N° 113
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2014-2015
Enregistré à la Présidence du Sénat le 20 novembre 2014 |
AVIS
PRÉSENTÉ
au nom de la commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire (1) sur le projet de loi de finances pour 2015 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,
TOME IV
ÉCOLOGIE, DÉVELOPPEMENT ET MOBILITÉ DURABLES
TRANSPORTS FERROVIAIRES, COLLECTIFS ET FLUVIAUX
Par M. Louis NÈGRE,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : M. Hervé Maurey , président ; MM. Guillaume Jacques Arnell, Pierre Camani, Gérard Cornu, Ronan Dantec, Mme Évelyne Didier, M. Jean-Jacques Filleul, Mme Odette Herviaux, MM. Louis Nègre, Rémy Pointereau, Charles Revet , vice-présidents ; Mme Natacha Bouchart, MM. Jean-François Longeot, Gérard Miquel , secrétaires ; MM. François Aubey, Jérôme Bignon, Mme Annick Billon, M. Jean Bizet, Mme Nicole Bonnefoy, MM. Patrick Chaize, Jacques Cornano, Michel Fontaine, Alain Fouché, Benoît Huré, Mmes Geneviève Jean, Chantal Jouanno, MM. Jean-Claude Leroy, Philippe Madrelle, Didier Mandelli, Jean-François Mayet, Pierre Médevielle, Louis-Jean de Nicolaÿ, Hervé Poher, David Rachline, Michel Raison, Jean-Yves Roux, Mme Nelly Tocqueville, MM. Michel Vaspart, Paul Vergès . |
Voir les numéros :
Assemblée nationale ( 14 ème législ.) : 2234, 2260 à 2267 et T.A. 420
Sénat : 107 et 108 à 114 (2014-2015)
AVANT-PROPOS
Mesdames, Messieurs,
Le 29 octobre 2014, le secrétaire d'État aux transports, Alain Vidalies, a confirmé devant votre commission l'abandon définitif du dispositif de la taxe poids lourds, abandon qui a été entériné le lendemain par l'annonce de la résiliation du contrat signé avec Écomouv'.
Outre qu'elle a été prise de façon unilatérale par le Gouvernement, à peine trois mois après que le Parlement a validé une nouvelle fois le principe de cette taxe, cette décision est lourde de conséquences pour le financement des infrastructures de transport. Le manque à gagner résultant de cette mesure n'est, à ce stade, compensé que pour l'année 2015. En outre, le budget ne prévoit aucune provision pour l'indemnisation d'Écomouv', estimée à près de 840 millions d'euros, ce qui a conduit votre commission à le qualifier d'incomplet.
Enfin, même si le produit de l'écotaxe était intégralement compensé à partir de 2016, il manquerait des ressources pour financer le scénario 2 de la commission Mobilité 21, la liaison ferroviaire Lyon-Turin et le canal Seine-Nord.
C'est la raison pour laquelle votre rapporteur appelle de ses voeux un « Grenelle III » du financement de la mobilité, réunissant l'ensemble des parties prenantes, afin de garantir les financements dynamiques et pérennes pour une visibilité à long terme dans ce domaine.
Votre commission a aussi pris la mesure de l'ensemble des défis auxquels le système ferroviaire est actuellement confronté. La loi de réforme ferroviaire du 4 août 2014 a modifié la gouvernance du système. Votre commission devra en contrôler l'application et en mesurer les effets. Mais cette réforme n'a en rien réglé le problème du financement du système ferroviaire, lourdement pénalisé par sa dette excessive et en croissance continue. Cette question est d'autant plus préoccupante que le système ferroviaire fait toujours face à des besoins d'investissement conséquents en termes d'entretien et de régénération du réseau, et que la survie du fret continue de nécessiter un fort appui de la part de l'État.
Dans ce contexte, les bénéfices d'un renforcement de la lutte contre la fraude ne seraient pas négligeables, puisque celle-ci coûte chaque année près de 300 millions d'euros à la SNCF, 100 millions d'euros à la RATP, sans compter les réseaux de transport de province. Votre commission présentera ainsi en séance un amendement à l'initiative de votre rapporteur, dans le but de rendre plus dissuasive la définition du délit de « fraude d'habitude » dans les transports.
Un autre enjeu fort réside dans la préservation de l'excellence de la filière ferroviaire française, la deuxième en Europe, aujourd'hui en grand danger. Son plan de charge devrait diminuer brutalement à partir de 2017, en raison d'un marché national en chute libre, mais aussi d'une perte de compétitivité sur les marchés étrangers. En conséquence, l'avenir de plusieurs sites de production est très menacé, et des pertes d'emploi sont d'ores et déjà anticipées. Cette situation risque d'avoir des conséquences irréversibles pour la filière, puisqu'elle va entraîner une perte de compétences.
Pour répondre à ces difficultés, l'État stratège, réaffirmé dans la loi de réforme ferroviaire, doit jouer pleinement son rôle, afin que notre pays adapte son modèle de production. Il s'agit de passer d'une industrie productrice d'engins sophistiqués, extrêmement performants mais peu exportables en raison notamment de leur coût, à une industrie plus sobre en termes de coûts et de prescriptions, capable de s'adapter à la demande internationale.
Un retour de l'État stratège est aussi très attendu en ce qui concerne l'avenir des trains d'équilibre du territoire, dont les défauts sont connus et relevés depuis longtemps : hétérogénéité de l'offre et absence d'articulation avec les TER, architecture financière qui n'incite pas à la responsabilisation de l'État et de la SNCF, matériel obsolète... La création par le Gouvernement d'une commission ad hoc , présidée par Philippe Duron, devrait contribuer à définir une stratégie claire dans ce domaine. Il est toutefois extrêmement regrettable que l'État n'ait pas saisi plus tôt l'opportunité du renouvellement de la convention signée avec la SNCF sur les TET, et ait perdu deux ans dans la gestion de ce dossier.
Enfin, la perspective de l'ouverture à la concurrence des transports par autocar devra être suffisamment encadrée, pour limiter à des cas justifiés le report du trafic ferroviaire vers la route. Les expériences étrangères ont en effet démontré qu'il s'agit là d'un risque réel.
Lors de sa réunion du 25 novembre 2014, votre commission a émis un avis défavorable à l'adoption des crédits du projet de loi de finances pour 2015 consacrés aux transports ferroviaires, collectifs et fluviaux.
Elle a émis un avis favorable à la présentation par le rapporteur d'un amendement, au nom de la commission, pour rendre plus dissuasive la définition du délit de fraude d'habitude.
I. DE VIVES INQUIÉTUDES SUR LE FINANCEMENT DES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT
A. L'ABANDON DÉFINITIF DE L'ÉCOTAXE
1. Un camouflet à l'égard du Parlement...
Le 29 octobre 2014, le secrétaire d'État aux transports, Alain Vidalies, a confirmé devant votre commission l'abandon définitif du dispositif de la taxe poids lourds , dont la suspension « sine die » avait été annoncée le 9 octobre par la ministre de l'écologie, Ségolène Royal.
Cette décision, prise de façon unilatérale par le Gouvernement, intervient à peine trois mois après que le Parlement a validé une nouvelle fois le dispositif, certes remanié , dans le cadre de la première loi de finances rectificative pour 2014.
DE L'ÉCOTAXE AU PÉAGE DE TRANSIT POIDS LOURDS, DU PÉAGE DE TRANSIT POIDS LOURDS AU RENONCEMENT : LA « SAGA » DE LA TAXE POIDS LOURDS Le projet initial d'écotaxe La taxe poids lourds nationale, dite « écotaxe », a été introduite aux articles 269 à 283 quinquies du code des douanes par la loi de finances pour 2009. Précédemment, une « taxe poids lourds alsacienne » avait été créée en 2006, en réaction à la mise en place d'une taxe kilométrique en Allemagne, la LKW Maut , à l'origine d'un report significatif de trafic sur le réseau alsacien. La création en 2009 de l'écotaxe, d'application nationale, a conduit à la considérer comme une « expérimentation » préalable à l'entrée en vigueur de la taxe nationale, mais les retards pris dans sa mise en oeuvre ont finalement conduit le législateur à la supprimer en mai 2013. Le réseau soumis à l'écotaxe, de 15 000 kilomètres environ, comprend 10 000 kilomètres de réseau national non concédé et 5 000 kilomètres de réseau local, susceptibles de subir un report « significatif » en raison de la mise en place de la taxe. Son barème est défini en fonction du nombre d'essieux du véhicule, du poids total autorisé en charge et de sa classe d'émission EURO. En raison de leur périphéricité, les régions Aquitaine et Midi-Pyrénées bénéficient d'une réduction de 30 % du taux kilométrique applicable sur le réseau situé sur leur territoire. Cette réduction atteint 50% en Bretagne. Des exonérations sont prévues pour certains types de véhicules 1 ( * ) . Elle concerne 800 000 véhicules, dont 550 000 poids lourds français et 250 000 poids lourds étrangers. Elle doit générer une recette brute annuelle de 1,1 milliard d'euros, dont 700 à 760 millions d'euros devaient revenir à l'agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF), 160 millions d'euros aux collectivités territoriales et 50 millions à l'État au moyen de la TVA. Pour assurer la collecte de la taxe, l'État a choisi de recourir à un prestataire privé, à la suite d'un appel d'offres. C'est à la société Écomouv', détenue à 70 % par l'entreprise Autostrade per l'Italia, à 11% par Thalès, à 10 % par la SNCF, à 6 % par SFR et à 3 % par Steria, qu'a été confiée cette responsabilité. Un contrat de partenariat a été signé à cet effet le 20 octobre 2011. Il prévoit 21 mois de déploiement du dispositif et 11,5 années d'exploitation. La taxe devait ainsi entrer en vigueur le 20 juillet 2013. Elle a toutefois subi deux reports en raison de difficultés techniques, au 1er octobre 2013, puis au 1er janvier 2014, avant que le Premier ministre annonce sa suspension le 29 octobre 2013, en raison des manifestations d'opposition à sa mise en oeuvre. De l'écotaxe au péage de transit poids lourds Après l'annonce de la suspension de la taxe, les deux assemblées parlementaires se sont saisies du sujet. La commission d'enquête du Sénat, présidée par Marie-Hélène Des Esgaulx, et dont le rapporteur était Virginie Klès 2 ( * ) , s'est penchée sur le contrat signé avec la société Écomouv'. Après avoir obtenu la communication de nombreuses pièces, dont la version intégrale du contrat de partenariat, l'ensemble des documents de la procédure d'appel d'offres et les rapports de suivi de l'avancement de la livraison du dispositif technique, la commission d'enquête a conclu que « le recours à un contrat de partenariat avait été dûment autorisé par le Conseil d'État saisi dans les formes prévues » et que « la consultation proprement dite conduisant au choix du prestataire in fine s'est déroulée dans le respect de l'égalité de traitement des candidats. » Elle a constaté les difficultés techniques rencontrées lors de la mise en place du dispositif et les retards pris par le prestataire, tout en appelant l'État à « sortir rapidement de l'impasse, en redéfinissant avec Écomouv' le périmètre de l'opération et les responsabilités réciproques de l'État et de son mandataire, tout en trouvant un nécessaire accord financier. » La mission d'information de l'Assemblée nationale, présidée par le président de la commission du développement durable, Jean-Paul Chanteguet, a quant à elle réfléchi aux évolutions à apporter à la taxe, afin de permettre sa mise en oeuvre effective. Elle a formulé un certain nombre de propositions destinées elles aussi à favoriser une entrée en vigueur rapide du dispositif. À la lumière de ces propositions, le Gouvernement a proposé la transformation de l'écotaxe en un péage de transit poids lourds, adopté par le Parlement dans le cadre de la loi de finances rectificative du 8 août 2014. Le réseau taxable a été limité aux grands itinéraires de transit international supportant un trafic de plus de 2 500 poids lourds par jour, ce qui l'a réduit de 15 000 kilomètres à 4 000 kilomètres. En revanche, son champ d'application a été peu modifié en ce qui concerne les redevables. La perception devait continuer à être effectuée par la société Écomouv' au moyen de boîtiers électroniques. Il a en revanche été mis fin à la distinction entre, d'une part, les camions immatriculés en France, obligés de disposer d'un tel boîtier électronique quel que soit leur itinéraire, d'autre part, les camions étrangers, autorisés à circuler sans boîtier sur le réseau non taxable. Une perception « à blanc », sans collecte de recettes, était envisagée à partir du 1 er octobre 2014, avant une entrée en vigueur définitive de la taxe à compter du 1 er janvier 2015. 550 millions d'euros bruts (desquels la rémunération du prestataire doit notamment être soustraite) étaient attendus de cette redevance. En parallèle, le 20 juin 2014, l'État a signé un protocole d'accord avec Écomouv', pour solder les différends existants au sujet des retards et des surcoûts, mais aussi exiger une révision à la baisse du montant des indemnités de résiliation en cas d'abandon de la taxe avant le 1 er novembre 2014. Cette clause traduit la part de responsabilité d'Écomouv' dans les difficultés auxquelles a été confronté le Gouvernement au moment de l'entrée en vigueur de la taxe. La résiliation du contrat signé avec Écomouv' ou l'abandon définitif de la taxe Le 9 octobre 2014, la ministre de l'Écologie et le secrétaire d'État aux Transports ont annoncé la « suspension sine die » du péage de transit poids lourds, ainsi que la création d'un « groupe de travail de co-construction d'une solution avec toutes les parties prenantes ». Lors de son audition devant votre commission le 29 octobre, Alain Vidalies a confirmé l'abandon du dispositif, avant d'annoncer le lendemain la résiliation du contrat avec la société Écomouv'. La prononciation de cette résiliation avant le 1 er novembre a pour conséquence de réduire le montant maximal de l'indemnisation d'Écomouv' à 839 millions d'euros, au lieu de 950 millions d'euros. D'après la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM), il s'agit d'une enveloppe maximale, car une négociation est en cours avec la société pour déterminer les modalités précises de la résiliation. La question de l'avenir des différentes composantes du dispositif technologique, qui pourront être réutilisées à d'autres fins, par exemple le recueil et diffusion d'informations sur la circulation, doit en particulier être réglée. Si la négociation aboutit, l'État aura alors deux mois pour payer l'indemnité. La perspective d'un contentieux n'est toutefois pas totalement exclue pour l'instant. |
La taxe poids lourds répondait à trois objectifs :
- réduire les impacts environnementaux du transport de marchandises en imposant un signal prix au transport routier ;
- rationaliser à terme le transport routier sur les moyennes et courtes distances, en réduisant par exemple le nombre de déplacements à vide et en augmentant la charge transportée ou en améliorant la répartition du trafic entre réseau autoroutier et réseau non concédé ;
- accélérer le financement des infrastructures nécessaires à la mise en oeuvre d'une politique de transport durable.
Elle avait fait l'objet d'un large consensus lors du Grenelle de l'environnement. Aussi, lorsque sa suspension a été annoncée une première fois, par le Premier ministre Jean-Marc Ayrault, le 29 octobre 2013, les deux assemblées parlementaires s'étaient saisies du sujet, et avaient appelé à une mise en oeuvre effective de cette taxe, qui met en application le principe de l'« utilisateur-payeur ».
La résiliation du contrat signé avec Écomouv' traduit l'abandon définitif de cette fiscalité écologique par le Gouvernement, sans aucune consultation du Parlement. Les dispositions du code des douanes qui en déterminent les modalités n'ont en effet toujours pas été abrogées.
Cette méthode est d'autant plus dommageable que l'abandon de la taxe poids lourds a des conséquences lourdes sur le financement des infrastructures de transport.
2. ... avec des conséquences lourdes pour le financement des infrastructures de transport
a) Le caractère incomplet du budget consacré aux transports terrestres pour 2015
L'abandon de la taxe poids lourds entraînera l' indemnisation par l'État de la société Écomouv', aujourd'hui évaluée à 839 millions d'euros . Lors de son audition devant votre commission, le secrétaire d'État aux transports a indiqué que cette somme ne serait pas prélevée sur le budget de l'agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF).
L'enveloppe de 839 millions d'euros inclut toutefois, à hauteur de 174 millions d'euros, les loyers dus à Écomouv' au titre de l'année 2014. Leur versement avait été reporté à 2015 à la demande de l'État mais ils devraient être acquittés par l'AFITF.
Par ailleurs, d'après le rapporteur spécial de la commission des finances, Marie-Hélène Des Esgaulx, le protocole d'accord signé en juin 2014 avec Écomouv' prévoit le paiement de cette indemnité par l'AFITF. Dans ce cadre, et comme elle l'a exposé devant votre commission, « soit l'AFITF finance tout, et se retrouve privée de crédits pour les infrastructures de transports, soit cette indemnisation est prévue ailleurs, dans une loi de finances, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. »
Cette lacune a conduit votre commission, à l'instar de la commission des finances, à considérer que le budget consacré aux infrastructures de transport pour 2015 est incomplet, et à appeler le Sénat à le rejeter pour cette raison.
b) Une compensation du manque à gagner limitée à 2015
L'abandon de l'écotaxe entraîne aussi un manque à gagner de l'ordre de 700 à 760 millions d'euros par an pour l'AFITF, qui n'est compensé que pour l'année 2015.
L'article 20 du projet de loi de finances prévoit en effet une augmentation de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) applicable au carburant gazole , de 2 centimes pour les véhicules particuliers, et de 4 centimes pour les transporteurs routiers de marchandises, qui bénéficient d'un niveau de taxation inférieur aux autres véhicules. Il prévoit l'affectation de 1,139 milliard d'euros du produit de la TICPE à l'AFITF pour l'année 2015 . L'AFITF bénéficiera ainsi de plus de deux milliards de recettes en 2015.
LES RECETTES PRÉVISIONNELLES DE L'AFITF EN 2015
Recettes |
Montant prévisionnel |
Produit de la TICPE affecté |
1 139 millions d'euros |
Taxe d'aménagement du territoire |
561 millions d'euros |
Redevance domaniale |
310 millions d'euros |
Produit des radars |
230 millions d'euros |
Total |
2 240 millions d'euros |
Cette mesure est bienvenue, compte tenu des difficultés budgétaires auxquelles l'AFITF a été confrontée depuis 2013, en raison des reports puis de la suspension de la taxe poids lourds.
La subvention d'équilibre apportée par l'État, qui devait disparaître avec la mise en place de la taxe poids lourds, a en effet été réduite dès l'année 2013, passant de 939 millions d'euros à 660 millions d'euros, alors même que la taxe n'était pas entrée en vigueur . L'agence a pu compenser ce manque à gagner en 2013 par un prélèvement de 430 millions d'euros sur son fonds de roulement, qui était élevé. Mais elle n'a pu avoir recours au même mécanisme en 2014 3 ( * ) , et a seulement bénéficié de 656 millions d'euros de la part de l'État.
Ainsi, alors que son budget avoisinait les 2,2 milliards d'euros par an de 2011 à 2013, il a été réduit en 2014 à 1,8 milliard d'euros . D'après le président de son conseil d'administration Philippe Duron, ce budget « peut être qualifié de crise 4 ( * ) » . L'AFITF a ainsi dû se contenter d'assurer le paiement des engagements antérieurs, en limitant au maximum les nouveaux. Elle a accumulé des retards de paiement vis-à-vis de Réseau ferré de France (RFF), à hauteur de 770 millions d'euros.
Fin 2013, le cumul des engagements contractés par l'agence s'élevait à un total de 33,8 milliards d'euros, dont 17,3 milliards avaient déjà été payés. Il subsistait ainsi 16,5 milliards d'euros de « restes à payer ». Dans ce contexte, pour réaliser les seuls engagements passés de l'État, un budget de 2,2 milliards d'euros par an est au minimum nécessaire.
Or, rien ne garantit qu'au-delà de 2015, l'augmentation de la fiscalité sur le gazole, aujourd'hui facilitée par la baisse du prix des carburants, sera pérennisée, ni qu'une partie de son produit continuera à être affectée à l'AFITF.
* 1 Les véhicules de transport de marchandises les véhicules d'intérêt général prioritaires, les véhicules, propriété de l'État ou d'une collectivité locale, affectés à l'entretien et à l'exploitation des routes et les véhicules et matériels agricoles définis par voie réglementaire, les véhicules à citerne à produits alimentaires exclusivement utilisés pour la collecte du lait dans les fermes...
* 2 Commission d'enquête sur les modalités du montage juridique et financier et l'environnement du contrat retenu in fine pour la mise en oeuvre de l'écotaxe poids lourds.
* 3 Elle n'a pu prélever que 83 millions d'euros sur son fonds de roulement.
* 4 Audition devant votre commission le mardi 9 septembre, à l'occasion du renouvellement de son mandat.