D. L'EXTENSION DE LA RETRAITE PROGRESSIVE AUX TRAVAILLEURS AYANT PLUSIEURS EMPLOYEURS (ARTICLE 30)

Introduite par la loi du 5 janvier 1988 76 ( * ) , la retraite progressive autorise un assuré à liquider provisoirement sa pension tout en poursuivant une activité professionnelle à temps partiel . L'assuré perçoit une fraction de la pension que la liquidation de ses droits lui ouvre, tout en accroissant ses droits à pension par les cotisations qu'il verse au titre de son activité partielle. Ce dispositif de transition entre l'emploi et la retraite se distingue donc du cumul emploi-retraite dès lors que la liquidation est provisoire et que l'assuré continue d'alimenter ses droits. Lorsque l'assuré cesse complètement son activité, la liquidation totale donne lieu au calcul actualisé et définitif de ses droits à la retraite.

L'ensemble des salariés relevant du régime général, les artisans et commerçants relevant du RSI ainsi que les agriculteurs relevant de la MSA peuvent y recourir selon les critères suivants 77 ( * ) :

- être âgé de plus de 60 ans ;

- avoir accumulé une durée d'assurance de plus de 150 trimestres (37,5 années) ;

- exercer à titre exclusif une activité réduite 78 ( * ) . Il est précisé que le service de la pension est suspendu lorsque le salarié exerce une autre activité à temps partiel. Le dispositif n'est pas applicable aux salariés sous convention de forfait annuel en jours (« forfait jours »).

Quoique ancienne , la retraite progressive demeure méconnue et peu utilisée par les assurés, notamment au regard des autres dispositifs de transition entre l'emploi et la retraite 79 ( * ) : de 1 200 bénéficiaires du régime général dans les années 1990, le nombre est tombé à 500 fin 2005, avant de croître faiblement 80 ( * ) . Un rapport de l'inspection générale des affaires sociales proposait même sa suppression en 2012 81 ( * ) .

Le dispositif a toutefois connu plusieurs évolutions , conduisant à en modifier la logique :

- à sa création en 1988, l'objectif financier du système de retraite prévalait , afin d'encourager certaines personnes à retarder la liquidation complète de leur pension, alors même qu'ils pouvaient partir à taux plein. La liquidation était alors définitive, de sorte que la poursuite d'un emploi ne donnait pas lieu à accroissement des droits à la retraite ;

- alors que le nombre de trimestres exigé avait été augmenté à 160 en 1993, la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites 82 ( * ) l'a ramené à 150 trimestres, alors même que la durée requise pour une retraite à taux plein était désormais supérieure, ouvrant alors le dispositif aux assurés ne justifiant pas du taux plein. Surtout, la liquidation devient provisoire, et les périodes de travail sous ce régime deviennent incluses dans le calcul de la pension définitive ;

- la loi du 20 janvier 2014 83 ( * ) étend à nouveau le dispositif, en prévoyant son ouverture dès 60 ans, tandis que l'âge minimum légal de départ à la retraite est fixé à 62 ans depuis 2010.

De fait, l'ouverture de la retraite progressive aux assurés n'ayant droit ni au taux plein, ni au départ à la retraite de droit commun, en fait un outil pour augmenter le taux d'emploi des seniors . Un regain de recours à la retraite progressive est observé depuis 2014, avec plus de 8 500 assurés en 2016, éloigné toutefois de l'objectif initialement affiché dans l'étude d'impact de la loi de 2014 de 12 500 assurés en 2017.

Le présent article propose de supprimer la condition d'exclusivité de l'activité exercée en vue d'étendre l'accès au dispositif aux travailleurs ayant plusieurs employeurs . Selon l'évaluation préalable annexée au présent projet de loi de financement, cette mesure vise en particulier les professionnels exerçant à temps réduit chez plusieurs employeurs, représentant une forte part dans le secteur des services à la personne par exemple. Une montée en charge progressive du dispositif évalue son coût à 2 millions d'euros la première année, 10 millions d'euros la deuxième année et 16 millions d'euros en année pleine . Cependant, cette évaluation n'intègre pas l'effet des nouveaux droits procurés par la retraite progressive lors de la liquidation définitive des droits.

Entendu par la commission des affaires sociales du Sénat le 12 octobre 2016, le président du conseil d'administration de la CNAV a précisé que cette mesure répondait d'une demande ancienne : « le conseil d'administration de la CNAV a unanimement salué l'avancée que représente l'élargissement de l'accès à la retraite progressive prévue à l'article 30 du PLFSS. Il s'agit, d'ailleurs, d'une ancienne proposition de la commission études et prospectives de la CNAV. »

Alors que la possibilité d'une extension du dispositif aux salariés en forfait jours avait été discutée, à l'initiative de la rapporteure pour la branche vieillesse au nom de la commission des affaires sociales Annie Le Houérou, l'Assemblée nationale a adopté un article additionnel demandant au Gouvernement de remettre au Parlement, avant le 1 er octobre 2017, un rapport « relatif aux conditions d'élargissement du dispositif de retraite progressive aux salariés en forfait jours » .


* 76 Loi n° 88-16 du 5 janvier 1988 relative à la sécurité sociale.

* 77 Les articles L. 351-15 et L. 351-16 du code de la sécurité sociale déterminent le cadre juridique applicable à la retraite progressive.

* 78 La quotité doit être comprise entre 40 % et 80 % de la durée légale ou conventionnelle du travail dans l'entreprise.

* 79 Le cumul emploi retraite, qui donne, sous certaines conditions, la possibilité à une personne retraitée d'exercer une activité professionnelle et de cumuler ses revenus professionnels et sa retraite, est ainsi plus répandu : parmi l'ensemble des retraités fin 2014, 366 253 d'entre eux cumulent en 2015 une activité salariée relevant du régime général tout en percevant une pension. Une forte proportion du cumul emploi-retraite se fait sous la forme d'un temps partiel.

* 80 Conseil d'orientation des retraites, 2015

* 81 « Évaluation du cumul emploi retraite », IGAS, 2012

* 82 Loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites

* 83 Loi n° 2014-40 du 20 janvier 2014 garantissant l'avenir et la justice du système de retraites

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