C. LE RESPECT DE NOS ENGAGEMENTS ENVERS NOS PARTENAIRES EUROPÉENS EN MATIÈRE SPATIALE (PROGRAMME 193)

Le programme 193 , intitulé « Recherche spatiale » et placé sous la responsabilité de la DGRI, finance le CNES, l'Agence spatiale européenne (ASE) et l'Organisation européenne de satellites météorologiques (EUMETSAT). Il bénéficie, dans ce projet de loi de finances, d'une hausse de près de 11 % de ses crédits (représentant environ 155 millions d'euros), pour atteindre 1,62 milliards d'euros.

Cette augmentation vise à honorer les engagements européens de la France en matière spatiale, car elle porte en totalité sur l'ESA et EUMETSAT. Comme l'année précédente, c'est ce poste des transferts financiers aux organismes européens qui porte la hausse du programme.

1. Une légère baisse de la subvention apportée au CNES

La subvention du CNES au titre de ce programme est en baisse d'un million d'euros par rapport à l'exercice 2017, avec 574 millions d'euros en AE et en CP. Cette diminution s'explique, selon une réponse au questionnaire budgétaire, par les gains de productivité réalisés en son sein. Le CNES est également financé par le programme 191, étudié infra, mais la dotation qui lui est attribuée dans ce cadre est aussi en stagnation, avec un montant similaire depuis 2016 (152, 7 millions d'euros) .

2. Une forte hausse des crédits reversés à l'ASE en vue d'apurer la « dette » de contribution de la France

Le CNES reversera cette année 965 millions d'euros à l'ASE, soit 131,5 millions d'euros de plus qu'en 2017 (+16%), afin d' honorer un retard de paiement dans la contribution française à l'ASE 22 ( * ) . Le Gouvernement a également prévu que le financement de l'ASE en 2019 sera de 1,175 milliard d'euros en 2019. Grâce à cette trajectoire, la dette de la France envers l'ASE serait résorbée fin 2020 . Les modalités détaillées de réduction de cette dette future sont en cours de discussion avec le Gouvernement et feront l'objet d'une présentation au Conseil d'administration du CNES du mois de décembre 2017.

Selon le « bleu » budgétaire, cette contribution finance les engagements pris par la France sur le programme Ariane 6, sur la participation européenne à l'exploitation de la station spatiale internationale, et sur le financement des surcoûts de la mission ExoMars.

S'agissant d'Ariane 6, l'objectif n°2 figurant dans le « bleu » budgétaire, intitulé « garantir à la France et à l'Europe un accès à l'espace libre, compétitif et fiable », montre que la politique industrielle spatiale en matière de lanceurs vise à s'adapter à une concurrence accrue. Elle provient de nouveaux acteurs privés (SpaceX, et plus tard Blue Origin) comme publics (Chine, Inde), aux coûts de production réduits, et exige de réduire les coûts d'Ariane 23 ( * ) tout en préservant la qualité de service (Ariane 5 a été lancée, au 30 septembre 2017, 81 fois d'affilée sans échec), afin de maintenir les parts de marché d'Arianespace sur le marché ouvert à la concurrence 24 ( * ) .

Aujourd'hui, SpaceX apparaît comme le concurrent le plus sérieux, car il maîtrise déjà la technologie de réutilisation du premier étage. Votre rapporteur s'interroge sur les risques qui en résultent pour la compétitivité du futur lanceur Ariane 6. En effet, si Ariane 6 ne s'impose pas sur le marché commercial, le coût de ses missions institutionnelles sera directement affecté avec, à terme, une remise en cause de l'autonomie d'accès à l'espace, qui constitue pourtant le fondement du programme spatial français depuis sa création.

C'est pourquoi le CNES a proposé deux projets : le développement d'un nouveau moteur à bas coût et réutilisable Prometheus - alors que l'Europe n'a pas développé de nouveaux moteurs liquides de forte poussée depuis Vulcain dans les années 1980 et Vinci dans les années 1990, et un démonstrateur de réutilisation appelé Callisto , réalisé en coopération avec l'Allemagne et le Japon, qui sera testé au Centre spatial Guyanais en 2020. La question du financement de ces programmes à un niveau européen devrait être posée .

Par ailleurs, pour votre rapporteur, il est indispensable que les retombées économiques de la recherche européenne se retrouvent principalement en Europe . Les entreprises européennes doivent donc se saisir des programmes financés par l'ASE et promis à une utilisation commerciale importante, tels que Galileo (système de navigation qui vise à s'affranchir du GPS américain opérationnel depuis la fin de l'année 2016) ou Copernicus (capacité européenne d'observation de la Terre). S'agissant de ce dernier, la Cour des comptes soulignait, en juillet 2016, qu'il est crucial « que ce programme serve en premier lieu le secteur aval européen et ses différentes communautés d'utilisateurs » et que, dans le cas contraire, « une révision de la politique de diffusion libre et gratuite de ces données devrait s'imposer » 25 ( * ) .

3. Les crédits reversés à EUMETSAT connaissent également une forte augmentation

Météo-France reversera, en 2018, 83,3 millions d'euros à l'Organisation européenne de satellites météorologiques (EUMETSAT), soit 25,2 millions d'euros de plus qu'en 2017 (+43 %).

La hausse de la contribution à EUMETSAT vise, comme pour l'ASE, à financer les engagements pris par la France concernant divers programmes de l'organisation. Il s'agit, par exemple, de financer le développement de la troisième génération de satellites météorologiques européens en orbite géostationnaire (« Météosat Third Generation ») et de la deuxième génération de satellites météorologiques en orbite polaire (« Eumetsat Polar System Second Generation »), amenées à être lancées entre 2020 et 2022, alors que le dernier satellite météorologique en orbite polaire de première génération (« Metop-C ») sera lancé fin 2018. Il s'agit également de porter la phase développement du nouveau satellite océanographique Jason-CS.


* 22 Voir sur ce sujet la note d'analyse budgétaire de la Cour des comptes pour l'exercice 2016, pp. 116 et suivantes.

* 23 S'agissant du coût de lancement, l'objectif est actuellement de parvenir à un coût de 20 000 euros par kg pour Ariane 5 d'ici à 2020, alors que ce montant était de 22 950 euros en 2016. En sachant qu'Ariane 6 devrait être mise en service en 2020 pour réduire les coûts de lancement de 40 % ou de moitié selon les sources.

* 24 En 2016, la part de marché d'Arianespace sur le marché ouvert était de 65 %, alors qu'elle était de 56 % en 2015. L'objectif visé dans le « bleu » budgétaire est de conserver une part de marché supérieure à 50 %. Autrement dit, de rester la première entreprise de services de lancement.

* 25 Cour des comptes, La contribution de la France au programme Copernicus, référé, juillet 2016.

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