D. LE CONTRÔLE DE LA SÛRETÉ NUCLÉAIRE

1. La stabilité des crédits alloués à la sûreté nucléaire

Depuis la loi n° 2006-686 du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire, le contrôle de la sûreté nucléaire est la responsabilité de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN).

Les missions de l'ASN s'exercent dans le cadre de la mise en oeuvre de l'action n° 9 du programme 181 : le contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection. L'objectif de cette action est de garantir que les responsables d'activités civiles nucléaires ou à risques radiologiques assurent un haut niveau de protection des personnes et de l'environnement.

L'action n° 9 représente 17,8 % des crédits du programme 181 . Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2015, les crédits consacrés au contrôle de la sûreté nucléaire et à la radioprotection se maintiennent et connaissent même une très légère hausse de 0,04 % .

LFI 2014

PLF 2015

Variation

Autorisations d'engagement

54 145 071

54 170 170

+0,04 %

Crédits de paiement

59 160 343

59 185 442

+0,04 %

Le plafond d'emplois de l'ASN s'élevait, en loi de finances initiale pour 2014, à 363 ETPT. En 2015, le plafond va augmenter de 12 ETPT, pour atteindre un total de 375 emplois . Cette hausse des emplois répond entre autres au renforcement des effectifs de l'ASN pour faire face aux suites de la catastrophe de Fukushima.

Au total, en prenant en compte les agents mis à disposition de l'ASN (par l'IRSN, le CEA, l'AP-HP et l'ANDRA), au nombre de 105, l'effectif total de l'Autorité sera de 480 agents .

2. Des crédits insuffisants au vu des enjeux de sûreté nucléaire à court terme en France

Le coût du contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection est appelé à augmenter substantiellement dans les années à venir, sous l'effet combiné de plusieurs évolutions.

De manière globale, les exigences sociétales en matière de sûreté nucléaire sont en hausse, les citoyens exigeant en particulier de plus en plus de transparence. Le législateur a à cet égard eu tendance à alourdir les missions de l'Autorité de sûreté nucléaire sur le plan du contrôle des installations et des opérateurs.

Par ailleurs, le contexte actuel va conduire à une hausse sans précédent de l'activité de l'ASN :

- le renforcement de la sûreté nucléaire française à la suite de l'accident de Fukushima est toujours en cours ;

- de nombreuses centrales françaises, lancées dans les années 1970, arrivent au terme de leur cycle de vie. L'ASN va devoir instruire dans les années à venir les demandes de prolongation du fonctionnement de ces centrales au-delà du quatrième réexamen de sûreté ;

- le réacteur EPR sur le site de Flamanville est toujours en phase de mise en fonctionnement ;

- l'ASN réalise l'examen des options de sûreté du projet, mené par l'ANDRA, de centre de stockage profond de déchets radioactifs CIGEO ;

- le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte, en cours de discussion parlementaire, pose de manière concrète la problématique du démantèlement de certaines installations ;

- enfin, la hausse continue des doses de rayonnements ionisants délivrées aux patients dans le milieu médical conduira également à une hausse d'activité pour l'ASN.

Dans un avis n° 2014-AV-0214 en date du 17 octobre 2014 relatif au budget alloué au contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour les années 2015-2017, l'ASN indique rester « préoccupée par l'insuffisance des mesures budgétaires au regard des enjeux auxquels la France doit faire face dès maintenant en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection. Elle renouvelle donc sa demande de réforme du financement du contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection afin de doter le dispositif dual composé de l'ASN et de l'IRSN d'un financement adopté et adaptable aux enjeux, reposant à la fois sur le budget de l'Etat et sur une contribution annuelle des exploitants nucléaires, fixée par le Parlement » .

Votre rapporteur pour avis insiste sur le fait que quels que soient les choix politiques opérés, s'agissant de la fermeture de certaines centrales ou la prolongation de la durée de vie de centrales existantes, l'activité de l'ASN va connaître un accroissement significatif dans les années à venir. L'enjeu consiste donc aujourd'hui à permette à l'Autorité de sûreté nucléaire d'y répondre, dans des délais acceptables pour les opérateurs, tout en maintenant une exigence maximale en termes de sûreté des populations. À ce titre, votre rapporteur juge impératif d'examiner dans les meilleurs délais une réforme du mode de financement de la sûreté nucléaire en France .

3. La nécessité de rénover le financement de la sûreté nucléaire
a) Historique du financement de la sûreté nucléaire

À la suite de la création du Service central de sûreté des installations nucléaires en 1973, l'article 17 de la loi du 27 décembre 1975 de finances rectificative pour 1975 a institué un système de redevances auquel étaient assujettis les exploitants des installations nucléaires de base. Le produit de ces redevances, dont le montant était fixé en loi de finances, était rattaché au budget de l'industrie par voie de fonds de concours et servait à assurer le financement du dispositif de sûreté nucléaire.

L'article 43 de la loi du 30 décembre 1999 de finances pour 2000 a substitué à ce système de redevances une taxe sur les installations nucléaires de base, dite taxe INB, qui est affectée au budget général de l'État. A compter de cette date, les crédits correspondant à la mission de contrôle des installations nucléaires, qui relevait à ce moment-là de la direction de la sûreté des installations nucléaires, ont été budgétisés.

b) Le mode de financement actuel

Ces modalités de financement sont celles en vigueur actuellement. La taxe sur les installations nucléaires de base, dont le produit s'élevait à 576,66 millions d'euros en 2014, est affectée au budget général de l'État et l'Autorité de sûreté nucléaire est financée par des crédits budgétaires.

Ce financement est aujourd'hui difficilement lisible . Les ressources de l'ASN dépendent, directement ou indirectement, de plusieurs programmes distincts et d'une taxe affectée à l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN).

Le financement de l'ASN dépend à ce jour, en coûts directs, des programmes 181 « Prévention des risques » et 218 « Conduite et pilotage des politiques économique et financière ». L'IRSN, qui met en oeuvre l'expertise technique pour le compte de l'ASN, reçoit une dotation au titre du programme 190 « Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de l'aménagement durables » de la mission « Recherche et enseignement supérieur », à laquelle s'ajoute une part dédiée de la contribution due par les exploitants des installations nucléaires de base.

c) L'affectation d'une ressource fiscale pérenne pour répondre aux enjeux de demain

Votre rapporteur pour avis estime que le contexte actuel, marqué par une hausse significative des missions confiées à l'ASN, appelle une rénovation du financement du contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection. Le relèvement du financement de l'ASN bénéficierait aux entreprises exploitant les installations nucléaires, dans la mesure où le renforcement du dispositif de sûreté nucléaire et de radioprotection leur éviterait de subir les surcoûts liés à l'engorgement actuel de l'Autorité de sûreté nucléaire. A titre d'exemple, les dirigeants de l'ASN, entendus en audition par votre rapporteur, ont indiqué que l'arrêt d'un réacteur nucléaire, lors d'un contrôle de l'ASN, représentait un coût d'environ un million d'euros par jour pour EDF.

Votre rapporteur souscrit donc pleinement à la proposition mentionnée par l'ASN dans son avis en date du 17 octobre 2014, à savoir le maintien d'une dotation budgétaire, complétée par une taxe affectée acquittée par les exploitants d'installations nucléaires.

Ainsi que le relève le rapport d'information 1 ( * ) de Michel Berson publié le 18 juin dernier, fait au nom de la commission des finances du Sénat, les budgets de nombreuses autorités en Europe sont abondés, partiellement ou en totalité, par des taxes ou des redevances supportées par les exploitants. Les autorités belge (Agence fédérale de contrôle nucléaire) et espagnole (Conseil de sécurité nucléaire) sont financées en totalité par des taxes. L' Office for nuclear regulation britannique tire quant à elle à 98 % ses ressources de taxes acquittées par les opérateurs.

Le financement de la sûreté nucléaire par une taxe sur les exploitants ne fait donc pas exception en Europe. Pour autant, le maintien d'une dotation budgétaire est de nature à garantir une plus grande indépendance de l'Autorité, ou tout au moins à éviter que celle-ci ne soit mise en cause.

Concernant la forme de la nouvelle taxe affectée à l'ASN, le rapport de Michel Berson propose la création d'une contribution de sûreté et de transparence nucléaires (CSTN), qui serait conçue sur le modèle de la contribution additionnelle actuellement due par les exploitations des installations nucléaires de base au profit de l'IRSN. Le montant de la contribution serait déterminé pour chaque catégorie d'installation par application d'un coefficient multiplicateur à une somme forfaitaire. Toutefois, à la différence de la contribution dont bénéficie l'IRSN, les coefficients appliqués dans le cadre de la CSTN seraient fixés par le Parlement, et non par arrêté ministériel. De cette manière, le Parlement aurait une réelle marge de manoeuvre dans le pilotage des ressources dédiées à la sûreté nucléaire et à la radioprotection. Pour éviter une augmentation non contrôlée de la dépense publique, le produit de la contribution affectée à l'ASN pourrait être plafonné et l'excédent reversé au budget général de l'État.

Cette piste de réforme du financement de l'ASN permettrait, dans un contexte budgétaire très contraint, de doter l'Autorité de moyens supplémentaires pérennes et de répondre aux grands enjeux de la sûreté nucléaire de demain .


* 1 La sûreté nucléaire de demain : un enjeu financier et démocratique , rapport d'information de M. Michel Berson, fait au nom de la commission des finances, n° 634 (2013-2014) - 18 juin 2014

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