B. LA PROSPECTIVE DE DÉFENSE

L'action 7 « Prospective de défense », dotée d' un milliard d'euros de crédits par le PLF 2016, soit 77 % des crédits du programme 144, se compose de quatre sous-actions qui correspondent à autant d'étapes de l'analyse stratégique lato sensu , comprise comme incluant la recherche technologique.

Évolution des crédits de l'action 7 « Prospective de défense » du programme 144

(en millions d'euros)

LFI 2015

PLF 2016

Évolution

2015-2016

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Action 7 : Prospective de défense

1 034,03

1 030,03

992,42

1 009,70

- 4,02 %

- 1,97 %

Sous-action 7-1 : Analyse stratégique

6,13

6,13

9,76

6,06

+ 59,31 %

- 1,08 %

Sous-action 7-2 : Prospective des systèmes de forces

20,81

20,81

20,96

20,96

+ 0,72 %

+ 0,72 %

Sous-action 7-3 : Études amont

742,91

738,91

680,00

706,53

- 8,47 %

- 4,38 %

Sous-action 7-4 : Soutien et subventions

264,19

264,19

281,70

276,15

+ 6,63 %

+ 4,53 %

Source : réponse au questionnaire adressé au Gouvernement en application de l'article 49 de la LOLF

1. L'analyse stratégique (6 millions d'euros en CP)

L'analyse stratégique, objet de la sous-action 7-1 du programme 144, vise à éclairer le ministre de la défense sur l' évolution du contexte stratégique en général ; elle constitue une analyse prospective de l'évolution de l'environnement international, en particulier des risques et des menaces qui peuvent affecter la sécurité de la France et de l'Union européenne. L'objectif est d'anticiper les tendances à moyen et long terme, en cherchant à identifier quels types de ruptures et de surprises stratégiques pourraient potentiellement affecter cet environnement, ainsi que leurs conséquences prévisibles sur la politique de défense française.

Cette analyse, dont les évènements récents ont mis en évidence la nécessité, est désormais réalisée par le pôle « prospective et recherche stratégique » de la direction générale des relations internationales et de la stratégie (DGRIS) créée en janvier 2015. Ce pôle est chargé de coordonner et conduire la mise en oeuvre de la politique des études prospectives et stratégiques du ministère de la défense par le canal du comité de cohérence de la recherche stratégique et de la prospective de défense (CCRP).

Les crédits consacrés à la sous-action « Analyse stratégique » sont prévus à hauteur de 6,06 millions d'euros en CP par le PLF 2016, montant quasi stable (- 1 %) par rapport à 2015. En revanche, la prévision d' AE s'élève à 9,76 millions d'euros , soit une augmentation de 59 % (+ 3,63 millions d'euros) par rapport à l'année en cours. Ce niveau d'AE répond au besoin qu'entraîne à cet égard la réforme du dispositif ministériel de soutien à la recherche stratégique mise en oeuvre en 2015 et 2016 par la DGRIS, consistant dans une refonte du dispositif contractuel (création de contrats-cadres, augmentation de la part des « observatoires ») et le développement de nouvelles relations avec le champ universitaire : cette réforme, en effet, donne lieu à la notification d'engagements pluriannuels auprès des différents prestataires du ministère de la défense (instituts de recherche, universités, etc.). Elle tend à donner plus de prévisibilité et donc à améliorer le pilotage des études.

Répartition des crédits de la sous-action 7-1 « Analyse stratégique » pour 2016

(en milliers d'euros)

Opérations budgétaires

AE

CP

Études prospectives et stratégiques (EPS)

8,15

5,45

Programme « Personnalités d'avenir - défense »

1,25

0,25

Recherche stratégique

0,36

0,36

Total

9,76

6,06

Source : PAP de la mission « Défense » annexé au PLF 2016

a) Les études prospectives et stratégiques

Les études prospectives et stratégiques (EPS), qui doivent bénéficier de CP à hauteur de 5,4 millions d'euros en 2016, font l'objet d'une expression ministérielle des besoins, donnant lieu à une programmation annuelle. Le nombre des études programmées pour 2016 devant être arrêté à l'issue de la réunion du CCRP de novembre 2015, il ne figure pas dans la documentation budgétaire. Pour l'année en cours, 45 études ont été programmées. Pour la première fois, cette programmation a permis la mise en place de quatre contrats-cadres, marchés pluriannuels, au profit de domaines prioritaires pour le ministère de la défense : cyberdéfense, dissuasion, Russie et Afrique du Nord-Proche et Moyen-Orient.

Il convient de noter que cette analyse stratégique, parmi l'ensemble des études auxquelles elle donne lieu, permet l'élaboration du document - public - intitulé Horizons stratégiques (cf. encadré ci-après).

Le coût unitaire moyen d'une étude ne reflète pas la dispersion des montants des différentes études , qui vont des contrats pluriannuels susmentionnés, dont le montant peut atteindre 0,3 à 0,5 million d'euros par an, aux contrats de recours à des consultants, pour des montants de 4 000 à 50 000 euros, selon le thème et la complexité des sujets.

La démarche stratégique française

La politique de défense de la France s'inscrit dans un contexte caractérisé par la rapide évolution de l'environnement international et des équilibres régionaux. Les menaces directes contre nos intérêts ont diminué ; des crises régionales ou sous-régionales, en revanche, peuvent indirectement affecter la sécurité de notre pays ; des phénomènes globaux sont susceptibles d'atteindre plus directement nos intérêts (prolifération des armes de destruction massive, cyber-terrorisme..).

La volonté de répondre à ce changement de paradigme de sécurité est inscrite dans les éditions successives du Livre blanc sur la sécurité et la défense nationale (LBSDN), dont l'objectif est de définir la stratégie globale de défense et de sécurité de la France et de l'adapter à l'environnement géostratégique. Le LBSDN fixe le niveau d'ambition politique et militaire du pays afin d'établir un cadre de référence de long terme et officiel, tant vis-à-vis de l'extérieur (dimension diplomatique) qu'auprès des acteurs politiques nationaux (représentation nationale, citoyens...). Il arrête, pour les années à venir, les choix stratégiques et structurants de notre appareil de défense et de sécurité nationale.

La démarche stratégique française est également enrichie d'études et analyses donnant lieu à des documents, soit publics, soit classifiés. Pour le ministère de la défense, la démarche stratégique se décline autour des documents suivants :

1.- Horizons stratégiques . Ce document public de prospective géostratégique à l'horizon des trente prochaines années, élaboré régulièrement avec le concours des principaux organismes ministériels chargés de la préparation de l'avenir, s'articule autour de sept domaines d'étude : relations internationales ; conflictualité et opérations militaires ; économie ; démographie et migrations internationales ; ressources et environnement ; santé ; évolutions sociétales. Il vise, notamment, à identifier les risques et menaces de nature à déstabiliser l'environnement politique international et à impacter, directement ou indirectement, les intérêts stratégiques français.

2.- Les documents de prospective opérationnelle de l'état-major des armées (EMA). Le chef d'état-major des armées (CEMA) est chargé de la préparation des opérations présentes et futures. Il exprime un besoin militaire dont les solutions capacitaires sont élaborées en collaboration avec la direction générale de l'armement (DGA). Des situations opérationnelles à 15 ans, issues d'une analyse confrontant menaces et intérêts, sont déterminées à cet effet. Les grandes orientations stratégiques ayant été fixées dans le LBDSN de 2013, l'EMA a travaillé ensuite sur leurs prolongements en termes d'hypothèses d'emploi et de réponses capacitaires au besoin militaire à un horizon de 10 à 15 ans.

3.- Le document de politique et d'objectifs scientifiques (POS). Ce document, édité par la Mission pour la recherche et l'innovation scientifique (MRIS) de la DGA, répartit les sujets de recherche par domaine scientifique (mathématiques, électromagnétisme, sciences du vivant, etc.) en identifiant les thématiques à traiter par leur intérêt général d'un point de vue de recherche. Cette approche permet d'identifier et d'exploiter des synergies entre les recherches civile et militaire. La dernière édition du document de POS date de 2012 ; la prochaine sera intégrée au sein du corpus documentaire prévu dans le cadre de la nouvelle gouvernance de la S&T (science, recherche, technologie et innovation).

4.- Le Plan stratégique de recherche et technologies (PSR&T). Ce document, élaboré par la DGA, établit les grands équilibres de la R&T, en amont du processus de planification des études amont du ministère de la défense. Deux volets sont pris en considération : l'un, capacitaire, permet, à partir des plans d'équipements, de déterminer les démonstrateurs, les levées de risques et les développements technologiques à effectuer avant le lancement effectif des programmes ; l'autre a vocation à identifier les pistes technologiques prometteuses devant être accompagnées (sans qu'une échéance d'application soit forcément précisée). Le PSR&T ne fera pas l'objet de mise à jour en 2015, la DGA se concentrant cette année sur la préparation des systèmes futurs dans le cadre de la nouvelle gouvernance des activités de S&T, conformément aux évolutions d'organisation du ministère de la défense. L'orientation de ces travaux a vocation à concourir à la satisfaction du besoin militaire prévisible défini avec l'EMA.

6.- Le rapport du Groupe de travail sur les orientations stratégiques de politique spatiale de défense (GOSPS). Ce rapport précise les enjeux capacitaires à l'horizon 2020 et propose des axes d'efforts prioritaires.

- Comparaisons internationales


Aux États-Unis , depuis 1997, la Quadriennal Defense Review (QDR) constitue un document que tout nouveau président, élu ou réélu, a l'obligation de remettre au Congrès. C'est un élément fondateur de la politique menée par le département de la défense (DoD) au cours du mandat présidentiel. Prenant naturellement en compte les orientations politiques présidentielle (National Security Strategy) et ministérielle (National Military Strategy ), cette QDR vise à formaliser la vision du DoD sur les menaces et est le fruit d'un consensus entre les différentes composantes du département (armées et services). D'autres documents, non obligatoires, peuvent également être publiés pour de nouvelles orientations sur un sujet particulier, comme la Nuclear Posture Review, la Missile Defense Review et la Space Posture Review.


Au Royaume Uni , le ministère de la défense (MoD) publie et met régulièrement à jour plusieurs documents, suivant une démarche séquentielle et à plusieurs niveaux, tout à fait comparables à l'approche française (LBDSN - politique de défense - prospectives géostratégique, opérationnelle et technico-capacitaire). On distingue ainsi :

- le Global Strategic Trends out to 2040 (publié en 2010), très proche du rapport français de prospective géostratégique Horizons stratégiques ;

- le High Level Operational Concept (HLOC) , qui vise à décrire le cadre conceptuel des opérations interarmées britanniques et le développement des capacités ad hoc pour les vingt prochaines années ;

- la Strategic Defence and Security Review (SDSR) et le National Security Strategy (NSS), qui constituent les documents majeurs, comparable au LBDSN français, bénéficiant d'une vocation quasi-programmatique. Le processus de SDSR est en cours et vise une publication avant la fin 2015.


L'Allemagne publie de manière non régulière un Livre blanc sur la politique de sécurité et sur l'avenir de la Bundeswehr : la dernière édition date de 2006, soit douze ans après la précédente ; un nouveau processus d'élaboration est en cours, qui doit durer jusqu'à l'été 2016. Ce document vise notamment à définir les orientations stratégiques pour préparer les forces armées à affronter les nouveaux défis à la sécurité.

- Articulation avec les travaux de l'AED et de l'OTAN


Le Plan de développement des capacités (CDP) conçu au sein de l'Agence européenne de défense (AED) ne constitue pas une stratégie en soi mais un instrument de planification à l'horizon 2025, visant à garantir la capacité de l'Union européenne à répondre aux missions de la politique de sécurité et de défense commune (PSDC). Combinant lacunes opérationnelles immédiates, besoins capacitaires de moyen et de long termes ( Long Term Vision, LTV), capacités militaires existantes et programmes d'armement en cours, le CDP vise à élaborer des priorités capacitaires au niveau européen et à orienter les planifications nationales. Mis à jour périodiquement, ce plan, auquel contribue l'analyse stratégique française, facilite l'identification des opportunités de coopération. Il a permis d'identifier en 2014 - date de sa dernière version - 16 priorités capacitaires servant de base aux différentes initiatives de l'AED.


Dans le cadre de l'OTAN, le Processus de planification de défense (NATO Defence Planning Process - NDPP) vise à inciter les États membres de l'Organisation à détenir, conserver ou développer, à l'horizon 2030, les capacités identifiées comme nécessaires pour mener les missions confiées à l'Alliance, en concordance avec son niveau d'ambition (Level of Ambition - LoA). Le NDPP recense les forces et structure le développement capacitaire dans un souci d'interopérabilité et d'une juste répartition de l'effort de défense entre les nations.

L'analyse stratégique française contribue à l'élaboration du Strategic Foresight Analysis (SFA) et du Framework for Future Alliance Operations (FFAO).

D'autres documents d'analyse stratégique de nature générale (analyse de la menace, planification capacitaire) sont régulièrement produits et diffusés sous classification OTAN. Le Commandement suprême allié Transformation (ACT) , qui assume la responsabilité du renforcement des capacités opérationnelles et se trouve dirigé par un officier général français depuis 2009, est responsable pour la réflexion stratégique militaire, le développement capacitaire et l'entraînement des forces, préparant ainsi l'avenir depuis le futur immédiat jusqu'au très long terme.

Source : réponse au questionnaire adressé au Gouvernement en application de l'article 49 de la LOLF

b) La recherche stratégique

Les crédits identifiés au titre de l'opération budgétaire « recherche stratégique » - 360 000 euros pour 2016 - correspondent principalement aux subventions pour publication octroyées chaque année par le ministère de la défense aux instituts de recherche qui en font la demande. La liste des bénéficiaires est arrêtée en cours de gestion. L'objectif est de promouvoir et valoriser les productions intellectuelles, aux plans national et international, et, ce faisant, de contribuer à la politique ministérielle d'influence.

Par ailleurs, un « Pacte Enseignement Supérieur » a été élaboré par le ministère de la défense afin de soutenir directement l'émergence de jeunes universitaires et leur spécialisation sur les questions de défense (soutien à la création d'une filière « Études stratégiques » visant à faire pendant aux « War studies » anglo-saxonnes, ainsi qu'à des domaines d'intérêt critiques comme la dissuasion, la cyberdéfense et les questions régionales). En lien avec l'Institut de recherche stratégique de l'École militaire, le dispositif tend à financer des chercheurs (allocations doctorales et postdoctorales) et des projets (création de chaires ou de groupements d'intérêt scientifique), mais également de contribuer au rayonnement de la pensée stratégique française (« projection » des chercheurs à l'international) sur la base d'une logique d'excellence (création de « labels d'excellence »).

c) Le programme « Personnalités d'avenir - défense »

Le programme « Personnalités d'avenir - défense » (PAD), mis en oeuvre depuis 2008, constitue un programme d'accueil visant à sensibiliser aux positions françaises en matière de sécurité et de défense de futures élites étrangères (hauts fonctionnaires, conseillers diplomatiques, officiers, journalistes, chercheurs et industriels étrangers entre 25 et 40 ans qui pourraient exercer des fonctions importantes liées aux enjeux de sécurité et de défense à moyen ou long terme), et à créer des contacts entre ces jeunes cadres et les correspondants français partageant les mêmes centres d'intérêt. La présélection des candidats potentiels est assurée par le canal des attachés de défense.

La prévision budgétaire en la matière est établie sur la base d'une programmation de plus d'une vingtaine d'invitations par an, chacune d'une semaine en moyenne. La dotation destinée au programme pour 2016 est ainsi, comme en 2015, de 250 000 euros en CP.

Il semble encore tôt pour tirer un bilan véritable d'un programme dont l'objectif est de contribuer à la constitution et l'entretien d'un réseau d'influence sur le long terme. Depuis 2009, 143 personnes étrangères ont été reçues, en France, à ce titre.

2. La prospective des systèmes de forces (21 millions d'euros en CP)

La prospective des systèmes de forces regroupe les activités destinées à identifier les besoins opérationnels et à orienter et exploiter les études de défense pour éclairer les choix ultérieurs en matière de capacités opérationnelles. Instrument essentiel de la préparation du futur, elle fait partie intégrante du processus conduisant à la programmation et à la planification. En vue de conjuguer les dimensions opérationnelles et techniques, ces activités sont conduites de façon collégiale par les officiers de cohérence opérationnelle (OCO) de l'état-major des armées (EMA) et les architectes de systèmes de forces (ASF) de la direction générale de l'armement (DGA). Elles se trouvent placées sous l'égide du comité d'architecture des systèmes de forces (CASF), co-présidé par l'EMA et la DGA.

Ces activités comprennent la réalisation d'études à caractère opérationnel et technico-opérationnel (EOTO), objet de la sous-action 7-2 du programme 144 . Elles s'appuient également sur les résultats des études amont qui font l'objet de la sous-action 7-3.

Les EOTO éclairent, dans les domaines opérationnels et techniques, les réflexions en matière d'équipement et d'emploi. Ces études portent sur la définition des besoins futurs à satisfaire ; sur la recherche du meilleur compromis entre les caractéristiques opérationnelles, les spécifications techniques et les coûts associés dans les systèmes en projet ou les évolutions des systèmes existants ; et sur l'emploi des systèmes d'armes. Elles font l'objet d'un programme annuel prévisionnel soumis à la validation du comité des études à caractère opérationnel et technico-opérationnel (CETO), présidé par un représentant du chef d'état-major des armées.

La sous-action « Prospective des systèmes de forces » est dotée par le PLF 2016 de 20,95 millions d'euros. Sur ce montant, stable par rapport à 2015, 3 millions d'euros (16,7 %) sont affectés, comme cette année, à la dissuasion, le reste étant consacré aux systèmes de forces conventionnels.

Répartition des crédits de la sous-action 7-2 « Prospective des systèmes de forces » pour 2016

(en millions d'euros)

Opérations budgétaires

AE

CP

Part du total (CP)

Dissuasion

3,00

3,00

16,7 %

Commandement et maitrise de l'information

5,75

5,21

29,0 %

Engagement - combat

6,80

7,50

41,8 %

Études transverses

0,50

0,94

5,2 %

Projection-mobilité-soutien

1,00

1,31

7,3 %

Protection et sauvegarde

3,9

2,99

16,7 %

Total

17,95

17,95

100,0 %

Source : PAP de la mission « Défense » annexé au PLF 2016

3. Les études amont (706 millions d'euros en CP)

Les études amont, objet de la sous-action 7-3 du programme 144, sont définies comme « des recherches et études appliquées rattachées à la satisfaction d'un besoin militaire prévisible et contribuant à constituer, maîtriser, entretenir ou à développer la base industrielle et technologique de défense (BITD), ainsi que l'expertise technique de l'État nécessaires à la réalisation des opérations d'armement » . Ces travaux poursuivent un triple objectif :

- disposer des technologies nécessaires au développement et à l'évolution des systèmes pour lesquels une autonomie nationale totale ou partielle est requise ;

- disposer des compétences industrielles et étatiques permettant de réaliser les programmes futurs, dans un cadre national ou en coopération ;

- susciter et accompagner l'innovation dans les domaines intéressant la défense, par le canal de dispositifs de recherche coordonnés avec l'Agence nationale de la recherche (ANR) ou en favorisant la compétitivité et l'accès au marché de la défense aux PME/PMI et entreprises de taille intermédiaire (ETI), en lien avec la direction générale de la compétitivité, de l'industrie et des services (DGCIS).

Depuis 2014, la gouvernance des études amont est organisée selon une segmentation de la recherche scientifique et technologique, par agrégats sectoriels qui présentent une cohérence en termes d'objectifs capacitaires, industriels et technologiques.

Les priorités en matière d'études amont définies par la LPM 2014-2019

Suivant le rapport annexé à la LPM 2014-2019 dans sa rédaction actualisée par la loi du 28 juillet 2015, les priorités en matière d'études amont concernent :

- la préparation du renouvellement des deux composantes de la dissuasion ;

- la conception des futurs aéronefs de combat au travers d'une dépendance mutuelle organisée autour du couple franco-britannique, la préparation des évolutions du Rafale, l'autoprotection et les travaux spécifiquement militaires sur les hélicoptères, l'insertion des drones dans la circulation aérienne en coopération européenne ;

- la montée en puissance de la rationalisation de l'industrie franco-britannique pour le renouvellement et la rénovation des systèmes de missiles ;

- la lutte sous-marine, les systèmes de combat naval modulaires opérant en réseaux, les architectures innovantes pour les bâtiments de surface ;

- la montée en puissance de la cyberdéfense ;

- la poursuite des efforts sur la protection des véhicules, des équipages et des combattants, la surveillance des itinéraires ; les nouvelles technologies pour munitions ;

- la préparation de futurs programmes spatiaux d'écoute, d'observation et de communication ; la poursuite de l'effort sur le traitement des images, la guerre électronique, l'exploitation et le traitement des données de renseignement, la numérisation de l'environnement géophysique, les évolutions des systèmes de radionavigation ;

- la lutte anti-drones.

Source : Légifrance

a) Une prévision en ligne avec l'objectif de la LPM

Globalement, la sous-action « Études amont » est dotée, pour 2016, de 680 millions d'euros en AE et 706,5 millions d'euros en CP , soit 55 % de l'ensemble des crédits de paiement prévus pour le programme 144. Ce niveau de CP, comme on l'a signalé déjà, marque, par rapport à 2015, une diminution sensible (- 32 millions d'euros en CP, soit - 4,5 %), mais ne remet pas en cause l'objectif fixé en la matière par la LPM 16 ( * ) - qui prévoit, en faveur des études amont, une dotation de 730 millions d'euros en moyenne annuelle sur la période 2014-2019 , soit environ 100 millions de plus par an qu'avant 2013. Vos rapporteurs pour avis resteront vigilants quant au respect de cet objectif.

Sur la dotation prévue pour l'année prochaine, le tiers des CP (237 millions d'euros) se trouve affecté à la dissuasion, le reste étant consacré aux systèmes de forces conventionnels.

Répartition et évolution des crédits de la sous-action 7-3 « Études amont »

(en millions d'euros)

Opérations budgétaires

LFI 2015

PLF 2016

Évolution 2015-2016 (CP)

AE

CP

Part du total (CP)

AE

CP

Part du total (CP)

Dissuasion

199,00

232,00

31 %

158,00

237,00

34 %

+ 2 %

Aéronautique et missiles

212,91

168,55

23 %

199,00

164,27

23 %

- 3 %

Information et renseignement classique

97,00

114,74

15 %

84,00

92,27

13 %

- 20 %

Information et renseignement espace

20,00

12,39

2 %

12,00

13,28

2 %

+ 7 %

Naval

37,00

34,23

5 %

42,00

31,30

4 %

- 9 %

Terrestre, NRBC et santé

40,00

52,43

7 %

44,00

43,46

6 %

- 17 %

Innovation et technologies transverses

137,00

124,56

17 %

141,00

124,96

18 %

0 %

Total

742,91

738,91

100 %

680,00

706,53

100 %

- 4 %

Source : réponse au questionnaire adressé au Gouvernement en application de l'article 49 de la LOLF

On lira dans l'encadré ci-après quelles études amont sont prévues, au moyen de ces crédits, pour 2016. En outre, l'année prochaine devrait être marquée par le lancement effectif de la coopération convenue, en mai dernier, entre l'Allemagne, la France et l'Italie, récemment rejointes par l'Espagne, afin de conduire en commun une étude, d'une durée de deux ans, visant à préparer la phase de développement d'une nouvelle génération de drones MALE (moyenne altitude, longue endurance) à l'horizon 2025. Cette étude, dont le budget doit s'élever au total à 60 millions d'euros, a pour but d'instruire les nombreux compromis nécessaires sur l'expression du besoin et sur les choix de définition technique ; les points principaux sont le partage du concept d'emploi, l'architecture du système, la cybersécurité, la certification, la navigabilité, le choix des capteurs et les liaisons de données et l'insertion dans l'espace aérien. L'Allemagne a demandé à être leader de cette coopération, dans laquelle elle interviendra de fait à hauteur de 31 %, tandis que l'Espagne, la France et l'Italie, chacune, interviendront pour 23 %.

Les études amont prévues en 2016


Dissuasion (237 millions d'euros en CP). - Les crédits affectés pour 2016 aux études amont concernant la dissuasion le sont au profit, en ce qui concerne la composante océanique de la dissuasion, de la préparation du programme de sous-marins nucléaires lanceurs d'engins (SNLE) de troisième génération et des études visant à porter à maturité les technologies pour les évolutions du missile M51 et, pour ce qui touche à la composante aéroportée, des études et expérimentations préparant la prochaine génération de missile. Les études portant sur les transmissions nucléaires et stratégiques seront également poursuivies.


Aéronautique et missiles (164 millions d'euros en CP). - Dans le domaine de l'aviation de combat, l'année 2016 sera marquée par l'achèvement prévu de la phase de faisabilité du projet de démonstrateur de drone de combat en coopération franco-britannique. Les études contribuant à la préparation des évolutions du Rafale seront poursuivies en 2016, notamment dans le domaine de la guerre électronique et du radar pour lequel de nouveaux traitements feront l'objet de démonstrations. Dans le domaine des hélicoptères de combat et des aéronefs de transport, les études relatives à la préparation d'un futur standard du Tigre seront poursuivies ainsi que celles portant sur de nouveaux types de leurres et sur l'autoprotection des aéronefs. Dans le domaine des missiles, faisant suite aux orientations proposées en 2015, des travaux d'études de propulsions de nouvelle génération seront poursuivis (propulsion solide bi-pulse, propulsion modulée). Les études se poursuivront également au niveau des autodirecteurs, des matériaux énergétiques de défense (explosifs et propergols principalement) et des têtes militaires (pénétration et maîtrise des effets).


Information et renseignement classique (92 millions d'euros en CP). - Dans les domaines du renseignement militaire et de la surveillance, les engagements prévus pour 2016 portent principalement sur des études pour les futurs moyens de recueil et de traitement d'images et des émissions électromagnétiques et sur les technologies de surveillance, de détection et de pistage de cibles. Dans ces domaines, les principaux résultats attendus de l'année concernent l'imagerie radar à ouverture synthétique et l'imagerie hyperspectrale, ainsi que des avancées technologiques dans le domaine des radars. Dans les domaines des systèmes d'information et de communications et de la cybersécurité, les principaux attendus portent sur les formes d'ondes pour la radio haute fréquence du futur et sur les liaisons à haut débit pour plateformes aéronautiques. Les engagements de l'année concernent principalement les futurs systèmes de communication à haute fréquence, les technologies de sécurité des systèmes d'information et de cyberdéfense, ainsi que des travaux dans le domaine de l'environnement géophysique.


Information et renseignement espace (13 millions d'euros en CP). - Dans le domaine spatial, seront poursuivis en 2016 les travaux portant sur le segment utilisateur des futures capacités de télécommunications satellitaires ainsi que sur la préparation des moyens spatiaux futurs de renseignement d'origine électromagnétique.


Naval (31 millions d'euros en CP). - Les principaux attendus des études amont du domaine naval en 2016 concernent les points d'application des feuilles de route technologiques sur les bâtiments de surface, en particulier les frégates, notamment dans les domaines du radar, de la guerre électronique et de la lutte sous la mer. Les engagements portent essentiellement sur la poursuite des travaux et le lancement de nouvelles études sur les systèmes de combats des navires.


Terrestre, NRBC et santé (43 millions d'euros en CP). - En 2016, les attendus du domaine terrestre portent principalement sur des technologies permettant d'améliorer la modulation et la maîtrise de la fonction feu. Les engagements portent principalement sur le lancement de travaux en robotique et optronique notamment pour la reconnaissance et la surveillance. Il est également prévu de poursuivre des études dans le domaine de la protection des véhicules et dans celui des munitions. Dans le domaine de la défense NRBC, les études concernant les contre-mesures médicales, la détection et l'approfondissement de la connaissance des agents NRBC se poursuivront. Les travaux portant sur la santé du militaire en opération seront maintenus, notamment dans les domaines de la réparation tissulaire par thérapie cellulaire et de la lutte contre le choc hémorragique.


Innovation et technologies transverses (125 millions d'euros en CP). - Les études amont à caractère transverse concernent les technologies critiques, des technologies clés et le développement de l'expertise technique nécessaire à la conduite des opérations d'armement ; en 2016, les principaux attendus en la matière visent les composants et matériaux critiques pour les futurs systèmes d'arme, ainsi que de nouvelles méthodologies pour leur évaluation.

Source : PAP de la mission « Défense » annexé au PLF 2016

Notons que le soutien à l'innovation est effectué au moyen de différents dispositifs, dont ASTRID (accompagnement spécifique des travaux de recherche et d'innovation de défense, géré par l'Agence nationale de la recherche - ANR), lancé en 2011 pour financer des projets de laboratoires de recherche agissant seuls ou avec des entreprises, notamment des PME innovantes ; et RAPID (régime d'appui pour l'innovation duale, piloté par la DGA). Ce dernier dispositif, mis en place en 2009 pour soutenir l'innovation duale des PME, se trouve étendu depuis 2011 au soutien des entreprises intermédiaires de moins de 2 000 salariés ; ses crédits sont passés de 40 millions d'euros en 2013 à 45 millions en 2014 et 50 millions en 2015, soit une augmentation de 25 % en trois ans . Une première analyse, conduite cette année, permet de dresser un bilan positif :

- le dispositif RAPID représente pour le ministère de la défense un accès à de nouvelles PME, en majorité non référencées à la DGA ;

- il se traduit par des ruptures technologiques dans 60 % des cas et débouche sur des démonstrateurs pour 45 % des projets ;

- les retombées en termes de défense sont significatives : seuls 10 % des projets analysés ne débouchent sur aucune application de défense ;

- les bénéfices économiques et industriels sont indéniables : la moitié des projets évalués créent et pérennisent des emplois.

b) Une partie seulement de l'effort de recherche de défense

Les études amont ne constituent qu'une partie de l'effort de recherche en matière de défense . Celui-ci est usuellement mesuré à travers les agrégats « recherche et technologie » (R&T, composé du budget des études amont et des subventions aux écoles relevant de la tutelle de la DGA, que retrace la sous-action 7-4 du programme 144) et « recherche et développement » (R&D, composé de l'agrégat R&T précité, des autres études de défense - EPS, EOTO, crédits de recherche du CEA-DAM et crédits de recherche duale du CNES et du CEA - et des crédits de développement des programmes d'armement retracés, au plan budgétaire, par le programme 146 « Équipement des forces » de la mission « Défense »).

Évolution des crédits de recherche de défense

(CP, en millions d'euros)

LFI 2009

LFI 2010

LFI 2011

LFI 2012

LFI 2013

LFI 2014

LFI 2015

PLF 2016

Études amont

660,1

653,2

645,2

633,2

747,9

745,0

738,9

706,5

R&T

821,0

814,7

800,5

780,5

896,7

866,7

863,7

834,5

Études de défense

1 571,3

1 620,1

1 647,9

1 644,0

1 728 ,4

1 728,0

1 587,4

1 529,5

- dont recherche CEA

527,4

585,5

626,6

647,7

615,0

640,8

505,3

488,5

- dont EPS

3,9

3,5

4,2

4,5

4,7

5,8

5,5

5,5

- dont EOTO

19,0

18,5

19,6

18,5

19,8

20,5

20,8

21,0

- dont recherche duale

200,0

200,0

196,9

192,9

192,2

192,9

192,1

180,1

Développements (prog. 146)

2 253,1

1 948,5

1 629,6

1 800

1 550,0

1 835,1

2 051,6

2 255,2

Total R&D

3 824,3

3 568,6

3 277,5

3 444,0

3 278,4

3 563,1

3 639,0

3 784,7

Source : réponse au questionnaire adressé au Gouvernement en application de l'article 49 de la LOLF

Le budget de R&T est prévu pour 2016 à hauteur de 834,5 millions d'euros en CP, en baisse de 3,5 % par rapport à 2015 (- 29 millions d'euros). Les développements réalisés dans le cadre des programmes d'armement, en revanche, bénéficieront de 2,255 milliards d'euros (crédits inscrits sur le programme 146), soit une augmentation de près de 10 % par rapport à 2015. De la sorte, le montant total du budget de R&D de la défense sera porté à près de 3,785 milliards d'euros l'année prochaine, en augmentation par rapport aux années précédentes (+ 10 %, en cumul, en deux ans ; + 25 % en trois ans) . Vos rapporteurs pour avis s'en réjouissent : c'est un niveau d'effort, en la matière, qui n'avait pas été atteint depuis 2009.

Évolution des crédits de recherche de défense

(CP, en millions d'euros)

LFI 2013

LFI 2014

LFI 2015

PLF 2016

Études amont

747,9

745,0

738,9

706,5

R&T

896,7

866,7

863,7

834,5

Développements (prog. 146)

1 550,0

1 835,0

2 051,6

2 255,2

Total R&D

3 278,4

3 563,1

3 639,0

3 784,7

Source : réponse au questionnaire adressé au Gouvernement en application de l'article 49 de la LOLF

Malgré les contraintes pesant sur ses finances publiques, la France est le pays d'Europe qui consacre le plus gros effort budgétaire à sa R&D de défense , comme le montre, sous réserve des précisions méthodologiques, le tableau suivant.

Évolution des crédits de recherche de défense*

(crédits exécutés, en milliards d'euros)

2011

2012

2013

2014

2015

France

Budget défense

41,84

41,23

41,27

42,06

41,77

R&T

Montant

0,8

0,78

0,86

0,87

0,86

% budget

1,91 %

1,89 %

2,1 %

2,07 %

2,06%

R&D

Montant

3,28

3,44

3,29

3,56

3,64

% budget

7,84 %

8,34 %

7,97 %

8,46 %

8,71%

Royaume-Uni (a)

Budget défense

39,2

39,9

39,1

42,3

n.d.

R&T

Montant

0,61

0,45

>0,51

n.d.

n.d.

% budget

1,56 %

1,13 %

>1,3 %

n.d .

n.d.

R&D

Montant

2,9

2,67

2,83

n.d.

n.d.

% budget

7,40 %

6,69 %

7,23 %

n.d .

n.d.

Allemagne

Budget défense

31,98

31,87

33,28

32,84

32,97

R&T

Montant

0,391

0,359

0,392

0,389

0,350

% budget

1,22 %

1,13 %

1,18 %

1,18 %

1,06 %

R&D

Montant

0,922

0,918

0,927

0,815

0,715

% budget

2,88%

2,88 %

2,79 %

2,48 %

2,16 %

Italie (b)

Budget défense

23,87

22,8

23,13

22,8

21,88

R&T

Montant

n.d.

n.d.

n.d.

n.d.

n.d.

% budget

n.d.

n.d.

n.d.

n.d.

n.d.

R&D

Montant

0,06

0,06

0,06

0,06

0,06

% budget

0,25 %

0,26 %

0,26 %

0,26 %

0,27 %

* Le périmètre peut être légèrement différent d'un pays à l'autre.

(a) Pour le Royaume-Uni, le chiffre retenu comme budget de la défense correspond à ce qui est appelé « Provision of Defence capability ». Le budget indiqué pour l'année n correspond au budget du 1 er avril n au 31 mars n+1. Le chiffre indiqué pour 2014 correspond au budget révisé, les chiffres du budget exécuté n'étant pas encore connus. Le taux de change entre livre et euro utilisé est moyenné sur l'année : pour 2015, il n'était pas encore établi à la date d'élaboration du présent tableau. L'évolution du budget de la défense en monnaie nationale est d'ailleurs différente de celle qu'on observe en euros, en raison des fluctuations du taux de change. Enfin, la publication des chiffres de R&T a pris beaucoup de retard. Ainsi, les chiffres de R&T pour 2013-2014 n'étaient pas encore tous publiés à la date d'élaboration du présent tableau ; les données ont donc été actualisées des éléments officiels connus.

(b)  La R&D italienne est principalement financée par des crédits extérieurs au ministère de la défense, ceux des ministère du développement économique, ministère de la recherche, fonds régionaux et programmes d'armement notamment.

Source : réponse au questionnaire adressé au Gouvernement en application de l'article 49 de la LOLF

4. La gestion des moyens et subventions (276 millions d'euros en CP)

La sous-action 7-4 « Gestion des moyens et subventions » est dotée de 276 millions d'euros par le PLF 2016. Cette action retrace :

- les subventions pour charges de service public aux opérateurs de l'État rattachés au programme 144 (ONERA et écoles relevant de la tutelle de la DGA) ;

- des subventions versées à des organismes d'études et à l'institut Saint-Louis ;

- la masse salariale des élèves de l'École polytechnique (17,3 millions d'euros en 2016, dont 1,8 million d'euros de charges patronales - hors compte d'affectation spéciale « Pensions » - désormais incluses) ;

- enfin, des dotations en fonds propres d'écoles sous la tutelle de la DGA , afin d'assurer le financement de travaux et l'engagement financier du ministère de la défense dans le cadre du contrat de plan État-région (CPER) Midi-Pyrénées 2015-2020 (8,7 millions d'euros en AE et 3,2 millions d'euros en CP).

À périmètre constant (comprenant les subventions pour charges de service public, les subventions à des organismes d'étude et à l'institut Saint-Louis, et la masse salariale des élèves polytechniciens hors charges patronales), les crédits de cette sous-action sont en hausse de 2,5 % ( + 7 millions d'euros ) par rapport à la LFI 2015. Cette hausse correspond au relèvement, dans la prévision initiale, de la subvention de l'ONERA. La situation de cet établissement, objet de préoccupation pour vos rapporteurs, justifie un développement particulier dans le présent rapport 17 ( * ) .

a) L'ONERA : une situation difficile qui appelle à la fois des réponses d'urgence et des solutions structurelles

L'Office national d'études et de recherches aérospatiales (ONERA), établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC), a pour mission de développer, d'orienter, de coordonner et de promouvoir les recherches dans le domaine aérospatial. Référence internationale dans son champ de compétence et d'expertise, outil clé pour l'ensemble de la filière aéronautique, l'Office a en charge les essais nécessaires à l'exécution de ces recherches 18 ( * ) . À ce titre, il gère notamment douze souffleries, premier parc européen en la matière.

Le PLF 2016 prévoit pour cet établissement une subvention de 105 millions d'euros , soit une augmentation de 7 millions d'euros par rapport à la prévision inscrite en LFI 2015 (98 millions d'euros) mais, en réalité, une baisse de 9 millions d'euros par rapport la subvention totale effectivement versée pour 2015 (114 millions d'euros) : d'une part, cette année, 7 millions d'euros sont venus abonder la prévision initiale, grâce à la mobilisation de reports de crédits, comme l'avait annoncé le PAP de la mission « Défense » annexé au PLF 2015 ; d'autre part, un complément exceptionnel de 9 millions d'euros a été versé par le ministère de la défense. Ces dernières mesures, bienvenues, ne suffisent cependant pas à régler les nombreuses difficultés que traverse aujourd'hui l'ONERA, mises en lumière par un rapport de la Cour des comptes rendu public en septembre dernier 19 ( * ) .

(1) La situation actuelle

En synthèse, les difficultés de l'ONERA relèvent de trois domaines : la gouvernance, les ressources et les infrastructures de l'établissement.

(a) Des problèmes de gouvernance

Le rapport précité de la Cour des comptes, analysant la gestion entre 2008 et 2013 de l'ONERA, a souligné, notamment :

- d'une part, de nombreuses anomalies caractérisant le fonctionnement du conseil d'administration (absentéisme, transmission des procès-verbaux très au-delà du délai réglementaire, délais de convocation restreints), qui ont amoindri son rôle décisionnel ;

- d'autre part, la faible implication de la tutelle de l'établissement - le ministère de la défense, en pratique la DGA -, dans sa mission d'orientation, de supervision et de contrôle ;

- enfin, l' insuffisance du pilotage stratégique . En effet, le dernier document de stratégie générale date de 2002 et l'Office ne dispose plus de contrat d'objectifs et de performance depuis la fin 2008.

(b) Des problèmes de ressources

Traditionnellement, le ministère en charge des transports , par le canal de la direction générale de l'aviation civile (DGAC), versait à l'ONERA une subvention représentant environ 3,7 millions d'euros dans les dernières années. Or le versement de cette subvention s'est arrêté en 2011 , sans concertation avec l'Office 20 ( * ) .

Malgré le relèvement de la subvention du ministère de la défense , comme ci-dessus indiqué, à hauteur de 105 millions d'euros pour 2016, après une subvention effective de 114 millions d'euros en 2015 comprenant 9 millions d'euros de complément exceptionnel, le budget de l'établissement s'avère déficitaire : le compte de résultat fait apparaître une perte de 3,7 millions d'euros pour l'année en cours.

Parallèlement, nonobstant une amélioration en 2014 et prévue pour 2015, l'activité contractuelle de l'ONERA est orientée à la baisse , alors que cette activité constitue l'essentiel des ressources propres de l'établissement (près de 109 millions d'euros sur un total de 131 millions d'euros, soit 83 %, selon la prévision pour 2015).

Évolution des prises de commandes par l'ONERA

(en euros, hors taxe)

2010

2011

2012

2013

2014

2015 (août)

Industriel (secteur privé)

32 843 413

44 239 617

31 017 748

28 373 075

40 756 459

12 641 796

Institutionnel civil

54 159 886

36 317 295

40 165 482

30 004 073

24 819 772

21 010 263

Total Industriel + Institutionnel civil

87 003 299

80 556 911

71 183 229

58 377 148

65 576 230

33 652 059

Institutionnel défense

38 092 101

39 247 175

43 343 438

25 399 084

28 746 964

8 908 090

Total

125 095 400

119 804 086

114 526 667

83 776 232

94 323 195

42 560 149

Source : ONERA

Le ministère de la défense demeure un client majeur de l'ONERA, sa part dans l'activité contractuelle de l'établissement représentant le tiers de celle-ci.

Évolution de l'activité contractuelle de l'ONERA par commanditaire

2014

Prévision pour 2015

Ministère de la défense

33%

32%

Direction générale de l'aviation civile

3 %

3 %

Agence nationale de la recherche

7 %

7 %

Autres institutionnels civils

10 %

13 %

Union Européenne

11 %

11 %

Industries aérospatiales

32 %

26 %

Autres industries et divers

4 %

8 %

Source : réponse au questionnaire adressé au Gouvernement en application de l'article 49 de la LOLF

(c) Des problèmes d'infrastructures

Depuis plusieurs années, l'ONERA, implanté sur huit centres principaux, cherche à rationaliser ses implantations en Île-de-France (sites de Châtillon, Meudon et Palaiseau). Ce dossier paraît gelé. L'immeuble de grande hauteur (IGH) de Châtillon constitue un enjeu particulier, en raison des contraintes lourdes qui s'y attachent en matière d'hygiène et de sécurité au travail et du coût afférent de mise aux normes. Comme l'a noté la Cour des comptes, « malgré d'importants travaux engagés en 2003, l'Office reste sous une menace permanente de non-conformité. Les travaux de remise aux normes (plus de 50 millions d'euros) ne permettant pas d'y rester à terme, la direction a initié un départ partiel. »

Par ailleurs, alors que des investissements substantiels sont nécessaires pour les souffleries (3,5 millions d'euros par an pour le maintien en condition opérationnelle, le triple en incluant une remise à niveau), la soufflerie SM1A de Modane (Savoie) présente un besoin urgent de travaux , eu égard à l'affaissement des sols constaté en 2009 puis, à nouveau, à l'été 2015. La situation actuelle met l'ouvrage en danger. Le montant de l'opération de renforcement requise est estimé à 20 millions d'euros.

(2) Les solutions à mettre en place

Cette situation préoccupante appelle à la fois des réponses d'urgence et des solutions structurelles.

(a) Traiter les urgences

Deux urgences sont à traiter au plus vite : d'une part, le financement des travaux requis par la soufflerie SM1A de Modane et d'autre part, au-delà de cette aide, l' ajustement de la subvention de l'ONERA à un niveau qui assure l'équilibre du budget de l'établissement à court terme. Cet effort budgétaire doit permettre, en particulier, de mener les plus urgents travaux de mise aux normes requis par l' immeuble de Châtillon susmentionné.

Dans cette perspective, en concertation avec nos collègues rapporteurs pour avis du programme 146 21 ( * ) , vos rapporteurs sont à l'initiative d'un amendement de votre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées 22 ( * ) visant à majorer de 15 millions d'euros la subvention prévue par le PLF 2016 pour l'ONERA, en prélevant cette somme sur des opérations d'armement dont la conduite ne sera pas remise en question pour autant.

Le contexte exige aussi une complète remobilisation de la tutelle de l'établissement, à la fois pour traiter les urgences précitées et pour préparer l'avenir. M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense, a donné un signal positif en ce sens, lors de l'examen du PLF 2016 par l'Assemblée nationale, en soulignant « l'intérêt et l'importance que nous accordons à cet Office 23 ( * ) » et en déclarant notamment : « Je suis très sensible au sort de l'ONERA, et notamment aux questions qui touchent à la soufflerie de Modane, dont je suis directement informé. J'ai demandé à la direction un rapport stratégique, à partir duquel j'espère pouvoir établir un contrat d'objectifs avant la fin de l'année. Cela permettra d'assurer le développement de ce très bel outil, qu'il faut quelque peu réorienter - mais je sais que la nouvelle direction s'y attelle 24 ( * ) ».

(b) Préparer l'avenir

Pour le moyen terme, il est en effet nécessaire de doter l'ONERA, dans les meilleurs délais, d'un contrat d'objectifs et de performance . L'élaboration d'un tel document de stratégie constituera la première des solutions structurelles permettant de résoudre les difficultés actuelles de l'établissement.

Le PAP de la mission « Défense » annexé au PLF 2016 précise qu'une action a été engagée à cet effet, entre l'ONERA et le ministère de la défense, en concertation avec les autres ministères concernés (chargés notamment de la recherche et des transports) et les industriels du domaine aéronautique. Le contrat en projet couvrira la période 2016-2020 ; il doit porter à la fois sur la stratégie scientifique et technologique , la valorisation des travaux et la stratégie immobilière . Par ailleurs, un nouveau schéma pluriannuel de stratégie immobilière (SPSI) de l'Office est en cours d'élaboration, avec les services de France Domaine. Vos rapporteurs souhaitent que ce document permette un rapide déblocage des opérations de regroupement des sites franciliens de l'établissement.

Une réflexion sur la gouvernance de l'ONERA paraît également indispensable, comme l'a préconisée la Cour des comptes.

Enfin, dans le cadre qui sera ainsi défini et pour développer les ressources propres de l'Office , en suivant des recommandations présentées par le Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales (GIFAS) 25 ( * ) , il paraît nécessaire que l'établissement poursuive l' adaptation de son offre de recherche aux besoins actuels de l'industrie aéronautique . À cet effet, il devra sans doute abandonner ou réduire certaines thématiques, en renforcer d'autres, et affirmer un rôle de synthèse. De même, il semble opportun qu'il trouve à se rapprocher des acteurs clés de la recherche et de l'enseignement dans les domaines de l'aérospatial et de la défense , notamment dans l'objectif de consolider des pôles géographiques cohérents dans la région parisienne et la région toulousaine.

Vos rapporteurs, attachés à la pérennité d'un outil essentiel pour la filière aéronautique et spatiale, tiennent à marquer leur confiance dans ces évolutions de l'ONERA.

b) Les autres subventions retracées par le programme

Au-delà de la subvention de l'ONERA, et outre la masse salariale des élèves de l'École polytechnique et des dotations en fonds propres d'écoles relevant de la tutelle de la DGA dans le cadre du CPER Midi-Pyrénées 2015-2020, déjà mentionnées, la sous-action « Gestion des moyens et subventions », l'année prochaine, financera :

(1) Les subventions des écoles sous la tutelle de la DGA

Les subventions pour les écoles placées sous la tutelle de la DGA sont prévues, globalement, à hauteur de 130,8 millions d'euros . Elles se répartiront comme suit :

- pour l'École polytechnique (X), 65,47 millions d'euros, auxquels s'ajoute la masse salariale des élèves polytechniciens déjà mentionnée (17,36 millions d'euros) ;

- pour l'Institut supérieur de l'aéronautique et de l'espace (ISAE), 34,06 millions d'euros ;

- enfin, pour l'École nationale supérieure de techniques avancées (ENSTA) Paris Tech , 17,12 millions d'euros, et, pour l'ENSTA Bretagne , 14,19 millions d'euros.

Tous ces montants sont stables par rapport à 2015.

(2) La subvention de l'Institut de recherche de Saint-Louis

La subvention de l'Institut de recherche de Saint-Louis , fixée conventionnellement entre la France et l'Allemagne, sera l'année prochaine identique à celle des années précédentes depuis 2011 : 17,74 millions d'euros . Rappelons que cet établissement franco-allemand, créé par une convention de 1958 dans le but de mettre en oeuvre une coopération étroite entre les deux États en ce qui concerne les recherches et études, tant scientifiques que techniques, dans le domaine de l'armement, et de renforcer ainsi une défense commune, réalise des recherches fondamentales et appliquées, des études techniques et des démonstrateurs de faisabilité technologique, ainsi que des travaux d'expertise.

(3) Des subventions à des fondations reconnues d'utilité publique

Des subventions à des fondations reconnues d'utilité publique , principalement la Fondation pour la recherche stratégique, sont prévues, à hauteur de 1,2 million d'euros comme en 2015, au bénéfice de travaux portant sur l'entretien de la pensée stratégique de défense dans le domaine de l'armement, des technologies et de la base industrielle et technologique de défense (BITD).

(4) Le soutien d'actions en faveur des PME-PMI stratégiques

Pour 0,8 million d'euros comme en 2015, le PLF 2016 prévoit enfin des subventions de soutien d'actions en faveur des PME-PMI stratégiques pour la défense, lancées notamment dans le cadre de partenariats avec les organisations professionnelles, les acteurs locaux du développement économique (notamment les agences de développement régionales ou les chambres consulaires) ou des associations représentatives de PME technologiques.


* 16 M. Laurent Collet-Billon, délégué général pour l'armement, a confirmé ce point lors de son audition par votre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, dans le cadre de l'examen du PLF 2016, le 21 octobre 2015.

* 17 Vos rapporteurs pour avis, avec nos collègues Jacques Gautier et Daniel Reiner, rapporteurs pour avis sur le programme 146, ont auditionné M. Bruno Sainjon, président-directeur général de l'ONERA, le 14 octobre 2015. Le 23 juin dernier, votre rapporteur Jeanny Lorgeoux avait posé au Gouvernement, en séance publique, une question orale sans débat (n° 1 120S) sur la situation de cet établissement.

* 18 Dans le domaine de la défense, l'ONERA a participé aux réalisations, entre autres, des missiles équipant la force océanique stratégique (FOST) et les forces aériennes stratégiques (FAS) ; des radars transhorizon à onde de ciel (NOSTRADAMUS) ou de sol (ROS) et du radar de surveillance de l'espace GRAVES (grand réseau appliqué à la veille spatiale) ; de l'avion Rafale et ses équipements ; du démonstrateur nEUROn de drone aérien futur ; du programme ACCS ( Air Command and Control System , visant à doter l'OTAN d'un système unique et interopérable de commandement et de conduite des opérations aérospatiales). Dans le domaine civil, l'apport de l'Office se retrouve dans tous les avions qui ont vu le jour depuis les années 1950 ; l'avion de ligne du futur figure parmi les recherches en cours de l'établissement (projet NOVA - Next Onera Versatile Aircraft ).

* 19 Rapport particulier de la Cour des comptes n° 72 351 sur les comptes et la gestion de l'ONERA (exercices 2008 à 2013), mars 2015.

* 20 La Cour des comptes a noté que plusieurs raisons avaient concouru à cette décision : « réduction du budget de la DGAC, volonté de la DGAC de cibler son soutien et d'encadrer l'utilisation de sa subvention afin d'éviter une contrariété potentielle aux règles du commerce international et du droit de la concurrence, perte de pertinence de l'ONERA aux yeux de la DGAC et dégradation des relations ».

* 21 Nos collègues Jacques Gautier, Daniel Reiner et Xavier Pintat.

* 22 Amendement joint en annexe au présent rapport.

* 23 Première séance de l'Assemblée nationale du 27 octobre 2015.

* 24 Réunion de la commission élargie de nos collègues députés, pour l'examen du budget de la défense dans le PLF 2016, le 21 octobre 2015. Le même jour, au cours de son audition par votre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, M. Laurent Collet-Billon, délégué général pour l'armement, est intervenu dans le même sens.

* 25 La note « Quelles orientations pour l'ONERA ? » produite en juillet 2015 par un groupe de travail du GIFAS, transmise à vos rapporteurs, conclut que « les industriels du GIFAS considèrent que l'existence d'un institut de recherche aérospatial national, bien positionné au plan européen, devrait être un facteur clé de succès pour le développement de la filière. Pour atteindre cet objectif, le modèle de l'Office doit être réformé en profondeur pour instituer une véritable orientation par les finalités, largement insuffisante aujourd'hui. »

Page mise à jour le

Partager cette page