B. DES MESURES POUR LEVER LES FREINS À LA CONSTRUCTION ET ENCOURAGER LA CONSTRUCTION DE LOGEMENTS ABORDABLES

Votre rapporteur souhaite rappeler que de nombreux ménages modestes demeurent locataires faute de logements abordables.

En effet, comme l'a indiqué M. André Yché aux membres de votre commission, les prix d'accession sont devenus insoutenables en raison du départ des investisseurs institutionnels. Il ajoutait que « la capacité de négociation, qui permet de stabiliser les prix, voire de les tirer vers le bas dans certains cas, a complètement disparu ».

En outre, une étude du FIDAL publiée en 2014 comparant la fiscalité immobilière applicable dans plusieurs pays européens montrait que la fiscalité applicable en France pesait lourdement sur le prix d'acquisition (27 % du prix d'acquisition en France contre 10 % en Allemagne).

Votre rapporteur estime indispensable qu'une réflexion soit menée sur la fiscalité de l'immobilier et sur les moyens de faire revenir les investisseurs institutionnels. La relance de l'accession abordable permettrait ainsi non seulement de construire de nouveaux logements mais aussi de fluidifier les parcours résidentiels et ainsi libérer des logements du parc social.

Pour lever les freins à la construction et favoriser le développement du logement abordable, votre rapporteur propose d'agir sans attendre dans plusieurs directions : la poursuite de la simplification des normes et des procédures et la facilitation de l'accès au foncier public comme privé.

1. Simplifier les normes et les règles de contentieux de l'urbanisme

Les professionnels du secteur de la construction ont unanimement rappelé à votre rapporteur l'importance de réduire l'inflation règlementaire et normative. La relance du secteur de la construction impose de simplifier les normes applicables en matière de construction afin d'en diminuer le coût mais aussi d'encadrer les procédures afin d'accélérer la production de logements.


• L'évolution des prix de la construction peut être estimée à l'aide de deux indices :

- l'indice du coût de la construction, qui est un indice de prix calculé trimestriellement par le ministère du logement ;

- les index mensuel BT, qui permet de suivre les coûts des différents segments du secteur de la construction. Cet index est défini par l'INSEE avec les organisations professionnelles du secteur.

Entre 2004 et 2015, ces deux indices de référence ont augmenté de plus de 33 %.

En juin 2014, le Gouvernement avait annoncé cinquante mesures de simplification qui avaient pour objectif de mieux articuler les normes de référence sans diminuer la qualité exigée. Ainsi, en matière d'accessibilité, a-t-on autorisé l'acquéreur a réalisé des travaux modificatifs dès lors qu'était garantie la possibilité pour une personne handicapée de visiter le logement. De même, a-t-on supprimé l'obligation d'installer un conduit de fumée dans les maisons individuelles neuves équipées d'un système de chauffage électrique.

La CAPEB a indiqué à votre rapporteur que ces cinquante mesures de simplification n'avaient été effectives qu'en 2015. Votre rapporteur souhaite réaffirmer la nécessité que les annonces de simplification soient suivies d'une entrée en vigueur rapide et que ce mouvement de simplification soit poursuivi.

La production de nouvelles normes est également encadrée . L'article 10 de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte a consacré l'existence au niveau législatif du Conseil supérieur de la construction et de l'efficacité énergétique installé le 15 juin 2015. Ce conseil a pour mission de « conseiller les pouvoirs publics dans la définition, la mise en oeuvre et l'évaluation des politiques publiques relatives à la construction et sur l'adaptation des règles relatives à la construction aux objectifs de développement durable ». Il aura également pour mission de suivre l'évolution des prix des matériels et matériaux de construction et d'isolation.

Le Conseil a rappelé sa volonté d'accompagner « le mouvement de simplification des réglementations impulsées par le ministère du logement afin de construire davantage, mieux et moins cher et dans le respect de la qualité d'usage pour tous des logements ». Il a décidé de s'intéresser plus particulièrement à trois sujets : les coûts dans la construction, la charge des formations obligatoires et le poids de la normalisation dans la construction. Votre rapporteur sera particulièrement attentive aux conclusions du Conseil supérieur sur ces sujets.


• Les règles d'urbanisme, qu'il s'agisse de la délivrance des permis de construire ou des délais d'examen des recours, ont également un impact non négligeable sur la réalisation des constructions.

L'introduction d'un recours contentieux contre un permis de construire conduit en pratique à geler la réalisation de l'opération jusqu'à ce qu'il soit purgé. Or, les fédérations en charge de la construction constatent une multiplication des recours abusifs contre les autorisations de construire .

Des mesures avaient été prises par l'ordonnance n° 2013-638 du 18 juillet 2013 relative au contentieux de l'urbanisme qui comportait plusieurs mesures de nature à accélérer le règlement des litiges dans le domaine de l'urbanisme et à prévenir les contestations dilatoires ou abusives, en encadrant la notion d'intérêt à agir, en permettant au juge administratif de sursoir à statuer sur une demande d'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, lorsqu'il constate que la régularisation est possible par un permis modificatif.

Dans le même sens, l'article 111 de loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques dite loi Macron, a réservé l'action en démolition aux constructions situées dans des zones, espaces ou secteurs présentant des enjeux particuliers. Votre rapporteur a soutenu l'adoption de cette disposition de bon sens.

Cependant, ces mesures semblent encore insuffisantes. Les représentants de la Fédération des promoteurs immobiliers estiment que 30 000 logements seraient bloqués en raison de délais de jugement particulièrement longs .

Votre rapporteur souhaite que des réformes de la procédure contentieuse en matière d'urbanisme soient engagées rapidement afin que :

- des délais de jugement soient instaurés dans le cadre du contentieux des autorisations d'urbanisme, comme le code de justice administrative en prévoit pour le contentieux du droit au logement opposable. Un délai de 4 mois en première instance et 6 mois en appel pourraient être retenus ;

- le juge des référés puisse surseoir à statuer pour permettre au bénéficiaire de régulariser l'autorisation contestée ;

- soit créé un référé-recevabilité qui pourrait être introduit devant le juge des référés à la demande du défendeur.

2. Faciliter l'accès au foncier public comme privé

Comme l'ont indiqué les professionnels de l'immobilier à votre rapporteur, l'accès au foncier demeure un enjeu fondamental. La rareté et la cherté du foncier ont inmanquablement des conséquences sur le prix des logements.

S'agissant du foncier public , la loi n° 2013-61 du 18 janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social a permis à l'État de céder des terrains de son domaine privé avec une décote à la condition qu'ils soient destinés à la réalisation de programmes comportant une part de logements sociaux.

Ces dispositions s'appliquent également aux établissements publics de l'État et aux sociétés dont l'État est actionnaire à 100 %. Sont ainsi concernés : SNCF, Réseau ferré de France, Voies navigables de France, la RATP et, depuis le 1 er janvier 2015, les établissements publics de santé . Cependant le décret permettant à la Société de valorisation foncière et immobilière (SOVAFIM) de pouvoir céder ses terrains avec décote n'a, semble-t-il toujours pas été pris, ce que déplore votre rapporteur.

La loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, dite loi Macron, prévoit la possibilité d'une décote pour la part consacrée aux constructions d'équipements publics destinés aux occupants des logements, indépendamment de l'inscription du terrain par le préfet sur la liste régionale. En effet, la réalisation d'équipements publics peut également s'avérer nécessaire pour les terrains non soumis à décote de droit. Cette mesure traduit ainsi une recommandation de la Commission nationale de l'aménagement, de l'urbanisme et du foncier présidée par notre ancien collègue Thierry Repentin, et dont votre rapporteur salue l'action.

La loi n° 2015-917 du 28 juillet 2015 actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense a prévu que le taux de la décote consentie pour la cession de terrains occupés par le ministère de la défense ne peut excéder 30 % de leur valeur vénale . Cette disposition s'applique jusqu'au 31 décembre 2019. L'Assemblée nationale, sur proposition de Mme Valérie Rabault, rapporteure générale de la commission des finances, a supprimé cette disposition à l'article 21 ter du projet de loi de finances pour 2016.

Comme l'a indiqué M. Thierry Repentin à votre rapporteur, le foncier utilisé par le ministère de la défense se caractérise par une grande emprise permettant la construction de nombreux logements . Pour ces terrains, aucune cession ne peut en pratique se faire sans décote supérieure à 30 % en raison de la nécessité de réaliser des travaux conséquents de transformation conduisant à traiter des questions de désamiantage ou de dépollution des sols. Le plafonnement du taux de décote à 30 % pour les terrains militaires risque de geler des négociations engagées à propos de ces terrains.

Par ailleurs, l'article 21 bis du projet de loi de finances pour 2016 étend le dispositif de la décote aux opérations de réhabilitation , ce dont se félicite votre rapporteur. En effet, ces opérations permettront la réhabilitation de casernes des douanes ou de la gendarmerie.

Fin juillet, 365 terrains ont été identifiés, 281 appartenant à l'État et 84 aux établissements publics de transport. 25 sites ont ainsi été cédés par l'État pour un montant global de 48 millions d'euros, avec une décote de 76 millions d'euros . Ils permettront la réalisation de 4 000 logements dont 3 000 logements sociaux.

Si les mesures d'accès au foncier public vont dans le bon sens, votre rapporteur considère qu'il est également nécessaire d'agir sur le foncier privé .

La loi de finances pour 2015 comprenait plusieurs mesures favorisant la libération du foncier :

- exonération temporaire de droit de mutation à titre gratuit en cas de donation de terrain à bâtir lorsque le donataire s'engage à y construire un logement neuf dans les quatre ans ;

- abattement exceptionnel de 30 % sur les plus-values résultant de cessions de terrains à bâtir pour les promesses de vente signées entre le 1 er septembre 2014 et le 31 décembre 2015 ;

- abattement exceptionnel de 30 % sur les plus-values résultant de cessions de biens immobiliers bâtis situés dans des communes appartenant à une zone d'urbanisation continue de plus de 50 000 habitants si le cessionnaire s'engage dans un délai de quatre ans à démolir les constructions existantes puis à reconstruire de nouveaux logements dont la surface de plancher est au moins égale à 90 % de la surface de plancher maximale autorisée en application des règles du plan local d'urbanisme ou du plan d'occupation des sols.

Votre rapporteur constate que ces dispositions ne sont valables que pour l'année 2015. Elle ne peut que redire la nécessité d'avoir une politique foncière qui s'inscrit dans la durée . Elle note par ailleurs que la clause exigeant que 90 % de la surface de plancher maximale soit construite se révèle difficilement réalisable. En effet, la Fédération des promoteurs immobiliers a indiqué à votre rapporteur qu'en pratique non seulement ce taux était difficile à mesurer mais aussi que les maires octroyaient rarement un permis de construire pour un taux d'occupation aussi important.

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