EXAMEN EN COMMISSION

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MERCREDI 22 NOVEMBRE 2017

La commission procède à l'examen des rapports pour avis sur les crédits du programme « enseignement scolaire » et sur les crédits du programme « enseignement technique agricole » de la mission « Enseignement scolaire » du projet de loi de finances pour 2018.

M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis des crédits de la mission « Enseignement scolaire » . - La qualité d'un budget ne se mesure pas à l'aune du montant de ses crédits. En effet, depuis vingt ans, nous voyons que l'inflation des moyens est sans effet sur la situation de l'école. À rebours de ce qui a été pratiqué lors du précédent quinquennat, les moyens doivent être mis au service de la politique éducative et non l'inverse.

C'est précisément la logique retenue par ce budget, qui prévoit néanmoins une augmentation des crédits de près d'1,5 milliard d'euros pour les cinq programmes relevant du ministère de l'éducation nationale. Il convient de préciser que la moitié environ de cette croissance est le résultat de mesures décidées par le Gouvernement précédent et de l'augmentation « mécanique » des dépenses de personnel sous l'effet du glissement vieillesse-technicité.

Le budget 2018 donne clairement la priorité à l'école primaire et à la maîtrise des fondamentaux. La traduction budgétaire de cette priorité est la forte augmentation des crédits consacrés au primaire et la création de 2 800 postes d'enseignants à la rentrée 2018, essentiellement destinés à mettre en oeuvre le dédoublement des classes de CP et de CE1 en éducation prioritaire.

Ces créations de poste sont compensées par la suppression de 2 600 postes d'enseignant stagiaire dans le second degré - dont le ministère indique qu'ils n'étaient pas pourvus - et de 200 postes de personnels administratifs. Dans sa version initiale, la mission « Enseignement scolaire » présentait ainsi un schéma d'emplois neutre, avant qu'un amendement du Gouvernement devant l'Assemblée nationale ne prévoie la création de 144 postes d'enseignants en sections de technicien supérieur (STS). Il s'agit donc de l'amorce d'un véritable rééquilibrage de la dépense d'éducation en direction du primaire, pour lequel notre pays continue à sous-investir. La baisse des effectifs d'élèves dans le premier degré devrait accentuer ce rattrapage.

Le ministre s'est fixé pour objectif « 100 % de réussite en CP » et de « garantir à chaque élève l'acquisition des savoirs fondamentaux - lire, écrire, compter, respecter autrui ». Je ne peux que me réjouir de la volonté du Gouvernement d'attaquer ainsi la difficulté scolaire à la racine : on sait en effet que tout se joue dès les premières années d'école.

Réduire à douze l'effectif des classes de CP et de CE1 en éducation prioritaire est la mesure principale de cette politique. Elle présente un coût substantiel, estimé à 11 000 postes à l'horizon 2020 ; le budget 2018 y alloue 154 millions d'euros. À la rentrée 2017, 2 500 postes ont été consacrés au dédoublement des classes de CP en REP+ ; 2018 verra le dédoublement des CP en REP et le début de cette mesure pour les CE1 de REP+. Pour accompagner les collectivités territoriales dans l'adaptation du bâti scolaire, le Gouvernement prévoit qu'une part des 615 millions d'euros de la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) créée à l'article 59 du PLF y sera consacrée.

La priorité effective au primaire se traduit également par la relance des « stages de réussite » proposés pendant les vacances scolaires aux élèves de CM2 en vue de l'entrée au collège, le rétablissement des évaluations diagnostiques en CP et à l'entrée en 6e, qui donneront aux équipes éducatives et aux services déconcentrés une meilleure connaissance des acquis des élèves, et la poursuite des efforts en vue de la scolarisation des enfants de moins de trois ans en éducation prioritaire.

L'effort sur les fondamentaux ne se limite pas au primaire. Deux mesures concernent le collège : d'une part, les aménagements apportés à la réforme du collège ; de l'autre, le dispositif « devoirs faits » qui vise à offrir aux collégiens volontaires un accompagnement après la classe pour leur permettre de faire leurs devoirs dans l'établissement. Le coût total de ce dispositif pour 2018 est estimé à 220 millions d'euros ; le ministre a d'ailleurs annoncé qu'il réfléchissait à l'étendre à l'école primaire, ce dont je me félicite.

Parmi les autres points saillants de ce budget, les aides du fonds de soutien aux activités périscolaires sont maintenues en faveur des communes ayant conservé une semaine comptant cinq matinées d'enseignement à l'école primaire ; le montant budgété pour 2018 baisse de 140 millions d'euros, à due concurrence de la proportion de communes étant revenues à une semaine de quatre jours.

Les crédits consacrés à l'accompagnement des élèves en situation de handicap connaissent une augmentation considérable de 360 millions d'euros, soit une hausse de 46 %, qui permet de financer le recrutement d'accompagnants et la poursuite de leur professionnalisation.

En revanche, les crédits en faveur du renouvellement des manuels scolaires au collège s'élèvent à 16 millions d'euros, contre 110 en 2017. Dans le cadre de la réforme des programmes, le Gouvernement s'était engagé à hauteur de 300 millions d'euros ; seuls 235 millions ont été budgétés en 2016 et 2017. Il manque donc une partie de la somme qui, si elle n'est prise en charge par l'État, le sera par les collèges sur leur budget de fonctionnement et donc, indirectement, par les conseils départementaux ; c'est pourquoi je vous proposerai un amendement visant à y allouer 50 millions d'euros supplémentaires, afin que l'État respecte ses engagements.

Je salue la priorité donnée par le ministère à la formation continue des enseignants, du premier comme du second degré ; l'objectif est que chacun bénéficie de trois jours de formation continue dans l'année scolaire 2017-2018. En particulier, sont érigés en priorité l'accompagnement des « CP à 12 », car il ne suffit pas de dédoubler les classes, il faut former à des pédagogies adaptées et différenciées, ainsi qu'un grand plan de formation en mathématiques et en sciences est destiné aux professeurs des écoles.

Une réserve toutefois : l'absence d'une stratégie pluriannuelle. En effet, si la loi de programmation des finances publiques que nous avons votée prévoit une augmentation des crédits de la mission de 800 millions d'euros en 2019 et de 600 millions en 2020, aucune ventilation par programme et en termes de créations de postes n'est communiquée. Or le système éducatif a besoin de stabilité et de prévisibilité.

Enfin, la médecine scolaire, malgré le demi-milliard d'euros dépensé, demeure le parent pauvre de l'éducation nationale et les résultats ne sont pas à la hauteur : moins de la moitié des élèves en REP bénéficient d'une visite médicale dans leur sixième année. Une réflexion d'ensemble s'impose ; un transfert de compétence aux départements pourrait être envisagé.

J'en viens désormais à la question du remplacement, sur lequel j'ai souhaité concentrer mes réflexions.

Le remplacement des enseignants absents est un sujet de première importance. Remplacer les enseignants absents ne répond pas seulement à l'exigence de continuité du service public, il s'agit d'un enjeu de confiance et d'un impératif de justice envers les élèves et leurs familles. La carence de l'État en la matière alimente la défiance et le sentiment d'injustice des usagers, d'autant que c'est dans les territoires les plus fragiles que les difficultés sont les plus prononcées, en particulier en zone rurale isolée ou en éducation prioritaire. Enfin, comme une décision récente de justice l'a rappelé, elle constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'État. Un remplacement efficace constitue une condition sine qua non pour l'avènement de l'« école de la confiance » voulue par le ministre et que nous appelons tous de nos voeux.

Le remplacement est également un sujet budgétaire, tant il mobilise des moyens importants : 3,5 milliards d'euros, soit 5 % des crédits du programme, et 50 000 emplois lui sont consacrés.

Cela procède en grande partie de la conception très exigeante du dispositif de remplacement : comme le rappelle la Cour des comptes « il vise au maintien de la continuité et de la qualité du service public d'enseignement en remplaçant un enseignant absent par un autre enseignant de la même discipline et bénéficiant du même statut » - et donc des mêmes contraintes de gestion.

Le remplacement s'organise de manière différente dans le premier et le second degré. Dans le premier, du fait de l'adéquation « un enseignant, une classe », le remplacement est assuré, dès la première demi-journée d'absence, par des remplaçants mis en réserve à cet effet et gérés au niveau du département. En revanche, dans le second degré, le remplacement est assuré de manière différente selon la durée de l'absence. S'il s'agit d'une absence supérieure ou égale à quinze jours, des titulaires sur zone de remplacement, les TZR, sont mobilisés ; ils sont rattachés à des établissements mais susceptibles d'intervenir sur une zone définie et relèvent du rectorat. Pour les absences de moindre durée, c'est à l'échelle de l'établissement que s'organise le remplacement. En théorie, il est établi dans chaque établissement un protocole pour les remplacements de courte durée « qui en fixe les objectifs et les priorités ainsi que les principes et les modalités pratiques d'organisation » ; c'est au chef d'établissement de trouver des remplaçants parmi les enseignants - en dernier recours, il peut même en désigner un d'autorité.

Or, malgré les moyens considérables qui y sont dédiés, et qui ne sont pas connus avec certitude, les chiffres du ministère n'étant ni complets ni cohérents, le remplacement demeure inefficient et, pour les absences de courte durée dans le second degré, scandaleusement insuffisant, au point que la Cour des comptes le qualifie de « défaillance institutionnelle ».

En premier lieu, le recensement des absences et de leurs causes, s'il est relativement efficace dans le premier degré, est parcellaire dans le second. Contrairement aux idées reçues, les enseignants ne sont pas plus absents que les autres fonctionnaires ou que les salariés du privé, en particulier si l'on considère qu'il s'agit d'une population jeune et féminisée, où les congés maternités sont nombreux, et que le contact avec les enfants n'est pas sans risque, surtout l'hiver.

Deux faits marquants doivent être soulignés : en premier lieu, les absences courtes tendent à augmenter depuis 2012, en grande partie du fait de la suppression de la journée de carence. Son rétablissement dans le PLF 2018 devrait permettre d'y remédier. Enfin, les absences imputables à l'institution sont nombreuses : elles expliquent plus de 6 % du besoin de remplacement dans le premier degré, soit un tiers du volume des absences non remplacées, et 20 à 40 % du besoin de remplacement de courte durée dans le secondaire. Leur réduction doit être un enjeu majeur.

S'agissant des indicateurs de performance, le ministère se flatte de taux d'efficacité, qui mesure le nombre d'heures, parmi celles à remplacer, qui le sont effectivement, et de taux de rendement, qui mesure l'utilisation du potentiel de remplacement, élevés dans le premier comme dans le second degré.

Dans le premier degré, 82,7 % des absences ont été remplacées au cours de l'année scolaire 2016-2017 ; le taux de rendement s'élève à 72 %. Ces taux varient fortement selon les académies, certaines connaissant des taux beaucoup plus faibles. Cela signifie tout de même que près d'une absence sur cinq n'est pas remplacée, ce qui n'est pas négligeable.

Dans le second, le ministère affiche un taux de remplacement supérieur à 97 %, relativement uniforme selon les académies. Mais ce taux ne prend en compte que les absences de longue durée ; aucun indicateur n'existe pour celles de courte durée. Si le ministère évalue à un tiers le taux de remplacement de ces absences, la Cour des comptes parvient à une estimation beaucoup plus faible, entre 5 et 20 % ; elle est corroborée par les données académiques portées à ma connaissance. En cause, la réticence des enseignants et l'inapplication des protocoles institués par le décret « Robien » de 2005, du fait de l'opposition des syndicats ; lorsqu'ils existent, ces protocoles n'ont souvent qu'une existence formelle.

Cette situation pourrait encore s'aggraver à court-terme, du fait de la forte tension sur les viviers enseignants des académies. Pendant les cinq dernières années, le ministère a eu beau créer des postes à tout-va, une part importante de ceux-ci n'ont pas été pourvus, en particulier dans les académies les moins attractives. Par exemple, l'académie de Versailles a aujourd'hui moins d'enseignants titulaires qu'en 2012 ! En cause : le faible rendement des concours, la déperdition d'enseignants et l'inadaptation du réseau des établissements à l'évolution démographique. Ainsi, dès la rentrée, une part importante des remplaçants sont affectés sur des postes à l'année.

Cette situation impose un recours accru aux contractuels. L'inspection générale décrit ainsi un « changement structurel d'ampleur » en la matière, car le recrutement « s'amplifie et s'installe dans la durée à tous les niveaux d'enseignement », y compris dans le primaire. Cela a entraîné une professionnalisation du recrutement et de l'accompagnement de ces personnels dans les académies les plus concernées. Le ministère s'en est inspiré pour édicter un nouveau cadre d'emploi à l'été 2016. Pour faire face à la pénurie, le vivier des contractuels pourrait être encore élargi en levant certains obstacles réglementaires ou statutaires : ainsi, il est impossible de recourir à des enseignants retraités qui ne possèdent pas de licence ou de master ou bien à des enseignants en disponibilité ; il est très complexe d'avoir recours aux assistants d'éducation, car ils ne peuvent effectuer d'heures supplémentaires. Il y a là, mes chers collègues, des barrières à lever !

Un mot sur la situation particulière de l'enseignement privé sous contrat. Le remplacement de courte durée n'y constitue pas un problème, celui-ci étant pris en charge au sein des équipes éducatives. En revanche, les établissements privés peinent à recruter des contractuels pour les suppléances de longue durée, la situation devenant même critique dans certains territoires. Si le décret d'août 2016 procède à une revalorisation des contractuels de l'enseignement public, les maîtres délégués de l'enseignement privé demeurent rémunérés sur des grilles indiciaires nettement moins favorables. Cet écart est sensiblement accru par la faculté reconnue aux recteurs de majorer la rémunération des contractuels dans les zones et les disciplines déficitaires. L'écart peut atteindre 500 ou 600 euros par mois, ce qui est considérable pour des personnes gagnant parfois moins de 1200 euros nets. Il s'agit véritablement d'une situation de concurrence déloyale, contraire à l'esprit et à la lettre de la loi Debré. Le ministre a assuré être conscient du problème et dit examiner les solutions possibles : l'alignement des rémunérations me semble un impératif d'équité et de justice envers les élèves.

Le ministère n'est pas resté inactif face au défi du remplacement. Seulement, les mesures prises ne sont pas à la hauteur du problème et le remplacement s'inscrit toujours dans ce qu'un recteur décrivait comme un système « corseté et intenable ».

Au mois de mars dernier, le ministère a édicté une circulaire à ce sujet. Cette dernière vise à réduire les absences institutionnelles en organisant les jurys et autres tâches de préférence le mercredi après-midi et en permettant, sur une base volontaire et rémunérée, l'organisation de la formation continue sur les vacances scolaires. Dans le premier degré, elle abolit la segmentation du potentiel de remplacement en fonction du lieu de la suppléance et de la nature de l'absence à remplacer - un vivier unique est constitué dans chaque département. Dans le second degré, la circulaire réactive les protocoles « Robien », atténue la distinction entre remplacement de courte et de longue durée, en permettant le recours à un titulaire sur zone de remplacement (TZR) pour des absences inférieures à quinze jours et érige au rang de priorité la lutte contre les absences perlées, à savoir des absences courtes et récurrentes, par nature difficiles à remplacer. Plus ou moins appliquées, ces dispositions sont louables mais pas de nature à améliorer durablement la situation. Pour ce faire, une réflexion plus globale sur le métier d'enseignant et les organisations réglementaires de service s'impose.

Une première conclusion : le remplacement n'est pas un problème de moyens. Imagine-t-on dépenser davantage que 3,5 milliards d'euros ? Une augmentation marginale serait sans effet sur la situation. A cadre réglementaire inchangé, il faudrait plusieurs milliards supplémentaires pour assurer le remplacement de toutes les absences. Au contraire, le remplacement révèle l'ampleur des rigidités de gestion du système éducatif et à quel point il peine à s'en affranchir. L'intérêt des élèves est perdu de vue et le décret du 20 août 2014 constitue à cet égard un rendez-vous manqué.

Le caractère hebdomadaire des obligations de service des enseignants constitue une contrainte importante dans l'élaboration des emplois du temps ; elle rend l'échange de services impossible et prévient toute modulation du temps de travail en fonction des besoins. Une part importante du potentiel de remplacement est ainsi perdue du fait de quotités de service trop faibles.

Je recommande en conséquence l'annualisation des obligations règlementaires de service des enseignants, prônée depuis plusieurs années par la Cour des comptes. Ces obligations devraient également intégrer les missions de remplacement des collègues absents et de formation continue. L'annualisation revêt de nombreux avantages : elle donnerait une souplesse aux établissements dans l'organisation du remplacement, la définition des emplois du temps et le soutien aux élèves en difficulté. Il en va de même pour la bivalence dans le second degré, c'est-à-dire de la capacité des professeurs à enseigner deux disciplines : celle-ci doit être encouragée ; elle permettrait également de faciliter le remplacement et de réduire les situations de sous-service ou de service partagé sur plusieurs établissements.

En conséquence, je formule huit recommandations :

- mieux informer la représentation nationale sur le coût et l'efficacité du remplacement, en indiquant le nombre d'heures non remplacées dans chaque programme et rendant compte fidèlement des moyens dédiés au remplacement, mesurés en euros et en emplois ;

- mieux recenser les absences dans le second degré et leurs causes ;

- agir pour réduire les absences institutionnelles, en organisant les stages de formation continue et les autres tâches institutionnelles en dehors du temps d'enseignement ;

- améliorer les conditions d'accueil, d'accompagnement et de formation des enseignants contractuels ;

- engager une démarche de réduction des obstacles statutaires et réglementaires au recrutement de remplaçants ;

- aligner la rémunération des maîtres délégués de l'enseignement privé sur celle des personnels contractuels de l'enseignement public ;

- définir, de manière explicite, un nombre annuel d'heures dû aux élèves dans chaque discipline pour préparer le diplôme devant sanctionner leur cycle d'études ;

- faire concorder les obligations réglementaires de service avec la réalité du métier d'enseignant et les besoins du système éducatif.

Au bénéfice de ces observations, je vous propose de donner un avis favorable, sous réserve de l'adoption de l'amendement que je vous présente, à l'adoption des crédits de la mission « Enseignement scolaire ».

M. Antoine Karam, rapporteur pour avis des crédits du programme 143 « Enseignement technique agricole » . - Voici la première année que je vous présente le budget de l'enseignement agricole. J'en profite pour rendre un hommage respectueux à notre collègue Françoise Férat, inlassable défenseur de l'enseignement agricole, qui a eu la charge de rapporter ce budget pendant seize ans. S'il s'agit de la première fois que je m'intéresse à son budget, j'ai appris, pendant mes dix-huit années à la tête de la région Guyane, à connaître et à estimer l'enseignement agricole, composante encore trop méconnue du système éducatif.

J'en viens au budget à proprement parler : il est prévu pour l'année 2018 une augmentation de 2,5 % des crédits, comparable à celle observée pour le ministère de l'éducation nationale. Cette parité procède de la priorité accordée par le Gouvernement à l'éducation et à la formation professionnelle.

Du point de vue des effectifs, ce budget marque une consolidation après cinq années de créations de postes : aucune création d'emploi n'est prévue en 2018. Le plafond d'emplois n'augmente qu'à la mesure de l'extension en année pleine des créations d'emplois de la rentrée 2017.

Alors que la situation budgétaire impose des choix difficiles, la comparaison avec l'éducation nationale révèle une situation relativement favorable.

En effet, comme vous l'a présenté Jean-Claude Carle, le Gouvernement a fait le choix d'une priorité forte au premier degré. Elle est compensée par la stabilité des crédits dans le second degré et des suppressions d'emplois, auxquelles échappe pourtant l'enseignement agricole. Il convient également de préciser que les effectifs d'élèves de l'enseignement agricole connaissent une tendance à la baisse et que les effectifs par classe y sont singulièrement plus faibles ; autant d'arguments mobilisés par Bercy en faveur d'une diminution des crédits, qui n'ont - et je m'en réjouis - pas été entendus.

Au total, les crédits du programme 143 augmentent de 35 millions d'euros. En l'absence de créations de postes, l'augmentation de 21 millions d'euros des dépenses de personnel provient essentiellement du glissement vieillesse-technicité, c'est-à-dire de l'augmentation naturelle des dépenses compte tenu de l'avancement des agents et de l'extension en année pleine des créations de postes passées. Le report d'un an de l'application des mesures indemnitaires dans le cadre de l'accord PPCR devrait se traduire par une moindre dépense, probablement inversée par la compensation de la hausse de la CSG.

Les crédits qui ne relèvent pas des dépenses de personnel augmentent de 14 millions d'euros, soit une hausse de 2,8 %.

Cette croissance permet de financer l'amélioration de la situation financière des établissements publics. Quatre millions d'euros majorent les dotations en faveur des assistants d'éducation, permettant de rattraper le niveau de financement de l'éducation nationale, quand un autre million vient aider les établissements à assumer les charges de pensions pour les emplois gagés des centres de formation d'apprentis (CFA) et des centres de formation professionnelle et de promotion agricole (CFPPA). De plus, les fonds consacrés aux aides sociales et à l'accompagnement des élèves en situation de handicap augmentent de plus de cinq millions d'euros ; ils financent la revalorisation des bourses, la création de l'aide à la recherche du premier emploi en direction des jeunes diplômés et la professionnalisation de l'accompagnement des élèves en situation de handicap. Enfin, deux millions d'euros sont prévus en faveur de la modernisation des systèmes d'information.

J'en viens aux relations avec les établissements privés, qui accueillent plus de 60 % des élèves de l'enseignement agricole. On y distingue l'enseignement privé du temps plein - analogue à l'enseignement sous contrat « classique » - et celui du rythme approprié, dispensé par les maisons familiales rurales (MFR) qui proposent une pédagogie originale centrée sur l'alternance.

Ces établissements sont financés par des subventions de l'État versées en application et selon les modalités déterminées par la « loi Rocard » du 31 décembre 1984. Le principe retenu est celui de la parité de financement entre le public et le privé du temps plein, le privé du rythme approprié étant financé selon un calcul spécifique. Or, dans un contexte de restriction budgétaire, l'État a cherché à déroger aux dispositions de la « loi Rocard ». À la suite d'un imbroglio budgétaro-judiciaire en 2002, des accords ont été conclus avec l'enseignement privé afin d'encadrer le montant des subventions versées : les protocoles en date ont été conclus en 2013 puis reconduits pour un an en 2016. Ils expireront donc au 31 décembre de cette année.

De nouveaux protocoles doivent être conclus d'ici là ; au moins pour le privé du temps plein, les négociations semblent être au point mort. Les fédérations exigent, à défaut de l'application de la « loi Rocard » qui semble hors de portée, une revalorisation substantielle que le ministère ne semble pas prêt à accepter. En attendant le règlement de cette question, le PLF 2018 maintient les crédits au même niveau qu'en 2017. Je formule le voeu que ces négociations aboutissent : l'enseignement privé est une composante essentielle de l'enseignement agricole et mérite un traitement équitable. De plus, le plafonnement des subventions pousse au statu quo voire au déclin des effectifs d'élèves. Il tend à entraver son développement alors que certains territoires, en particulier Mayotte et la Guyane, ont besoin de l'enseignement agricole.

Mes chers collègues, que l'enseignement agricole soit une filière de réussite et d'excellence, voilà une réalité trop méconnue, y compris dans l'éducation nationale.

Je ne m'étendrai pas sur les résultats enviables de l'enseignement agricole en matière d'insertion professionnelle. Sept mois après la sortie de formation, l'écart en matière de taux d'insertion par rapport aux titulaires d'un diplôme équivalent de l'éducation nationale s'établit à 12,7 points en faveur des titulaires d'un BTS agricole, et respectivement à 18,1 et à 5,2 pour les titulaires d'un baccalauréat professionnel et d'un CAP agricoles. Les poursuites d'études dans l'enseignement supérieur sont nombreuses et en augmentation.

Cela est d'autant plus remarquable que la part de boursiers est supérieure à celle observée dans l'éducation nationale et que les élèves issus de catégories sociales moins favorisées y sont plus nombreux ; contrairement aux idées reçues, seuls 13 % des élèves sont issus d'une famille d'agriculteurs exploitants.

Pourtant, la baisse des effectifs observée depuis 2008 se poursuit : à la rentrée 2017, les effectifs diminuent de 1,7 %. La décroissance est observée dans l'ensemble des niveaux d'enseignement, elle est particulièrement marquée au collège et en BTS et CPGE. Les effectifs s'élèvent, toutes familles confondues à moins de 162 000 élèves, soit une baisse de 5 % en dix ans. Ce phénomène est d'autant plus étonnant qu'il va à rebours des évolutions démographiques : l'éducation nationale constate en effet une hausse des effectifs en lycée général et technologique et dans l'enseignement supérieur court. Une partie non négligeable de ce phénomène peut être attribuée à la dévalorisation de l'enseignement agricole dans les représentations ainsi qu'à la réticence de l'éducation nationale à y orienter.

Que faire ? Si le ministère n'est pas inactif dans la promotion de l'enseignement agricole, ses actions sont trop dirigées vers le monde agricole : pour se rendre sur leurs sites Internet, encore faut-il savoir qu'ils existent ; tout le monde ne se rend pas non plus au salon de l'agriculture ou à celui du machinisme agricole.

Il me semble nécessaire de lancer une grande campagne de promotion, associant l'éducation nationale, visant à mettre en avant les réussites de l'enseignement agricole et la diversité des formations et des métiers auxquels il prépare. D'autres modalités pourraient être envisagées : je propose par exemple l'organisation de stages de découverte, qui pourraient être proposés pendant les vacances scolaires à des jeunes de collège dans des établissements de l'enseignement agricole. Cela permettrait de faire découvrir leurs spécificités, comme l'internat ou les exploitations, et les formations proposées.

Le développement de l'enseignement agricole est un enjeu majeur. Comme je vous le disais, il y a un réel besoin dans certains territoires. Alors que le Gouvernement réfléchit à la réforme de la formation professionnelle ou que la résorption de la difficulté scolaire est érigée en priorité, nous avons besoin de l'exemple de l'enseignement agricole, qui est riche en enseignements.

Enfin, j'appelle de mes voeux un renforcement de la coopération avec l'éducation nationale et des mutualisations : il faut s'extraire des clivages qui sont d'un autre âge et qui mènent à une vraie perte d'efficacité. Il s'agit surtout d'améliorer l'efficience et la qualité du service rendu aux élèves. Derrière la bonne volonté des discours officiels, la coopération est en réalité très diverse et très dépendante de la bonne volonté des interlocuteurs au niveau local. Elle pourrait être utilement approfondie en matière de formation initiale et continue des enseignants, d'affectation de ses derniers, de remplacement, d'accompagnement des élèves en situation de handicap et d'élaboration de la carte des formations. Une réflexion est en cours pour élaborer une convention entre les deux ministères, en vue d'une coopération renforcée sur un grand nombre de sujets. Cette convention devrait être signée d'ici la fin de l'année 2017 et déclinée par les services déconcentrés en 2018. Espérons qu'elle se traduise par des actions concrètes, qui bénéficieront en premier lieu aux élèves.

Compte tenu de l'ensemble de ces observations, je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption des crédits affectés à l'enseignement agricole au sein de la mission « Enseignement scolaire ».

M. Jacques-Bernard Magner . - Je tiens à féliciter et à remercier les deux rapporteurs de leur communication claire sur ces budgets soumis à notre vote. Notre collègue Antoine Karam nous a indiqué qu'aucun poste n'était créé dans l'enseignement agricole cette année. Lors des cinq dernières années, celui-ci a bénéficié d'un traitement très favorable, notamment en termes de postes. Il y a là un coup d'arrêt à l'amélioration de l'enseignement agricole.

Pour ce qui concerne l'enseignement scolaire, nous déplorons l'arrêt des recrutements. Une hausse de 3 milliards d'euros était inscrite au projet de loi de finances pour 2017. Cette année, l'augmentation n'est que de 1,3 milliard d'euros, conséquence des choix réalisés lors de la législature précédente. Nous observons également, tout en le déplorant que le nombre de postes mis au concours baisse pour la première fois depuis 2012. Cet effort de recrutement réalisé depuis la loi de refondation semblait avoir entraîné un regain d'intérêt développé chez les étudiants pour les métiers de l'éducation.

Nous avons donc un regret sérieux sur ce budget, en particulier sur la réduction des emplois dans le second degré. Nous demandons toujours plus aux enseignants, aussi bien dans le cadre de la réforme du baccalauréat que dans celle de l'orientation des futurs étudiants. Il est d'ailleurs précisé, dans le rapport rédigé par Guy Dominique Kennel sur l'orientation au nom de la mission d'information de notre commission, la nécessité qu'il y ait dans le cursus une orientation vers l'entrée en université. Cette conclusion est reprise par le gouvernement.

L'arrêt des créations de postes suscitent un certain nombre de craintes.

Le coût d'arrêt au dispositif « plus de maîtres, plus de classes » fait apparaître un transfert de moyens depuis ce dispositif, qui donne pourtant satisfaction, vers le dédoublement des classes de CP et de CE1 en éducation prioritaire. Cela va de pair avec l'assèchement du potentiel de remplacement que Jean-Claude Carle a décrit.

À la différence des rapporteurs favorables à ces budgets, nous sommes déçus de constater que c'est un budget habile mais fait d'expédients. Des astuces budgétaires apparaissent, qui ne pourront s'appliquer qu'une seule fois. Nous nous dirigerons ensuite vers une diminution du nombre d'emplois et de ce fait, des ambitions de l'éducation nationale.

Le groupe socialiste et républicain s'abstiendra.

M. Pierre Ouzoulias . - Dans le cadre des auditions sur ce rapport, j'ai été très surpris des discours des fonctionnaires que nous avons reçus. Je citerai celui d'un recteur qui nous a indiqué ne pas avoir les moyens de réaliser la rentrée scolaire, du fait d'un déficit structurel en postes et en candidatures à ces postes, y compris avec tous les expédients présentés par notre rapporteur. C'est un point récurrent sur lequel le ministère de l'éducation nationale semble être sans prise. Ceci essentiellement du fait que les jeunes préfèrent, d'année en année, se diriger vers d'autres carrières que celle de l'enseignement, le métier d'enseignant ayant été dévalorisé, non pas seulement financièrement mais aussi moralement. C'est un drame et je ne pense pas que c'est en précarisant de nouveau ce métier que nous obtiendrons des solutions.

Aujourd'hui, tout le système est tiré vers le bas. Il nous faut donner un signal politique très fort sur la mandature pour essayer de résorber le décalage que la France est en train d'enregistrer par rapport aux autres pays européens dans le domaine de la connaissance et de la transmission des savoirs. Il n'y a rien de tout cela dans les mesures annoncées. Je note également les importantes difficultés qui apparaissent dans le recrutement.

Concernant l'enseignement agricole, lors de son discours en séance publique, le ministre de l'écologie a précisé que le métier d'agriculteur devait changer, en particulier du fait du réchauffement climatique. Ces changements doivent être préparés en amont, à l'école. Or, ce budget présente une diminution de l'enseignement agricole. Dans le cadre des auditions sur ce budget, nous avons reçu le responsable d'un lycée agricole qui souhaitait mettre en place des filières novatrices sur les circuits courts, notamment sur le bio. Bien que pouvant être aidé par les régions, il n'a pu créer ces filières, pour lesquelles les élèves existaient, n'ayant pas de poste affecté. Il y a là un gisement d'emplois considérables. La modification de notre système agricole permettrait de renforcer l'enseignement agricole en accueillant de nouveaux élèves, lesquels, comme l'a précisé Antoine Karam, réussissent mieux dans ce type d'enseignement.

Enfin, les personnels de direction de l'enseignement agricole nous ont fait part de leur réel souci quant à l'absence de statut de corps, qui restreint leurs possibilités de mobilité et d'évolution de carrière.

Nous émettrons un avis défavorable à l'adoption des crédits de ces deux budgets. Nous pensons qu'ils ne sont pas à la hauteur des enjeux que notre pays affrontera demain.

Mme Françoise Laborde . - Je remercie nos deux collègues pour leurs rapports riches et intéressants. S'agissant tout d'abord de l'annualisation du temps de travail des enseignants, thème cher à Jean-Claude Carle, je crois que nous ne pourrons avancer que s'il y a revalorisation. Il n'est pas possible de demander toujours plus à des enseignants sans leur donner plus. Pour ce qui est des remplacements, il est exact qu'il y a un abaissement du niveau qualitatif, on ne s'improvise pas enseignant.

Nous apprécions tout particulièrement le recentrage sur l'école primaire. Il est vrai que lors du quinquennat précédent, les créations de postes concernaient l'ensemble des programmes. Cette année, les budgets n'étant pas extensibles, les choix ont vraisemblablement été différents.

Pour ce qui est de l'enseignement agricole, nous comprenons que l'enseignement privé est incontournable, même si je regrette qu'il n'en soit de même pour l'enseignement public. L'idée d'une action de promotion associant le ministère de l'éducation nationale et le ministère de l'agriculture nous paraît très intéressante, car il y a trop souvent concurrence et non pas accompagnement. Enfin, nous pouvons reconnaitre une grande qualité à l'enseignement agricole, lié à son fonctionnement différent.

Sur ces crédits, nous nous abstiendrons dans l'attente d'examiner l'ensemble des fascicules budgétaires au sein de notre groupe.

Mme Annick Billon . - Je remercie nos rapporteurs de l'exposé très clair de leurs budgets. Pour ce qui est de l'enseignement scolaire, nous notons également une rupture et nous suivrons donc son avis favorable. Deux chiffres m'ont plus particulièrement marquée dans ce rapport. 20 % d'élèves quittent le primaire sans avoir une parfaite connaissance de l'écriture ou de la lecture. Par ailleurs, le coût moyen d'un lycéen français est de 38 % supérieur au coût moyen d'un lycéen dans un pays de l'OCDE. Il nous paraît indispensable de mettre en oeuvre des outils pour faire disparaître cette différence.

Ce budget prend en compte le nécessaire rééquilibrage entre primaire et secondaire. Pour ce qui est du quantitatif, la création de 2 800 postes sur le programme 140 est bienvenu. La baisse du nombre d'élèves prévue dans les années qui viennent devrait permettre un rééquilibrage normal. Nous nous félicitons des nouveaux moyens mis en oeuvre pour les élèves les plus fragiles et les plus en difficulté, avec le dédoublement des classes. Pour ce qui est du second degré, nous n'avons pas de remarques, la réforme devant être présentée ultérieurement. Enfin, Le groupe UC soutient l'amendement déposé par notre rapporteur.

En conséquence, et contrairement aux années précédentes, le groupe UC donnera un avis favorable. Ce n'est pas un blanc-seing, mais la satisfaction de voir les priorités présentées.

Nous émettrons également un avis favorable à l'adoption des crédits de l'enseignement agricole. Le rapport très approfondi de notre collègue Antoine Karam propose de vraies pistes. Le budget pourrait donner encore davantage de moyens à l'enseignement agricole. Le Gouvernement s'est donné des priorités et nous les respectons. Les MFR et autres organismes territoriaux, réalisent un travail d'accompagnement des élèves considérable et très personnalisé. Ainsi les MFR en Vendée fonctionnent particulièrement bien.

Enfin, le pourcentage des étudiants dans l'enseignement agricole, dont la famille est issue du milieu agricole, s'élève à 13 %. Un rapport rédigé dans le cadre de la délégation des droits aux femmes sur les femmes agricultrices relevait qu'un certain nombre de celles-ci, comme d'hommes, s'orientaient dans ces professions agricoles sans être issus du monde agricole. Il est nécessaire que toute la filière d'enseignement, à la fois au niveau du collège et du lycée, soit informée des voies qui leur sont proposées.

M. André Gattolin . - Je salue la qualité du travail de nos rapporteurs. Je souhaiterais souligner quelques points qui montrent la volonté de vision d'ensemble dans ces réformes. Ainsi le développement de l'investissement réalisé dans l'enseignement en faveur des enfants en situation de handicap : +46 %, soit 346 millions d'euros. Ces chiffres sont essentiels au vu de la pénurie qui a longtemps régné en la matière. Des écoles primaires ont refusé, par manque de place, des enfants en situation de handicap. Des solutions alternatives, pas toujours satisfaisantes, ont dû être trouvées.

Je voudrais également revenir sur un aspect de l'intervention de mon collègue Jean-Bernard Magner, qui estime qu'en l'absence de créations massives de postes, les budgets ne progressent pas. Je rappelle que les deux budgets dégagent environ 2,5 % de moyens supplémentaires. Ce n'est donc pas une stagnation. Par ailleurs, j'ai trouvé intéressantes les huit recommandations sur les remplacements proposées par Jean-Claude Carle. J'en ajouterai une neuvième, qui serait une réelle évolution qualitative du remplacement. Il serait intéressant de connaître l'impact d'un remplacement de longue durée sur les résultats scolaires des classes concernées. Le bon remplacement n'est pas réalisé par du personnel ayant des diplômes et ayant déjà enseigné. L'on apprend en enseignant. Certaines personnes ayant une expérience de la relation avec les enfants sont parfois tout aussi qualifiées que du personnel disposant de diplômes.

Notre avis sera donc favorable.

Je ne conteste pas le bienfondé de l'amendement de Jean-Claude Carle. Mais j'aimerais obtenir des précisions quant à l'origine des 50 millions d'euros qu'il entend consacrer au financement de l'acquisition des manuels scolaires.

Mme Colette Mélot . - Nous ne pouvons que nous réjouir des mesures prises : la priorité donnée à l'enseignement primaire, les décisions importantes concernant les élèves en difficulté et plus particulièrement les populations fragiles de REP et REP+. Il serait souhaitable de poursuivre cet effort au niveau des écoles maternelles. J'ai longtemps été défavorable à la scolarisation des enfants de deux ans. Mais, au vu de la population que nous devons accueillir, surtout en REP où beaucoup d'enfants ne parlent pas français chez eux, il apparaît important de les scolariser dès cet âge.

En outre, j'approuve pleinement les propos de notre rapporteur sur les difficultés qui persistent, en matière de remplacement.

Pour ce qui est de l'enseignement agricole, beaucoup de points ont été soulevés : les conditions d'accueil des élèves dégradées, des refus d'intégration d'élèves, des financements non assurés pour certaines options. Un manque d'anticipation apparaît avec l'arrivée de la nouvelle génération née après les années 2000. Enfin, une amélioration sur l'orientation s'impose. Je remercie le rapporteur d'en avoir analysé toutes les causes et les conséquences.

Au nom de mon groupe, je donnerai donc un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission et nous voterons l'amendement car nous nous devons d'être favorables à l'acquisition des manuels scolaires.

M. Jean-Pierre Leleux . - Ce budget marque une inflexion sérieuse par rapport à ce que nous avons connu par le passé. Je souhaite féliciter notre rapporteur Jean-Claude Carle pour ce rapport et préciser que notre groupe soutiendra sa proposition de donner un avis favorable à l'adoption des crédits. Pour ce qui est de l'enseignement agricole, il ne correspond pas totalement, comme le précédent, à ce que nous attendions. Mais des signes très positifs sont proposés pour les années à venir. Nous donnerons donc également un avis favorable à ce rapport.

Mme Maryvonne Blondin . - Un récent rapport de l'Académie de médecine affirme que la médecine scolaire est sinistrée. Cela rejoint les déclarations du Défenseur des droits.

Lors de l'audition du ministre que nous avons interrogé sur ce sujet, il a rappelé les priorités de son action sur le parcours de la santé. Des améliorations ont été apportées, en coopération avec les services de protection maternelle et infantile (PMI) et avec la médecine du travail. Mais ces deux secteurs sont également en pénurie.

Lors du quinquennat précédent, les missions des médecins scolaires ont été clarifiées et leurs rémunérations revalorisées ; cela n'était malheureusement pas suffisant.

L'école reflète ce qui se passe dans le monde du travail. Il est nécessaire que nous prenions conscience que le harcèlement, actuellement présent dans notre société, existe également dans l'école ainsi que chez les tout petits. Un nouveau corps vient d'être mis en place fin 2016, celui des psychologues de l'éducation nationale. Le climat qui règne dans nos écoles contribue à cet état de fait. L'ABCD de l'égalité, qui a été si contesté, visait à y remédier, accompagné d'un plan d'action pour l'éducation à l'égalité filles/garçons. Encore faudrait-il les mettre en oeuvre. Il est essentiel de lever les résistances qui persistent dans ce domaine.

M. Didier Guillaume . - Nous nous abstiendrons sur l'ensemble de la mission. Mais je souhaiterais préciser que sur l'enseignement agricole, si nous votions par division, nous donnerions un avis favorable à ce budget qui est excellent. Depuis quelques années, il est en augmentation constante. Le précédent quinquennat l'a fortement revalorisé. C'est une vraie réussite en termes d'insertion. Je précise que 80 % des jeunes qui s'installent ne sont pas issus du monde agricole.

Je réaffirme que l'enseignement agricole doit rester au sein du ministère de l'agriculture et en aucun cas être fondu dans le ministère de l'éducation nationale. C'est un débat récurrent mais, dans ces conditions, l'enseignement agricole perdrait sa spécificité et vraisemblablement son budget. Nous souhaitons réaffirmer que l'enseignement agricole, public ou privé, est un joyau à préserver.

M. Stéphane Piednoir . - Sur l'enseignement agricole, un principe de réalité apparaît sur le nombre d'élèves par classe, sensiblement inférieur à celui constaté dans l'éducation nationale. Cela me semble pertinent et logique de proposer un maintien des postes, à l'heure où des suppressions de postes se profilent. Sur la revalorisation de la filière, j'entends bien les liens qui doivent se créer entre l'éducation nationale et l'enseignement agricole. Les enseignants du secondaire en collège dirigent très peu vers l'enseignement agricole, à l'exception des élèves en situation d'échec.

Sur la revalorisation des enseignants, j'ai apprécié qu'il soit précisé dans les rapports que les enseignements doivent se reconcentrer sur les fondamentaux. Ils ont été trop dilués dans des options facultatives ou des activités de découverte. Les filières n'en n'ont pas été renforcées.

Pour ce qui est de la question des obligations de service, l'annualisation est un grand débat. Mais nous ne pouvons que constater que les enseignants ont déjà fait un effort lors du passage aux 35 heures, leur temps en classe n'ayant pas diminué.

Enfin, sur les remplacements, un vivier existe : ce sont les candidats qui ont échoué lors des concours d'entrée et qui souhaitent apprendre à enseigner, afin de se représenter au concours l'année suivante.

Mme Samia Ghali . - 200 000 enfants sont en situation de décrochage scolaire. Il ne s'agit pas d'enfant en échec scolaire, que l'on peut retrouver dans le système éducatif. L'enfant en décrochage scolaire ne se rendra plus jamais à l'école. Il restera dans la rue, livré à lui-même. Il y a là un travail qui aurait dû être pris en compte : comment accompagner ces jeunes en décrochage scolaire pour les ramener vers un système scolaire ou d'apprentissage ?

Mme Laure Darcos . - Je souhaite revenir sur l'inquiétude, soulevée auprès du ministre, sur le recrutement des professeurs, qui est lié à l'absentéisme de longue durée. Dans le département de l'Essonne, j'ai reçu de très fortes alertes sur des bacs professionnels, très pointus et spécialisés, qui ne trouvent pas de professeurs. Je peux citer le cas de l'absence d'un professeur devant fournir huit heures de cours par semaine, pour une matière dont le coefficient est de 12 au baccalauréat ; à la Toussaint, les élèves étaient toujours sans professeur.

Le ministre a répondu en partie la semaine dernière mais je constate qu'il y a là une vraie difficulté. La solution ne peut pas être apportée par Pôle Emploi. Il me paraît évident qu'il nous faudra alerter de nouveau le ministre sur ce manque de professeurs dans de nombreuses matières.

M. Antoine Karam, rapporteur pour avis . - Je comprends l'inquiétude de certains de nos collègues quant à l'arrêt des créations de postes. À ce propos, il faut sortir d'une logique quantitative, centrée sur les emplois ; dans l'enseignement agricole, beaucoup ont été créés et il faut apprécier l'évolution proposée à la lumière de la baisse des effectifs d'élèves.

D'autres collègues ont souligné avec raison la publicité insuffisante faite en faveur des formations de l'enseignement agricole ; c'est pourquoi j'insiste sur la promotion de cet enseignement méconnu. En ce qui concerne les relations avec l'éducation nationale, il faut un véritable saut qualitatif dans le sens d'une plus grande complémentarité.

Il y a de l'avenir pour l'enseignement agricole, qui permet une insertion professionnelle satisfaisante. Son développement est une question de volonté politique.

M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis . - J'ai coutume de dire que l'on ne juge pas un budget au montant de ses crédits ou des emplois qu'il crée. Comme l'ont observé justement plusieurs de nos collèges, la marque de ce budget est une inflexion réelle en faveur de l'enseignement primaire, qui demeure sous-doté par rapport au second degré.

Il convient de s'interroger sur la diversité des filières et des options proposées dans le secondaire, qui expliquent une grande partie de cet écart, et une rationalisation à mener. La réforme du baccalauréat et donc du lycée devrait en offrir le cadre.

M. Ouzoulias met en garde contre une précarisation du métier d'enseignant. Ce n'est pas ce que je propose, au contraire. La révision des obligations de service doit s'inscrire dans une démarche globale d'attractivité du métier, dont la revalorisation des salaires est un levier, en particulier pour les professeurs des écoles. L'annualisation, même partielle, de ces obligations de service doit être une contrepartie des revalorisations consenties.

Je partage les conclusions de l'Académie de médecine sur l'état et l'avenir de la médecine scolaire. La situation est très grave et s'explique en grande partie par l'insuffisante attractivité de la profession de médecin scolaire du fait de salaires largement insuffisants. Les mesures consenties par le précédent gouvernement n'ont pas eu d'effet sur l'érosion du nombre de ces médecins : entre 2009 et 2017, il s'est réduit de 14 %. À court-terme, il faut innover, par exemple en passant des conventions avec les médecins généralistes.

S'agissant du décrochage scolaire, j'estime qu'une vision transversale des politiques de l'éducation, de la famille et de la ville est nécessaire.

En conclusion, en ce qui concerne le remplacement, vous voyez bien qu'il révèle les rigidités du système éducatif, dont ce dernier ne parvient pas à s'affranchir. Le système fonctionne ainsi par défaillances successives, au détriment des élèves.

Mon amendement a pour objet de faire en sorte que l'État ne se décharge pas de facto du renouvellement des manuels scolaires de collège sur les départements. À cette fin, 50 millions d'euros supplémentaires sont alloués aux établissements publics et privés ; ils sont pris sur le programme 214 « Soutien de la politique de l'éducation nationale » et plus précisément sur les dépenses informatiques, en particulier celles du programme SIRHEN, dont le coût total est estimé à près de 500 millions d'euros, cinq fois le montant initialement prévu.

M. Jacques-Bernard Magner . - Cet amendement n'impliquera-t-il pas la prise en charge des manuels scolaires de l'école élémentaire et du lycée par l'État ? Si l'État ne finance pas les manuels scolaires, qui le fera ? Les familles ?

M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis . - Le code de l'éducation met à la charge de l'État les manuels scolaires au collège, pas à l'école élémentaire - ce qui constitue une anomalie. Nous ne faisons que respecter la loi.

Si l'État ne verse pas les dotations nécessaires, les établissements publics prendront sur les dotations versées par les conseils départementaux, ce qui revient à le mettre à leur charge. Dans le privé, les familles paieront.

M. David Assouline . - J'ai l'impression, en entendant vos explications, que cet amendement est d'abord en faveur de l'enseignement privé - dans le public, cette dépense sera toujours à la charge d'une collectivité, fût-elle l'État ou le département.

M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis . - Mais non !

M. Laurent Lafon . - Ce dispositif n'est pas spécifique au privé, il concerne avant tout les départements pour les collèges publics ; la vraie question est qu'il s'agit là d'un transfert de compétence non assumé.

Mme Laure Darcos . - Le précédent ministre, Mme Vallaud-Belkacem, avait insisté pour que le changement des programmes s'applique immédiatement à l'ensemble des niveaux d'enseignement au collège, ce qui était quasi impossible. La condition sine qua non était un investissement important de l'État dans l'acquisition des manuels.

En tant que conseillère départementale, je siège au conseil d'administration de collèges. Je constate que nombre d'enseignants et de parents d'élèves ne sont pas conscients que la photocopie de manuel scolaire est une forme de piratage. Bien sûr, les droits ne sont pas versés au centre français d'exploitation du droit de copie (CFC) et les auteurs sont lésés. C'est aussi un problème de droit d'auteur, qui dépasse la seule question du financement.

M. Jacques Grosperrin . - De nombreux élèves n'ont pas les manuels correspondant aux nouveaux programmes, notamment dans les disciplines scientifiques. L'amendement de notre collègue envoie un signal fort au Gouvernement : l'État ne doit pas se défausser de la fourniture des manuels scolaires, y compris dans un contexte budgétaire contraint.

M. Jacques-Bernard Magner . - Du débat jaillit la lumière ou, dans le cas présent, l'obscurité. Nous serons prudents à ce sujet car nous ne souhaitons pas que l'amendement entraîne la prise en charge, par l'État, des manuels scolaires de la scolarité obligatoire, primaire compris. Nous ne prendrons pas part au vote.

M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis . - C'est la loi qui impose à l'État de payer les manuels scolaires du collège ! Le ministère s'était engagé à verser 300 millions d'euros, dont 235 ont été budgétés en 2016 et 2017. Pour 2018, le budget prévoit 16 millions ; je propose donc de majorer cette somme de 50 millions d'euros.

Cela ne signifie pas que je me satisfais de l'état du droit sur cette question, qui est, comme le ministre lui-même l'a souligné, peu compréhensible. Il faudra également réfléchir à la forme et aux contenus qu'il convient de donner aux manuels scolaires à l'ère du numérique et ainsi revoir la politique d'acquisition.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Nous avions en effet interpellé Mme Vallaud-Belkacem sur son choix de renouveler l'ensemble des programmes dans des délais très brefs.

La commission adopte l'amendement.

La commission émet ensuite un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Enseignement scolaire » du projet de loi de finances 2018, sous réserve de l'adoption par le Sénat de l'amendement qu'elle a adopté.

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