B. UNE NOUVELLE AFFECTATION DE MOYENS SUPPLÉMENTAIRES À L'OFFICE FRANÇAIS DE PROTECTION DES RÉFUGIÉS ET APATRIDES

Son rôle d'instructeur des demandes d'asile fait de l'OFPRA, à côté de l'OFII, l'un des deux principaux opérateurs concernés par la réforme du droit d'asile résultant de l'adoption de la loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015.

1. Les modifications dans l'instruction des demandes d'asile introduites par la loi

Cette réforme a tout d'abord conféré à l'OFPRA de nouvelles tâches.

En premier lieu, elle lui a confié un rôle pivot en matière de procédure accélérée . Cette modalité d'examen d'une demande d'asile, qui se substitue à l'ancienne procédure prioritaire, a pour effet non seulement d'accélérer le traitement de la demande d'asile, que ce soit devant l'OFPRA (15 jours) ou devant la CNDA (5 semaines), mais également de conduire à l'examen devant celle-ci par une formation à juge unique. Cette procédure peut être mise en oeuvre soit de plein droit selon les critères définis par la loi (provenance d'un pays d'origine sûr, demande de réexamen), soit par décision de l'OFPRA au vu de critères inhérents à la demande , soit enfin par décision de l'autorité administrative sur le fondement de critères cette fois extérieurs à la demande (refus de donner ses empreintes, demande tardive...). L'OFPRA peut toutefois, à tout stade de la procédure, reclasser une demande placée en procédure accélérée en procédure normale . La décision de classement en procédure accélérée ne peut être contestée que devant le juge de l'asile, à l'occasion d'un recours contre une décision de rejet de l'OFPRA.

En deuxième lieu, elle a chargé l'OFPRA d'une mission de détection de la vulnérabilité « subjective » , c'est-à-dire directement liée à la demande d'asile - la vulnérabilité « objective » (grossesse, handicap,...) étant évaluée par l'OFII dans le cadre du premier accueil. La reconnaissance de cette vulnérabilité permet ensuite au demandeur de bénéficier de garanties particulières au cours de l'examen de sa demande.

En dernier lieu, l'OFPRA dispose désormais de deux outils supplémentaires :

- la possibilité de prononcer l'irrecevabilité d'une demande sans examen au fond en cas de réexamen ou de protection dans un autre pays ;

- la faculté de décider la clôture de l'examen , notamment lorsque le demandeur manque à ses obligations de coopération.

La réforme du droit d'asile a, par ailleurs, modifié substantiellement les conditions du déroulement de l'entretien individuel auquel est soumis tout demandeur d'asile. Outre l'encadrement strict des cas de dispense d'entretien, la réforme a inscrit dans la loi le droit de tout demandeur à être accompagné, au cours de cet entretien, par un conseil . Ce dernier peut être, au choix du demandeur, soit un avocat, soit un représentant d'une association habilitée par le directeur général de l'OFPRA 11 ( * ) . Ce conseil n'est autorisé à intervenir qu'à l'issue de l'entretien pour formuler des observations jointes à la retranscription de l'entretien, qui fait l'objet par ailleurs d'un enregistrement audio.

2. Une augmentation en conséquence des moyens de l'OFPRA

Ces nouvelles conditions de l'entretien ont des répercussions en termes de productivité des agents instructeurs de l'OFPRA, donc en termes de délai d'examen des demandes d'asile. L'OFPRA a en effet estimé que la présence d'un tiers à l'entretien prolongerait en moyenne d'une vingtaine de minutes la durée de celui-ci.

C'est pourquoi l'OFPRA a anticipé l'entrée en vigueur de la réforme par la mise en oeuvre, à partir du 1 er septembre 2013, d'un plan d'action interne visant non seulement à réformer les méthodes de travail et moderniser l'instruction des demandes d'asile mais également à optimiser sa gestion 12 ( * ) .

Les créations de postes se sont par ailleurs succédé au cours des dernières années et se poursuivent encore en 2016. Après 55 postes créés à l'instruction en 2015, le projet de loi de finances pour 2016 prévoyait ainsi initialement l'affectation de 20 nouveaux ETPT , portant les effectifs sous plafond de l'OFPRA à 545 ETPT 13 ( * ) (contre 412 ETPT en 2009). Décidé dans le cadre du « plan migrants », ce renfort de personnels essentiellement administratifs a pour but de résorber les goulets d'étranglement constatés au niveau de l'enregistrement et de la numérisation des demandes d'asile, de la commande des prestations d'interprétariat, du traitement administratif et de la notification des décisions ainsi que de la reconstitution du premier état civil. D'après les informations recueillies par votre rapporteure, l'amendement adopté par l'Assemblée nationale a encore renforcé les moyens de l'OFPRA en créant 80 ETP supplémentaires dans le cadre du plan de « relocalisation ». Ces nouveaux moyens seront pour moitié affectés au recrutement d'officiers de protection et pour moitié aux fonctions précédemment évoquées.

Au final, l'OFPRA se voit ainsi doté de 100 emplois supplémentaires pour l'année 2016 .

Ce sont principalement les frais induits par ces créations de postes qui expliquent la hausse de la subvention pour charges de service public versée par le ministère de l'intérieur à l'OFPRA, la portant à 52,87 millions d'euros en 2016, soit une hausse de près de 15 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2015 . Outre les dépenses de personnels, cette augmentation permettra de couvrir la hausse des coûts de fonctionnement- prise à bail de nouveaux locaux, frais d'interprétariat - ainsi que les investissements en équipement informatique et en mobilier et le réaménagement des espaces dédiés à l'accueil du public, notamment les boxes d'entretien.

En réponse au questionnaire budgétaire portant sur le projet de loi initial, l'OFPRA avait indiqué que ces nouveaux moyens devaient lui permettre, à flux constant, d'atteindre, dès 2017, l'objectif cible de 90 jours de délai moyen de traitement d'une demande d'asile, toutes procédures confondues, tout en réduisant le stock de demandes de plus de trois mois. Si l'on constate effectivement une légère inflexion des stocks en 2014 (29 770 demandes en instance contre 30 381 en 2013), en revanche la réduction du délai de traitement annoncée est plus douteuse puisque le délai moyen de traitement était encore de 203,5 jours en 2014 en procédure normale et 66 jours pour les procédures prioritaires, malgré une légère baisse de la demande d'asile. Et ce, en dépit d'une augmentation du nombre des décisions rendues.

Évolution de la demande d'asile et du nombre de décisions rendues
par l'OFPRA depuis 2009

Source : commission des lois du Sénat à partir des données de l'OFPRA


* 11 Par décision du 9 octobre 2015, sept associations ont été habilitées pour trois ans à accompagner des demandeurs d'asile : l'Association pour la reconnaissance des droits des personnes homosexuelles et transsexuelles à l'immigration et au séjour (ARDHIS), l'Association nationale d'assistance aux frontières pour les étrangers (Anafé), La Cimade, Forum réfugiés-Cosi, la Coordination lesbienne en France (CLF), CQFD Fierté Lesbienne et l'Ordre de Malte France.

* 12 Pour plus de précisions sur ce plan d'action pour la réforme de l'OFPRA, on peut se reporter au rapport pour avis de Mme Esther Benbassa, fait au nom de la commission des lois, sur le projet de loi de finances pour 2015 (n° 114, 2014-2015, tome II) : http://www.senat.fr/rap/a14-114-2/a14-114-22.html#toc19

* 13 À cet effectif de 545 ETPT s'ajoutent 18 ETPT, hors plafond, correspondant aux agents de catégorie C du ministère de l'intérieur servant au sein de l'établissement.

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