N° 524

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2014-2015

Enregistré à la Présidence du Sénat le 17 juin 2015

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE , actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense ,

Par M. Dominique de LEGGE,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : Mme Michèle André , présidente ; M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général ; Mme Marie-France Beaufils, MM. Yvon Collin, Vincent Delahaye, Mmes Fabienne Keller, Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. André Gattolin, Charles Guené, Francis Delattre, Georges Patient, Richard Yung , vice-présidents ; MM. Michel Berson, Philippe Dallier, Dominique de Legge, François Marc , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, François Baroin, Éric Bocquet, Yannick Botrel, Jean-Claude Boulard, Michel Bouvard, Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Carcenac, Jacques Chiron, Serge Dassault, Éric Doligé, Philippe Dominati, Vincent Eblé, Thierry Foucaud, Jacques Genest, Didier Guillaume, Alain Houpert, Jean-François Husson, Roger Karoutchi, Bernard Lalande, Marc Laménie, Nuihau Laurey, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Hervé Marseille, François Patriat, Daniel Raoul, Claude Raynal, Jean-Claude Requier, Maurice Vincent, Jean Pierre Vogel .

Voir le(s) numéro(s) :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) :

2779 , 2803 , 2804 , 2806 , 2816 et T.A. 525

Sénat :

494 (2014-2015)

AVANT-PROPOS

La commission des finances du Sénat s'est saisie pour avis du projet de loi actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense, adopté en première lecture par l'Assemblée nationale.

Ce projet de loi est la traduction des annonces faites par le Président de la République à la suite du Conseil de défense du 29 avril dernier.

Son objet principal est d'adapter les moyens du ministère de la défense à l'évolution de la situation internationale et de la menace terroriste sur le territoire national.

L'actualisation permet également de tirer les conséquences, sur le plan programmatique, de la réalité du calendrier de cession de la bande des fréquences « 700 MHz » et de l'abandon des sociétés de projet.

Le présent avis porte sur les articles 1 er à 4 bis , qui visent à modifier la programmation financière et la trajectoire des ressources humaines déterminées par la loi de programmation militaire (LPM) 2014-2019 du 18 décembre 2013.

Le présent projet de loi vise par ailleurs à introduire des dispositions relatives au statut des militaires et aux associations professionnelles nationales de militaires, ainsi que des dispositifs d'accompagnement de la réduction des effectifs.

Il convient de préciser que, s'inscrivant dans le cadre de l'article 34 de la Constitution qui, dans sa rédaction issue de la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008, prévoit que « des lois de programmation déterminent les objectifs de l'action de l'État », les lois de programmation militaire ont un rôle politique essentiel.

En revanche, leur rôle normatif en matière budgétaire et financière est assez faible. La programmation des crédits de paiement et des principales acquisitions de matériels est indicative, l'établissement des crédits de paiement et des autorisations d'engagement étant réservé aux seules lois de finances.

En particulier, l'actualisation de l'annuité 2015 de la programmation militaire doit trouver sa traduction concrète dans la plus prochaine loi de finances rectificative : le présent projet de loi ne n'entraîne pas en lui-même d'ouverture de crédits au bénéfice de la mission « Défense ».

I. LE RENFORCEMENT ET LA SÉCURISATION DES MOYENS FINANCIERS DU MINISTÈRE DE LA DÉFENSE (ARTICLE 2)

A. LA FORTE RÉDUCTION DE LA PART DES RECETTES EXCEPTIONNELLES DANS LE FINANCEMENT DU MINISTÈRE DE LA DÉFENSE DÈS 2015

1. La sécurisation in extremis des ressources de l'exercice 2015
a) La renonciation à financer la défense grâce au produit de cession de la bande des 700 Mhz

La loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 a adossé une part importante des ressources du ministère de la défense à des recettes exceptionnelles, en particulier, s'agissant de l'exercice 2015, le produit de la cession de la bande des fréquences comprises entre 694 MHz et 790 MHz (dite « bande des 700 MHz ») libérée par les évolutions de format de la télévision terrestre numérique (TNT). Cette cession devait permettre au ministère de la défense de disposer de 1,57 milliard d'euros de crédits en 2015, à travers le compte d'affectation spéciale « Gestion et valorisation des ressources tirées de l'utilisation du spectre hertzien, des systèmes et des infrastructures de télécommunications de l'État » (CAS « Fréquences »).

La loi de finances initiale pour 2015 a relevé cette prévision de 600 millions d'euros, portant les crédits inscrits sur le CAS « Fréquences » à 2,17 milliards d'euros quand, dans le même temps, les crédits de paiement de la mission « Défense » étaient réduits de 600 millions d'euros par rapport à la loi de programmation militaire.

L'actualisation de la LPM prévoit de sécuriser les ressources financières du ministère de la défense , en remplaçant par des crédits budgétaires les recettes exceptionnelles prévues sur CAS « Fréquences » .

Évolution de la structure des ressources financières
du ministère de la défense pour 2015 (périmètre LPM)

(en milliards d'euros)

2015

LPM

LFI

Actualisation

Crédits budgétaires

29,6

29

31,2

Ressources exceptionnelles

1,8

2,4

0,2

Total

31,4

31,4

31,4

Source : commission des finances du Sénat

Il faut rappeler que les lois de programmation n'ont qu'une valeur programmatique et ne procèdent pas à l'ouverture de crédits budgétaires, opération qui ne peut être réalisée que par une loi de finances.

Selon le ministère de la défense, les crédits ouverts en loi de finances initiale pour 2015 sur la mission « Défense » seront donc complétés dans « la plus prochaine loi de finances rectificative ».

De même, « les lois de finances ultérieures accorderont des crédits budgétaires sur la mission «Défense» en substitution des recettes exceptionnelles initialement prévues, à l'exception des recettes des cessions immobilières et des recettes provenant de la cession de matériels ».

Le ministère de la défense indique même à votre rapporteur que « le CAS «Défense» sera lui supprimé au PLF 2016 » et qu'« en contrepartie, les produits de cession de la bande des 700 Mhz seront, le moment venu, affectés au budget général de l'État ».

b) L'abandon des sociétés de projet

En première lecture à l'Assemblée nationale, un article avait été introduit dans projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques afin de lever les obstacles juridiques à la mise en oeuvre de l'opération de cession-bail de matériel militaire à travers des « sociétés de projet ».

Au Sénat, cet article a été supprimé par votre commission spéciale, en raison des doutes sérieux qui entouraient ce montage.

À la suite du Conseil de défense du 29 avril 2015, le Gouvernement a renoncé à rétablir cet article, dont la suppression a été confirmée par le Sénat et maintenue par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture.

Il n'est donc plus possible de mettre en oeuvre des sociétés de projet sur la base de matériels en service dans les forces.

Votre rapporteur pour avis se félicite de ce dénouement, car il avait dès le début souligné les limites et les risques de cette solution.

Il convient cependant d'apporter plusieurs remarques.

Premièrement, l'obstination de Gouvernement à soutenir, contre toute évidence, que le produit de cession de la bande des 700 Mhz pourrait être perçu dès 2015, puis à vouloir mettre en place des sociétés de projet, dont toutes les analyses - y compris le rapport commandé à l'Inspection générale des finances (IGF), au Contrôle général des armées (CGA) et à la Direction générale de l'armement (DGA) - démontraient les inconvénients, a créé une incertitude dommageable quant à la capacité du ministère de la défense à engager ou poursuivre les programmes d'armement prévus par la LPM.

Deuxièmement, cette obstination a eu un coût direct, d'une importance relative eu égard aux sommes en jeu, mais qu'il faut signaler. En effet, le ministère de la défense a été amené à recourir à des prestations extérieures d'expertise en matière de conseil juridique et financier, ses services ne disposant pas de la compétence nécessaire dans ces domaines, ou étant insuffisamment dimensionnés au regard de l'ampleur du travail à conduire.

Selon la réponse du ministère au questionnaire que lui a adressé votre rapporteur pour avis :

« La prestation de conseil juridique (avantages des différentes formes de société, aspects bilanciels et fiscaux, gouvernance, statuts, relations bancaires, garanties nécessaires) a été confiée au cabinet CMS Bureau Francis Lefebvre (Paris), après mise en concurrence, au travers d'un marché notifié le 10 décembre 2014 ; le montant final de la prestation, après décompte de résiliation suite à son interruption, s'élève à environ 200 000 euros

Le contrat pour les prestations de conseil financier conclu initialement par l'Agence des participations de l'État avec EY (mandataire d'un groupement composé de EY et de Vocation Finance) s'est élevé à 70 000 euros HT. Le marché notifié le 17 mars 2015 par la Défense avec EY pour analyser le schéma retenu, approcher le marché bancaire et assister à la mise en place des sociétés s'est élevé à 69 800 euros HT. »

Enfin, le renoncement aux sociétés de projet comme instrument de financement des équipements de nos forces armées n'interdit pas la mise en place d'un dispositif commercial permettant de mettre en location des équipements neufs pour un pays tiers, possibilité évoquée à plusieurs reprises par le ministre de la défense. Interrogé par votre rapporteur pour avis, le ministère de la défense indique que cette solution « reste pour le moment à un stade théorique ». Cependant, « l'État et les services du ministère de la défense se réservent la possibilité d'en étudier la mise en oeuvre si un tel projet survenait. Le dossier serait alors instruit avec toutes les parties concernées, y compris les partenaires privés à différents niveaux de l'opération ».

2. Des recettes exceptionnelles en baisse sur l'ensemble de la période de programmation

Au-delà de l'année 2015, le présent projet de loi substitue des crédits budgétaires à l'essentiel des recettes exceptionnelles prévues par la LPM, dont la loi n° 2014-1653 du 29 décembre 2014 de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2014 à 2019 avait encore accru le montant.

Les recettes exceptionnelles du ministère de la défense
pour la période 2015-2016

(en milliards d'euros)

2015

2016

2017

2018

2019

Total

REX prévues par la LPM

1,77

1,25

0,91

0,28

0,15

4,36

REX prévues après la LPFP 2015-2017

2,4

1,88

1,55

0,28

0,15

6,26

REX prévues après l'actualisation

0,23

0,25

0,15

0,15

0,15

0,93

Source : commission des finances du Sénat

Ce sont ainsi 3,4 milliards d'euros de crédits budgétaires, par rapport à la LPM, ou 5,3 milliards d'euros en tenant compte de la LPFP 2015-2017, qui viennent se substituer aux REX du ministère de la défense pour la période 2015-2019, essentiellement sur les trois premières années de celle-ci.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page