LE SOUTIEN PUBLIC AU CINÉMA

SECONDE PARTIE - LE SOUTIEN PUBLIC AU CINÉMA

Cette année encore, le cinéma français présente les signes d'une réussite exemplaire : la France continue de produire plus de 270 films par an, les films français captent plus du tiers des spectateurs hexagonaux, les salles ont réalisé plus de 200 millions d'entrées l'an passé - le niveau d'avant la vidéo, du cinéma à la télévision et, a fortiori , de la révolution numérique qui est en cours ; le secteur compte 250 000 emplois directs, il exporte et compte des branches très dynamiques, avec des pôles régionaux où l'industrie cinématographique est un levier du développement territorial.

Cette réussite est une exception en Europe et chacun sait qu'elle tient au soutien public apporté depuis près de soixante ans aux talents créatifs et techniques dans l'Hexagone. Notre système de soutien a su préserver une industrie cinématographique, un milieu créatif et technique diversifié et d'un très haut niveau - grâce auxquels la France continue de jouer dans la cour des grands, alors que nos voisins européens ont, sans exception, vu leur cinéma se réduire comme peau de chagrin.

Le financement de ce soutien présente, cependant, des signes inquiétants d'essoufflement face à la révolution numérique , qui bouleverse les usages sociaux, avec une incidence directe sur les sources de financement de notre soutien public au cinéma et à l'audiovisuel.

Pour la deuxième année consécutive, les ressources prévisionnelles du fonds de soutien diminuent : avec 630 millions d'euros prévus pour 2015, ce recul de 10 % est corrélé à l'activité même et à la chaîne de valeur dans l'industrie cinématographique. De fait, la production a reculé cette année : si le nombre des films est stable, les investissements reculent de 10 % au premier semestre et la tendance s'est poursuivie, ce qui est l'indicateur le plus direct, et inquiétant, de la fragilité de l'industrie cinématographique.

Dans ce contexte, le Gouvernement respecte dans son intégralité le principe même de l'affectation des taxes au fonds de soutien : pour la première fois depuis quatre ans, les taxes affectées au Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) ne seront pas « écrêtées » ni ponctionnées au bénéfice du budget général. C'est un acte politique fort de soutien à l'industrie cinématographique et à la création en général dans notre pays - et c'est le fait majeur du « budget cinéma » dans le projet de loi de finances pour 2015. Pour continuer dans ce sens, cependant, des réformes s'imposent pour préserver notre soutien public au cinéma, qui a démontré ses vertus depuis plus d'un demi-siècle.

Votre rapporteur pour avis souhaite poser des jalons pour quelques-unes de ces réformes indispensables, en particulier pour une sanctuarisation du fonds de soutien, un assouplissement de la chronologie des médias, une extension du crédit d'impôt cinéma et un renforcement du soutien à l'exportation.

Et c'est sur sa proposition que la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, réunie le 19 novembre 2014, a adopté un amendement élevant à 20 millions d'euros le plafond de crédit d'impôt qu'un producteur établi en France peut obtenir sur les dépenses engagées sur le territoire national pour la production d'une oeuvre cinématographique ou audiovisuelle - soit le même plafond que celui du crédit d'impôt dit « international », visant les producteurs établis hors de France.

I. UN FINANCEMENT PUBLIC MAINTENU, DANS UN CONTEXTE BUDGÉTAIRE DES PLUS DIFFICILES

Votre rapporteur pour avis se félicite de ce que, dans un contexte de raréfaction budgétaire généralisée pour la sphère publique, les taxes affectées au CNC ne seront pas ponctionnées ni écrêtées l'an prochain et l'ensemble du dispositif de soutien est maintenu . Cet arbitrage au service de l'industrie cinématographique et de la création répond à une détérioration du produit prévisionnel de ces taxes affectées et il permet de maintenir l'écosystème public au service de l'activité cinématographique.

A. DES TAXES AFFECTÉES AU CNC QUI DIMINUENT DE MANIÈRE INQUIÉTANTE, MAIS QUI NE SERONT PAS PONCTIONNÉES L'AN PROCHAIN

Votre rapporteur pour avis estime que, loin de constituer un lot de consolation, l'arbitrage rendu cette année en faveur de l'activité cinématographique souligne l'engagement du Gouvernement en faveur du secteur : pour la première fois en quatre ans, les ressources affectées au CNC iront intégralement au soutien public au cinéma, sans ponction pour le budget général de l'État . Pour mémoire, les prélèvements sur le fonds de soutien se sont élevés, en cumulé, à 310 millions d'euros au cours de la période 2008-2013 et l'établissement a absorbé un transfert de charges pérennes de 56 millions d'euros par an entre 2008 et 2012 14 ( * ) .

Les recettes prévisionnelles du fonds de soutien, cependant, diminuent de 10 %, à 630 millions d'euros . Ce recul est principalement dû à un moindre rendement de la taxe sur les éditeurs et les distributeurs de services de télévision (TST) déjà sensible l'an dernier et qui s'intensifie l'an prochain.

Le tableau suivant récapitule l'ensemble des recettes prévisionnelles du fonds de soutien :

Estimation du produit des taxes pour 2015

(en millions d'euros)

Recettes du fonds de soutien

Budget 2013

Exécution 2013

Budget 2014

Reprévisions 2014

Prévisions pour 2015

Taxe sur les entrées en salle de cinéma (TSA)

133,2

130,2

134,2

141,2

134,4

Taxe sur les éditeurs et les distributeurs de services de télévision (TST)

537,2

532,3

537,7

498,5

474,9

dont TST due par les éditeurs

290,2

308,8

266,9

269

274,2

dont TST due par les distributeurs

246,9

223,5

270,7

229,4

200,6

Taxe sur les encaissements réalisés au titre de la commercialisation des vidéogrammes (vidéo et VàD)

29,4

25,7

28

23,2

21

Recettes diverses

0,05

0

0,05

0,05

0,05

Total produit des taxes

700

688,3

700

663

630,4

Source : Centre national du cinéma et de l'image animée

1. Un recul inquiétant de la taxe sur les services de télévision, pour la partie distributeurs

La TST éditeurs

La taxe sur les services de télévision applicable aux éditeurs est assise sur les recettes de publicité et de parrainage, celles liées aux appels surtaxés et SMS, sur la contribution à l'audiovisuel public et sur les dotations budgétaires 15 ( * ) . Recouvrée directement par le CNC depuis 2010, son taux est de 5,5 % de l'assiette imposable au-delà d'une franchise de 11 millions d'euros.

Le CNC évalue le produit de la TST éditeurs pour 2015 à 274,27 millions d'euros, contre 266,7 millions évalués l'an passé (et affinés à 269,05 millions en « reprévisions »). La prévision est cependant fondée sur une hypothèse de recul global de l'assiette imposable des éditeurs historiques entre 2013 et 2014 (-1,7 %) ainsi que des chaînes de la TNT gratuite (-0,6 %), principalement en raison de la dégradation attendue du marché publicitaire en 2014.

La TST distributeurs

La taxe sur les services de télévision applicable aux distributeurs (TST-D), est assise d'une part sur les abonnements à un service de télévision et de toute offre composite donnant accès à des services de communication au public en ligne ou à des services de téléphonie, dès lors que la souscription à ces services permet de recevoir des services de télévision 16 ( * ) . Son taux est progressif de 0,5 % à 3,5 % en neuf tranches d'imposition au-delà d'une franchise de 10 millions d'euros. Une majoration de 2,2 % sur la dernière tranche distributeurs vise les éditeurs qui s'auto-distribuent ( de facto , cette disposition ne concerne que Canal+).

Pour 2015, le CNC évalue le produit de la TST-D à 200,7 millions d'euros, en recul de 70 millions par rapport à l'an passé (-26 %) ; cette chute est liée, selon le document stratégique de l'opérateur, à « un recul du chiffre d'affaires de Canal Plus, de Canal Satellite ainsi que des opérateurs télécoms, dans un contexte de concurrence accrue concernant les offres d'internet fixe et mobile » 17 ( * ) .

Le CNC prévoit d'absorber cette chute par des efforts de gestion et par une mobilisation de sa réserve de solidarité.

Au total, le produit de la TST est évalué à 474,9 millions d'euros pour 2015, en net recul par rapport au budget primitif 2014 (- 62,7 millions d'euros, soit -11,7 %) et, dans une moindre mesure, par rapport à la reprévision 2014 (-23,5 millions d'euros, soit - 4,7 %).

2. Une taxe sur les entrées en salle au produit quasiment inchangé

Le taux de la taxe sur billets d'entrée en salle de cinéma (TSA) est fixé à 10,72 % en métropole et sera de 1 % dans les départements d'outre-mer (DOM) à compter du 1 er janvier prochain 18 ( * ) .

L'hypothèse de fréquentation pour 2015 est identique à celle de 2014, à 195 millions d'entrées, avec un prix moyen du billet estimé à 6,42 euros.

Le produit de la TSA en 2015 est estimé à 134,42 millions d'euros, soit une progression de +0,21 million d'euros par rapport au budget primitif 2014 (+0,16 %), liée au produit attendu de la TSA dans les départements d'outre-mer en 2015 (216 000 euros).

3. Des taxes sur la vidéo dont le produit continue de diminuer

Ces taxes sont assises sur le chiffre d'affaires des secteurs de la distribution de vidéo physique (DVD, Blu-ray) et de la vidéo à la demande (VàD). Son taux est de 2 % (majoré à 10 % pour les oeuvres pornographiques ou d'incitation à la violence). L'article 30 de la loi de finances rectificative pour 2013 a étendu le champ de la taxe aux personnes, qu'elles soient établies en France ou à l'étranger. La Direction générale des finances publiques (DGFiP), qui est chargée du recouvrement de cette taxe, prélève 2,5 % au titre des frais de gestion.

Le chiffre d'affaires du marché de la vidéo physique a continué de reculer de manière importante en 2013 (-16,7 % en valeur par rapport à 2012, soit -24 % par rapport à 2011). Ce recul significatif concerne à la fois le DVD (-18,8 % en 2013 par rapport à 2012) et, pour la première fois depuis 2013, le Blu-ray (-8,5 % par rapport à 2012). Alors qu'il était en progression depuis 2008, le marché de la VàD payante a reculé pour la première fois en 2013 (-4,7 % par rapport à 2012).

Les prévisions pour 2015 sont fondées sur une hypothèse de recul du marché de la vidéo physique de 15 % et sur une stabilisation du marché de la VàD, ce qui conduit à estimer le produit brut 2015 de la taxe vidéo à 21,5 millions d'euros. Dans un tel schéma, les recettes nettes perçues par le CNC (après prélèvement par la DGFiP des frais de recouvrement de 2,5 %), s'élèveraient à 21 millions d'euros, en recul de 7 millions par rapport au budget initial pour 2014.

Le tableau ci-dessous retrace l'évolution du produit des taxes alimentant le fonds de soutien au cinéma, à l'audiovisuel et au multimédia de 2012 à 2013 (exécution), en budget 2014, en reprévision 2014 et en prévision 2015 :

Recettes des taxes affectées au Fonds de soutien

*Recettes diverses : taxes sur les films pornographiques ou d'incitation à la violence; sanctions pécuniaires prononcées par le CSA à l'encontre des éditeurs de services de télévision.

Source : Centre national du cinéma et de l'image animée


* 14 Source : Document stratégique de performance du CNC, 25 septembre 2014.

* 15 Article 115-6 du code du cinéma et de l'image animée.

* 16 L'assiette de la taxe distributeurs a été modifiée dans le cadre de la loi de finances pour 2012, compte tenu des pratiques commerciales de certains opérateurs télécoms depuis 2011, visant à restreindre l'assiette imposable en isolant et en minimisant la part des services audiovisuels dans les offres qui étaient jusqu'alors forfaitaires. Validée par la Commission européenne le 21 novembre 2013, cette réforme est entrée en vigueur au 1 er janvier 2014.

* 17 Document stratégique de performance du CNC, 25 septembre 2014.

* 18 L'article 117 de la loi de finances pour 2014 étend la TSA aux DOM à compter du 1 er janvier 2015 ; le taux passera de 1 % en 2015 à 10,72 % en 2021.

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