanson, des variétés et du jazz (CNV), est économiquement vertueux, dans la mesure où les sommes sont réemployées au bénéfice de lieux plus modestes. Je souhaitais vous interroger sur l'écrêtement actuel, fixé à 29 millions d'euros et que l'on peut considérer comme acceptable, sinon dans son principe, du moins dans son montant : pouvez-vous nous garantir un maintien à ce niveau dans les années qui viennent ?

La taxe sur la valeur ajoutée (TVA) appliquée aux oeuvres d'art importées est de 5 %, alors que celle imposée aux oeuvres créées en France est de 10 %. Ce protectionnisme inversé m'apparaît tout à fait anormal et je déposerai un amendement sur cette question.

De même, dans le secteur du cinéma, le crédit d'impôt proposé aux sociétés étrangères étant plus important que celui accessible aux entreprises françaises, celles-ci sont tentées de passer par l'international pour obtenir des conditions plus avantageuses : le plafond appliqué aux entreprises françaises devrait être relevé.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - En l'absence de notre collègue Jean-Claude Luche, rapporteur pour avis sur les crédits du programme Transmission des savoirs et démocratisation de la culture, je souhaiterais aborder la question de l'éducation artistique et culturelle et vous interroger sur l'articulation des actions respectives de votre ministère et du ministère de l'éducation nationale, ainsi que sur la cartographie des priorités susceptibles de se mettre en place en ce domaine, telles que la ruralité ou les activités péri-scolaires.

Par ailleurs, j'aimerais avoir des précisions sur l'avancée de la politique des pôles supérieurs d'enseignement du spectacle vivant, ainsi que sur la situation des conservatoires, dont certains pourraient être menacés par les diminutions de leurs subventions.

Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication . - M. Nachbar m'a interrogée sur la redevance d'archéologie préventive (RAP) qui s'applique aux travaux soumis à une étude d'impact et sur les travaux soumis à permis de construire et alimente l'Institut de recherches archéologiques préventives (INRAP), les collectivités agréées, ainsi que le fonds national d'archéologie préventive. La refonte de la RAP a été adoptée en deux temps, en loi de finances rectificative pour 2011 puis en loi de finances pour 2012 : effective à partir de 2013, elle n'atteindra son plein rendement qu'en 2016, après résorption des difficultés de liquidation rencontrées en 2014, qui ont quelque peu menacé l'équilibre financier de l'INRAP, au point que le ministère de la culture a dû lui consentir à des avances de trésorerie. Aujourd'hui les circuits d'ordonnancement et de liquidation fonctionnent.

La double mission du Centre des monuments nationaux consiste à conserver les monuments appartenant à l'État tout en les ouvrant au public - lorsque c'est possible - à l'instar du fort de Brégançon, récemment, ou de l'hôtel de la Marine en 2017. La subvention d'investissement passe de 18 à 18,5 millions d'euros et sa subvention de fonctionnement passe de 6 à 9 millions d'euros.

À M. Assouline qui m'interrogeait sur le CNV, je voudrais préciser que nous préparons un certain nombre de mesures en faveur de la filière musicale pour la diversité culturelle et pour l'émergence de nouveaux talents avec des aides, non pas seulement aux « majors » mais aussi aux petites entreprises du secteur. Le CNV sera un outil essentiel de notre politique et j'ai pu obtenir en réunion interministérielle que la taxe qui lui est reversée ne soit pas écrêtée. Plus précisément, le plafond de la taxe sera déterminé en fonction de son rendement, afin de préserver les ressources des bénéficiaires : en 2014, les recettes attendues se situant entre 28,3 et 28,8 millions d'euros, le plafond sera fixé à 29 millions. Les recettes prévisibles en 2015 s'élevant à environ 30 millions d'euros, le plafond évoluera en conséquence.

Je suis en plein accord avec ce que vous avez rappelé s'agissant de la TVA appliquée aux oeuvres d'art. Je n'ai pas, à ce jour, la possibilité de proposer un amendement sur ce point, ceci d'autant moins que nous ne disposons pas encore de données fiables sur la perte fiscale qu'un retour au taux antérieur représenterait. Mais nous y travaillons.

S'agissant du crédit d'impôt cinéma, et face à la mobilité des tournages, j'ai fait un certain nombre de propositions visant à rendre notre dispositif aussi attractif que les dispositifs mis en place à l'étranger. Elles n'ont pu être prises en compte, pour l'instant, mais cela fait partie de mes objectifs.

En matière d'éducation artistique et culturelle, Mme la présidente, Najat Vallaud-Belkacem et moi-même sommes en train d'élaborer une feuille de route conjointe, qui sera présentée en décembre, visant à réduire les difficultés qui, dans le passé, ont pu nuire à une collaboration fructueuse entre nos deux ministères. Mon action va notamment se concentrer sur le temps péri-scolaire qui m'apparaît être un temps à privilégier pour ce type d'apprentissages.

Vous avez aussi évoqué la cartographie prioritaire, dont nous souhaitons qu'elle accentue les efforts consentis en direction des zones d'éducation prioritaires urbaines, mais aussi des zones rurales : j'assisterai la semaine prochaine aux assises de la ruralité.

Il existe aujourd'hui sept pôles d'enseignement supérieur du spectacle vivant et le prochain sera créé à Aix-Marseille.

J'évoquerai enfin les crédits recentrés des enseignements spécialisés, qui n'ont pas encore pu être attribués aux collectivités comme le prévoyait la loi de 2004, faute d'avoir trouvé un accord sur le niveau de décentralisation pertinent, que ce soit la ville ou la région.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - J'appelle maintenant un orateur représentant chaque groupe à s'exprimer, dans la limite des trois minutes que nous avons fixées ce matin lors de la réunion du bureau de la commission.

Mme Françoise Férat . - Ma question ne porte pas directement sur les crédits, il s'agit davantage d'une question politique.

Nous avions déposé, avec mon collègue Jacques Legendre, une proposition de loi portant sur le patrimoine, qui devait être intégrée et étoffée dans un projet de loi porté par le ministère de la culture. Auriez-vous un calendrier prévisionnel à nous communiquer au sujet de ce projet de loi que l'on annonce depuis longtemps déjà ?

Par ailleurs, la presse s'est faite l'écho d'un possible financement du CMN par prélèvement sur les gains d'un tirage exceptionnel du Loto. Quel est votre sentiment à ce sujet ?

Mme Maryvonne Blondin . - Le budget de la création est préservé et nous en sommes tous heureux. Néanmoins, des interrogations demeurent, notamment en ce qui concerne les intermittents du spectacle, sujet sur lequel notre commission a beaucoup travaillé.

Vous avez évoqué l'augmentation du budget des établissements supérieurs. Avez-vous des informations sur le devenir des étudiants à l'issue de leurs études? Comment les aider dans leurs réalisations concrètes ?

La Philharmonie de Paris a été récemment évoquée dans la presse sous un titre évocateur : « Paris en disharmonie avec sa philharmonie ». Il semblerait que la Ville de Paris ait du mal à compléter le surcoût phénoménal de construction de cette structure. Avez-vous des éclaircissements à nous donner sur ce sujet ?

Les crédits du Fonds de soutien à l'expression radiophonique locale pour l'année 2014 font l'objet d'une mise en réserve à hauteur de 7 % de l'autorisation budgétaire. Cette mise en réserve sera-t-elle levée d'ici la fin de l'exercice ?

En ce qui concerne le projet de loi relatif au patrimoine et à la création, comptez-vous y intégrer les pratiques amateurs, qui sont particulièrement développées dans certaines régions et notamment en Bretagne ?

Enfin, pouvez-vous nous communiquer des informations sur la mise en place des conférences territoriales de l'action publique (CTAP) dans le domaine de la culture ?

M. Pierre Laurent . - Vous nous avez présenté la stabilisation pour les trois années à venir de crédits qui ont pourtant reculé deux années de suite. Je n'y vois pas là un motif de satisfaction. Je suis également préoccupé par la baisse programmée des budgets des collectivités territoriales, qui constituent l'autre pilier du soutien à la politique culturelle, et qui laisse présager une diminution de la dépense globale en faveur de la culture.

J'ai deux questions à vous soumettre. Premièrement, quid de la grande loi sur la création artistique ? Un calendrier est-il envisagé ? Va-t-on enfin pouvoir parler sérieusement d'ambition culturelle et non plus seulement de rigueur budgétaire ? J'espère que nous pourrons, dès 2015, avoir ce débat qui n'a toujours pas eu lieu. Cela constitue un motif de préoccupation des professions artistiques, en tout cas de tous ceux que j'ai eu l'occasion de rencontrer.

Par ailleurs, l'échéance de décembre prochain, promise pour la remise du rapport de la mission sur les intermittents du spectacle, approche à grands pas. Il s'agit là d'une échéance cruciale, puisque, au cas où elle ne déboucherait pas sur une véritable solution, nous risquons de nous retrouver dans une impasse. Quel est votre sentiment à ce sujet ? Les travaux d'expertise se poursuivent, mais pensez-vous que l'on se dirige vers une solution satisfaisante ?

Mme Marie-Christine Blandin . - J'ai trois courtes questions. Tout d'abord, au sujet de l'évolution des crédits : si l'on ne considère pas les sommes consacrées au fonctionnement de la Philharmonie de Paris, ce budget est-il toujours en augmentation ?

En ce qui concerne l'éducation artistique et culturelle, nous avons bien compris que vous faisiez du développement des activités sur le temps périscolaire votre priorité. Néanmoins, le ministère de la culture financera-t-il encore des activités organisées dans le temps scolaire obligatoire ?

Enfin, en ce qui concerne les intermittents du spectacle, je considère qu'il ne peut y avoir de culture sans artistes. J'ajouterai un sujet qui nous préoccupe particulièrement, à savoir les retraites et la couverture sociale des intermittents et notamment des artistes. En effet, les artistes ont la particularité de cotiser deux fois : tantôt en tant que salariés, mais sans jamais atteindre le plafond nécessaire pour l'ouverture de droits, tantôt auprès de l'association pour la gestion de la sécurité sociale des auteurs (AGESSA). Cette double cotisation ne leur rapporte quasiment rien. La loi sur la création devait prévoir une solution à ce problème. De plus, les amendements déposés en ce sens à l'occasion du projet de loi de finances pour 2015 ont tous été déclarés irrecevables au titre de l'article 40 de la Constitution, alors que cela ne coûterait pas un centime aux collectivités et à l'État. Seul le Gouvernement est en mesure de déposer cet amendement en faveur de la retraite des artistes percevant des droits d'auteur.

M. Jean-Pierre Leleux. - J'interviendrai tout à l'heure sur la mission médias, livre et industries culturelles. Ma question porte sur le cinéma et plus particulièrement sur l'évolution de la chronologie des médias. Le débat est ouvert depuis très longtemps sur son éventuelle remise en cause. Quelle est votre position à ce sujet ?

Une demande émane de producteurs de spectacle vivant, visant à créer un droit sui generis afin de tenir compte de la multiplication des captations et des diffusions de leurs spectacles, notamment sur Internet et sur les réseaux sociaux, qui échappent en partie à ce qu'ils considèrent comme un droit à percevoir. Qu'en pensez-vous ?

Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication . - Le projet de loi sur la création devrait être examiné en première lecture au printemps prochain. Il comportera deux grands volets : l'un sur la création, où nous affirmerons notre attachement aux grands principes liés à la liberté de la création, aussi bien qu'au soutien public à la création, à la protection sociale des artistes et à l'accessibilité des oeuvres ; le second volet portera sur l'architecture et le patrimoine, avec des mesures visant la préservation et la valorisation du patrimoine, les espaces protégés. Ce sera également l'occasion de mener un débat sur la place de l'architecture actuelle dans les politiques urbaines.

Je suis très attachée aux pratiques amateurs, parce qu'elles comptent dans la vie de nos concitoyens, pour leur vie quotidienne aussi bien que comme vecteur d'accès à la culture et aux vocations artistiques. À ce stade, le projet de loi ne comporte pas de mesures sur ces pratiques, il n'y a pas eu de concertation avec les professionnels, mais il y a effectivement matière à débat, en particulier pour sécuriser le bénévolat.

Un tirage spécial du Loto pourrait-il abonder les crédits consacrés au patrimoine ? À l'Assemblée nationale, le Gouvernement a accepté un amendement, venu des bancs de l'opposition, pour remettre au Parlement avant mars 2015 un rapport sur la possibilité « d'affecter au Centre des monuments nationaux les bénéfices d'un tirage exceptionnel du Loto réalisé à l'occasion des Journées européennes du patrimoine » : c'est dire que nous ne sommes pas fermés aux propositions utiles de l'opposition, nous y travaillerons, en regardant notamment les expériences de nos voisins britanniques.

La question de l'avenir professionnel des étudiants en écoles d'art et en écoles du spectacle est évidemment centrale ; l'activité artistique et des métiers du spectacle se développe, mais le nombre d'étudiants a progressé plus vite encore depuis une dizaine d'années : le travail est donc à partager entre un nombre toujours plus grand de professionnels ; c'est bien pourquoi nous devons faire connaître les spectacles, soutenir les festivals : la solution est du côté de l'activité.

La fin du chantier de la Philharmonie de Paris rencontre, effectivement, des difficultés. Ce qu'il faut assurer cependant, maintenant que nous ne sommes plus qu'à deux mois de l'échéance, c'est que l'ouverture de cet équipement exceptionnel soit une réussite : les meilleurs acousticiens du monde y ont travaillé, nous avons là de quoi être fiers, Paris est au centre de l'attention comme il l'a été avec l'ouverture de la Fondation Louis Vuitton, du Musée Picasso restauré, de la Foire internationale d'art contemporain (Fiac). Le projet avait été sous-dimensionné, les ultimes dépassements sont évalués à 45 millions : le Gouvernement s'est engagé à les prendre en charge pour tenir les délais et que l'ouverture ait lieu comme prévu.

Le Fonds de soutien à l'expression radiophonique local est effectivement abondé par des crédits budgétaires et non par une taxe affectée. À ce titre, il subit la mise en réserve de 7 % des crédits, dont j'espère, comme vous, un dégel très rapide.

S'agissant des intermittents, la mission de concertation confiée à Hortense Archambault, Jean-Denis Combrexelle et Jean-Patrick Gille poursuit ses travaux. Une première étape a été franchie, chacun s'accordant désormais sur les chiffres, ce qui était nécessaire pour évaluer l'impact de toute mesure portant sur l'indemnisation ; la mission rendra son rapport en décembre, comme prévu.

Les nouveaux moyens consacrés à l'éducation artistique et culturelle hors temps scolaire, ou pendant le temps périscolaire, n'enlèvent rien à ceux des actions conduites pendant le temps scolaire : les options facultatives, l'éducation à l'image, tout ce qui existe actuellement est maintenu.

Le programme 131 est en légère hausse, même hors dépenses exceptionnelles pour la Philharmonie de Paris : c'est bien comme cela qu'il faut lire les chiffres.

La possibilité pour les auteurs de cumuler leur retraite et un emploi est effectivement un sujet, il faut y travailler et nous examinerons l'amendement que vous nous annoncez, monsieur Assouline.

La chronologie des médias relève d'un accord interprofessionnel, je crois pouvoir dire que l'ensemble des professionnels conviennent qu'il faut aménager la chronologie actuelle, pour l'adapter à l'évolution des usages. Les négociations se poursuivent sur un plan très concret et le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) joue le rôle qui doit être le sien, celui de facilitateur.

Enfin, l'Inspection générale des affaires culturelles n'a pas jugé utile de définir un droit sui generis pour les captations vidéos de spectacles : la question n'est pas à l'ordre du jour.

Mme Sylvie Robert . - Quelles conséquences le projet de loi pour une nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) aura-t-il sur l'organisation des politiques culturelles ? Des conférences territoriales de l'action publique se sont-elles saisies de ce sujet ? La culture a-t-elle fait l'objet d'une demande de délégation de compétence ? Comment les services déconcentrés de l'État vont-ils évoluer ?

Mme Françoise Cartron . - Vous évoquez de nouveaux moyens pour l'accompagnement des nouveaux rythmes scolaires : feront-ils l'objet d'une ligne spécifique, par exemple au sein des crédits des DRAC ? Viseront-ils les lieux, ou les compagnies ? Où pourra-t-on s'adresser ? Quelle en sera la répartition dans les territoires ?

Ensuite, quelle conséquence la loi NOTRe aura-t-elle sur les fonds régionaux d'art contemporain (FRAC) : suivront-ils l'évolution des DRAC ?

M. Christian Manable . - Les centres culturels de rencontres (CCR), au carrefour de la création actuelle et de la valorisation du patrimoine, sont des outils tout à fait intéressants pour développer la culture dans les territoires - je pense à celui que j'ai quelque raison de bien connaître, le CCR Saint-Riquier, en baie de Somme. Cependant, les CCR anciens touchent davantage de subventions que les jeunes, alors que les opérations les plus récentes ont besoin le plus de soutien, surtout lorsque les réhabilitations ont été coûteuses : pourquoi cette prime à l'ancienneté dans les subventions ?

M. Jacques Grosperrin . - Les crédits de la culture sont-ils « sanctuarisés », le train de réformes avance-t-il à bon rythme ? En réalité, les crédits n'ont pas cessé de diminuer ces dernières années et les réformes ont été constamment reportées, à l'instar de la loi « création » que vous nous annoncez maintenant pour le printemps prochain... Une question, cependant : pourquoi les crédits reculent-ils pour le spectacle vivant alors qu'ils se maintiennent pour les arts plastiques ? N'est-ce pas le signe que, dans tous les cas, vous comptez sur les collectivités territoriales pour suppléer l'État ?

Mme Nicole Duranton . - Héritières de la décentralisation culturelle et fruit de la coopération entre l'État et les collectivités locales, les quelque 70 scènes nationales forment le premier réseau pour la production et la diffusion de spectacles vivants dans notre pays. Cependant, leurs directeurs - et directrices - s'inquiètent des conséquences de la loi NOTRe : un transfert à la région est-il à l'ordre du jour ? Ce serait la fin pour plusieurs scènes nationales... Que leur répondez-vous ?

Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication . - Le projet de loi NOTRe revient sur la clause générale de compétence, mais la culture y est explicitement inscrite parmi les compétences partagées : l'État et les collectivités territoriales auront à en débattre au sein des conférences territoriales de l'action publique (CTAP), c'est cohérent avec les pratiques en cours depuis de nombreuses années. Des CTAP se sont déjà saisies du sujet : la région Bretagne, par exemple, demande à exercer la compétence Livre et Cinéma, dans le cadre du Pacte d'avenir pour la Bretagne.

Les services déconcentrés de la culture évolueront, je l'ai dit aux préfets et aux directeurs régionaux. Cependant, l'échelon administratif de proximité restera indispensable à la mise en oeuvre des politiques nationales, c'est particulièrement vrai pour la culture. Les services auront donc tout leur rôle à jouer pour cette proximité, autant que pour l'expertise des politiques publiques ; il est possible, aussi, d'adapter les interventions aux territoires : par exemple pour intervenir davantage dans les « zones blanches », peu couvertes par l'offre culturelle, tout ceci fera l'objet de négociations.

Il n'est pas prévu de décentraliser les scènes nationales ; cependant, si une collectivité demande la compétence, il en sera débattu en CTAP.

Les FRAC viennent de fêter leur 30 e anniversaire, c'est un acquis des politiques culturelles de l'État et des régions, en témoignent les quelque 25 000 oeuvres qu'ils ont achetées et qu'ils conservent ; la nouvelle carte régionale les renforcera, en particulier pour la circulation des oeuvres d'art : ce sera un atout, plutôt qu'un affaiblissement.

Les CCR les plus anciens reçoivent effectivement davantage de subventions, parce que l'État les a créés seuls, dans des bâtiments qui lui appartiennent et dont il a la charge - par exemple la chartreuse de Villeneuve-lès-Avignon.

S'agissant de la mission médias, presse et industries culturelles, l'augmentation est de 0,42 % avec près de 4,4 milliards de crédits. Le CNC pourra quant à lui pleinement utiliser l'ensemble de ses ressources, sans qu'aucune ponction ne soit effectuée sur ses réserves.

Là encore, la mission médias matérialise parfaitement les grandes ambitions politiques que j'ai souhaité mettre en avant avec ce budget.

Un exemple, que j'évoquais en ouverture de mon propos : celui de la nécessité de renforcer l'excellence française pour en faire un instrument au service du rayonnement culturel de notre pays. La mission média illustre parfaitement cette priorité, puisqu'elle comporte de nombreux champions nationaux, si l'on songe à l'Agence France-Presse (AFP) ou à notre modèle de financement cinématographique.

Un mot de chaque secteur de cette mission budgétaire afin de vous en donner les grandes lignes et rappeler nos priorités et l'ambition du Gouvernement.

Dans le secteur audiovisuel, en cohérence avec la loi de novembre 2013 confiant à nouveau au Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) le pouvoir de nommer les présidents des sociétés de l'audiovisuel public, le Gouvernement a fait le choix de renforcer l'indépendance financière de ces sociétés en réduisant progressivement la part de leur financement public reposant sur le budget général qui aura disparu en 2017. La diminution de 102,7 millions d'euros de subvention de 2015 sera compensée par la hausse des apports de la contribution à l'audiovisuel public (redevance) qui progressera de 3 euros en 2015 en métropole et de 1 euro en Outre-Mer. Par ailleurs, comme vous le savez, une réintroduction de la publicité en soirée sur les antennes nationales du service public n'a pas été retenue pour l'année 2015 car elle aurait, sans étude d'impact préalable solide, potentiellement déstabilisé un secteur audiovisuel confronté à un marché publicitaire en crise et à l'arrivée de nouveaux acteurs réinterrogeant leur modèle économique. Parallèlement, comme l'a annoncé le Président de la République, une réflexion doit être engagée sur la modernisation du financement de l'audiovisuel public au-delà de 2015, le Parlement y sera évidemment associé.

La stabilisation des crédits de l'audiovisuel public sur les trois prochaines années nécessitera de la part des sociétés un réel effort de maîtrise et d'économies, compte tenu de la progression automatique de certaines de leurs charges. Cependant, il ne remettra pas en cause leur capacité à assurer leurs missions : ainsi, les grands équilibres des contrats d'objectifs et de moyens de France Télévisions et de France Médias Monde sont respectés, les dotations publiques à Radio France et Arte sont stables ou en légère progression, et la dotation de l'Institut national de l'audiovisuel (INA) retrouve un niveau proche de celui de 2013, après la diminution exceptionnelle de 20 millions d'euros de l'an passé compte tenu du prélèvement sur son fonds de roulement. Le Président de la République souhaite, par ailleurs, que l'État clarifie sa vision stratégique du rôle et des missions de France Télévisions à l'horizon 2020, avant que le CSA ne nomme le président ou la présidente du principal opérateur du service public de l'audiovisuel au printemps prochain. Mes services et ceux du ministère des finances engagent ce travail sur lequel vous serez bien entendu consultés.

Dans le secteur du cinéma, le Gouvernement n'affectera pas les capacités d'action du CNC par un prélèvement sur les réserves de l'établissement. De même, il ne sera procédé à aucun plafonnement des taxes prélevées sur le marché de la diffusion cinéma et audiovisuelle, conformément à la décision prise dès son arrivée par la majorité de restaurer l'intégrité du modèle de financement mutualiste du fonds de soutien au cinéma et à l'audiovisuel. Au contraire, afin de prendre en compte le recul prévisionnel de 10 % des recettes attendues du CNC par rapport au budget primitif 2014, l'établissement sera autorisé à puiser dans sa réserve de solidarité pluriannuelle pour amortir l'impact conjoncturel de cette baisse sur les investissements du secteur et éviter ainsi un effet récessif préjudiciable à la diversité de la création et à l'emploi.

L'année 2015 sera pour le CNC l'occasion de poursuivre les actions de modernisation des soutiens cinématographiques et audiovisuels, pour soutenir la création, promouvoir la diffusion sur tous les supports d'oeuvres françaises dans toute leur diversité, consolider les entreprises et renforcer leur compétitivité y compris à l'export, et rendre plus transparentes les relations entre professionnels. 2015 verra aussi la mise en oeuvre effective, après autorisation de la Commission, des dispositifs de soutien automatique et sélectif en faveur de la vidéo à la demande, dont l'objectif est de mieux structurer l'offre légale française, pour favoriser notamment la meilleure visibilité pour le public.

Un autre des enjeux qu'il nous appartiendra collectivement de relever dans les mois à venir est celui de la mutation structurelle du secteur de la presse. Conformément à l'engagement du Président de la République, l'année 2014 a été consacrée à la réforme des dispositifs des aides à la presse élaborée en 2013 : désormais, le fonds stratégique pour le développement de la presse est modernisé en faveur de la transition numérique, par un décret de juillet dernier. Nous ne distinguons plus aujourd'hui entre la presse papier et la presse en ligne car, comme le Gouvernement a eu l'occasion de l'affirmer lors de l'abaissement du taux de TVA aux services de presse en ligne, il n'existe pas de distinction fondamentale entre les supports d'accès à l'information : le principe de neutralité technologique doit s'appliquer. De même, le fonds stratégique privilégie désormais les projets mutualisés - c'est indispensable à l'heure de la contraction des volumes que nous constatons - de même qu'il s'est adjoint des compétences d'experts en matière numérique, afin d'être plus pertinent et plus réactif dans le choix des projets financés. Parallèlement, les critères de l'aide au portage ont été refondus, conformément aux engagements : si l'année 2014 est bien une année de transition, le dispositif créé met fin à la distinction, si souvent critiquée, entre aide au flux et aide au stock. Afin de mutualiser les outils de production, l'aide est désormais versée aux réseaux de portage eux-mêmes, et elle est bonifiée en cas de portage multi-titres. De la même manière, l'aide versée aux éditeurs prend désormais davantage en compte l'évolution des volumes portés, tout en étant plus prévisible : c'est désormais, je crois, une aide plus intelligente et plus efficace pour faire évoluer les comportements économiques.

Il n'en reste pas moins que des enjeux d'ampleur attendent la presse dans les mois qui viennent, notamment dans le domaine de sa diffusion : les travaux d'inspection menés conjointement par l'Inspection générale des affaires culturelles (IGAC), l'Inspection générale des finances (IGF) et le Conseil général de l'économie, de l'industrie, de l'énergie et des technologies (CGIET) sur l'avenir de la diffusion, chargé de faire des propositions de schéma industriel soutenables pour les trois réseaux actuels de diffusion, le portage, le postage et la vente au numéro sont en cours de finalisation. La chute des volumes constatée depuis deux ans, de près de 10 % par an pour la vente au numéro s'agissant de la presse quotidienne nationale (PQN), de 3 à 5 % pour les autres acteurs, ne sera pas soutenable pour la filière si l'ensemble de celle-ci n'engage pas des réformes à la hauteur des enjeux. Car ce sont bien les éditeurs eux-mêmes et les autres acteurs de la filière qui ont en main les conditions de leur mutation. Cela passe par l'ouverture résolue des réseaux de portage, par une mutualisation des moyens à la disposition des messageries - je ne peux qu'insister pour que les travaux engagés entre Presstalis et les Messageries lyonnaises de presse (MLP) autour de leur système d'information commun accélèrent leur résultat afin de générer les économies et les améliorations de services attendues par tous. Cela passe aussi par une recherche de plus grande efficacité économique du postage : les travaux en cours entre La Poste et la presse magazine doivent porter leurs fruits. Dans ce contexte, les moyens en faveur des différents réseaux de diffusion de la presse sont préservés en 2015, dans mon budget ou dans celui de mon collègue en charge de l'économie.

Les moyens en faveur du pluralisme sont également préservés.

Mais dans ce contexte de forte mutation, l'État a souhaité concentrer ses moyens en faveur de la qualité de l'information : c'est le sens de la priorité appuyée du Gouvernement à l'Agence France-Presse (AFP) qui verra ses moyens augmenter de 5 millions d'euros en 2015. Ce soutien budgétaire est un élément d'un soutien plus large à ce champion national que constitue l'AFP, l'une des trois seules agences de presse d'échelle mondiale. Non seulement l'agence participe pleinement du rayonnement de notre pays à l'étranger mais elle permet à l'ensemble de nos journaux, y compris sur les théâtres difficiles d'opération où les éditeurs peinent désormais à envoyer leurs journalistes, de disposer d'une information de qualité. L'année 2014 a ainsi permis de sécuriser le financement public de l'agence au plan communautaire, et d'élaborer, grâce aux travaux du député Michel Françaix, les voies et moyens d'assurer la nouvelle vague d'investissements nécessaires à la complète mutation numérique de l'agence. Le contrat d'objectifs et de moyens de l'AFP qui devra être signé avant la fin de l'année traduira l'ambition que nous avons collectivement pour le devenir de l'agence.

Mes propos ne seraient pas complets si je n'évoquais pas avec vous les crédits en faveur des industries culturelles. Les crédits de la Haute autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi) sont maintenus cette année au même montant que ceux de l'année dernière, 6 millions d'euros. Ce montant a été retenu, en tenant compte de la situation financière globale de cette autorité administrative qui pourra encore, en 2015, et même s'il s'agit probablement là de la dernière année où cette solution pourra être retenue, prélever sur son fonds de roulement pour assurer le financement de ses missions.

En matière de livre et de lecture enfin, je suis heureuse que ce programme puisse illustrer, après deux années d'efforts très importants, une reprise des capacités d'investissement du ministère de la culture. L'avancement du grand chantier de remise aux normes du site Richelieu de la Bibliothèque nationale de France (BnF) pèse désormais moins sur notre budget. Cette marge de manoeuvre sera redéployée, à la fois pour augmenter la dotation dédiée aux travaux de maintenance, de renouvellement et de mise en sécurité des installations du site de Tolbiac : une enveloppe exceptionnelle de 18 millions d'euros sera dégagée en trois ans. C'est l'un des objectifs importants du contrat de performance signé avec l'établissement cette année. Les autres axes concernent notamment la poursuite des chantiers d'excellence que mène la bibliothèque en matière numérique, l'enrichissement continu de Gallica du fait de la politique de numérisation mais aussi de développement du dépôt légal numérique, l'élaboration des outils de référencement international des métadonnées, capacité d'expertise et de coopération pour l'ensemble des bibliothèques universitaires et de lecture publique de notre pays. Ce budget triennal permettra aussi, j'en suis très heureuse, le lancement du projet de rénovation de la Bibliothèque publique d'information (BPI), afin d'améliorer les conditions d'accueil du public, en lien avec le Centre Pompidou et de redonner à la BPI son rôle central d'animateur du réseau des établissements de lecture publique. Alors que l'année 2013 et le début de l'année 2014 ont pu voir se concrétiser la priorité présidentielle en faveur des librairies indépendantes, l'année 2014 a été consacrée aux bibliothèques : ce budget en est la traduction concrète pour les deux établissements publics de l'État.

Voilà ce que je voulais dire à ce stade avant que nous n'entrions dans le temps de la discussion et des réponses aux questions que vous voudriez me poser.

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis des crédits du programme audiovisuel et avances à l'audiovisuel public . - Un débat est aujourd'hui ouvert sur l'élargissement de l'assiette de la contribution à l'audiovisuel public à tous les supports qui permettent de recevoir les émissions de télévision. Que pensez-vous de la réforme adoptée en Allemagne qui, depuis janvier 2013, applique une redevance uniforme à hauteur de 17,98 euros par mois à chaque foyer fiscal ? Une telle évolution serait-elle envisageable en France afin de tenir compte du fait que chacun a aujourd'hui les moyens de recevoir les programmes de l'audiovisuel public ?

Concernant toujours la contribution à l'audiovisuel public (CAP), madame la ministre, Mme la présidente nous avons écrit au ministre en charge du budget le 30 octobre dernier afin d'obtenir de sa part des informations sur le contrôle du recouvrement de la CAP et les moyens mobilisés pour lutter contre la fraude. Or, nous n'avons toujours par reçu de réponse ni même d'accusé de réception. Vous serait-il possible d'intercéder auprès de lui afin d'appeler son attention sur ce sujet ?

Concernant le renouvellement du mandat du président de France Télévisions, pouvez-vous nous préciser quels seront les rôles respectifs de l'État, du CSA et du candidat retenu dans le processus de désignation ? Plus précisément, le CSA sera-t-il libre de choisir le futur président en fonction du projet de chaque candidat ou bien estimez-vous qu'il lui reviendra de désigner le candidat qui lui semblera être le mieux à même de mettre en oeuvre le projet déterminé par l'État à l'issue de la mission de Marc Schwartz ?

Selon le journal Libération du 10 novembre, le Président de la République aurait indiqué la semaine dernière que la législation avait été modifiée par la loi du 15 novembre 2013 « pour permettre au CSA d'ouvrir LCI à l'ensemble des téléspectateurs » et que la question « méritera d'être reposé(e) le moment venu » . Quelles sont les conditions qui pourraient justifier un tel réexamen par le CSA et selon quel délai ?

Mme Claudine Lepage, rapporteure pour avis des crédits de l'audiovisuel extérieur . - France 24 est présente depuis septembre sur la télévision numérique terrestre (TNT) en Île-de-France. Une présence sur l'ensemble du territoire est-elle également envisageable à brève échéance ?

M. Pierre Laurent, rapporteur pour avis des crédits du programme presse . - Le secteur de la presse connaît une transition difficile vers le numérique qui nécessite un volet d'aides publiques important. Il y a eu un conflit dans les messageries de presse. Confirmez-vous les engagements qui ont été pris à la fin du conflit à Presstalis ? Il y a une convergence des systèmes informatiques des deux messageries. Ne serait-il pas temps de promouvoir l'émergence d'un seul acteur ?

La Poste a connu une réduction sensible des aides qu'elle recevait pour la distribution de la presse. Quel sera le calendrier de la renégociation de l'accord État/presse/La Poste ?

Concernant l'AFP, un accord a été trouvé avec la Commission européenne qui a permis de sanctuariser la subvention pour charge de service public. La subvention progresse mais les chiffres pour la trajectoire des années suivantes sont en baisse. Pourquoi ne pas compenser à 100 % la charge de service public ?

Concernant le taux super réduit de TVA applicable à la presse en ligne qui a été adopté par la loi du 27 février 2014 au nom du principe de « neutralité technologique », il semble que le risque de contentieux européen se confirme au regard de ce qui se passe sur le livre numérique. La fiscalité relève du portefeuille du nouveau commissaire français Pierre Moscovici, avez-vous pu le sensibiliser à cette question ? Ne craignez-vous pas une remise en cause du taux super réduit de TVA qui constitue une aide appréciable pour accompagner la transition numérique de la presse ?

Mme Colette Mélot, rapporteur pour avis des crédits du programme livre et industries culturelles . - Je voudrais évoquer la question de la Hadopi. Vous avez choisi, madame la ministre, de reconduire la subvention de 6 millions d'euros après deux années de très forte baisse. La stabilité de la subvention se traduit en réalité par une baisse des ressources de la Hadopi. Vous avez constaté vous-même que le fonds de roulement pouvait permettre un complément budgétaire confortable mais le montant de 6 millions d'euros est tout de même très insuffisant pour permettre à cet organisme de remplir sa mission. Il serait souhaitable d'apporter à la Hadopi, dans le respect de l'indépendance qui est la sienne, une information claire sur les perspectives budgétaires. C'est la dernière fois qu'elle pourra puiser dans son fonds de roulement. Mais qu'en sera-t-il en 2015 ? Y a-t-il un projet de suppression de la Hadopi ou un projet de réforme ? Quelles sont vos intentions ?

Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication .  - Monsieur Leleux, concernant l'élargissement de l'assiette de la contribution à l'audiovisuel public, le Président de la République a souhaité qu'une réflexion soit engagée sur la modernisation du financement de l'audiovisuel public au-delà de 2015 qui prenne en compte sans tabou les équilibres de l'exception culturelle française et la situation économique de nos concitoyens. Ce travail a été engagé avec Emmanuel Macron afin de mieux prendre en compte les modes de consommation de nos concitoyens aujourd'hui. Par exemple, de moins en moins de téléspectateurs utilisent le canal hertzien, mais de plus en plus regardent la télévision par l'intermédiaire de l' Asymmetric Digital Subscriber Line (ADSL) ou d'une box. Pour moderniser cet instrument de financement de l'audiovisuel, il est nécessaire de tenir compte des pratiques et usages des Français.

Vous citez, monsieur Leleux, l'exemple de l'Allemagne où le montant de la redevance est plus élevé qu'en France. Il faut trouver un équilibre entre la modernisation de l'assiette et le rendement de la taxe.

En ce qui concerne le recouvrement de la contribution à l'audiovisuel public (CAP), je n'ai pas d'information sur ses modalités ou sur le contrôle effectué par les services du ministère de l'économie et des finances. Mais je transmettrai le message à Michel Sapin pour qu'il réponde au courrier que vous lui avez adressé à ce sujet.

S'agissant de France Télévisions, le Président de la République s'était engagé à ce que le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) nomme le prochain président de France Télévisions. Il a indiqué dans un discours au CSA que l'État actionnaire avait vocation à exprimer sa vision de l'audiovisuel public à un moment où les usages et les attentes des Français vis-à-vis de l'audiovisuel public peuvent changer en matière d'accès à l'information, à des oeuvres culturelles ou créatives et aux propositions des différentes chaînes. Il me semble légitime que l'État actionnaire, tout en respectant les prérogatives du CSA, puisse exprimer les grands défis ou les grandes attentes qui sont les siennes à l'égard de l'audiovisuel public plutôt que d'avoir une approche exclusivement budgétaire, sans s'interroger sur les missions ou les ambitions du service public.

La mission que nous pilotons au sein de mon cabinet en lien avec le ministère de l'économie s'appuie sur l'expertise d'un certain nombre de hauts fonctionnaires qui connaissent bien l'audiovisuel public, et cela dans le plus grand respect de la liberté de choix du CSA.

S'agissant de la chaîne info (LCI), le CSA a pris sa décision à partir d'une étude d'impact prévue dans la loi du 15 novembre 2013. Il y a un contentieux. Il faudra examiner la décision du Conseil d'État. Au-delà, cette décision pourra être probablement réexaminée par le CSA si la situation liée à l'étude d'impact devait évoluer.

En ce qui concerne la lutte contre le piratage, mission confiée à la Hadopi, les crédits ont été fixés à 6 millions d'euros au terme d'une discussion avec les services de Bercy. Cela impliquera, pour fonctionner, de la part de la haute autorité, qu'elle puise dans ses réserves - c'est la dernière année qu'elle pourra le faire - et devrait lui permettre d'assurer l'ensemble de ses missions, définies par la loi et qu'il n'est pas question de remettre en cause.

Le point important est le développement de l'offre légale et la Hadopi n'est pas le seul acteur à intervenir sur ce sujet. Les travaux réalisés par le CNC ont permis de faire avancer la réflexion sur la chronologie des médias. Des progrès sont nécessaires dans l'indexation des offres de films afin de les rendre plus accessibles aux téléspectateurs qui peinent aujourd'hui à s'y retrouver dans les différentes offres de vidéo à la demande (VOD) et de vidéo à la demande par abonnement (SVOD).

L'offre légale, ergonomique, riche, accessible en termes de prix, est le meilleur rempart contre le piratage. Je souhaite également mettre en oeuvre un certain nombre de mesures, à partir des propositions de Mme Mireille Imbert-Quaretta, présidente de la Commission de protection des droits de la Haute autorité, pour lutter contre le piratage commercial, pour une meilleure coordination entre les services de la police, de la justice et du ministère de la culture, pour déjouer la contrefaçon ou empêcher les annonceurs de faire de la publicité sur ces sites.

En réponse à Mme Lepage qui m'a interrogée sur la couverture de l'ensemble du territoire français par France 24, je dirai qu'il faut attendre les résultats de France 24 en Ile-de-France avant de songer à aller au-delà. Par le câble et le satellite, France 24 connaît déjà une diffusion nationale.

Monsieur Laurent, les engagements de l'État concernant Prestaliss ont été tenus s'agissant de l'accord de 2012. La réforme industrielle de la messagerie doit être accélérée en raison de la baisse des volumes diffusés depuis. Il faut accélérer cette convergence des messageries pour mutualiser un certain nombre de charges ou de dépenses.

La baisse des dotations à La Poste correspond au tarif Schwartz défini en 2008. Cela ne met pas La Poste en difficulté. L'accord État/presse/La Poste court jusqu'à la fin de l'année 2015. À cette échéance, le contrat devra être revu. Le rapport de la mission tripartite est en train de s'achever. Le Gouvernement va étudier ses travaux.

Le chantier de la rationalisation de la distribution papier est prioritaire. C'est une étape indispensable pour assurer la soutenabilité et la pérennité de notre système. Vos collègues de l'Assemblée nationale ont du reste fait des propositions pour moderniser la régulation de ce secteur.

S'agissant de la TVA sur la presse en ligne et sur le livre numérique, le Gouvernement avait pour objectif, en défendant le principe de neutralité technologique entre livre numérique et livre imprimé, comme pour la presse en ligne et la presse imprimée, de convaincre au niveau communautaire. Certains pays sont alignés sur nos positions. Les procédures sont en cours. La France va défendre sa position d'une modification de la directive TVA visant à inscrire la presse en ligne parmi les secteurs éligibles aux taux réduit ou super réduit de TVA. Cette modification doit pouvoir être sollicitée par l'ensemble des États membres.

M. Claude Kern . - France 3 propose de belles émissions en langues régionales qui font partie de la diversité et de la richesse culturelles de notre pays. Nous ne pouvons que regretter la régression de leur programmation. Quelles actions comptez-vous mettre en oeuvre pour leur maintien ou leur développement ?

M. David Assouline . - Il semblerait que le projet de loi préparé par M. Macron pour lever certains blocages de notre économie contienne des dispositions que nous attendions plutôt dans un projet de loi consacré à la création. On attend de nous, législateur, que nous soyons cohérents et je considère que ce qui touche au culturel doit être traité par le ministère de la culture et de la communication.

Il semble que le Président de la République soit favorable à l'élargissement de l'assiette de la contribution à l'audiovisuel public : pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet ? Quels échanges avez-vous sur cette question avec les services de Bercy ?

Je terminerais en indiquant que je partage votre position s'agissant de l'adaptation de la chronologie des médias.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Je voudrais compléter les interventions de MM. Leleux et Assouline et rappeler que c'est notre commission qui, en 2009, avait été la première à évoquer une adaptation de la chronologie des médias.

S'agissant de la contribution à l'audiovisuel public, je souhaiterais recueillir votre avis sur l'élargissement envisagé de l'assiette à d'autres supports, la mensualisation ou encore la réintégration de la résidence secondaire dans son champ d'application.

Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication . - Le Président de la République est favorable à la modernisation de la CAP et toutes les pistes sont ouvertes, notamment la mensualisation et l'extension de l'assiette, mais nous devons faire en sorte que cet impôt conserve un caractère acceptable pour le contribuable. Rien ne figure dans le projet de loi de finances pour 2015, mais le ministère de la culture et de la communication a commencé les études et les discussions avec le ministère de l'économie et des finances.

La loi relative à l'activité économique préparée par Emmanuel Macron ne contient pas de dispositions qui concerneraient les industries créatives : d'autres véhicules législatifs sont envisagés.

S'agissant des émissions en langues régionales, notamment sur France 3, je pense que les possibilités techniques offertes par le numérique permettront de proposer des services plus fournis tout en en préservant les temps d'antenne.

Les nouveaux dépôts consentis en 2013 par les musées nationaux
aux collectivités territoriales

Dépôt du département des antiquités égyptiennes du musée du Louvre au château musée (Boulogne-sur-Mer) : un vase canope.

Dépôt du département des antiquités grecques, étrusques et romaines du musée du Louvre au musée d'art et d'histoire (Langres) : une tête antique « tête de Barbare » marbre, France.

Dépôt du département des objets d'art du musée du Louvre au musée des beaux-arts (Reims) : 25 éléments de mobilier composant le décor de la salle à manger du comte de Fels.

Dépôts du département des sculptures du musée du Louvre au musée des beaux-arts (Lille) : 4 médaillons circulaires des ateliers des Della Robia « La Madeleine », « Saint Jean-Baptiste », « Saint François » et « Saint Augustin » terre cuite émaillée

Dépôts du département des sculptures du musée du Louvre au musée de l'Ile-de-France (Sceaux) : un bronze d'après l'antique « le Gladiateur Borghese » France, XVI e siècle.

Dépôts du département des peintures du musée du Louvre au musée Goya (Castres) :

- Un tableau d'après Greco « Saint François et le frère », huile sur toile - fin XVI e siècle, début XVII e siècle

- Un tableau de Pedro Nunez de Villavicencio « Les mangeurs de moules », huile sur toile - XVII e siècle

Dépôts du musée de Céramique à Sèvres :

- au musée de la révolution française (Vizille) : un ensemble de 17 céramiques à décor révolutionnaire ;

- au musée municipal Fréderic Blandin (Nevers) : un ensemble de 6 faïences de Nevers ;

- au château Borély - musée des arts décoratifs et de la mode (Marseille) : un ensemble de 12 vases et pièces de porcelaine de Sèvres ;

- au musée Paul Dubois-Alfred Boucher (Nogent-sur-Seine) : un ensemble de 7 biscuits sur des modèles de Fremiet, Dubois, Gardet, Blondat, Larche et Boucher ;

- au musée de la faïence (Moustiers Sainte-Marie) : 1 ensemble de 71 faïences de Moustiers-Sainte-Marie

Dépôts du musée des arts asiatiques, Guimet :

- au musée de la compagnie des Indes - citadelle de Port-Louis : un paravent à 12 feuilles en Laque de Coromandel, Chine Période Kangxi. 1672-1710 ;

- au musée de l'arenas (Nice) : un « Buddha protégé par le nâga » grès, Cambodge - XII e siècle début XII e siècle

Dépôts du musée d'Orsay :

- au musée d'art et d'histoire Louis Senlecq (L'Isle-Adam) :

. Un tableau de Jules Dupré « Le chemin de ferme », huile sur toile - 1860 ;

. Un tableau de Théodore Rousseau « La mare au pied du coteau », huile sur toile - entre 1848 et 1950

- au musée de la guerre de 1870 et de l'annexion (Gravelotte) :

. Un tableau de Pierre Lagarde « La retraite », huile sur toile - entre 1870 et 1902 ;

. Un tableau de Pierre Lagarde « Soir de guerre », huile sur toile - entre 1870 et 1902 ;

. Un tableau d'Aimé Morot « Rezonville 16 août 1870 la charge des cuirassiers », huile sur toile - 1896

- au musée des beaux-arts (Chambéry) : un tableau de Carolus-Duran « Les pommiers en Savoie vue du lac du Bourget », huile sur toile - 1900 ;

- au musée des beaux-arts (Nice) : un tableau de Gustave Courbet « Le chevreuil chassé aux écoutes », huile sur toile - 1867 ;

- au musée des beaux-arts (Reims) : un ensemble de 13 tableaux décoratifs à sujets animaliers par Paul Jouve et Clément Mere ;

- au musée des beaux-arts (Bordeaux) : un tableau de Henri Gervex « Rolla », huile sur toile - 1878

Dépôt du musée du Moyen-Âge, Thermes de Cluny au musée de Metz -la cour d'or (Metz) : un médaillon en émail champlevé, Limoges ;

Dépôt du musée national de la Renaissance - château d'Ecouen au musée d'art et d'histoire (Chinon) : 2 albâtres de Malines « le Portement de Croix » et « la Transfiguration » fin du XVI e siècle ;

Dépôts du MuCEM :

- au musée des beaux-arts (Angers) : un cheval de manège en bois par Gustave Bayol - Allemagne - 1890 ;

- au musée de la céramique (la Chapelle-des-Pots) : une plaque de la table de moulage et un vasistas en verre de Saint-Césaire (Charente) ;

- au musée d'histoire (Marseille) : un « pot à feu » et une « grenade » en céramique, Gênes - XVI e siècle ;

Dépôts des Arts décoratifs, musée des Arts décoratifs :

- au château Borély - musée des arts décoratifs et de la mode (Marseille) : un ensemble de 60 meubles et objets d'art de la période Art déco ;

- au musée des beaux-arts (Nice) : une série de 4 fauteuils, décorés par Jules Cheret ;

- à la maison des lumières Denis Diderot (Langres) :

. Un tableau de Salomon Van Ruysdael « Paysage », huile sur bois - 1648 ;

. Une Malle en peau, France XIX e siècle

Dépôts du Musée national des châteaux de Versailles et de Trianon au musée d'art et d'histoire (Langres) :

- Un buste par Robert-Guillaume Dardel « Georges-Louis Leclerc, comte de Buffon », bronze et marbre ;

- Un tableau de Carl von Steuben « Jeanne-Antoinette Poisson, marquise de Pompadour », huile sur toile ;

- Un tableau anonyme du XVIII e siècle. « François-Marie Arouet dit Voltaire », huile sur toile ;

- Un tableau de l'atelier de Louis-Michel Van Loo « Louis XV, roi de France », huile sur toile.

Dépôt du Musée Rodin au Petit Palais, musée des beaux-arts de la Ville de Paris : une sculpture par Auguste Rodin « Jules Dalou », plâtre patiné

Dépôt du musée d'archéologie nationale - Saint-Germain-en-Laye au Musée - Forum (Aurignac) : 41 outils en os et pierre taillée des périodes magdalénienne et aurignacienne

Dépôts du musée national de la voiture et du tourisme - château de Compiègne :

- au musée auto moto vélo (Châtellerault) : une fourgonnette électrique CGE Grégoire, 1972

- au musée de l'automobile (Mulhouse) :

. une Torpédo automobile Hotchkiss 12 cv ;

. une automobile Lambert, modèle ;

. une automobile Lambert, berlinette 6 cv ;

. une automobile Lambert, biplace dit `de course' ;

. une automobile Lambert, cabriolet sport type CS ;

. diverses pièces de voitures Lambert et pour les cabriolets Lambert type CS ;

. divers documents d'archives de la marque Lambert.

Dépôts du musée national du château de Compiègne au musée d'art et d'archéologie (Senlis) :

- un moulage de la main de Thomas Couture ;

- la boîte de couleurs de Thomas Couture ;

- la palette de Thomas Couture.


* 1 PPL relative au patrimoine monumental de l'État, n° 68 (2010-2011) de Mme Françoise Férat et M. Jacques Legendre.

* 2 Enquête réalisée en application de l'article 58-2° de la LOLF, cf Rapport d'information de M. Yann Gaillard, fait au nom de la commission des finances n° 48 (2010-2011) - 19 octobre 2010.

* 3 Dispositions introduites par la loi n° 2002-5 du 4 janvier 2002 relative aux musées de France à l'article 238 bis -0 A du CGI, étendues par la loi n° 2003-709 du 1 er août 2003 relative au mécénat, aux associations et aux fondations. Le mécénat versé dans le cadre de l'article 238 bis -0 A du CGI permet aux entreprises de bénéficier d'une réduction d'impôt sur les sociétés correspondant à 90 % des versements effectués (dans la limite de 50 % du montant de l'impôt dû).

* 4 OEuvre ayant fait l'objet d'un refus de certificat d'exportation et classées « trésor national ».

* 5 Rapport de M. Alain Seban à Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication, mai 2013 « Dynamiser la circulation des collections publiques sur l'ensemble du territoire national ».

* 6 Amendement n° II-480.

* 7 Note de synthèse « Décentralisation des enseignements artistiques : quelles perspectives pour la proposition de loi et la sortie de la crise tant attendue ? » de Mme Catherine Morin-Desailly (2011-2012).

* 8 Sous conditions de ressources accordées aux élèves des cycles à vocation pré-professionnelle.

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