B. QUEL MUSÉE POUR DEMAIN DANS UN CLIMAT TENDU ?

1. Le difficile enjeu de la sécurité

Les attentats qui ont frappé la France depuis janvier 2015 ont eu un impact considérable sur la fréquentation des musées nationaux . Les chiffres communiqués à votre rapporteur pour avis indiquent que la fréquentation des musées nationaux a chuté de 5,4 % en 2015 , alors même que le musée Picasso a rouvert ses portes en octobre de cette année-là. À périmètre constant, la baisse de fréquentation des musées nationaux atteint 7 %.

Cette chute, dont l'ampleur n'avait pas été enregistrée depuis 2003 , a surtout été sensible après les attentats du 13 novembre, à Paris comme en régions, alors qu'elle était restée principalement circonscrite aux grands établissements parisiens après les attentats de janvier 2015. Elle s'explique par la diminution du nombre de touristes étrangers, à laquelle s'est ajoutée celle des publics scolaires, en application des consignes d'interdiction de sorties et d'utilisation des transports en commun.

Les prévisions pour l'année 2016 sont pessimistes . Au premier trimestre, la fréquentation des musées nationaux a affiché une baisse de 12 %. Les attentats de l'été auraient aggravé ce mouvement, déjà accentué par les mouvements sociaux et les inondations au second trimestre. Le repli est évalué à - 14 % sur les mois de juillet et août 2016.

Cette baisse de la fréquentation a des conséquences particulièrement lourdes pour les musées avec, d'une part, une baisse de leurs ressources propres liées aux pertes de billetterie, de recettes domaniales et de recettes commerciales et, d'autre part, un accroissement de leurs charges pour garantir la sécurité des visiteurs et du personnel des musées, avec un recours accru aux sociétés de gardiennage et des investissements importants pour la sécurisation des lieux.

Les chiffres dont dispose votre rapporteur pour avis, qui concernent l'ensemble des musées nationaux et monuments historiques, font état de pertes de ressources propres liées aux attentats évaluées à 44 millions d'euros pour l'ensemble de l'exercice 2016, et de dépenses d'exploitation liées au renforcement de la sécurisation estimées à 4 millions d'euros .

Votre rapporteur pour avis a constaté l'engagement du ministère de la culture et de la communication pour accompagner les institutions patrimoniales dans ce contexte exceptionnel. Le présent projet de loi de finances comporte plusieurs crédits supplémentaires pour compenser partiellement les pertes et aider les opérateurs à réaliser les investissements nécessaires, en particulier :

- 4 millions d'euros de crédits pour assurer la sécurisation des institutions patrimoniales (musées de France et monuments historiques) ;

- 73 emplois pour renforcer la sécurité des opérateurs du programme.

La ministre chargée de la culture, Audrey Azoulay, a par ailleurs confirmé, lors de son audition devant votre commission de la culture, de l'éducation et de la communication le 9 novembre dernier, qu'une enveloppe de 5 millions d'euros supplémentaires pour la sécurisation des grands opérateurs culturels viendrait s'ajouter aux crédits prévus dans le présent projet de loi de finances. Ces crédits seront issus du Fonds interministériel de prévention de la délinquance et profiteront aux opérateurs de la mission « culture », parmi lesquels les grands musées financés sur les crédits du présent programme.

Des actions seront également menées pour promouvoir les musées et monuments français auprès des touristes étrangers.

Au regard de la contribution du tourisme au dynamisme économique de la France, votre rapporteur pour avis se réjouit de ces mesures, qui devraient contribuer à rassurer les visiteurs et les agents. Il souligne la nécessité de veiller à la correcte exécution de ces crédits et de procéder, si nécessaire, à des dégels de la réserve de précaution , comme cela a été fait cette année pour faire face aux coûts engendrés par les inondations et les crues, causées par les pluies exceptionnelles survenues à la fin du mois de mai et au début du mois de juin 2016, en particulier dans le Centre, en Ile-de-France, en Picardie et en Bourgogne.

2. Imaginer le musée du XXIe siècle

Afin de permettre de reconsolider le réseau des musées de France, dans un contexte marqué par des difficultés économiques, et de lui redonner du souffle en repensant son rôle, le ministère de la culture et de la communication a installé une mission de réflexion consacrée à la question du musée du XXI e siècle . La réflexion s'articule autour de quatre thèmes :

- le musée éthique et citoyen , qui examine les liens entre le musée et son environnement, son rôle comme vecteur de lien social et sa capacité à être à l'écoute des citoyens et à répondre à leurs préoccupations ;

- le musée protéiforme , qui traite des questions de circulation des collections, des modalités d'accueil du public, de la présence des musées dans l'univers numérique et de la manière de faire évoluer l'expérience de visite ;

- le musée inclusif et collaboratif , qui explore la place à accorder au public dans le musée, en mettant l'accent sur ses possibilités d'engagement (bénévolat, mécénat) ;

- le musée comme écosystème professionnel , qui réfléchit à l'évolution des métiers au sein des musées et au rôle que peuvent jouer les musées dans le développement des territoires.

Cette mission doit permettre de jeter les bases d'une nouvelle politique muséale, plus en phase avec son époque et davantage tournée vers la cohésion sociale, la démocratisation culturelle et l'éducation artistique et culturelle.

Sans remettre en cause l'acuité de ces questions, votre rapporteur pour avis tient à souligner l'importance de plusieurs enjeux pour les musées aujourd'hui .

D'une part, la question du financement des musées . Face à la baisse continue des subventions publiques et dans un contexte de baisse de la fréquentation, la question de la diversification des ressources propres des musées se fait de plus en plus aigüe. La commission des finances de votre assemblée avait parfaitement identifié cette nécessité dans un rapport d'information publié en 2014 2 ( * ) , dans lequel elle évoquait la question de la billetterie et des activités annexes, du développement du mécénat, de l'ingénierie culture et de la valorisation des marques, de la location des oeuvres, des expositions itinérantes clé en main et de la politique tarifaire.

D'autre part, la question des moyens pour garantir la qualité de la visite . À cet égard, le projet d'arrêté, actuellement en discussion, visant à réviser les modalités de délivrance de la carte professionnelle de guide-conférencier pose question. Afin d'ouvrir plus largement la profession, en particulier aux jeunes, il prévoit d'élargir la délivrance de cette carte aux titulaires d'un grade de master, toutes disciplines confondues, justifiant au minimum d'une expérience professionnelle d'un an cumulée au cours des cinq dernières années dans la médiation orale des patrimoines et maîtrisant une langue vivante étrangère, une langue régionale de France ou la langue des signes françaises.

Aujourd'hui, cette carte est délivrée de manière permanente aux titulaires de la licence professionnelle de guide-conférencier ou aux titulaires d'un diplôme national de master ayant validé au cours de leur formation une unité d'enseignement « compétences de guide-conférencier », une unité d'enseignement « mise en situation et pratique professionnelle » et une unité d'enseignement « langue vivante étrangère », l'objectif étant de s'assurer que le titulaire est effectivement compétent en matière de médiation orale des patrimoines, dispose de connaissance scientifiques et culturelles en histoire des civilisations, histoire des sciences et des techniques, histoire des arts ou histoire de la littérature, et maîtrise une langue étrangère.

Alors que le législateur a manifesté, à l'article 109 de la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine, sa volonté de garantir un haut niveau de qualité des visites guidées effectuées dans les monuments historiques et les musées de France en imposant le recours systématique à une personne titulaire de la carte professionnelle de guide-conférencier , il paraît étonnant que, dans le même temps, les règles relatives à la délivrance de cette carte professionnelle évoluent, au risque de faire entrer dans la profession des personnes insuffisamment qualifiées. L'opportunité d'un tel élargissement se pose d'autant plus dans un contexte marqué par une baisse de la fréquentation des sites patrimoniaux et par des difficultés économiques pour les membres de cette profession.


* 2 « Les musés nationaux : quelles ressources pour quelles missions ? », Rapport d'information n° 574 (2013-2014) de M. Yann Gaillard, fait au nom de la commission des finances, déposé le 4 juin 2014.

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