C. UNE POLITIQUE D'AIDE SOCIALE RÉFORMÉE POUR UNE PLUS GRANDE ÉQUITÉ QU'IL CONVIENT D'ÉVALUER.

En application de l'article D. 432 du CPMIVG, l'Onac a pour mission de « veiller en toute circonstance sur les intérêts matériels et moraux de ses ressortissants » et de leur apporter « le patronage et l'aide matérielle qui leur sont dus par la reconnaissance de la Nation ». Ces principes trouvent leur traduction, depuis l'origine, dans une politique d'aide sociale qui cherche à concilier les intérêts et les besoins parfois divergents de l'ensemble des ressortissants de l'Office.

Elle est financée par l'État, à travers une subvention d'action sociale allouée à l'Onac en loi de finances, ainsi que par ses ressources propres , principalement les fonds collectés par l'OEuvre nationale du Bleuet de France (ONBF). D'un montant de 26,4 millions d'euros en 2017, en hausse d'un million d'euros par rapport à 2016 (+ 3,9 %), cette subvention a été très fortement augmentée depuis 10 ans : elle a presque doublé depuis 2007 et son taux de progression a été de 31 % depuis 2012.

Evolution du montant de la subvention d'action sociale de l'Onac depuis 2007

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Montant
(en millions d'euros)

14,1

18,6

19,1

19,6

19,6

20,1

20,6

21,9

23,4

25,4

26,4

Evolution n/n-1
(en %)

/

+31,9

+2,7

+2,6

0

+2,6

+2,5

+6,3

+6,9

+8,5

+3,9

Evolution globale
(en %)

+ 87,2

Source : Projets annuels de performances de la mission annexés aux PLF

Les aides sociales distribuées par l'Onac sont de plusieurs natures et se répartissaient, en 2015, selon la nomenclature suivante :

- des aides pour difficultés financières , pour un montant total de 11,81 millions d'euros , soit une moyenne de 565 euros pour chacun des 20 917 dossiers traités ( 50 % de la dépense totale) ;

- une aide en faveur des conjoints survivants , l'ACCS
(ex-ADCS), qui représentait une dépense de 6,45 millions d'euros pour 3 472 bénéficiaires ( 27 % de la dépense totale) ;

- une participation à l'aide-ménagère ou au maintien à domicile en faveur des ressortissants les plus âgés, pour un coût de 3,85 millions d'euros , soit une moyenne de 402 euros pour chacune des 9 572 aides accordées ( 16 % de la dépense totale) ;

- des aides aux études , à la vie quotidienne, à la majorité et au premier emploi en faveur des pupilles de la Nation et des orphelins de guerre mineurs à hauteur de 1,1 million d'euros ( 5 % de la dépense totale) ;

- des secours d'urgence , distribués à 1 172 personnes et représentant 0,25 million d'euros ( 1 % de la dépense totale) ;

- l'envoi de colis de douceurs , principalement à des anciens combattants et à des veuves, pour un coût de 0,1 million d'euros ( 0,4 % de la dépense totale).

Cette même année, ce sont 51 096 interventions sociales qui ont été réalisées par l'Onac : les principaux bénéficiaires en ont été les veuves, à travers des aides pour difficultés financières ou le maintien à domicile ( 34 % du total) et l'ADCS ( 6,8 % ), puis les anciens combattants ( 20,1 % ) et les ressortissants étrangers ( 17,6 % ).

Formulées au niveau local par les intéressés ou par l'intermédiaire des associations représentant le monde combattant, les demandes sont instruites par les services départementaux . La décision d'attribution de l'aide ou de rejet est prise par le conseil départemental pour les anciens combattants et victimes de guerre et la mémoire de la Nation, présidé par le préfet et fonctionnant sur le modèle paritaire du conseil d'administration de l'Onac. En application de l'article R. 573 du CPMIVG, il se prononce sur les demandes individuelles de prêts, subventions et aides diverses en faveur des ressortissants de l'Onac.

Le caractère inflationniste de la politique d'aide sociale de l'Onac, souligné par la Cour des comptes dans son rapport de 2015 précité, est lié à la création, en 2007, d'une aide spécifique destinée à une catégorie particulière de ses ressortissants : l'aide différentielle aux conjoints survivants (ADCS). Visant à apporter un soutien financier aux plus démunis d'entre eux, ce dispositif de guichet versé trimestriellement venait compléter les ressources de ses bénéficiaires pour leur permettre d'atteindre un plancher initialement fixé à 550 euros par mois au 1 er août 2007 puis progressivement rehaussé jusqu'à atteindre 987 euros au 1 er janvier 2015
(+ 79,5 %). Dans le même temps, son coût était passé de 4,6 millions d'euros en 2011 à 6,45 millions d'euros en 2015, année de transition durant laquelle 3 472 veuves ont pu bénéficier de l'aide complémentaire au conjoint survivant (ACCS).

Les fragilités juridiques de l'ADCS, qui étaient connues de longue date (rupture du principe d'égalité en réservant son bénéfice aux ressortissants de l'Onac résidant en France ; prestation créée par une décision du directeur général de l'Onac et non par le pouvoir réglementaire), ont été confirmées par le tribunal administratif de Paris qui, dans un jugement du 27 octobre 2014 91 ( * ) , a estimé qu'elle était dépourvue de base légale , supprimant de fait ce dispositif.

A titre temporaire, l'ACCS a été mise en place sous la forme d'un secours unique pour qu'en 2015 les bénéficiaires de l'ADCS n'aient pas à subir une brusque diminution de leurs ressources. Cette décision de justice a toutefois eu pour conséquence positive d'accélérer le mouvement de modernisation de la politique d'aide sociale de l'Onac , qui était indispensable pour garantir son équité , en particulier en direction des anciens combattants se trouvant dans la précarité.

Conformément aux recommandations de la Cour des comptes, les nouvelles orientations en la matière ont été adoptées à l'unanimité par le conseil d'administration de l'Office, au sein duquel siègent des représentants de toutes les générations du feu, le 27 mars 2015. Elles définissent un public prioritaire : les plus démunis , les plus isolés et les plus fragiles , quelle que soit leur catégorie. Elles reposent sur des critères objectifs visant, après un examen individuel de chaque demande, à proposer l'aide la plus adaptée. Ceux-ci sont non-seulement financiers mais aussi sociaux et de qualité de vie , en particulier liés aux conditions de logement . L'isolement géographique, familial et social est pris en compte, tout comme différentes formes de fragilités (physique, psychologique, etc.) et de précarités (énergétique, professionnelle, etc.). L'accent est également mis sur les anciens combattants de la quatrième génération du feu et les plus âgés , qui devraient bénéficier d'un renforcement des actions de maintien à domicile.

Cette réforme s'accompagne d'une simplification de la typologie des aides proposées , qui prennent désormais trois formes :

- des secours pour ressources modestes , sur la base des revenus et des charges du ressortissant de l'Onac, quel qu'il soit ;

- des secours répondant à des difficultés financières ponctuelles , qui seront accordés sur la base de devis ou de factures ;

- des aides correspondant à des prestations de services (aide-ménagère, maintien à domicile, aménagement de l'habitat).

Une circulaire d'application 92 ( * ) en a rappelé les conditions de mise en oeuvre, qui reposent sur trois principes :

- la subsidiarité de l'action sociale de l'Onac, qui intervient en complément des dispositifs de droit commun (RSA, Aspa, etc.) et ne peut s'y substituer ;

- l' examen individuel de chaque dossier par les services départementaux ;

- la décision collective d'attribution ou de rejet de l'aide par la commission départementale d'action sociale, sur la base d'un dossier anonyme.

Cette instruction a également fixé des montants indicatifs pour chacun des principaux types d'aides. Ils doivent être adaptés à la situation individuelle de chaque demandeur et leur dépassement est soumis à l'accord de la direction générale de l'Office.

Montant indicatif des aides sociales de l'Onac

Catégorie

Définition

Montant

Aides pour difficultés financières

Secours d'urgence

Entre 50 et 350 euros

Difficultés financières

Entre 160 et 800 euros

Aides aux prestations
de service

Aide-ménagère

En fonction du nombre d'heures
et des participations des organismes de droit commun

Maintien à domicile

En fonction du coût
de la prestation

Colis

Plafond de 40 euros

Source : Onac

Cette réforme avait suscité de profondes craintes au sein du monde combattant, qui y voyait le risque d'une moins bonne prise en compte des conjoints survivants , de l'apparition de différences de traitement des ressortissants de l'Onac selon les territoires et même, à terme, d'une remise en cause du périmètre de la politique d'action sociale de l'Office et, à travers celle-ci, de la reconnaissance de la Nation envers les anciens combattants. Votre rapporteur pour avis avait l'an dernier salué cette réforme, qui met l'Onac aux normes adoptées depuis de nombreuses années par les autres structures d'aides sociales, qu'elles soient communales, intercommunales ou départementales, et qui place tous ses ressortissants sur un pied d'égalité . Il avait néanmoins jugé nécessaire qu'un travail de pédagogie auprès des associations soit conduit dans les départements pour leur présenter les effets bénéfiques de la réforme, et que les services départementaux adoptent ces nouvelles méthodes de travail dans les meilleurs délais.

Au terme de la première année d'application de cette politique d'action sociale réformée, les réserves émises l'an dernier se sont pour la plupart révélées infondées et ce sujet n'est pas apparu à votre rapporteur pour avis, lors des auditions qu'il a réalisées, comme une préoccupation majeure du monde combattant . Les premiers travaux d'évaluation réalisés font apparaître des résultats positifs qui restent néanmoins à confirmer sur la durée .

En application de l'article 134 de la loi de finances pour 2016 93 ( * ) , le Gouvernement a remis au Parlement en septembre dernier un rapport dressant le bilan des premiers effets de la refonte de la politique d'action sociale de l'Onac. Portant sur les six premiers mois de l'année, il en tire des conclusions positives , soulignant qu'elle a conduit à un rééquilibrage de celle-ci en faveur des plus démunis , sans pour autant porter préjudice aux anciens bénéficiaires de l'ADCS, dès lors que leur situation personnelle n'avait pas évolué.

Par ailleurs, nos collègues députés Marie-Christine Dalloz et Régis Juanico ont conduit, au nom de la commission des finances de l'Assemblée nationale, une mission d'information sur l'évolution de la politique d'aide sociale de l'Onac . Leur rapport 94 ( * ) rejoint les constats formulés par votre rapporteur pour avis depuis deux ans sur la nécessité de la réforme et l'impossibilité de conserver l'ADCS ou un dispositif équivalent. Ils ont néanmoins souligné le besoin d' harmoniser les pratiques des services départementaux et de s'appuyer davantage sur les associations du monde combattant pour expliquer la réforme à l'ensemble des ressortissants de l'Onac.

Votre rapporteur pour avis partage leur point de vue. Tout en considérant que la direction générale de l'Office a pris les décisions qui s'imposaient à la suite de l'annulation de l'ADCS et a engagé la nécessaire modernisation de sa politique d'action sociale, il ne faut pas nier l'effet déstabilisateur que ces nouvelles orientations ont pu avoir, en particulier sur la diversité des usages locaux . S'il n'est pas possible de définir des niveaux de prestation opposables, par leurs bénéficiaires, à l'Onac, au risque de retomber dans les travers de l'ADCS, il convient d'apporter plus d'homogénéité dans le fonctionnement des services départementaux .

Aujourd'hui, selon leurs effectifs ou en raison de problématiques locales sans lien direct avec l'aide sociale, le soutien perçu par des ressortissants de l'Onac dans des situations comparables peut varier de manière significative d'un département à un autre . De plus, l'examen anonyme des dossiers a pu soulever, surtout dans les plus petits départements, des difficultés pour les représentants du monde combattant, qui participent souvent, aux côtés des demandeurs, à leur élaboration.

Cet effort d'harmonisation des modalités d'examen des dossiers permettra de tirer pleinement profit de l'un des points centraux de la réforme : l'octroi de l'aide et le calcul de son montant en fonction de la situation individuelle des personnes qui la sollicitent. Cela permet de répondre au mieux à leurs besoins, d'y adapter le montant versé et surtout, lors de l'instruction de la demande par le service départemental concerné, d'inviter les ressortissants de l'Onac à demander en premier lieu l'aide sociale de droit commun .

Il en va de l'amélioration de l'efficience de cette politique, alors qu'un public à l'effectif jusqu'ici marginal a vu celui-ci croître en 2015 et 2016 : les victimes d'actes de terrorisme . Alors qu'en 2015 l'Onac était intervenu 25 fois en leur faveur, pour un total de 12 390 euros , sur les dix premiers mois de l'année 2016 58 dossiers avaient été traités, représentant 43 287 euros . Pour y répondre, une nouvelle circulaire d'application consacrée à l'accompagnement des victimes de terrorisme 95 ( * ) a été adoptée à l'unanimité par le conseil d'administration de l'Onac au mois d'octobre dernier. Elle souligne notamment l'importance de les accompagner sur la durée , d'avoir à leur égard une écoute bienveillante et de donner la priorité aux dossiers des pupilles de la Nation .

En effet, la très forte augmentation du nombre de pupilles de la Nation, à la suite des attentats du 13 novembre 2015 à Paris et du 14 juillet 2016 à Nice, va forcer l'Office à revoir sa politique en leur faveur et les moyens qu'il y consacre. Selon les informations communiquées à votre rapporteur pour avis, 56 adoptions avaient été prononcées en 2015 , dont 18 consécutives aux attentats du 15 janvier, du Bardo (Tunisie) ou encore de Tripoli (Libye). En 2016 , ce sont à ce jour 165 enfants qui ont été adoptés par l'État , soit presque le triple de l'année précédente , alors que seulement 16 pupilles ont atteint l'âge de 22 ans , qui met fin à leur suivi par l'Onac : le solde net pour ce dernier est donc de 149 personnes .

Parmi ces nouveaux pupilles, 117 sont des enfants de victimes d'attentats , dont 109 des attentats commis depuis un an en France : 62 de l'attaque du Bataclan , 16 des explosions aux abords du stade de France , 11 des mitraillages des terrasses des cafés des 10 ème et 11 ème arrondissements et 20 de l'attentat de Nice . Ces chiffres restent provisoires , de nouveaux jugements d'adoption par la Nation prononcés par les tribunaux de grande instance au titre des attentats étant notifiés à l'Onac chaque semaine. Ils représentent une augmentation sans précédent du nombre de pupilles adoptées à la suite d'actes de terrorisme ( + 550 % en un an), qui s'explique par le nombre très élevé de victimes de ces attentats : 130 morts à Paris,
86 à Nice.

Cette tendance ne devrait pas s'inverser l'an prochain, avec un accroissement attendu des adoptions d'enfants de victimes de l'attentat de Nice. Envers ses pupilles, la Nation ne saurait faillir à ses devoirs .


* 91 Tribunal administratif de Paris, Mme Zerhoun, n os 1220513/6-1 et 1304887/6-1.

* 92 Circulaire d'application du 4 décembre 2015 relative à l'action sociale de l'Onac.

* 93 Loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 précitée.

* 94 « L'aide sociale de l'Onac, une réforme devenue indispensable, un accompagnement à poursuivre », rapport d'information n° 4 152, octobre 2016, Assemblée nationale (XIV ème législature).

* 95 Circulaire d'application du 21 novembre 2016 relative à l'accompagnement des victimes d'actes de terrorisme.

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