B. DES CRÉDITS EN RECUL

Le montant des crédits demandés au titre du programme 174 pour 2015 s'élève à 541,6 millions d'euros en AE, et à 545,2 millions d'euros en CP, soit une baisse d'environ 8,5 % par rapport à l'exercice précédent.

La baisse de la dotation de ce programme repose en partie sur la diminution annuelle du nombre des ayants droits de l'après-mines et plus particulièrement, des crédits d'intervention de l'ANGDM.

Néanmoins, les actions relatives à la politique de l'énergie et à la lutte contre le changement climatique voient elles aussi leurs crédits diminuer, respectivement de 5 % et de près de 10 %.

Les crédits 14 ( * ) de l'action n° 6 ont diminué de 20 % par rapport à l'année dernière.

Autorisations d'engagement (AE)

Crédits de paiement (CP)

LFI 2014

(crédits votés)

PLF 2015

(crédits demandés)

Variation (%)

LFI 2014

(crédits votés)

PLF 2015

(crédits demandés)

Variation (%)

Action 1 Politique de l'énergie

5,8

5,5

-5

6,2

5,9

-4,8

Action 4 Gestion économique et sociale de l'après-mines

548,5

503,7

-8,2

553,4

506,8

-8,4

Action 5 Lutte contre le changement climatique

34,5

31,2

-9,6

34,5

31,2

-9,6

Action 6 Soutien

1,6

1,3

-18,8

1,6

1,3

-18,8

Total

590,5

541,6

-8,3

595,8

545,2

-8,5

(en millions d'euros)

Concernant les emplois, c'est l'action « miroir » n° 23 du programme 217 « Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, du développement et de la mobilité durables » qui les identifie . 784 ETPT sont prévus pour 2015 pour la mise en oeuvre du programme 174 (dont 226 pour l'administration centrale, la DGEC), ce qui est stable par rapport à l'année dernière.

Votre rapporteur pour avis rappelle que les crédits du programme 174 ont été minorés de 800 000 euros lors de l'examen à l'Assemblée nationale.

C. LA POLITIQUE DE L'ÉNERGIE, PEU DOTÉE EN CRÉDITS

1. La grande inconnue du financement de la transition énergétique

Au-delà de la gestion de l'après-mines, qui constitue l'essentiel des crédits du programme 174, la crédibilité de ce budget s'apprécie également cette année en fonction du niveau d'ambition prévu par le projet de loi relatif à la transition énergétique pour une croissance verte , en cours de navette.

Ce projet de loi transmis au Sénat le 14 octobre 2014, après avoir été adopté à l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, comprend huit titres :

- titre I er : définir les objectifs communs pour réussir la transition énergétique, renforcer l'indépendance énergétique de la France et lutter contre le réchauffement climatique ;

- titre II : mieux rénover les bâtiments pour économiser l'énergie, faire baisser les factures et créer des emplois ;

- titre III : développer les transports propres pour améliorer la qualité de l'air et protéger la santé ;

- titre IV : lutter contre les gaspillages et promouvoir l'économie circulaire : de la conception des produits à leur recyclage ;

- titre V : favoriser les énergies renouvelables pour diversifier nos énergies et valoriser les ressources de nos territoires ;

- titre VI : renforcer la sûreté nucléaire et l'information des citoyens ;

- titre VII : simplifier et clarifier les procédures pour gagner en efficacité et en compétitivité ;

- titre VIII : donner aux citoyens, aux entreprises, aux territoires et à l'État le pouvoir d'agir ensemble.

Or, l'étude d'impact ne comprend pas d'étude de financement précise sur la mise en oeuvre du texte. En outre, la suspension de l'écotaxe, qui prive les finances publiques de 500 millions d'euros de recettes (montant auquel il convient d'ajouter le dédommagement de la société Ecomouv), accentue cette inquiétude qui pèse sur la crédibilité du financement prévu pour la transition énergétique.

Malgré les financements mis en avant par le Gouvernement de l'ordre de 10 milliards d'euros sur 3 ans, les mesures du texte ne paraissent pas clairement financées. Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a également déploré, dans son avis, que le texte « ne comporte aucun chiffrage financier global, ni mesure par mesure » . Les moyens ne semblent pas à la hauteur des ambitions, ni du changement de modèle prôné par le texte.

Le coût du plafonnement à 50% en 2025 et à 63,2 gigawatts de la part du nucléaire dans la production d'électricité, prévu par l'article 1 er , suscite de fortes réserves quant au réalisme de cet objectif. Le rapport d'information 15 ( * ) des députés Marc Goua et Hervé Mariton, publié le 30 septembre 2014, avait ainsi chiffré le coût de la fermeture des réacteurs nucléaires à entre 650 millions et 5,7 milliards d'euros.

Au-delà des ambitions affichées, des objectifs déclaratifs mais non contraignants, la question du financement, véritable clé de voûte de tout l'édifice, demeure donc entière. Malgré le contexte économique difficile, qui nécessite un effort budgétaire réel, la raison même de la mutation écologique que nos politiques publiques doivent accomplir est justement de changer de modèle, et donc de sortir de la logique purement budgétaire de cette transition.

La transition énergétique est en réalité plus largement une transition écologique qui ne peut se faire sans y consacrer les moyens adéquats. Elle ne pourra se faire par des déclarations d'intentions, aussi louables et incitatives soient-elles. Il faut réaffecter nos moyens là où la dynamique de la transition le nécessite.

Mesures de financement de la transition énergétique affichées par le Gouvernement

- Crédit d'impôt unique pour la transition énergétique avec un taux de 30 % (au lieu de 15 % et 25 %) avec de nouveaux équipements éligibles (compteurs individuels pour le chauffage et l'eau chaude sanitaire dans les copropriétés, bornes de recharge véhicules électriques) : cette disposition est prévue à l'article 3 du PLF 2015 ;

- aide de l'Agence nationale de l'habitat + chèque énergie pour les ménages non imposables pour travaux de rénovation ;

- relance de l'éco-prêt à taux zéro avec un allégement des procédures (mise en place de l'éco-conditionnalité, renforcement de la formation des artisans et des PME du bâtiment) ;

- mise en place par le projet de loi relatif à la transition énergétique du tiers-financement (droit pour les sociétés de tiers-financement de faire l'avance du financement des travaux) ;

- création par le projet de loi d'un Fonds de garantie pour la rénovation énergétique ;

- fonds exceptionnels de la Caisse des dépôts pour financer les projets liés à la transition portés par les collectivités : une dotation de 5 milliards d'euros de prêts transition énergétique et croissance verte à un taux avantageux ;

- appel à projets pour 200 territoires à énergie positive (financé par l'État à hauteur de 150 millions) ;

- aide venant en plus du bonus écologique (6 300 euros) pour l'achat d'un véhicule électrique en remplacement d'un diesel polluant accordée sous conditions de ressources et prioritairement dans les zones concernées par une mauvaise qualité de l'air (portant l'aide totale à 10 000 euros) ;

- annonce par la Ministre d'un doublement des crédits du fonds chaleur de l'Ademe en 2017 (400 millions d'euros) ;

- 100 millions d'euros pour atteindre 1 500 méthaniseurs ;

- doublement des prêts de BPI France aux projets énergies renouvelables d'ici 2017 ;

- création d'un Fonds national de la transition énergétique et de la croissance verte, doté d'1,5 milliard d'euros sur 3 ans .

2. Le soutien aux énergies renouvelables doit passer d'abord par le renforcement des outils efficaces existants : l'exemple du Fonds chaleur

À titre d'exemple, la politique et les moyens consacrés au développement des énergies renouvelables est significatif.

L'article 1 er du projet de loi relatif à la transition énergétique pour une croissance verte prévoit de porter, en 2020, la part des énergies renouvelables à 23 % de la consommation finale brute d'énergie, et à 32 % en 2030. Dans l'étude d'impact, cet objectif est décomposé en : 40 % pour la production d'électricité, 38% pour la consommation finale de chaleur et 15 % pour la consommation finale de carburants.

Or, la moitié de cet objectif repose sur la biomasse 16 ( * ) . Le Plan National d'Action en faveur des énergies renouvelables précise l'effort à fournir par la filière biomasse énergie dans chaque secteur de l'énergie pour l'atteinte de l'objectif global de 23 % de la consommation finale d'énergie en France assurée par les énergies renouvelables en 2020 (13,7 % réalisé en 2012, selon le rapport sur les progrès réalisés dans la promotion et l'utilisation des énergies renouvelables).

La filière biomasse en quelques chiffres

Dans le secteur du chauffage et du refroidissement, la filière biomasse est la 1 ère filière contributrice à l'objectif 2020 (83 %).

Dans le secteur de l'électricité , la filière biomasse est la 3ème filière contributrice à l'objectif 2020 (11 %) , derrière la filière hydraulique (46 %) et la filière éolienne (37 %), mais devant la filière photovoltaïque (4,4 %).

Dans le secteur des transports , la filière biomasse est la 1ère filière contributrice à l'objectif 2020 (90 %).

Source : Ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie

Créé en décembre 2008, le fonds chaleur constituait un des engagements du Grenelle de l'environnement . Il a été mis en place afin de soutenir la production de chaleur à partir de sources renouvelables. Il est doté d'une enveloppe de 1,2 milliard d'euros pour la période 2009-2013 , crédits qui ne sont pas inscrits au budget de l'État, dans la mesure où la gestion du fonds est déléguée à l'Ademe dont les ressources proviennent pour l'essentiel des produits de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) affectés à l'agence. Le fonds alloue des aides aux entreprises et aux collectivités pour l'équipement en systèmes de production de chaleur utilisant les énergies renouvelables ou valorisant la chaleur de récupération. Quatre sources de production d'énergie sont couvertes : le bois, le biogaz, la géothermie et l'énergie solaire. La biomasse est la principale filière à en bénéficier.

Ce fonds a permis de soutenir près de 1 860 installations d'énergies renouvelables et de réseaux de chaleur sur la période 2009-2011 (373 en biomasse, 181 en géothermie, 1030 en solaire, 269 en réseaux de chaleur).

L'utilité et l'efficacité du fonds chaleur ont largement été éprouvées, tant du point de vue de l'important « effet levier » de ses investissements que du point de vue du développement de la filière économique forestière .

Pourtant, les crédits n'ont cessé de diminuer après avoir atteint un pic de 300 millions d'euros en 2010 .

Comme l'indique la Cour des comptes dans un rapport public thématique de juillet 2013 17 ( * ) , « d'un montant de 179 M€ en 2009, les dotations au fonds chaleur auraient dû augmenter pour progressivement atteindre 500 M€ en 2012, puis 800 M€ en 2020 selon le plan arrêté à la création du fonds. Or, les décisions budgétaires successives ont limité l'enveloppe à 1,2 Md€ sur la période 2009-2013, soit 240 M€ seulement en moyenne annuelle, un niveau très inférieur aux intentions initiales. »

La Cour des comptes considère ainsi que le niveau de ces crédits ne suffira pas à atteindre les objectifs fixés pour la production de chaleur à partir de sources renouvelables : « plus de la moitié (5,5 Mtep) de l'objectif de progression d'énergie renouvelable thermique entre 2006 et 2020 (10,3 Mtep) doit être financée par le fonds chaleur. L'Ademe considère que les résultats atteints sont en ligne avec les objectifs attendus pour 2012. Or, sur la base des coûts observés jusqu'ici, les capacités financières actuelles du fonds ne permettraient de financer que 3,1 Mtep. Sans modification de la dotation, 1,4 Md€ supplémentaires seraient nécessaires jusqu'en 2020 pour atteindre l'objectif de 5,5 Mtep. »

La Ministre de l'écologie a annoncé, le 18 juin 2014, le doublement du fonds chaleur à horizon 2017, mais aucun élément concret de financement n'a été à ce jour détaillé ni ne figure dans le projet de loi de finances.

Les déclarations de la Ministre à l'occasion de l'examen des crédits de la mission en commission élargie à l'Assemblée nationale le 6 novembre 2014 ne sont guère rassurantes quant au doublement effectif des moyens du fonds chaleur : « Ce doublement sera atteint grâce au maintien des engagements de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie et grâce au fonds de garantie mis en place à l'issue de la conférence bancaire et financière pour la transition énergétique. Y contribuera également la contractualisation avec les collectivités volontaires, notamment les régions, déjà très largement engagées, souvent dans des propositions équivalentes aux engagements financiers de l'Ademe » .

Votre rapporteur pour avis regrette que les moyens de parvenir au doublement du fonds chaleur ne soient pas plus précis (il remarque d'ailleurs que le fonds de garantie mis en place à l'issue de la conférence bancaire et financière cité par la Ministre est en réalité supposé être dédié à la rénovation thermique des bâtiments) et il craint que les collectivités territoriales ne soient encore mises à contribution.


* 14 Ces dépenses ont fait l'objet d'un transfert en provenance du programme 217 en 2012 sans crédits supplémentaires.

* 15 Rapport d'information n°2233 sur le coût de la fermeture anticipée de réacteurs nucléaires : l'exemple de Fessenheim présenté par MM. Marc GOUA et Hervé MARITON, 30 septembre 2014.

* 16 L'Union européenne définit la biomasse comme la « fraction biodégradable des produits, des déchets et des résidus d'origine biologique provenant de l'agriculture (y compris les substances végétales et animales), de la sylviculture et des industries connexes, y compris la pêche et l'aquaculture, ainsi que la fraction biodégradable des déchets industriels et municipaux ».

* 17 La politique de développement des énergies renouvelables, rapport public thématique de la Cour des comptes (juillet 2013).

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