III. POLITIQUE MUSÉALE : DES CRÉDITS ENFIN EN HAUSSE DANS UN CONTEXTE DE BAISSE DE LA FRÉQUENTATION

A. UN EFFORT BUDGÉTAIRE INDISPENSABLE APRÈS CINQ ANNÉES D'ÉROSION DES CRÉDITS

1. L'action 3 « Patrimoine des musées de France »

Les crédits de l'action 3 « Patrimoine des musées de France », qui étaient, en 2016, en recul de plus de 10 points par rapport à 2012, progressent de près de 28 millions d'euros en AE , à 371,47 millions d'euros ( + 8,1 % ), et de 21,5 millions d'euros en CP , à 360,02 millions d'euros ( + 6,4 % ). Cet effort sensible permet de compenser une partie de l'érosion continue des crédits de l'action entre 2012 et 2016 : les crédits de paiement pour 2017 ne sont plus inférieurs que de 5 points à ceux de 2012.

Les dépenses de fonctionnement , d'un montant de 283,61 millions d'euros en AE et de 286,95 millions d'euros en CP, soit près de 80 % des crédits de l'action, financent essentiellement treize opérateurs sous la forme de subventions pour charges de service public. Ces subventions augmentent de 4 millions d'euros (+ 1,6 %), hors transfert du financement de la subvention de l'EPPPD-CNHI du programme 224 au programme 175.

Les opérateurs concernés sont les suivants, par ordre d'importance de la subvention : le musée du Louvre (93,23 M€), le Centre Pompidou (69,17 M€), le musée du Quai Branly (23,19 M€), la RMN-GP (21,73 M€), le MuCEM (18,8 M€), le musée des arts décoratifs (15,17 M€), le musée d'Orsay et musée de l'Orangerie (8,13 M€), l'EPPPD-CNHI (4,54 M€), le musée Guimet (3,85 M€), l'Institution national d'histoire de l'art (3,40 M€), l'établissement public du château de Fontainebleau (2,69 M€), le musée Picasso (3,6 M€) et le musée Henner-Moreau (0,79 M€).

D'après les informations communiquées à votre rapporteur, la hausse des subventions pour charges de service public s'explique par des problèmes de fonds de roulement rencontrés par certains établissements et par la nécessité de compenser les pertes liées à la baisse de la billetterie et les surcoûts induits par les charges nouvelles en matière de sécurisation.

Les dépenses d'opérations financières , qui prennent la forme de dotations en fonds propres destinées à financer les opérations d'investissement des opérateurs, enregistrent une forte hausse : elles progressent de près de 20 millions d'euros en AE , à 43,6 millions d'euros (+ 83,6 %) , et de près de 7 millions d'euros en CP , à 29,6 millions d'euros (+ 30,3 %) . Cette hausse s'explique, pour une large part, par la revalorisation de près de 18 millions d'euros en AE et 4 millions d'euros en CP de la dotation en fonds propres allouée au Centre Pompidou , pour la réalisation des études du schéma directeur et le lancement des travaux de restauration du bâtiment, aujourd'hui dégradé.

Les dépenses d'investissement progressent de 4,4 millions d'euros en AE, à 16,03 millions d'euros (+ 38 %), et de 3,3 millions d'euros en CP, à 16,24 millions d'euros (+ 26 %). Cette hausse des crédits se porte essentiellement sur le financement des opérations de travaux de mise aux normes de sûreté et de sécurité, d'accessibilité aux personnes en situation de handicap, de développement de l'offre muséale et d'amélioration des conditions d'accueil du public et de conservation des oeuvres.

Les dépenses d'intervention sont également en hausse de 3 millions d'euros en AE, à 28,23 millions d'euros (+11,8 %), et de près d'1 million d'euros en CP, à 27,23 millions d'euros (+ 3,7 %). Les nouveaux crédits sont principalement destinés à la poursuite du financement d'opérations en région , dans l'objectif d'assurer un rééquilibrage territorial et de renforcer la conservation et la mise en valeur des collections des musées de France en région. A titre d'exemple, on peut citer la rénovation du musée de Picardie à Amiens et du musée d'art et d'industrie La Piscine à Roubaix, la création du pôle muséal de Troyes et la rénovation du musée historique lorrain à Nancy, la rénovation muséographique du musée Arlaten à Arles ou la poursuite de l'extension du musée des Beaux-Arts Henri Martin de Cahors. Une partie des crédits supplémentaires devraient également servir à reconduire, en 2017, l'opération « Les Portes du temps » avec une enveloppe renforcée, ou à aider les musées de France dans le travail de récolement, de numérisation des collections et de conservation préventive .

L'opération « Les Portes du temps »

Cette opération, créée en 2005, vise à organiser, pendant la période estivale, des activités culturelles sur des sites patrimoniaux au bénéfice de jeunes issus des territoires prioritaires au titre de la politique de la ville, afin de les sensibiliser aux patrimoines et à l'histoire à travers une offre culturelle de qualité. Depuis leur lancement en 2005, elles ont accueilli plus de 350 000 jeunes. Pour la 12 e édition organisée en 2016, presque tous les départements de France et trois départements ultra-marins son concernés, avec 130 sites participants.

L'objectif de cette opération est double : il s'agit d'élargir les publics des lieux culturels et de promouvoir l'accès à la culture des publics défavorisés.

Les Portes du temps proposent un parcours structuré autour d'une thématique ancrée dans l'histoire des sites, pour une rencontre approfondie entre jeunes et patrimoines. Elles constituent un moment privilégié pour interroger et expérimenter une offre de médiation adaptée à ces publics.

L'appel à des artistes professionnels vient enrichir l'interprétation du patrimoine par les jeunes, pour les sensibiliser à la création artistique. Par ce biais, il est démontré que le patrimoine peut être une source d'inspiration pour la création d'aujourd'hui et qu'il fait écho aux problématiques actuelles des jeunes.

Les Portes du temps sont portées par le ministère de la culture et de la communication et organisées en partenariat avec le ministère de la Ville, de la Jeunesse et des Sports et le Commissariat général à l'égalité des territoires dans le cadre des objectifs communs en faveur de la cohésion sociale, de l'intégration et de l'accès des publics défavorisés à la culture.

L'opération bénéficie de l'appui, renforcé en 2016, des directions régionales des affaires culturelles (DRAC), des directions régionales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DRJSCS), qui pilotent les commissions régionales d'évaluation des projets, en lien avec les directions départementales de la cohésion sociale (DDCS), et le soutien des préfectures au titre de la politique de la ville

Elle s'appuie aussi sur les partenariats nationaux ou locaux avec le Centre des monuments nationaux (CMN), de la Réunion des musées nationaux et du Grand Palais (Rmn-GP) et diverses institutions dans tous les champs du patrimoine.

Les collectivités territoriales sont également impliquées dans l'opération, financièrement ou comme porteurs de projets.

Source : Ministère de la culture et de la communication

2. L'action 8 « Acquisition et enrichissement des collections publiques »

Les crédits de l'action 8 « Acquisition et enrichissement des collections publique » progressent de plus d' 1 million d'euros en AE = CP, à 9,94 millions d'euros ( + 12,2 % ).

Les dépenses de fonctionnement , qui prennent la forme d'une subvention de 50 000 euros versée au CMN pour des opérations d'inventaire liées aux acquisitions, restent stables.

Les dépenses d'investissement , qui s'élèvent à 3,05 millions d'euros, n'évoluent pas non plus par rapport à 2016. Ces crédits servent à financer les acquisitions de trésors qui dépendent des cathédrales, les acquisitions au profit des centres d'archives nationales, les acquisitions réalisées par le fonds du patrimoine pour l'acquisition d'oeuvres d'intérêt patrimonial majeur destinées à intégrer les collection des musées des collectivités territoriales, ainsi qu'une dotation à la RMN-GP.

Les dépenses d'intervention sont revalorisées de 590 000 euros (+ 17,9 %) pour s'établir à 3,88 millions d'euros. Elles permettent de contribuer à l'enrichissement des collections publiques n'appartenant pas à l'État. Cette hausse des crédits profitera intégralement aux fonds régionaux d'acquisition des musées , dont le nombre est de vingt-cinq.

Les dépenses d'opérations financières , qui prennent la forme de dotations en fonds propres versées aux établissements au titre de l'enrichissement des collections, sont également en hausse de 500 000 euros (+ 20 %) , à 2,97 millions d'euros. Les crédits supplémentaires seront répartis entre le Musée Guimet , qui voit sa dotation évoluer de 500 000 à 650 000 euros, et le Centre Pompidou , qui obtient une revalorisation de sa subvention de 350 000 euros, ainsi portée à 1,99 millions d'euros.

Cette nette progression des crédits était particulièrement bienvenue, alors que les crédits alloués à cette action ont été divisés par deux entre 2012 et 2015. Elle reste encore nettement insuffisante pour combler le retard accumulé au cours des cinq dernières années : les crédits restent de 40 % inférieurs à ceux prévus dans la loi de finances initiale pour 2012.

L'enrichissement des collections constitue pourtant un enjeu majeur , à la fois dans un objectif de préservation du patrimoine , mais aussi pour garantir le plus large accès du public aux oeuvres , sans même évoquer sa contribution décisive au rayonnement de nos musées à l'étranger.

Au fil des années, l'État s'est doté de différents outils pour maintenir sur le territoire français les biens culturels jugés les plus précieux. Comme le rappelle le projet annuel de performances pour 2017, l'État peut frapper d'interdiction de sortie du territoire les « trésors nationaux », c'est-à-dire les biens qui présentent un intérêt majeur pour le patrimoine national au point de vue de l'histoire, de l'art ou de l'archéologie, afin que ceux-ci ne puissent être vendus à l'étranger. Il peut également acquérir des oeuvres d'art en faisant jouer son droit de préemption dans les ventes publiques ou en acceptant la dation en paiement par remise d'oeuvres d'art, dès lors que celle-ci possède une haute valeur artistique ou historique.

Il encourage aussi les entreprises à aider à l'enrichissement des collections publiques :

- soit sous forme d'un don pour permettre à l'État ou toute autre personne publique d'acquérir un trésor national, ouvrant droit à une réduction d'impôt à hauteur de 90 % du montant de ce don ;

- soit en acquérant en propre un trésor national, dès lors que l'entreprise s'engage à conserver le bien pendant dix ans et à le mettre en dépôt auprès d'un musée de France, d'un service public d'archives ou d'une bibliothèque relevant de l'État pendant la période d'incessibilité. Elle peut alors prétendre à une réduction d'impôt de 40 % du montant de cette acquisition.

Il n'en demeure pas moins que la faiblesse des moyens alloués à cette politique peut permettre à certains biens culturels qui, sans revêtir le caractère de trésor national, participent de notre histoire et de notre patrimoine, de sortir de notre territoire, soulevant inévitablement la question des objectifs assignés à notre politique muséale et, en particulier, ceux de la conservation et de la transmission.

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