EXAMEN EN COMMISSION

MERCREDI 25 NOVEMBRE 2015

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M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis des crédits de l'audiovisuel. - La vie de l'audiovisuel public, cette année encore, n'aura pas été un long fleuve tranquille. Qu'il s'agisse de la grève historique à Radio France, des conditions rocambolesques de la démission de la présidente de l'INA ou de celles, non moins étonnantes de la nomination de la nouvelle présidente de France Télévisions, les raisons ne manquent pas de porter un regard préoccupé sur l'évolution de ce secteur. Au-delà de ces péripéties, il y a des salariés qui s'interrogent sur l'avenir de l'audiovisuel public et qui aiment leur métier. Il y a également les Français qui souhaitent pouvoir se retrouver pour partager des moments en commun, s'informer, se cultiver, se distraire.

Il me semble donc urgent de définir une vision claire de l'avenir de l'audiovisuel public, de ses moyens, de sa légitimité, de ses missions et de sa gouvernance, qui n'existe pas encore ou du moins pas suffisamment pour rassurer les acteurs sur leur avenir. C'est le message que m'ont adressé les syndicats de salariés.

Les initiatives récentes ne répondent qu'imparfaitement aux enjeux. Le rapport Schwartz a contribué à définir la feuille de route de la nouvelle direction. Mais en évitant de se prononcer sur le périmètre du groupe et sur les programmes, il n'a pas clarifié les attentes de l'actionnaire. La création du Comité stratégique de l'audiovisuel public illustre la prise de conscience qu'une meilleure coordination est nécessaire mais cette action reste trop timide pour engager les mutualisations nécessaires.

Au lieu d'avancer courageusement sur la voie des réformes, le gouvernement temporise au risque de voir les problèmes s'aggraver. C'est le cas en ce qui concerne Radio France où le retour à l'équilibre des comptes a été renvoyé sans raison probante à 2018, et aussi pour France Télévisions qui fait des efforts mais reste dépendant d'un financement pas encore stabilisé.

La situation de l'audiovisuel public n'est pas aisée, et loin de moi l'idée que le gouvernement actuel serait responsable de tous ses malheurs. La révolution des usages change radicalement les perspectives du marché publicitaire avec des conséquences immédiates sur les comptes des sociétés. Le déficit de 10 millions d'euros de France Télévisions en 2015 est ainsi le résultat de la dégradation du marché publicitaire. La précédente majorité n'avait pas non plus réussi à stabiliser le modèle économique. Voilà pourquoi nous sommes tous conscients que des changements majeurs sont nécessaires, à commencer par une réforme de la contribution à l'audiovisuel public proposée par André Gattolin et moi-même dans le rapport que nous avons présenté fin septembre.

Cette réforme, les ministères l'ont préparée pendant des mois avant que le gouvernement y renonce à la rentrée pour des raisons politiques. Je le regrette d'autant plus que la solution retenue ne me satisfait pas. Certes, la disparition de la dotation budgétaire ne peut qu'être saluée et le principe d'une affectation du produit de la taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques peut être considéré comme un moindre mal, puisque cette taxe a justement été créée en 2009 pour compenser la baisse des recettes de France Télévisions. Mais pourquoi l'augmenter de 0,4 point alors que le produit initial de la taxe à 0,9 %, estimé à 225 millions d'euros en 2016, suffit largement à financer les 140,5 millions d'euros dont a besoin France Télévisions ? Cette nouvelle taxe sur les opérateurs risque de se traduire par une hausse de tarif pour les consommateurs qui ne sera qu'une fiscalité détournée. Elle ne doit pas nous dissuader de rappeler l'urgence de réformer la contribution à l'audiovisuel public compte tenu de la baisse du taux d'équipement des ménages en téléviseurs. Plus nous attendrons, plus il sera difficile de soumettre à la redevance des ménages qui en sont exonérés. Je souhaite que le projet de loi de finances 2017 soit l'occasion d'avancer sur ce sujet ; au sein de notre commission, il y a une conviction partagée sur les contours que pourrait prendre cette réforme. Enfin, la contribution à l'audiovisuel public n'augmentera que d'un euro en 2016 du fait de l'indexation, en portant le produit à 3,73 milliards d'euros.

J'en viens à la situation des opérateurs. La présidente de France Télévisions nous a expliqué que, compte tenu de la hausse de 25 millions d'euros des ressources publiques adoptée à l'Assemblée nationale, le déficit prévisionnel qui s'établira à 25 millions d'euros en 2016 pourra être comblé grâce à de nouvelles mesures d'économies sur les programmes.

On ne peut que saluer cet engagement de retour à l'équilibre dès 2016, même si l'entreprise reste structurellement déficitaire et devra infléchir son modèle économique. La réglementation sur la production doit évoluer rapidement afin que France Télévisions puisse mieux valoriser ses 400 millions d'investissement dans la création audiovisuelle. La présidente de France Télévisions s'est déclarée favorable à un remplacement progressif de la publicité par les recettes issues des droits attachés à la production dans le modèle de financement mixte du groupe public. C'est une orientation que nous sommes nombreux à partager, conscients toutefois qu'il s'agit d'un objectif de long terme. Dans l'immédiat, les recettes publicitaires resteront nécessaires pour compléter les 2,56 milliards d'euros issus de la contribution à l'audiovisuel public et les 140,5 millions d'euros affectés sur le produit de la taxe sur les opérateurs de communications électroniques.

Un projet tel que celui d'une chaîne d'information en continu, engagé par la présidente de France Télévisions, ne peut être lancé à la légère. La réputation du service public étant en jeu, la décision devra répondre à deux impératifs : proposer une offre radicalement différente de l'existant et la rendre accessible au plus grand nombre. Ces deux conditions incitent à éviter la précipitation et à s'interroger sur la meilleure utilisation des canaux qui pourraient être disponibles - je pense au canal utilisé aujourd'hui par Numéro 23, compte tenu de l'abrogation de son autorisation décidée par le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) à compter du 30 juin 2016.

Sur une note plus positive, le plan de départs volontaires, achevé d'ici la fin de l'année, devrait dégager d'importantes économies sur la masse salariale, ce qui conforte l'intérêt de ce type de mesures pour réduire les coûts.

L'audience d'Arte poursuit sa progression, s'établissant à 2,2 % depuis le début de 2015. L'image de la chaîne continue à s'améliorer, témoin le succès de son offre numérique. Les moyens accordés à Arte seront en hausse de 2,5 millions d'euros en 2016 à 264,3 millions d'euros, soit une stabilité en termes réels. Je regrette que cette chaîne qui porte haut les voix de la culture n'ait pas bénéficié d'un véritable soutien depuis 2012. Par rapport aux objectifs prévus dans le COM 2012-2016, la chaîne accuse un déficit de 34,6 millions d'euros de contribution à l'audiovisuel public. Là encore, on a le sentiment que les efforts des plus méritants ne sont pas récompensés.

La situation de Radio France m'inquiète. La Cour des comptes a pointé de très nombreuses défaillances et formulé des recommandations qui n'ont pas reçu de véritables réponses de la part de l'actionnaire. La grève de 28 jours qui a eu lieu au printemps n'a pas résolu les problèmes de fond en dépit du travail utile du médiateur. Les syndicats m'ont confié que les braises du conflit n'étaient pas éteintes.

Nous sommes ici au coeur des défaillances de l'ensemble de notre audiovisuel public : les réformes ont trop longtemps été repoussées, en particulier en ce qui concerne les méthodes de travail et l'ajustement des effectifs.

Faute de véritable vision pour la société, les réformes sont vécues de manière uniquement négative et comptable par un personnel compétent et très investi, qui ne comprend pas quel avenir on lui prépare. Le projet de chaîne d'information en continu traduit bien cette difficulté avec des salariés qui craignent de se faire absorber par le grand frère, France Télévisions. Le gouvernement temporise avec le souci d'éviter les réactions sociales. On peut le comprendre mais cela ne fait qu'aggraver la situation. Le plan de départs volontaires a été abandonné en faveur d'un non-renouvellement de tous les départs qui aura un impact moindre sur le retour à l'équilibre des comptes. La réforme des formations musicales et la décision sur la poursuite de la diffusion hertzienne du Mouv' ont été renvoyées à 2017. La proposition de fusion des rédactions de Radio France, France Info et France Culture faite par la Cour des comptes, qui constitue le pendant du projet Info 2015 à France Télévisions, a été purement et simplement écartée. Autant dire que le compte des réformes n'y est pas.

La situation financière de Radio France reste très fragile. Le déficit sera ramené à 10 ou 12 millions d'euros en 2015 pour des raisons comptables. En 2016, un nouveau déficit est prévu à hauteur de 16,56 millions d'euros malgré une hausse des ressources publiques de 5 millions d'euros ; il serait encore de 6,46 millions d'euros en 2017. La spécificité de Radio France est mise à mal sur le plan de la publicité. Si l'aménagement du cahier des charges répond sans doute à un besoin, l'absence d'encadrement de la publicité sur les sites Internet du groupe menace l'identité de la radio publique. L'examen du prochain contrat d'objectifs et de moyens de Radio France sera l'occasion d'évoquer ces sujets.

Le nouveau président de l'Institut national de l'audiovisuel, semble avoir pris la mesure des difficultés. Son projet de « retour aux fondamentaux » est le plus raisonnable pour les finances publiques sans être pour autant dénué d'ambitions, comme l'illustre sa volonté de coopérer avec France Télévisions dans le lancement de sa future plateforme de vidéo à la demande. Je retiens aussi sa volonté d'instaurer une véritable culture du contrôle de la dépense qui faisait défaut à l'institution. La reconduction des crédits à hauteur de 89 millions d'euros était, dans ces conditions, sans doute inévitable compte tenu du niveau de la masse salariale et de l'absence de marges de manoeuvre à court terme.

Je porte donc un regard très contrasté sur la situation de l'audiovisuel public, avec une inquiétude sur au moins un des grands opérateurs. L'insuffisance des réformes engagées sur les ressources ou sur le fonctionnement et l'organisation des sociétés et l'absence de volonté d'engager une véritable politique de mutualisation à tous les niveaux m'invitent à vous proposer d'émettre un avis défavorable à l'adoption des crédits consacrés à l'audiovisuel au sein de la mission « Médias, livre et industries culturelles » ainsi qu'au compte de concours financier « avances à l'audiovisuel public » de l'audiovisuel extérieur.

Mme Claudine Lepage, rapporteure pour avis des crédits de l'audiovisuel extérieur . - L'examen des crédits de l'audiovisuel extérieur intervient dans un contexte particulier. Depuis janvier, toutes les chaînes de télévision du monde ont pris la triste habitude de relater les attentats qui frappent notre pays. Ceux-ci résultent de la radicalisation de nombreux jeunes Français, essentiellement au travers de médias étrangers et sur Internet. Jamais une information libre, accessible en plusieurs langues - dont l'arabe - n'a été aussi nécessaire. Nos médias sont aussi devenus des cibles. Ainsi, RFI et Monte-Carlo-Doualiya sont scrutés par les gouvernements de certains pays, qui exercent des pressions sur la programmation, et TV5 Monde a fait l'objet d'une attaque informatique sans précédent le 8 avril dernier, qui a presque détruit ses infrastructures et occasionné des coûts importants.

Pourtant, les moyens dévolus à l'audiovisuel extérieur restent contraints, en particulier du fait de la mauvaise santé financière de France Télévisions et de Radio France, qui bénéficient de l'essentiel des moyens disponibles. Alors qu'il y aurait urgence à développer notre audiovisuel extérieur, le PLF 2016 se contente de préserver les moyens et donc limite les nouveaux projets. Cette situation appelle une réforme, dès que possible, de la contribution à l'audiovisuel public, propre à préserver durablement les moyens de l'audiovisuel, et une accélération des réformes dans les grands groupes publics pour dégager des marges de manoeuvre. France Médias Monde a déjà réalisé d'importants efforts lors de la fusion de France 24 et de RFI, tout comme TV5 Monde. Les bons élèves ne doivent pas être condamnés à assumer les errements des plus dissipés !

Chaque semaine, 90 millions d'auditeurs et de téléspectateurs suivent les programmes de France 24, de RFI et de MCD. Ces chaînes occupent des places de premier plan en Afrique et au Proche-Orient. La forte progression des audiences a été obtenue avec des moyens publics globalement identiques depuis 2010. Selon les syndicats, la présidente de France Médias Monde, Mme Saragosse, a su rétablir un dialogue social de qualité et un climat de confiance. Certes, les négociations sur l'accord collectif ont pris du retard, mais elles devraient aboutir d'ici la fin de l'année ou, au plus tard, début 2016.

Le PLF 2016 attribue 244 millions d'euros à France Médias Monde, issus entièrement du produit de la contribution à l'audiovisuel public : c'est 2 millions d'euros de plus qu'en 2015. Compte tenu du pacte de compétitivité et de certaines dispositions fiscales concernant notamment la taxe sur les salaires, le groupe touchera 3,1 millions supplémentaires. Ce surcroît de moyens, bienvenu, reste très limité : le contrat d'objectifs et de moyens pour la période 2013-2015 prévoyait une augmentation de 10,8 millions d'euros. Dans ces conditions, le développement de France Médias Monde est interrompu en Amérique latine et reste très limité en Inde et plus généralement en Asie du Sud-Est. Les syndicats ont une conscience aiguë de la situation et souhaitent que l'État explique clairement ses ambitions pour l'audiovisuel extérieur. De plus, le projet de chaîne d'information en continu, auquel est associé France 24 - sans en être l'initiateur - constitue une source d'inquiétudes.

Le ministre des affaires étrangères et du développement international, qui exerce une cotutelle sur France Médias Monde, a réaffirmé récemment la nécessité de donner une nouvelle impulsion à son développement. Nous aurons prochainement l'occasion de nous prononcer sur cette ambition puisque le projet de contrat d'objectifs et de moyens pour la période 2016-2020 devrait nous être soumis pour avis au premier trimestre de 2016. La direction de France Médias Monde a identifié trois scénarios d'évolution des moyens. Le premier, avec une hausse des ressources de 0,7 % par an, soit moins que l'évolution de 0,8 % prévue en 2016, préserverait l'outil existant en limitant son développement. Le deuxième prévoit une hausse des moyens de 1,5 % par an pour poursuivre les actions engagées, notamment pour augmenter la notoriété des chaînes. Seul le troisième, qui envisage une hausse des ressources publiques de 2,1 %, permettrait à notre pays de renforcer son influence et d'engager la déclinaison de France 24 en espagnol en Amérique latine. C'est celui que vous avez soutenu auprès de la ministre, Madame la présidente, et qui a notre préférence.

Les conséquences de la cyberattaque du 8 avril dernier obèrent fortement les comptes de TV5 Monde puisque, selon son directeur général, M. Yves Bigot, le surcoût en 2015 devrait s'élever à 4,8 millions d'euros du fait du matériel à remplacer et des protections nouvelles à installer. Le gouvernement a autorisé la chaîne à réallouer 1,2 million d'euros, initialement prévus pour les programmes, à cette dépense, et la fédération Wallonie-Bruxelles a accordé 1 million d'euros au titre de 2015-2016. Mais il manque encore 1,8 million d'euros de la part des autres partenaires. Une réunion des bailleurs, prévue en fin de semaine, devrait compléter le tour de table.

Le PLF 2016 accorde 76,8 millions d'euros à TV5 Monde, soit une hausse de 0,7 million d'euros. L'entreprise bénéficiera, en outre, d'une économie de taxe sur les salaires de 1,7 million d'euros à compter de 2016, liée à son financement par la contribution à l'audiovisuel public. Au lieu d'être affecté au développement des programmes et des nouveaux projets, ce surcroît de ressources sera intégralement consacré au financement des dépenses de sécurité, pour un coût estimé à 2,2 millions d'euros. Six ingénieurs ont été recrutés par TV5 Monde pour renforcer ses moyens de défense et un contrat avec la filiale d'Airbus spécialisée dans la défense électronique prévoit l'augmentation du niveau des protections et la formation du personnel.

La protection de nos médias est une priorité et je ne suis pas sûre que les autres sociétés aient pris la mesure du risque qu'elles encourent, même si le gouvernement est mobilisé sur ce sujet qui a été évoqué lors de la première réunion du nouveau Comité stratégique de l'audiovisuel public. Je rends hommage au personnel de TV5 Monde, qui a su répondre avec compétence et rapidité à la cyberattaque du 8 avril et qui ne compte pas ses heures depuis pour rétablir l'ensemble des systèmes, ce qui n'est pas encore complètement achevé. Hélas, le niveau des moyens a obligé la direction à affaiblir l'offre de programmes du bouquet aux États-Unis pour financer le projet de chaîne jeunesse en Afrique. N'aurait-il pas été possible d'aider un peu la chaîne pour lui éviter de tels arbitrages ?

M. Rémy Pflimlin a conservé la présidence du conseil d'administration de TV5 Monde jusqu'à la prochaine assemblée générale, qui aura lieu au printemps 2016. Or cette présidence doit normalement échoir au président en titre de France Télévisions. Si l'implication de l'ancien président de France Télévisions dans le développement de TV5 Monde explique cette décision, il ne faut pas que l'absence de la présidente de France Télévisions des organes de direction de la chaîne francophone affaiblisse la qualité de ses échanges avec son premier actionnaire, qui constitue une des conditions de son développement. France Télévisions met chaque année 22 000 heures de programmes à la disposition de TV5 Monde.

Bref, les moyens de l'audiovisuel extérieur restent un peu limités mais grâce aux équipes des deux sociétés nous avons un outil précieux pour notre influence dans le monde. Le PLF 2016 consolide cette situation. Je vous proposerai donc de donner un avis favorable aux crédits de l'audiovisuel extérieur, en espérant qu'un geste supplémentaire sera fait dans le cadre du prochain COM de France Médias Monde.

M. David Assouline. - Nous avons beaucoup débattu du financement de l'audiovisuel public, auquel nous sommes tous très attachés. Si chacun renonçait aux postures, nous pourrions largement nous entendre. Le rapport de M. Leleux montre qu'il ne faut pas trop attendre. Or certains se tiennent au coin du bois et s'empresseront de faire capoter toute proposition par leur démagogie. Nous sommes tous d'accord sur la nécessité d'accroître les ressources, mais M. Retailleau s'oppose publiquement à la hausse de la contribution à l'audiovisuel public.

M. Bruno Retailleau. - De fait.

M. David Assouline . - Évidemment, puisqu'elle serait impopulaire ! Pourtant, elle est loin d'atteindre le même niveau que chez nos voisins anglais ou allemands. Il faut également élargir son assiette, pour y intégrer le million de personnes qui regardent la télévision sur d'autres appareils. J'ai participé à la préparation de cet élargissement, mais nous avons dû interrompre nos efforts car certains se préparaient à proclamer que nous ferions entrer un million de personnes dans l'impôt... Vous avez supprimé la publicité après vingt heures sans compenser la perte de ressources. Même sous M. Copé, la taxe qui porte son nom n'y a jamais été affectée. Vous souhaitez un budget plus important sans ressources publicitaires et sans augmentation de la redevance ni élargissement de son assiette. C'est impossible et vous le savez !

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis . - Ils sont de bonne foi !

M. David Assouline . - Nous sommes d'accord sur l'essentiel. Même si vos critiques ne sont pas partagées par votre camp, elles vous autorisent à voter contre un budget en augmentation. Or seuls les actes comptent.

On le voit bien dans le contexte actuel : l'information audiovisuelle en continu rythme notre quotidien. On peut le déplorer mais c'est un fait. Même pour les riverains des attentats - même, hélas, pour leurs auteurs - elle joue un rôle fondamental. Dès lors, il est extrêmement regrettable que le service public n'ait pas de chaîne d'information en continu, qui présenterait des garanties de citoyenneté, de pluralisme, d'indépendance et de professionnalisme, et qui s'appuierait sur un réseau de plusieurs milliers de journalistes. Il faut aller vite, monsieur Leleux, et ne pas se montrer frileux. Nous avons les moyens de créer rapidement une chaîne qui donnerait le la de l'information aux chaînes privées, au lieu que ce soit l'inverse.

M. Louis Duvernois . - L'audiovisuel public national et l'audiovisuel extérieur ne peuvent plus être dissociés. Vu la contrainte budgétaire, l'interaction entre eux est indispensable. Déjà, France Télévisions fournit 22 000 heures de programmes à l'audiovisuel extérieur. Or la gouvernance n'est pas satisfaisante. Il devient impératif d'élaborer une nouvelle politique de l'audiovisuel public y incluant l'audiovisuel extérieur, doublée d'un plan de financement opérationnel. Faute de réformes, la situation financière se détériore. Administrateur de France Médias Monde, je souscris aux propos de Mme Lepage : c'est le troisième scénario qui doit être retenu si nous ne voulons pas sous-estimer notre représentation audiovisuelle à l'extérieur, qui n'est pas sans servir nos intérêts économiques.

Mme Marie-Christine Blandin . - M. Leleux appelle de ses voeux un grand média global et le retour à l'équilibre financier. Nous partageons ce souhait, mais vous n'avez pas assez insisté sur la qualité de service public. Chacun doit voir la différence entre son offre et celle des médias privés. Arte est exemplaire, et le nombre de ses spectateurs augmente. Sur d'autres chaînes, la différence n'est pas toujours immédiatement perceptible.

Les recommandations du groupe de travail de notre commission sur les relations entre les producteurs audiovisuels et les éditeurs de services de télévision concernant le partage des droits d'exploitation et la fin du statut d'animateur-producteur constituent des gisements de ressources considérables. Certains se comportent moins en vendeurs de produits culturels que comme de véritables sangsues à la mamelle du service public. Il serait bon de faire le ménage avec courage. De même, les écologistes ont toujours soutenu l'extension de l'assiette de la redevance aux résidences secondaires, quand d'autres ont reculé au moment du vote.

Où en sommes-nous du passage à la radio numérique terrestre ? Le soutien de 29 millions d'euros à l'expression des radios locales s'ajoutera-t-il bien au soutien aux médias de proximité de 1,5 million d'euros ?

Mme Mireille Jouve . - Nous nous félicitons que l'audiovisuel public soit épargné par les coupes budgétaires et bénéficie d'un compte dédié. Ce PLF augmente même ses ressources et accroît son indépendance vis-à-vis de l'État. Mme Ernotte a évoqué le renforcement des services de vidéo à la demande pour consolider les ressources de France Télévisions. La télévision de rattrapage est de plus en plus sollicitée par les jeunes de moins de 24 ans. Pour favoriser ce renouvellement de l'audience, ne faudrait-il pas étendre la rediffusion au-delà de sept jours ? Nous devons aussi élargir l'assiette de la contribution à l'audiovisuel public à tous les appareils susceptibles de donner accès à ses programmes, sans pénaliser les usagers qui s'en acquittent déjà. France 24 n'est disponible sur la télévision numérique terrestre, depuis septembre 2014, qu'en Île-de-France. Pourtant, France Médias Monde est financée par la contribution à l'audiovisuel public, que l'on paie partout en France. La création d'une chaîne d'information en continu tirerait parti d'une mutualisation entre les rédactions de France 2 et de France 3 et bénéficierait de la qualité du service public, mais elle aurait un coût et devrait trouver un canal.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin . - Engager des réformes de fond, très bien, mais comment les financer ? L'augmentation de la redevance et l'élargissement de son assiette ne sont pas des mauvaises pistes. J'ai voté pour la suppression de la publicité mais je considérais qu'il fallait prévoir des ressources de substitution. Créer un grand média d'information est une bonne idée, à condition qu'il soit ouvert à tous et qu'il offre une garantie de qualité. Mais comment réfléchir dans le cadre d'un budget contraint ? Il faut lever ce gage ! Pour être piloté correctement, France Télévisions doit être financé par une dotation d'État - plus stable que le produit d'une taxe, qui peut toujours être réaffecté.

Mme Maryvonne Blondin . - Malgré la réforme d'octobre dernier, qui avait resserré les critères pour bénéficier de l'aide du fonds de soutien à l'expression radiophonique locale, le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) accorde de plus en plus d'autorisations et les budgets n'augmentent pas. Or, les recettes des radios associatives sont très variables, alors qu'elles assurent un vrai maillage du territoire. Nous devons donc être vigilants.

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis . - Une réforme du financement de l'audiovisuel public semble nécessaire à tous et tous l'estiment urgente. Le Gouvernement et l'Assemblée nationale ont voulu faire passer la taxe de 0,9 % à 1,3 %, ce qui rapporterait 100 millions d'euros de plus. Ce serait un détournement de fonds puisque cette taxe a été créée en 2009 pour compenser la perte de ressources publicitaires. Elle était donc moralement, sinon comptablement, affectée, et le Gouvernement ne saurait l'augmenter pour alimenter le budget général. Si notre rapport évoque une hausse temporaire de la CAP, ce n'est que pour compenser l'absence de réforme de l'assiette de la redevance, qui autoriserait une baisse de son tarif, comme en Allemagne. Les économies sont indispensables et il faut exercer une pression pour qu'elles soient faites, mais certaines prennent du temps : avant de réduire les coûts, un plan de départs volontaires représente une dépense supplémentaire. J'ai souhaité éviter une augmentation de la taxe sur les opérateurs de communication électronique car à 0,9 %, elle rapportera 225 millions d'euros en 2016, ce qui suffira largement à compenser la suppression - saine - de la dotation budgétaire de 160 millions d'euros.

C'est la gestion du projet de création d'une chaîne d'information en continu qui pose problème : chacun veut être chef de file, ce qui freine tout. De plus, il faudra vraiment que cette chaîne se distingue des chaînes privées. La première réunion du groupe de travail ne s'est tenue que la semaine dernière : c'est dire si le projet avance lentement. Oui, il faut assouplir le délai de consultation différée, actuellement limité par les droits d'auteur. Le dialogue entre les producteurs et les diffuseurs doit être encouragé, pour faciliter la diffusion des oeuvres. Mme Gonthier-Maurin est favorable à la suppression de la publicité.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin . - En liaison avec une compensation !

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis . - Je partage cette volonté. La publicité constitue 10 % à 12 % du budget de France télévisions : ce n'est pas l'essentiel, mais une marge, qui peut être compensée si l'on pense que l'audiovisuel public doit être libre de publicité. Le développement de la radio numérique terrestre prend du temps, notamment en raison du refus des grandes radios privées. Le CSA a prévu de lancer un appel d'offre pour attribuer les fréquences. Les crédits du fonds de soutien à l'expression radiophonique locale sont reconduits à l'identique en 2016. Oui, nous devons travailler ensemble à la réforme de la contribution à l'audiovisuel public.

Mme Claudine Lepage, rapporteure pour avis . - En effet, l'audiovisuel extérieur doit mieux s'intégrer à l'audiovisuel public, même si une partie du travail a été fait. La chaîne publique d'information en continu devrait associer France 24. Pour l'heure, il est difficile de voir quels seront ses contours, puisque Mme Ernotte nous a indiqué que chaque rédaction demeurerait en place. Les réunions de travail ont commencé très récemment et les premiers contacts ont été bilatéraux. L'horizon est la rentrée 2016. Je suis un peu sceptique...

Oui, si le troisième scénario d'évolution des ressources de France Médias Monde était retenu, nous pourrions lancer France 24 en espagnol en Amérique latine, comme le réclame le ministère des affaires étrangères. Pour l'heure, le projet de contrat d'objectifs et de moyens doit faire l'objet d'un arbitrage interministériel. Je plaide pour que France 24 soit diffusée sur tout le territoire, mais on me répond que cette chaîne a été créée pour le rayonnement de la France à l'extérieur. Il serait tout de même intéressant pour nos concitoyens d'y avoir accès.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Mme Ernotte elle-même a déclaré lors de son premier conseil d'administration que notre modèle de l'audiovisuel public était usé. Le Président de la République avait annoncé l'an dernier, lors de la clôture d'un colloque au CSA, une nécessaire réforme de la contribution à l'audiovisuel public. Il y a urgence, en effet. Le Sénat est le fer de lance de la réflexion sur ce sujet, notamment grâce aux travaux de MM. Leleux et Gattolin. Je vous propose que nous tenions un débat en séance publique sur les conclusions de leur rapport.

La commission émet un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Médias, Livre et industries culturelles » ainsi qu'à l'adoption du compte de concours financiers « avances à l'audiovisuel public » du projet de loi de finances pour 2016 .

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