II. LE SOUCI CONSTANT D'AMÉLIORATION DE L'ORGANISATION ET DU FONCTIONNEMENT DU TRAVAIL GOUVERNEMENTAL

Outre l'exigence de sobriété et d'exemplarité gouvernementales 25 ( * ) , qui se poursuit en 2015 et dans le projet de loi de finances pour 2016 et que votre rapporteur avait saluée dès son avis sur le projet de loi de finances pour 2013, le souci d' améliorer l'efficacité du travail gouvernemental et interministériel caractérise également l'action du Gouvernement, tant dans les instructions données par le Premier ministre que dans le suivi des textes par les services du Premier ministre.

A. UNE NOUVELLE CIRCULAIRE DU PREMIER MINISTRE EN OCTOBRE 2015 SUR L'ORGANISATION DU TRAVAIL INTERMINISTÉRIEL

Le 30 octobre 2015, le Premier ministre a adressé une circulaire aux membres du Gouvernement sur l' organisation du travail interministériel 26 ( * ) , plus particulièrement pour l'élaboration des textes législatifs et réglementaires.

Le Premier ministre avait déjà adressé deux circulaires de cette nature, le 17 avril 2014 et le 12 septembre 2014, pour préciser la méthode de travail du Gouvernement 27 ( * ) , votre rapporteur ayant présenté la seconde l'année dernière dans son avis sur le projet de loi de finances pour 2015. La circulaire du 30 octobre 2015 se situe dans leur prolongement et les complète utilement, témoignant de l'engagement du Premier ministre dans l'organisation du travail gouvernemental, conformément à la Constitution.

Ainsi, la circulaire du 30 octobre 2015 développe « trois exigences » pour une bonne méthode d'élaboration des projets de texte, en veillant à distinguer le politique de l'administratif dans le processus normatif .

Premièrement, dans les mêmes termes que dans la circulaire du 12 septembre 2014 précitée, le Premier ministre insiste sur la nécessité de « préserver les domaines respectifs de la délibération politique et de l'action administrative ». Pour préparer les textes, les ministres et leurs cabinets doivent s'appuyer sur l'expertise des services, en particulier les secrétaires généraux des ministères et les directeurs d'administration centrale, qui doivent être « au coeur du processus ». La circulaire ajoute que « ce n'est bien sûr pas le rôle des cabinets ministériels d'écrire les projets de textes » 28 ( * ) . Le Premier ministre demande que chaque projet de texte soit « pris en charge personnellement par un directeur d'administration centrale qui porte le texte en réunion interministérielle et au Conseil d'État et qui participe personnellement, le cas échéant, à la défense du texte devant le Conseil constitutionnel ».

Ainsi, dans le respect des priorités politiques définies par le Premier ministre, il appartient aux directeurs d'administration d'élaborer et de mettre en oeuvre les textes législatifs et réglementaires , les secrétaires généraux des ministères devant veiller à ce que l'ensemble des services concernés par un texte soient bien associés à son élaboration interministérielle.

Deuxièmement, les projets de texte, en particulier les projets de loi, doivent être transmis suffisamment à l'avance à Matignon, de façon à permettre au cabinet du Premier ministre comme au secrétariat général du Gouvernement de disposer d'un temps suffisant pour en examiner les enjeux politiques et juridiques avant leur transmission au Conseil d'État puis leur présentation au conseil des ministres. La circulaire précise que tout projet de texte pour lequel une date de passage au conseil des ministres a déjà été prévue doit parvenir à Matignon « au plus tard une semaine » avant la date prévue pour la saisine du Conseil d'État. Cette exigence laisse penser, selon votre rapporteur, qu'il doit trop souvent arriver que certains ministères transmettent leurs projets de texte bien plus tardivement, au risque d'incertitudes politiques ou constitutionnelles.

La circulaire insiste également, dans le cadre de cet examen des projets de texte, sur la nécessité de respecter les domaines respectifs de la loi et du règlement , le secrétaire général du Gouvernement étant spécialement chargé de « veiller à ce que les projets de loi ne comportent pas de dispositions de caractère réglementaire », afin de ne pas alourdir la charge de travail du Parlement et de ne pas rallonger inutilement de ce fait le délai d'édiction de ces normes.

D'un point de vue de méthode, le Premier ministre demande que soit systématisée la « réunion de relecture des projets de loi avant la saisine du Conseil d'État », sous la présidence du secrétaire général du Gouvernement, pour les textes les plus importants, afin de vérifier les questions constitutionnelles et le partage entre loi et règlement.

Troisièmement, le Premier ministre rappelle que les projets de loi en cours d'examen par le Parlement doivent faire l'objet d'un « suivi attentif par les administrations », tant pour apporter leur expertise « au service des évolutions souhaitées par les assemblées et en particulier par la majorité parlementaire » que pour « préparer au mieux les mesures d'application de la loi », mais aussi pour veiller à la régularité juridique de la loi , y compris en matière de procédure parlementaire et de droit d'amendement.

Entendu par votre rapporteur, le secrétaire général du Gouvernement a d'ailleurs précisé que la préoccupation des « cavaliers législatifs » était bien prise en compte, a fortiori à la suite des très nombreuses censures de l'été 2015 par le Conseil constitutionnel sur ce motif. L'appréciation apparaît toutefois plus difficile dans le cas de textes au périmètre initial vaste et hétérogène.

Dans le cadre de l'examen parlementaire, la circulaire ajoute que « les amendements d'origine gouvernementale doivent être limités à ce qui est strictement nécessaire pour traduire les choix politiques du Gouvernement et pour répondre à la dynamique du débat parlementaire » et « ne peuvent avoir pour objet de rétablir des dispositions qui avaient été disjointes du projet au motif qu'elles n'y avaient pas leur place ou de reprendre d'autres dispositions écartées lors des arbitrages antérieurs ». Dès lors, le Premier ministre exige que les amendements du Gouvernement soient systématiquement soumis à l'appréciation de son cabinet.

Votre rapporteur ne peut que souscrire à cette exigence. En effet, les amendements déposés par le Gouvernement ne présentent pas toujours la même sécurité juridique que les projets de loi, car ils ne font pas toujours l'objet d'un examen interministériel approfondi, sous l'autorité du secrétaire général du Gouvernement, et ne sont pas soumis au Conseil d'État. Néanmoins, votre rapporteur doit constater que des amendements d'initiative parlementaire peuvent être élaborés en lien avec le ministère porteur d'un projet de loi, tout en échappant au travail interministériel normal. Une plus grande discipline dans l'usage du droit d'amendement par le Gouvernement est nécessaire.

Enfin, comme dans la circulaire de 2014 précitée, le Premier ministre rappelle la nécessité de « limiter le gonflement excessif des textes », ce à quoi votre rapporteur, comme l'année dernière, ne peut que souscrire, au vu du flux des projets de loi comme de leur volume, empêchant un examen parlementaire satisfaisant.


* 25 Baisse de la rémunération des membres du Gouvernement, modération des rémunérations comme des effectifs des cabinets ministériels et renforcement de la déontologie gouvernementale, accentuée ensuite par la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique.

* 26 Cette circulaire est consultable à l'adresse suivante :

http://circulaires.legifrance.gouv.fr/pdf/2015/11/cir_40178.pdf

* 27 La circulaire du 12 septembre 2014 est consultable à l'adresse suivante :

http://circulaire.legifrance.gouv.fr/pdf/2014/09/cir_38729.pdf

* 28 La circulaire du 12 septembre 2014 indiquait qu'« agir efficacement suppose de savoir faire la différence entre la délibération politique et l'action administrative, et ne pas confondre l'une et l'autre dans des procédures incertaines où l'on voit des membres de cabinet faire le travail des fonctionnaires, tandis que s'appauvrit la délibération collégiale ».

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