Avis n° 153 (2018-2019) de M. Jean-Pierre SUEUR , fait au nom de la commission des lois, déposé le 22 novembre 2018

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N° 153

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2018-2019

Enregistré à la Présidence du Sénat le 22 novembre 2018

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi de finances , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, pour 2019 ,

TOME XI

POUVOIRS PUBLICS

Par M. Jean-Pierre SUEUR,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Bas , président ; MM. François Pillet, Jean-Pierre Sueur, François-Noël Buffet, Jacques Bigot, Mmes Catherine Di Folco, Sophie Joissains, M. Arnaud de Belenet, Mme Nathalie Delattre, MM. Pierre-Yves Collombat, Alain Marc , vice-présidents ; M. Christophe-André Frassa, Mme Laurence Harribey, MM. Loïc Hervé, André Reichardt , secrétaires ; Mme Esther Benbassa, MM. François Bonhomme, Philippe Bonnecarrère, Mmes Agnès Canayer, Maryse Carrère, MM. Mathieu Darnaud, Marc-Philippe Daubresse, Mme Jacky Deromedi, MM. Yves Détraigne, Jérôme Durain, Mme Jacqueline Eustache-Brinio, MM. Jean-Luc Fichet, Pierre Frogier, Mmes Françoise Gatel, Marie-Pierre de la Gontrie, M. François Grosdidier, Mme Muriel Jourda, MM. Patrick Kanner, Éric Kerrouche, Jean-Yves Leconte, Henri Leroy, Mme Brigitte Lherbier, MM. Didier Marie, Hervé Marseille, Jean Louis Masson, Mme Marie Mercier, MM. Jacques Mézard, Thani Mohamed Soilihi, Alain Richard, Vincent Segouin, Simon Sutour, Mmes Lana Tetuanui, Catherine Troendlé, M. Dany Wattebled .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) : 1255 , 1285 , 1288 , 1302 à 1307 , 1357 et T.A. 189

Sénat : 146 et 147 à 153 (2018-2019)

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS

Réunie le mardi 27 novembre 2018, sous la présidence de M. Philippe Bas, président , la commission des lois a examiné, sur le rapport pour avis de M. Jean-Pierre Sueur 1 ( * ) , les crédits de la mission « Pouvoirs publics » inscrits au projet de loi de finances pour 2019 .

Le rapporteur a souligné que les pouvoirs publics devaient prendre toute leur part dans l'effort national de redressement des finances publiques. Il a relevé à cet égard que la dotation de l'État à La Chaîne parlementaire diminuerait légèrement, tandis que toutes les autres dotations des pouvoirs publics seraient stables en euros courants et diminueraient donc en euros constants en 2019 :

- la dotation allouée pour 2019 à la présidence de la République s'élève à 103 millions d'euros mais ne couvre pas l'intégralité des dépenses, en augmentation, ce qui rendra nécessaire un prélèvement sur les disponibilités ;

- de même, les dotations de l' Assemblée nationale et du Sénat s'élèvent respectivement à 517 890 000 euros et 323 584 600 euros et ne couvrent pas l'intégralité des dépenses des deux assemblées, ce qui rendra nécessaire un prélèvement sur leurs disponibilités ;

- la dotation de La Chaîne Parlementaire diminue quant à elle de 1,15 % pour s'établir à 34 289 162 euros , contre 34 687 162 euros en 2018, répartie entre la dotation de Public Sénat , réduite à 17 648 000 euros , contre 18 046 000 euros en 2018 (soit une baisse de 2,21 %), et celle de LCP-AN , maintenue à 16 641 162 euros ;

- la dotation du Conseil constitutionnel est maintenue à 11 719 229 euros , la diminution des dépenses d'investissement compensant la hausse des dépenses de fonctionnement destinée à permettre la politique de recrutement de personnels de catégorie A ;

- enfin, la Cour de justice de la République , dont la suppression est prévue par le projet de loi constitutionnelle pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace en cours d'examen à l'Assemblée nationale, voit sa dotation reconduite elle aussi à 861 500 euros , notamment à la faveur d'une maîtrise des dépenses de fonctionnement.

Sur la proposition de son rapporteur, la commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Pouvoirs publics » inscrits au projet de loi de finances pour 2019.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

L'autonomie financière des institutions qui composent la mission « Pouvoirs publics », justifiée par « la sauvegarde du principe d'autonomie des pouvoirs publics concernés, lequel relève du respect de la séparation des pouvoirs » 2 ( * ) , ne saurait les exempter ces dernières d'une juste contribution à l'effort national de redressement des finances publiques.

Les particularités, au sein des institutions, de la présidence de la République , des assemblées parlementaires , de La Chaîne parlementaire , du Conseil constitutionnel , de la Haute Cour et de la Cour de justice de la République justifient que la mission qui rassemble leurs crédits soit dépourvue de programmes et ne réponde pas à une politique publique prédéfinie.

Nos concitoyens exigent à juste titre l'exemplarité dans l'utilisation des deniers publics. C'est l'esprit dans lequel les institutions et la chaîne précitées ont engagé depuis plusieurs années un effort de maîtrise budgétaire significatif, renouvelé pour l'exercice 2019 , en ayant pour objectif que cet effort n'altère pas la qualité des missions remplies. Ainsi, toutes les dotations de la mission sont reconduites en euros courants, et diminuent donc en euros constants, à l'exception de celle destinée à La Chaîne parlementaire qui diminue en euros courants de 1,15 %.

Le montant total des dotations de la mission « Pouvoirs publics » devrait donc s'élever en 2019 à 991 344 491 euros , en autorisations d'engagement (AE) comme en crédits de paiement (CP), soit une diminution de 398 000 euros et de 0,04 % par rapport à 2018 .

La ventilation de ces dotations est la suivante :

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Variation 2019/2018

Intitulé
de la dotation

Ouvertes en LFI
pour 2018

Demandées
pour 2019

Ouverts en LFI
pour 2018

Demandés
pour 2019

Présidence de la République

103 000 000

103 000 000

103 000 000

103 000 000

0,00 %

Assemblée nationale

517 890 000

517 890 000

517 890 000

517 890 000

0,00 %

Sénat

323 584 600

323 584 600

323 584 600

323 584 600

0,00 %

La Chaîne parlementaire

34 687 162

34 289 162

34 687 162

34 289 162

- 1,15 %

Indemnités des représentants français au Parlement européen

0

0

0

0

0,00 %

Conseil constitutionnel

11 719 229

11 719 229

11 719 229

11 719 229

0,00 %

Haute Cour

0

0

0

0

0,00 %

Cour de justice de la République

861 500

861 500

861 500

861 500

0,00 %

Total pour la mission

991 742 491

991 344 491

991 742 491

991 344 491

- 0,04 %

Source : bleu budgétaire, annexé au projet de loi de finances pour 2019

Les crédits de la mission « Pouvoirs publics » sont globalement contenus depuis 2012, au moyen d'efforts de maîtrise et de rationalisation des dépenses des pouvoirs publics mais également au prix de prélèvements parfois importants sur leurs disponibilités.

La plupart de ces prélèvements étaient, et sont encore, destinés à financer des investissements lourds, notamment dans les domaines de l'immobilier et de l'informatique. Ils ne devraient donc pas tous se reproduire et devraient même, pour certains, permettre de réaliser des économies de gestion.

Les coûts d'entretien et de rénovation d'un patrimoine immobilier comprenant de nombreux monuments nationaux n'en demeurent pas moins élevés, et votre rapporteur tient à souligner la nécessité de donner aux pouvoirs publics les moyens d'assurer leurs missions constitutionnelles. Il considère, dès lors, qu'un relèvement des crédits de la mission ne doit pas être exclu pour les années à venir, même si l'objectif prioritaire doit rester la maîtrise des dépenses.

Total des crédits de la mission pouvoirs publics depuis 2012

Ouverts en LFI pour 2012

Ouverts en LFI pour 2013

Ouverts en LFI pour 2014

Ouverts en LFI pour 2015

Ouverts en LFI pour 2016

Ouverts en LFI pour 2017

Ouverts en LFI pour 2018

Sollicités pour 2019

997 257 303

991 265 739

989 987 362

988 015 262

987 745 724

990 920 236

991 742 491

991 344 491

Source : rapports annuels de performances

Comme chaque année, l'examen des crédits alloués à la mission « Pouvoirs publics » par votre commission s'effectuera dans une optique davantage institutionnelle que budgétaire, ce dernier aspect étant traité exhaustivement par les rapporteurs spéciaux des commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat. Il s'agit donc d'examiner l'activité de ces institutions au regard des moyens qui leur sont alloués, ce qui permet de souligner les efforts de rationalisation de leurs dépenses pour un exercice plus efficace de leurs missions.

Votre rapporteur ne consacrera aucun développement spécifique à la dotation de la Haute Cour , à laquelle aucun crédit n'est alloué en l'absence de réunion prévisible. Il n'en consacrera pas non plus aux « indemnités des représentants français au Parlement européen » qui, depuis les élections européennes de 2009, sont directement prises en charge par le Parlement européen. Aussi aucun crédit n'a-t-il été ouvert à ce titre depuis 2010 sur cette dotation de la mission « Pouvoirs publics ». Votre rapporteur s'interroge donc, cette année encore, sans pour autant que cela soit suivi d'effets, sur l'intérêt de maintenir l'existence d'une telle dotation qui est devenue purement formelle.

I. UNE STABILISATION DE LA DOTATION DE LA PRÉSIDENCE DE LA RÉPUBLIQUE AU PRIX D'UN PRÉLÈVEMENT SUR LES DISPONIBILITÉS

Depuis le 1 er janvier 2017, la présidence de la République applique un règlement budgétaire et comptable qui reprend en grande partie les normes applicables à la gestion publique et notamment les dispositions du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique. Dans le respect du principe d'autonomie financière des pouvoirs publics constitutionnels 3 ( * ) , ce document fixe un cadre budgétaire et comptable qui décline les crédits sous la forme d'autorisations d'engagement et de crédits de paiement, tout en les organisant autour d'une partie qui traite l'action présidentielle en tant que telle (fonction de représentation, missions diplomatiques et militaire attachées au chef de l'État, organisation de réceptions au Palais de l'Élysée) et d'une partie relative à l'administration de la présidence (gestion immobilière, personnels, télécommunications et informatique, sécurité, action sociale, etc. ).

Le règlement budgétaire et comptable de la présidence de la République s'en écarte sur des points parfois significatifs, ce qui a conduit la Cour des comptes à exprimer régulièrement des regrets, notamment sur une insatisfaisante séparation de l'ordonnateur et du comptable 4 ( * ) : « Il en résulte notamment que la présidence de la République ne dispose pas d'un comptable public de plein exercice. La Cour insiste cependant pour que le comptable de la présidence soit conforté dans sa position hiérarchique et son indépendance fonctionnelle vis-à-vis de l'ordonnateur, ce qui constitue une précaution prudentielle nécessaire quel que soit son statut formel. »

Les charges de personnel représentent les deux tiers du total des dépenses.

Depuis la loi de finances initiale pour 2009, les dépenses de la présidence de la République constituées à 95 % de dépenses de personnels ont fait l'objet d'un effort de rationalisation important. Les progrès réalisés ont permis de ramener la dotation de l'État de 109 000 000 euros en 2012 à 103 000 000 euros en 2018. Pour les années 2015, 2016 et 2017, cette dotation s'élevait à 100 000 000 euros. Elle est remontée à 103 000 000 euros en 2018 et sera maintenue à ce montant de 103 000 000 euros en 2019. Toutefois, la stabilisation de cette dotation pour 2019, à 103 000 000 euros, n'est rendue possible qu'au prix d'un prélèvement important sur les disponibilités de la présidence de la République, ce qui n'est, à terme, pas tenable. Les exercices ultérieurs ne pourront donc pas faire l'économie d'une réflexion sur d'importantes économies ou, à défaut, sur une hausse de la dotation allouée.

Pour 2019, le récapitulatif des dépenses et des recettes s'établit donc comme suit :

Source : bleu budgétaire, annexé au projet de loi de finances pour 2019

A. UNE ÉVOLUTION CONTRASTÉE DES DÉPENSES DE L'ÉLYSÉE

Dans son rapport sur les comptes et sur la gestion des services de la présidence de la République en 2017, la Cour des comptes souligne qu'elle avait pu constater « à l'issue de ses précédents contrôles, les progrès réalisés dans la formalisation des règles et procédures applicables à la gestion des moyens de la présidence de la République, notamment sous la forme d'instructions visant à mieux encadrer les modalités de mise en oeuvre de certaines dépenses ». Cette tendance, qui s'est poursuivie en 2018, ne devrait pas être remise en cause en 2019, même si les dépenses de l'Élysée devaient augmenter de 2,48 % entre 2018 et 2019, en passant de 104 200 000 euros à 106 780 000 euros .

Lors de leur audition 5 ( * ) par votre rapporteur, M. Patrick Strzoda, préfet, directeur de cabinet du Président de la République, M. Jérôme Rivoisy, directeur général des services et directeur adjoint de cabinet, et Mme Patricia Jannin, cheffe du service des ressources humaines et des finances, ont fourni des éléments expliquant une telle hausse, tenant principalement aux dépenses de personnel et aux frais de déplacement.

1. Une hausse des dépenses de personnel

Les dépenses de personnel devraient augmenter de 2,4 millions d'euros et de 3,5 % en 2019, pour atteindre 71,5 millions d'euros et représenter 67 % du total des dépenses.

Les efforts de maîtrise des effectifs de la présidence de la République ont été poursuivis. Ainsi, 13 postes en équivalents temps plein ont été supprimés en 2018 par la fin de mises à disposition ou le non-renouvellement de contrats. Au 30 septembre 2018, 809 équivalents temps plein travaillent pour la présidence de la République, dont 146 avec un statut contractuel et 663 dans le cadre d'une mise à disposition. Plus de 80 % des personnels employés par la présidence de la République sont ainsi mis à disposition par les ministères, les collectivités territoriales et des organismes publics, contre remboursement. Les ministères de l'intérieur et de la défense demeurent les deux premiers pourvoyeurs de personnels mis à disposition, représentant plus de la moitié des effectifs de la présidence de la République. Parmi ces personnels, 7 ont aujourd'hui le statut de « chargé de mission » dont 6 exercent leurs fonctions auprès des conseillers du Président de la République et un auprès du chef de l'état-major particulier. Comme cela a été confirmé à votre rapporteur par les services de la présidence de la République, au 31 décembre 2017, le cabinet du Président de la République comptait 52 membres dont 12 travaillaient également au cabinet du Premier ministre. Sur ces 12 conseillers communs, 8 étaient rémunérés par Matignon et 4 par la présidence de la République. Quelles que soient les motivations budgétaires qui ont conduit à une telle organisation, votre rapporteur considère qu'elle n'est pas conforme à l'esprit de la Constitution. En effet, le Gouvernement est responsable politiquement devant le Parlement tandis que le Président de la République n'est responsable qu'en cas de « manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l'exercice de son mandat » (article 68 de la Constitution). Pour respecter la distinction constitutionnelle des fonctions présidentielles et gouvernementales, et pour préserver la plénitude du contrôle parlementaire, il conviendrait de mettre fin à cette pratique des collaborateurs communs.

Malgré ces efforts pour contenir les effectifs, la hausse des frais de personnel pour 2019 apparaît inévitable. Se fondant sur les constats effectués pour l'année en cours, les services de la présidence de la République estiment la masse salariale nécessaire pour 2019 à 71,5 millions d'euros. Cette hausse tient compte de l'augmentation significative du recours aux allocations d'aide au retour à l'emploi 6 ( * ) , des conséquences, depuis le 1 er janvier 2018, de l'indemnité compensatrice de la hausse de la contribution sociale généralisée (CSG), du maintien à un niveau élevé du recrutement des emplois saisonniers ainsi que de la progression du glissement vieillesse-technicité (GVT) positif dans les ministères, difficilement maîtrisable par la présidence qui ne gère pas les rémunérations des agents mis à disposition (le remboursement des personnels mis à disposition, soit de plus de 80 % des effectifs, représente environ 73 % de la masse salariale).

Une nouvelle organisation des services de la présidence de la République devrait être mise en place à partir du début de l'année 2019 , après une réflexion lancée dès 2017 7 ( * ) sur les conditions d'exercice des missions afin d'optimiser les moyens et la gestion des crédits.

Elle s'est d'ores et déjà traduite par le recrutement d'un directeur général des services , placé sous l'autorité du directeur de cabinet, chargé d'animer et de coordonner les services de la présidence de la République, ainsi que de mettre en oeuvre le plan de transformation des services. Le secrétaire général demeurera chargé du suivi des politiques publiques, tandis que le directeur de cabinet, tout en ayant autorité sur le directeur général des services, pourra davantage concentrer son activité sur d'autres aspects que le fonctionnement quotidien des services.

Le regroupement des 17 directions actuelles au sein de quatre entités correspondant aux quatre missions principales des services - la sécurité, la communication, les opérations (évènements et déplacements) et les fonctions support - constitue une évolution plus notable 8 ( * ) .

La mission de sécurité - pour n'évoquer qu'elle - sera ainsi confiée à une nouvelle direction de la sécurité de la présidence de la République (DSPR), à laquelle seront confiées les tâches actuellement dévolues au groupe de sécurité de la présidence de la République (GSPR) et au commandement militaire du Palais de l'Élysée. Les effectifs de la DSPR seront composés de policiers et de gendarmes qui continueront de relever, pour leur gestion administrative (nomination, avancement), du ministère de l'intérieur. Selon les interlocuteurs précités de votre rapporteur, le lien permanent avec le ministère de l'intérieur pour assurer la sécurité du Président de la République sera maintenu. Le décret n° 2013-728 du 12 août 2013 portant organisation de l'administration centrale du ministère de l'intérieur et du ministère des outre-mer et l'arrêté du 12 août 2013 relatif aux missions et à l'organisation du service de la protection ne seront pas modifiés.

2. Une augmentation des frais afférents aux déplacements en 2019 en raison de l'actualité internationale

Les déplacements de la présidence de la République constituent un poste de dépenses conséquent pour lequel, du fait des aléas afférents à l'actualité internationale, des écarts importants peuvent apparaître entre les prévisions et l'exécution.

Dans son rapport sur les comptes de la présidence de la République pour l'exercice 2017, la Cour des comptes relève que 198 déplacements ont été effectués en 2017, contre 142 en 2016, 138 en 2015, 90 en 2014. Cette hausse en volume des déplacements depuis 2017 contrebalance l'effet prix à la baisse permis par une politique progressive de maîtrise des dépenses.

Les services de la présidence de la République recherchent en effet une meilleure maîtrise de ce poste de dépenses et ont recruté à cet effet en 2018 une chargée de mission spécialement dédiée au suivi des déplacements et à la recherche d'économies, portant une attention particulière à quatre principes :

- une meilleure anticipation des déplacements ; aisée à mettre en oeuvre pour les réunions récurrentes (sommets européens, G7, G20, Assemblée générale des Nations Unies, etc. ), elle permet d'effectuer des réservations anticipées en matière d'hébergement et de bénéficier de meilleurs tarifs ;

- une optimisation des dépenses induites par la préparation et le déroulement des voyages officiels ; votre rapporteur prend ainsi note de la suppression des voyages préparatoires pour les sommets européens, de la mise en concurrence, à présent systématique, des prestataires, des négociations menées pour bénéficier de conditions d'annulation optimales et de la diffusion le 26 mars 2018 à l'ensemble des services de l'Élysée d'une note qui détaille les modalités de prise en charge des frais exposés par les agents mobilisés pour les déplacements 9 ( * ) ;

- une limitation du format de la délégation présidentielle ;

- une adaptation du dispositif de refacturation aux nouvelles exigences budgétaires prévoyant que lorsque des acteurs extérieurs participent aux déplacements du Président de la République (entreprises, acteurs culturels, etc. ), les dépenses de transport et d'hébergement leur sont refacturées. Comme l'a souligné la Cour des comptes dans son rapport précité 10 ( * ) : « la baisse des recettes « autres produits de gestion » a pour origine principale le net fléchissement des remboursements des participants aux voyages officiels (0,23 M€ en 2016 et 0,15 M€ en 2017), comptabilisés sur le poste [...]. Cette baisse tient davantage à des facteurs conjoncturels qu'à une modification des règles de prise en charge ».

Malgré l'application de ces règles de bonne gestion, votre rapporteur constate que, globalement, les dépenses consacrées aux déplacements par la présidence de la République n'ont pas diminué en 2018, tout en respectant le cadre budgétaire prévu, et vont augmenter en 2019. Après avoir connu une diminution régulière de 2012 à 2018, passant de 19,4 millions d'euros à 14,3 millions d'euros en lois de finances initiale, les crédits budgétés augmentent en 2019, pour s'élever à 15,05 millions d'euros en crédits de paiement. Ainsi, la part des déplacements dans le budget global représente 14,1 % dans le projet de loi de finances pour 2019. Deux facteurs d'évolution à la hausse de la dépense expliquent cette situation :

- la France assurera la présidence française du G7 : une partie des déplacements présidentiels effectués dans le cadre de cette présidence seront financés sur le budget spécifique du secrétariat général de la présidence du G7 ;

- l'actualisation du barème des tarifs des avions à usage gouvernemental 11 ( * ) .

Votre rapporteur tient à rappeler que le cadre budgétaire contraint s'applique à tous les acteurs publics et que les éventuelles dépenses exceptionnelles liées aux frais de déplacements jugés indispensables doivent être davantage compensées par la recherche d'économies sur d'autres postes.

En outre, l'engagement, renouvelé lors du changement de mandature, de privilégier lorsque cela est possible le transport terrestre et de contenir les frais de transports aériens, qui représentent 60 % du coût total des déplacements de la présidence de la République, par exemple par le recours privilégié à l'A330 plutôt qu'au Falcon, doit être tenu.

3. Des frais de fonctionnement contenus

S'il a logiquement pesé sur les frais de personnel, le renforcement des moyens de sécurité de la présidence de la République depuis 2018, auquel votre rapporteur souscrit dans le contexte que nous connaissons, n'a pas eu d'effet démesuré sur les frais de fonctionnement. En effet, les services de la présidence de la République sont partiellement parvenus à compenser les lourdes dépenses induites en la matière par des économies sur d'autres postes.

L'augmentation des effectifs 12 ( * ) affectés à la sécurité s'accompagne d'un accroissement des moyens de contrôle et de prévention des risques à la présidence de la République. Ce renforcement concerne les moyens du GSPR et du commandement militaire : blindage des véhicules d'escorte 13 ( * ) , renouvellement du parc radio, des équipements voués à la géolocalisation, des moyens de dépoussiérage et des équipements individuels d'entraînement et de protection, achat et maintenance de nouveaux matériels de sécurité, de protection périmétrique, de contrôle et de détection et mise à niveau du parc de vidéo-surveillance.

Au-delà de la sécurité des personnes et des biens, les risques portent également sur les systèmes de télécommunications et informatiques. Pour 2019, l'enveloppe allouée en la matière est stabilisée, toujours dans le respect des recommandations qu'avait formulées l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI) lors de son dernier audit. Au global, les frais de fonctionnement diminueront en 2019 de 146 500 euros.

4. Une gestion rigoureuse mais nécessaire des véhicules et des chauffeurs

Depuis 2011, l'effectif des chauffeurs a diminué de 12 équivalents temps plein travaillé (ETPT) grâce à une plus grande mutualisation.

Évolution du nombre de chauffeurs employés
à la présidence de la République (en ETPT)

Au 31 décembre

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018
(prévisionnel)

TOTAL

48

46

42

38

37

37

36

36

Source : services de la présidence de la République

Pour parvenir à ces résultats, la présidence de la République a, par exemple, drastiquement encadré les fonctions de chauffeurs affectés, dont le nombre est passé d'une dizaine à seulement quatre aujourd'hui (seuls le Président de la République, le secrétaire général, le directeur de cabinet et le chef d'état-major particulier disposent d'un chauffeur affecté) au bénéfice d'une organisation en pool . Par ailleurs, les chauffeurs affectés sont ponctuellement mis à disposition du pool : c'est le cas actuellement du chauffeur du directeur de cabinet, toujours dans un souci d'économies.

Des économies sur les frais de carburant ont pu être obtenues au moyen d'une politique volontariste d'acquisition de véhicules électriques ou hybrides. La part de ces derniers dans le parc automobile est ainsi passée de 2 % en 2012 (2 véhicules pour un parc de 96 véhicules) à près de 34 % aujourd'hui (32 véhicules électriques et 2 voitures hybrides pour 101 véhicules).

La part des véhicules électriques ou hybrides dans le parc automobile devrait encore progresser en 2019 avec l'acquisition de 6 Renault Zoé électriques, ce qui conduira le parc de la présidence de la République à 32 véhicules électriques, soit 32 % du total.

L'autonomie des nouveaux modèles Zoé ayant été étendue à 300 km et les durées de charge écourtées, l'utilisation de ce type de véhicule a été grandement facilitée. Leur utilisation, auparavant cantonnée aux courses dans Paris intra-muros et au sein de la petite couronne, peut désormais aller au-delà de ce périmètre.

5. Les moyens alloués au conjoint du chef de l'État : une volonté de transparence qui n'a pas entraîné de dépense nouvelle

La charte dite « de transparence relative au statut du conjoint du Chef de l'État », publiée le 21 août 2017 sur le site Internet de l'Élysée, a vocation à rendre publics tant la mission du conjoint du chef de l'État que les moyens qui lui sont alloués pour la remplir 14 ( * ) .

S'agissant des moyens, la charte précise que le conjoint du chef de l'État ne bénéficie d'aucune rémunération et ne dispose pas de frais de représentation, ni de budget propre. Il peut en revanche s'appuyer sur quatre personnes du cabinet du Président de la République (un conseiller spécial qui assure la fonction de directeur du cabinet, un conseiller qui exerce la fonction de chef de cabinet et un secrétariat de deux personnes).

Dans son rapport 15 ( * ) publié le 24 juillet 2018, la Cour des comptes indique que : « La Présidence de la République estime que le directeur du cabinet, le chef du cabinet et une assistante consacrent les deux-tiers de leur activité [à celle de Mme Brigitte Macron] ; pour la seconde assistante, ce temps est ramené à un mi-temps. Dans ces conditions, le coût annualisé et proratisé des dépenses correspondant aux rémunérations et des charges afférentes s'élève à 278 750 euros. »

En-dehors de son rôle de représentation auprès du Président de la République, Mme Brigitte Macron a effectué seulement cinq déplacements en 2017 en métropole, hors Île-de-France, en utilisant à une seule reprise l'avion comme mode de déplacement. In fine , le traitement de la correspondance de Mme Brigitte Macron a constitué une part substantielle de l'activité des personnels de la présidence de la République au service de l'épouse du chef de l'État : à elle seule, Mme Brigitte Macron a reçu près de 13 000 courriers en 2017, auxquels une réponse a été apportée par 6 à 7 agents, en équivalent temps plein, membre d'un service qui en compte 71.

Votre rapporteur observe que des moyens au moins équivalents, voire plus importants, ont par le passé été mis à disposition du conjoint du chef de l'État, sans avoir toujours été expressément identifiés.

6. Une forte diminution des investissements

Les dépenses d'investissement s'établiront en 2019 à 5 065 500 euros en autorisations d'engagement et 4 695 500 euros en crédits de paiement, contre 5 800 000 en 2018, soit une baisse de 13 % en autorisations d'engagement. Elles représenteront 4,76 % du total des dépenses de la présidence de la République en autorisations d'engagement, contre 5,6 % en 2018.

Cette diminution s'explique par un recentrage sur les investissements indispensables en 2019. Pour plus de la moitié des sommes engagées (2 680 000 euros), il s'agira d' investissements sur les infrastructures techniques , parmi lesquelles la création d'un second Datacenter et la modernisation des systèmes de stockage de données , la mise à jour de l'infrastructure de téléphonie fixe, la modernisation de l'infrastructure de gestion des clés électroniques de la présidence, le projet de parapheur électronique, le déploiement d'une infrastructure Wifi davantage sécurisée, ainsi que la mise en place de moyens de visioconférence en clair.

B. UNE STABILISATION DE LA DOTATION DE L'ÉTAT AU PRIX D'UN IMPORTANT PRÉLÈVEMENT SUR LES DISPONIBILITÉS

La dotation de l'État pour 2019 est maintenue à son niveau des années précédentes, soit 103 millions d'euros. Compte tenu de la modicité de ses ressources propres, la présidence de la République devra donc opérer un important prélèvement sur ses disponibilités afin d'équilibrer son budget.

1. Des ressources propres qui devraient légèrement progresser du fait de la vente de produits estampillés Élysée

Les ressources propres de la présidence de la République proviennent de produits divers de gestion : 1 280 000 euros sont budgétés à ce titre pour 2019, soit 80 000 euros supplémentaires par rapport à 2018.

La présidence de la République a accru, à partir de 2014, le montant de ses recettes propres en facturant davantage que par le passé les services dont bénéficie une partie de son personnel ou de ses invités. Sont notamment concernés la perception des loyers et des charges locatives par la présidence de la République, en tant que propriétaire de logements situés Quai Branly, le produit des frais de restauration acquittés par les usagers et le remboursement d'une partie des frais de déplacement par les participants aux déplacements officiels qui ont été réévalués.

La progression des recettes propres, qui sont constituées pour moitié des recettes du restaurant du personnel, comporte toutefois peu de marges de manoeuvre en raison de la nature des recettes qui correspond principalement à de l'action sociale (crèche, restaurant, logement). Par ailleurs, les services anticipent une baisse des produits locatifs (- 80 000 euros escomptés en 2018) notamment en raison du départ d'un locataire institutionnel.

Ces montants n'incluent toutefois pas encore la réversion de recettes, qui sera effectuée deux fois par année civile, au 30 juin et au 20 décembre de chaque année, par la vente de produits de la boutique de l'Élysée, les recettes attendues étant difficilement évaluables à ce stade. Il semble toutefois que la mise en vente de ces « produits dérivés » constitue un véritable succès, sur le plan commercial. Sous réserve de respecter l'image de la présidence de la République, et d'éviter certains écueils 16 ( * ) , votre rapporteur considère qu'il peut présenter un intérêt de financer la rénovation et l'entretien des résidences présidentielles, par l'affectation, comme ce sera le cas, de l'intégralité des recettes engendrées par la vente de produits dérivés.

En outre, la marque « Élysée - Présidence de la République » ayant vocation à s'inscrire dans le long terme et à promouvoir aussi bien le patrimoine immatériel de la présidence que le savoir-faire et la culture française, le titulaire a pour mission d'établir et de déployer une stratégie de développement de la licence de marque sur la durée de l'accord-cadre et de proposer une série d'initiatives pour renouveler la gamme de produits disponibles. Votre rapporteur se réjouit d'une initiative qui promeut des entreprises françaises tout en contribuant au financement du patrimoine national.

Une montre vendue sous cette licence a par exemple été offerte 17 ( * ) à tous les chefs d'État présents le 11 novembre dernier lors des commémorations du centenaire de l'armistice ayant mis un terme à la Première Guerre mondiale.

2. Un important prélèvement sur les disponibilités qui pose la question de la pérennité, à terme, de la structure du budget

En 2019, la présidence de la République ponctionnera 2 500 000 euros sur ses disponibilités pour équilibrer son budget.

En avril 2017, des crédits exceptionnels, déjà prélevés sur les disponibilités, avaient permis de financer des projets liés à la sécurité (sécurisation des abords du Palais de l'Élysée), des installations de câblage informatique, ainsi que la nouvelle installation de la coordination nationale du renseignement et de lutte contre le terrorisme.

Les disponibilités de la présidence de la République s'élevaient, au 31 décembre 2017, à 22 902 929 euros 18 ( * ) . Elles lui permettent donc de renouveler ce type d'exercice budgétaire pendant quelques années encore. Toutefois, de tels prélèvements sur les disponibilités ne pourront être pérennes.

II. LA STABILISATION DES DOTATIONS DES ASSEMBLÉES PARLEMENTAIRES MALGRÉ DE LOURDES CHARGES

Les questeurs de l'Assemblée nationale et du Sénat se sont réunis le 18 juillet 2018, sous la présidence de M. Christian Babusiaux, président de chambre honoraire à la Cour des comptes, pour arrêter les crédits nécessaires au fonctionnement des assemblées et des sociétés de programme de La Chaîne parlementaire en 2019. Ils ont maintenu pour les deux assemblées, cette année encore, leurs demandes de dotations en euros courants. La dotation du Sénat est ainsi inchangée depuis 2012 et inférieure de 1,2 % par rapport à celle qui était versée entre 2008 et 2011. Toutefois, le montant des dotations versées aux assemblées ne couvrant pas l'intégralité de leur besoin de financement, celles-ci devront de nouveau effectuer un prélèvement sur leurs disponibilités financières, et compter sur des produits de gestion pour équilibrer leurs comptes. Le tableau ci-après récapitule le montant des dotations allouées à l'Assemblée nationale, au Sénat et à La Chaîne parlementaire depuis 2015.

Dotation
2015

Dotation 2016

Dotation 2017

Dotation

2018

Dotation

2019

Variation
2019 / 2018

En valeur

En %

Dotation « Assemblée nationale »

517 890 000

517 890 000

517 890 000

517 890 000

517 890 000

0

0,00 %

Dotation « Sénat »

323 584 600

323 584 600

323 584 600

323 584 600

323 584 600

0

0,00 %

Action « Sénat »

311 627 700

311 627 700

311 627 700

311 627 700

312 227 700

600 000

+ 0,19 %

Action « Jardin du Luxembourg »

11 956 900

11 956 900

11 956 900

11 956 900

11 356 900

- 600 000

-5,02 %

Action « Musée du Luxembourg »

0

0

0

0

0

0

0,00 %

Dotation « La Chaîne parlementaire »

35 489 162

35 489 162

34 887 162

34 687 162

34 289 162

- 398 000

- 1,15 %

Action « LCP-AN »

16 641 162

16 641 162

16 641 162

16 641 162

16 641 162

0

0,00 %

Action « Public-Sénat »

18 848 000

18 848 000

18 246 000

18 046 000

17 648 000

-398 000

- 2,20 %

Source : annexe « Pouvoirs publics » au projet de loi de finances pour 2019

A. LE BUDGET 2019 DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE : UNE LÉGÈRE BAISSE

Le budget de l'Assemblée nationale pour 2019 se caractérise, pour les charges, par une légère diminution de leur montant total, la faible hausse des dépenses de fonctionnement étant plus que compensée par la baisse des dépenses d'investissement et, pour les ressources, par la reconduction en euros courants de la dotation de l'État et un nouveau prélèvement sur les disponibilités.

Le tableau ci-après récapitule les principaux postes du budget et leur évolution depuis 2017 :

Variations 2019/2018

Budget
2017

Réalisé
2017

Taux d'exécution

Budget
2018
(au 13 mars)

Budget
2019

en valeur absolue

en %

CHARGES

I - Section de fonctionnement

549 648 098

544 116 038

98,99 %

539 476 079

540 761 079

1 285 000

0,24 %

Achats de biens et fournitures

7 738 300

7 485 004

96,73 %

7 571 500

7 492 500

-79 000

-1,04 %

Services extérieurs

32 009 500

30 189 937

94,32 %

29 697 000

31 923 300

2 226 300

7,50 %

Impôts et taxes

4 380 000

4 351 537

99,35 %

4 411 000

4 187 000

-224 000

-5,08 %

Charges de personnel :

178 936 650

175 604 890

98,14 %

176 146 000

171 080 800

-5 065 200

-2,88 %

Charges de rémunération

127 335 250

123 978 193

97,36 %

123 862 600

115 192 000

-8 670 600

-7,00 %

Charges sociales et diverses

51 601 400

51 626 697

100,05 %

52 283 400

55 888 800

3 605 400

6,90 %

Charges parlementaires :

324 553 648

326 451 784

100,58 %

319 625 579

325 647 479

6 021 900

1,88 %

Indemnités parlementaires

50 734 672

50 447 108

99,43 %

51 233 921

51 139 921

-94 000

-0,18 %

Charges sociales

61 609 410

64 523 529

104,73 %

70 192 056

74 299 006

4 106 950

5,85 %

Secrétariat parlementaire

192 238 366

194 145 523

100,99 %

169 134 830

170 485 142

1 350 312

0,80 %

Voyages et déplacements

7 668 000

7 097 942

92,57 %

6 168 000

6 458 000

290 000

4,70 %

Charges de représentation

4 680 200

3 480 385

74,36 %

6 230 972

6 677 410

446 438

7,16 %

Autres charges

7 623 000

6 757 297

88,64 %

16 665 800

16 588 000

-77 800

-0,47 %

Charges exceptionnelles et imprévues

2 030 000

32 885

1,62 %

2 025 000

430 000

-1 595 000

-78,77 %

II - Section d'investissement

35 114 300

32 179 261

91,64 %

28 939 000

27 254 000

-1 685 000

-5,82 %

III - Dépenses budgétaires totales (I + II)

584 762 398

576 295 299

98,55 %

568 415 079

568 015 079

-400 000

-0,07 %

RESSOURCES

IV - Produits divers

4 087 250

8 697 895

212,81 %

3 907 840

3 179 800

-728 040

-18,63 %

V - Prélèvement sur les disponibilités

62 785 148

49 707 404

46 617 239

46 945 279

328 040

0,70 %

DOTATION (III  - IV - V)

517 890 000

517 890 000

517 890 000

517 890 000

0

0,00 %

Source : annexe « Pouvoirs publics » au projet de loi de finances pour 2019

1. L'évolution des charges : une faible hausse des dépenses de fonctionnement, compensée par une forte baisse des dépenses d'investissement

Les dépenses de fonctionnement prévues pour 2019 s'élèvent à 540,761 millions d'euros, en hausse de 0,24 % par rapport au budget rectifié de 2018 et de 0,62 % par rapport au budget exécuté de 2017. Les charges parlementaires et les charges de personnel représentent respectivement 60,2 % et 31,6 % du total.

Les premières, qui comprennent les indemnités parlementaires, les charges sociales y afférentes, les frais de secrétariat parlementaire, les frais de déplacements, les charges de représentation et diverses autres charges, augmentent de 1,88 % par rapport au budget rectifié de 2018, en raison principalement de l'évolution des charges sociales, qui tient elle-même essentiellement à l'augmentation de la charge budgétaire de la caisse des pensions à la suite du renouvellement général de l'Assemblée nationale de juin 2017.

Les secondes, qui comprennent les rémunérations, les charges sociales et diverses autres charges, baissent de 2,88 % par rapport au budget rectifié de 2018, en raison notamment de la diminution du nombre de fonctionnaires en poste (9,5 millions d'euros d'économies) et malgré le recrutement de personnels contractuels supplémentaires (2,6 millions d'euros de dépenses supplémentaires).

Les dépenses d'investissement de l'Assemblée nationale s'étaient élevées à 32,179 millions d'euros en 2017, pour un budget de 35,114 millions d'euros, soit un taux d'exécution de 91,64 %. Elles ont ensuite décru en 2018, et pourraient atteindre 28,939 millions d'euros selon le budget rectifié. Le budget d'investissement 2019 prévoit une nouvelle baisse, de 5,82 % par rapport à ce budget rectifié de 2018, et un montant total de 27,254 millions d'euros.

Le pic atteint en 2017 s'explique, comme celui de 2002, par la mise à profit de la longue période de suspension des travaux en séance plénière liée aux campagnes électorales pour l'élection présidentielle puis pour les élections législatives pour réaliser un programme de travaux immobiliers de grande ampleur.

Le budget d'investissement pour 2019 n'en demeure pas moins significativement supérieur aux dépenses des années antérieures à 2017, du fait notamment de la poursuite de certaines opérations entamées en 2017 : travaux relatifs à l'emmarchement du Palais Bourbon, rénovation des Grands murs et de la couverture des salons Pujo et Delacroix, réfection des locaux de l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, investissements dans les systèmes d'information...

2. L'évolution des ressources : une stabilité de la dotation de l'État qui rend nécessaire un nouveau prélèvement sur les disponibilités de l'Assemblée nationale

Le budget de l'Assemblée nationale pour 2019 prévoit la reconduction en euros courants, et donc la baisse en euros constants, de la dotation de l'État , qui s'établira à nouveau à 517,890 millions d'euros.

Les produits divers sont estimés à 3,179 millions d'euros, contre 3,907 millions d'euros en 2018, soit une baisse de 18,63 %. Les redevances de gestion des fonds de sécurité sociale, qui correspondent à la mise à disposition de personnels et de locaux de l'Assemblée nationale, en constituent l'une des principales composantes et diminuent de 4,81 % en 2019.

En conséquence, pour équilibrer son budget, l'Assemblée nationale prévoit, comme les années passées, de procéder à un important prélèvement sur ses disponibilités en 2019, pour un montant estimé à 46,945 millions d'euros, en hausse de 0,7 % par rapport au budget rectifié de 2018. Une forte incertitude s'attache par nature au niveau de ce prélèvement qui sera constaté en exécution, en fonction des dépenses effectives. Ainsi, en 2017, il s'était finalement élevé à 49,707 millions d'euros, pour une prévision de 62,785 millions d'euros. À l'inverse, le budget initial pour 2018 prévoyait un prélèvement de 28,458 millions d'euros alors qu'il a dû être porté à 46,617 millions d'euros par le budget rectificatif pour 2018.

B. LE BUDGET 2019 DU SÉNAT : UNE LÉGÈRE HAUSSE

Le budget du Sénat comprend trois composantes, qui constituent autant d'actions distinctes au sein de la mission « Pouvoirs publics » et portent respectivement sur le Sénat et les moyens nécessaires à l'accomplissement de ses missions institutionnelles, le Jardin du Luxembourg, dont le Sénat assure directement la gestion, et le Musée du Luxembourg dont il a confié la gestion à la Réunion des musées nationaux dans le cadre d'une délégation de service public.

En 2019, il se caractérise, pour les charges, par une légère augmentation, la faible hausse des dépenses de fonctionnement, n'étant que partiellement compensée par la baisse des dépenses d'investissements, et, pour les ressources, par la reconduction en euros courants de la dotation de l'État et un nouveau prélèvement sur les disponibilités.

Le tableau ci-après récapitule les prévisions de charges de l'action « Sénat » pour 2019, en comparaison avec les deux exercices antérieurs :

Source : annexe « Pouvoirs publics » au projet de loi de finances pour 2019

1. L'évolution des charges : une légère hausse des dépenses de fonctionnement, partiellement compensée par la baisse des dépenses d'investissement

Les dépenses de fonctionnement prévues pour 2019 s'élèvent à 316,202 millions d'euros pour ce qui concerne les moyens nécessaires à l'accomplissement des missions institutionnelles du Sénat, en hausse de 1,42 % par rapport à 2018. Elles s'établissent à 11,374 millions d'euros pour le Jardin du Luxembourg, en baisse de 0,81 % par rapport à 2018, et à 17 700 euros pour le Musée du Luxembourg, soit un montant identique à celui de l'année précédente.

La hausse des dépenses de fonctionnement de l'action « Sénat » s'explique essentiellement par le renforcement des moyens de travail des sénateurs : crédits supplémentaires dévolus à la rémunération d'intermédiaires et honoraires d'expertise externe ; majoration de 10 % de la dotation pour l'emploi de collaborateurs.

Les dépenses afférentes aux rémunérations et aux charges sociales diminueront quant à elles de 0,47 %, avec une baisse du montant total des indemnités versées aux sénateurs de 0,59 % et une baisse des rémunérations des personnels de 1,03 %. Le nombre des emplois de fonctionnaires connaît en effet une diminution régulière depuis plusieurs années ; il passera à 995 en 2019, contre 1 016 en 2015. S'y ajoutent 95 personnels contractuels, dont 62 en contrat de travail à durée indéterminée et 33 en contrat de travail à durée déterminée. S'agissant du Jardin du Luxemburg, les effectifs des personnels chargés de son entretien diminueront de 114 à 111 personnes, l'effet budgétaire étant compensé par le vieillissement des personnels en poste (GVT).

Les dépenses d'investissement prévues pour 2019 s'élèvent à 25,941 millions d'euros pour ce qui concerne les moyens nécessaires à l'accomplissement des missions institutionnelles du Sénat, en baisse de 3,97 % par rapport à 2018. Elles s'établissent à 376 000 euros pour le Jardin du Luxembourg, en baisse de 54,7 % par rapport à 2018, et à 150 000 euros pour le Musée du Luxembourg, soit un montant identique à celui de l'année précédente.

Pour ce qui concerne le Sénat, les principaux investissements auront pour objet l'augmentation des moyens de captation des salles de commission et de délégation, la mise en place du scrutin électronique , la rénovation de plusieurs salles de réunion, la poursuite des travaux de rénovation des immeubles des 26 et 36 rue de Vaugirard ou encore la rénovation d'une partie des réseaux téléphonique et Ethernet.

La baisse significative du budget d'investissement du Jardin du Luxembourg s'explique quant à elle par le report de la rénovation de la fontaine Médicis, commandée en 1630 par Marie de Médicis. Prévue en 2018, cette opération n'a pu être réalisée. Votre rapporteur tient à souligner la qualité de l'entretien de ce magnifique jardin ouvert à tous, 365 jours par an, et dont le succès ne se dément pas puisqu'il reçoit chaque année plus de 8 millions de visiteurs.

2. L'évolution des ressources : une stabilité de la dotation de l'État qui rend nécessaire un nouveau prélèvement sur les disponibilités du Sénat

Après avoir reconduit en euros courants sa demande de dotation de l'année précédente entre 2008 et 2011, et après l'avoir réduite de 3 % en 2012, le Sénat connaîtra en 2019, comme ce fut le cas de 2013 à 2018 une stabilisation des crédits qui lui sont alloués. Pour la huitième année consécutive, la dotation de l'État sera donc maintenue au même montant (323 584 600 euros) en euros courants et diminuera donc en euros constants.

Pour 2019, la couverture par cette dotation des dépenses prévisionnelles de l'exercice s'élève à 91,39 % (contre 92,2 % durant l'exercice précédent). Les dépenses de fonctionnement sont supérieures au montant de cette dotation, la différence étant financée par la consommation de 73 % des produits budgétaires attendus 19 ( * ) (5,5 millions d'euros). Afin de rendre possible l'augmentation du montant des dépenses pour 2019 (+ 0,80 % au total), le Sénat puisera en conséquence une nouvelle fois dans ses disponibilités et financera l'intégralité de ses investissements par ce biais.

Le prélèvement sur les disponibilités devrait en conséquence s'élever à 24 975 594 euros en 2019, montant qui augmente de 12,31 % par rapport au budget de 2018.

C. LA CHAÎNE PARLEMENTAIRE : UNE DOTATION EN LÉGÈRE DIMINUTION EN 2019

La Chaîne parlementaire a été créée par la loi n° 99-1174 du 30 décembre 1999 afin de rendre compte des activités de l'Assemblée nationale et du Sénat.

Cette création visait notamment à doter la France d'un organe similaire à la BBC Parliament britannique, à la chaîne Phoenix en Allemagne ou encore à Chamber TV au Luxembourg, toutes chargées de la diffusion et de la rediffusion des travaux parlementaires.

Depuis mars 2000, La Chaîne parlementaire dispose d'un canal de diffusion de 24 heures, 7 jours sur 7. Le temps d'antenne journalier se partage strictement et équitablement entre deux sociétés distinctes de programmes, LCP-Assemblée nationale et Public Sénat.

Aux termes de l'article 2 de la loi n° 99-1174 du 30 décembre 1999, La Chaîne parlementaire remplit une « mission de service public, d'information, et de formation des citoyens à la vie publique, par des programmes parlementaires, éducatifs et civiques ».

Elle propose donc des programmes diversifiés en diffusant les séances publiques de l'Assemblée nationale et du Sénat en direct ou en différé, des magazines politiques quotidiens, des journaux d'information, des reportages, ainsi que des documentaires. Enfin, elle est également chargée de la retransmission des événements politiques nationaux, européens et internationaux.

En novembre 2016, La Chaîne parlementaire a, par exemple, retransmis les débats des primaires de la droite et du centre, ainsi que les débats des primaires de la gauche en janvier 2017.

Elle a enregistré un pic d'audience, avec plus de 150 000 téléspectateurs pendant la retransmission d'une audition de votre commission des lois le mercredi 19 septembre 2018 20 ( * ) soit une part d'audience de 4,1 % sur l'ensemble de l'audition, avec un pic à 8,9 % selon Médiamétrie.

En termes de contrôle, conformément au principe constitutionnel de séparation des pouvoirs, La Chaîne parlementaire n'est pas soumise à l'autorité de régulation de l'audiovisuel (CSA) mais au contrôle des bureaux de chaque assemblée.

S'agissant de la ligne éditoriale, chacune des deux sociétés de programmes dispose d'une totale indépendance. Leurs présidents, nommés pour trois ans par le Bureau de chaque assemblée sur proposition de son Président, ainsi que leurs conseils d'administration, au sein desquels tous les groupes politiques de l'Assemblée nationale et du Sénat sont représentés en sont garants.

En application de la loi n° 99-1174 du 30 décembre 1999 portant création de La Chaîne parlementaire, « chaque société de programme conclut annuellement avec l'assemblée dont elle relève une convention précisant les modalités d'exécution de sa mission, ainsi que le montant de la participation financière dont elle est dotée par cette assemblée ». Les budgets des deux sociétés de programmes demeurent distincts. Il n'existe pas de mutualisation de certains équipements ou personnels.

Pour 2019, la dotation de l'État à La Chaîne parlementaire LCP-Assemblée nationale serait reconduite à 16 641 162 euros, tandis que celle de Public Sénat serait réduite à 17 648 000 euros (- 2,20 %) , du fait d'économies réalisées sur les frais de diffusion conformément à la convention 2016-2018, ce qui représente en tout une baisse de 1,15 % de la dotation dans son ensemble.

À l'exception d'investissements, qu'ils soient courants ou relatifs à des coproductions, la quasi-totalité de ces crédits correspond à des charges d'exploitation, principalement destinées aux programmes et aux charges salariales.

La Chaîne parlementaire-Assemblée nationale

LCP-Assemblée nationale a pour mission de présenter la diversité du travail quotidien des députés, de rendre compte des débats de société, et de proposer des émissions d'information avec l'analyse d'experts et de politologues. Ainsi, la société de programmes LCP-Assemblée nationale propose plus d'une vingtaine d'émissions à la fois politiques, mais aussi culturelles, tant au niveau local, national, qu'international. En outre, les images des séances publiques de l'Assemblée nationale sont disponibles sur le site www.lcp.fr. Tous les débats sont ainsi retransmis en direct ou en différé, tout au long de la session parlementaire.

En termes d'effectifs, le service de rédaction de LCP-Assemblée nationale est composé de 14 personnes. La société de programmes compte également 4 journalistes présentateurs, 11 journalistes reporters d'images, 4 personnes chargées du web ainsi que 2 documentalistes. Enfin, 14 personnes sont responsables de la production, 2 personnes de la programmation, 2 autres de la technique et 4 de l'antenne. À ce total s'ajoutent 3 personnes chargées de la communication, 4 des aspects administratifs ainsi que les titulaires des différentes fonctions de direction.

Public-Sénat

Parmi ses activités, Public Sénat propose des documentaires relatifs aux débats de société, mais aussi plus d'une trentaine d'émissions ainsi qu'une dizaine d'heures de débats et de magazines par semaine. Plus de 10 000 vidéos à la demande sont également disponibles en rediffusion sur le site internet www.publicsenat.fr. Pour exercer son activité, Public Sénat dispose d'un plateau équipé de 8 caméras et d'une salle de montage situés au Palais du Luxembourg.

En termes d'effectifs, Public Sénat compte 80 collaborateurs, dont 40 journalistes, 9 personnes responsables de l'antenne et de la programmation ou encore 12 en charge de la production et des services support.

III. LES MOYENS RENFORCÉS DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL DEPUIS TROIS ANS

Les crédits alloués au Conseil constitutionnel par le projet de loi de finances pour 2019 s'élèveront à 11,719 millions d'euros, comme en 2018. En 2017, près de 13,697 millions d'euros lui avaient été alloués, avec une enveloppe de 1,977 million d'euros destinée au contrôle spécifique de la régularité de l'élection présidentielle.

S'ils restent élevés et dépassent de 18,1 % le montant de la dotation versée par l'État en 2016, ces crédits s'expliquent par l'importante activité du Conseil constitutionnel, qui a impliqué de « renforcer et professionnaliser les services », et la mobilisation de moyens pour mieux faire connaître son rôle et son action.

A. UNE ACTIVITÉ ENCORE SOUTENUE, EN 2018, AU TITRE DU CONTENTIEUX ÉLECTORAL

En vertu de l'article 58 de la Constitution, « le Conseil constitutionnel veille à la régularité de l'élection du Président de la République (et) examine les réclamations et proclame les résultats du scrutin ». En 2018, il n'a rendu aucune décision à ce titre, l'intégralité du contentieux ayant été épuisée en 2017.

Par ailleurs, conformément à l'article 59 de la Constitution, « le Conseil constitutionnel statue, en cas de contestation, sur la régularité de l'élection des députés et des sénateurs ». Les recours transmis en la matière se multiplient à chaque renouvellement des assemblées parlementaires.

Votre rapporteur ne saurait dresser un bilan complet d'activité de ce contentieux électoral pour 2018 alors que plusieurs contentieux, notamment relatifs à des élections partielles 21 ( * ) , devraient être jugés à la fin du mois de novembre 2018.

Le Conseil constitutionnel devrait à cette date avoir fini de traiter les 659 dossiers relatifs aux élections législatives et les 59 dossiers relatifs aux élections sénatoriales, dont il avait été saisi, soit sous la forme de contestations des élections elles-mêmes, soit sur saisine de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP).

S'agissant du contentieux des élections législatives de juin 2017, le Conseil constitutionnel aura été saisi de 299 réclamations. Il aura statué, au cours de l'été 2017, sur 242 réclamations en faisant application du deuxième alinéa de l'article 38 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, aux termes duquel le Conseil, « sans instruction contradictoire préalable, peut rejeter, par décision motivée, les requêtes irrecevables ou ne contenant que des griefs qui manifestement ne peuvent avoir une influence sur les résultats du scrutin ».

Au terme de cet examen, seules 57 réclamations restaient pendantes, dont 55 ont donné lieu à une instruction contradictoire préalable. Elles ont été jugées entre le second semestre de l'année 2017 et le premier semestre 2018. Chacune de ces réclamations a pu donner lieu à plusieurs décisions individuelles d'inéligibilité.

Sur la seule année 2018, en comptabilisant chaque décision d'inéligibilité prononcée, ce sont environ 630 décisions qui ont été prononcées dans le cadre des élections législatives.

Le Conseil constitutionnel a en outre été saisi de 12 réclamations portant sur les élections sénatoriales de septembre 2017 (contre 18 en 2014), et a prononcé à ce jour un total de 52 décisions, en incluant le contentieux des élections partielles.

B. LE RENFORCEMENT DES MOYENS, CONFIRMÉ EN 2019, POUR MIEUX FAIRE CONNAÎTRE LE RÔLE ET L'ACTION DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

1. Des dépenses de fonctionnement en légère augmentation pour 2019, avec l'objectif de « renforcer et professionnaliser les services »

Le Conseil constitutionnel comptera, au 1 er janvier 2019, 72 collaborateurs rémunérés à titre principal par l'institution auxquels s'ajoutent, à titre occasionnel, des rapporteurs adjoints, un conseiller technique issu de la Cour des comptes, des stagiaires et des collaborateurs temporaires (interprètes, etc. ), ce qui équivaut à un total de 64,4 ETP. Cet effectif, qui fait du Conseil constitutionnel l'une des plus petites cours constitutionnelles d'Europe, est à comparer aux 300 personnes travaillant pour la Cour de Karlsruhe et aux 200 personnes du Tribunal constitutionnel espagnol, même si l'on ne peut totalement établir un parallèle avec l'activité de ces deux instances. L'augmentation des dépenses de personnel lors des derniers exercices doit donc être relativisée.

Le Conseil constitutionnel a remplacé, avec la mise en place de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) en 2010, une partie de ses personnels de catégorie B par des agents de catégorie A, pour adapter ses effectifs aux nouveaux besoins. Cette nouvelle répartition, combinée à la prise en compte de l'ancienneté des personnels permanents et au recours à des personnels occasionnels nécessité par l'accroissement des activités de contrôle électoral, a rendu la hausse des dépenses de personnel inéluctable entre 2010 et 2018. Cette hausse est apparue raisonnable, d'autant qu'elle a partiellement été compensée par des économies sur les autres dépenses de fonctionnement.

Au titre de la professionnalisation des services a été organisée pour la première fois, au cours du premier semestre 2018, une revue des effectifs du Conseil constitutionnel, par statut, par catégorie et par service. Les fiches de poste de l'ensemble des personnels ont été actualisées en s'inspirant des fiches du répertoire interministériel des métiers de l'État. Ont été mis en place un entretien annuel d'évaluation professionnelle des personnels, qu'ils soient contractuels ou fonctionnaires, ainsi qu'un plan de formation 22 ( * ) . Enfin, le secrétariat général a vu son organisation enrichie avec la création d'un service chargé de la communication en février 2018.

Le budget consacré aux membres du Conseil constitutionnel est reconduit à l'identique pour 2019. Parmi les anciens Présidents de la République, membres de droit du Conseil constitutionnel, seul Valéry Giscard d'Estaing y siège actuellement 23 ( * ) . Le projet de loi constitutionnelle pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace, en cours d'examen à l'Assemblée nationale, prévoit la suppression du deuxième alinéa de l'article 56 de la Constitution, aux termes duquel les anciens Présidents de la République « font de droit partie à vie du Conseil constitutionnel » (article 10), tout en prévoyant une exception au bénéfice « des anciens Présidents de la République qui ont siégé au Conseil constitutionnel l'année précédant la délibération en conseil des ministres du projet de la présente loi constitutionnelle » (article 18). Votre rapporteur approuve ces dispositions.

Au total, les dépenses de fonctionnement devraient augmenter de 2,5 % en 2019 (+ 253 000 euros), pour atteindre 10,269 millions d'euros. Cette hausse est gagée à due concurrence par une diminution des dépenses d'investissement.

2. Une diminution à due concurrence des investissements

Le Conseil constitutionnel procède à l'entretien des locaux qu'il occupe dans l'aile Montpensier du Palais Royal.

Un ambitieux programme de travaux a été engagé depuis dix ans, qui a permis l'amélioration de l'accessibilité, le respect des normes de détection des incendies, l'aménagement et la rénovation des locaux.

En 2018, il s'est traduit par la restauration de la salle Montesquieu, au 3 ème étage et des travaux dans le Grand Salon afin de créer une ouverture sur la salle Mounet-Sully de la Comédie-Française.

Les dépenses d'investissement du Conseil constitutionnel devraient être réduites de 253 000 euros en 2019, soit un montant correspondant exactement à la hausse attendue des dépenses de fonctionnement. Ces dépenses permettront en particulier de financer des investissements informatiques et des travaux d'aménagement.

3. L'accentuation des échanges internationaux

Le Conseil constitutionnel a considérablement accentué, depuis deux ans, ses échanges internationaux , ce qui se traduit par des échanges sur l'organisation, le fonctionnement et la jurisprudence des cours constitutionnelles.

Trois principaux cadres d'échanges internationaux ont ainsi été mis en place. Ils donnent chacun lieu à une rencontre annuelle et à des échanges réguliers entre les services : le premier avec la Cour constitutionnelle fédérale allemande de Karlsruhe, le deuxième avec les cours constitutionnelles d'Europe du sud-ouest, le dernier avec les cours constitutionnelles francophones.

Ainsi, les échanges annuels entre le Conseil constitutionnel et la Cour constitutionnelle fédérale allemande de Karlsruhe se sont institutionnalisés et portent notamment sur l'articulation entre les textes nationaux et européens en matière de droits fondamentaux et le bon équilibre entre la sauvegarde de l'ordre public et la garantie des libertés fondamentales dans le cadre de la lutte antiterroriste.

Depuis 2017, le Conseil constitutionnel a, en outre, rejoint le réseau informel des cours constitutionnelles « latines », institué en 1999, qui comprend le Tribunal constitutionnel espagnol, le Tribunal constitutionnel portugais, la Cour constitutionnelle italienne. Il a vocation à se réunir chaque année pour échanger sur un thème juridique d'intérêt commun et sur l'évolution récente des différentes jurisprudences. La France a accueilli cette instance, à Albi, au mois de septembre dernier.

Le Conseil constitutionnel est également membre de l'association des cours constitutionnelles ayant en partage l'usage du français (ACCPUF), dont il a d'ailleurs suscité la création en 1997.

Par ailleurs, le Conseil constitutionnel a intensifié ses liens avec la Conférence des cours constitutionnelles européennes dont il est membre depuis 1987. Créée en 1972, à Dubrovnik, elle réunit actuellement 41 cours constitutionnelles européennes ou institutions analogues qui sont chargées du contrôle constitutionnel des normes.

Il a également adhéré, en 2013, à la Conférence mondiale sur la justice constitutionnelle, qui réunit plus d'une centaine de cours et conseils constitutionnels et cours suprêmes d'Afrique, des Amériques, d'Asie et d'Europe.

Les rencontres bilatérales ont elles aussi été renforcées en 2017 et 2018 24 ( * ) .

Votre rapporteur note la vitalité de ces échanges, a conscience de leur utilité, mais tient à souligner qu'ils doivent s'effectuer dans un cadre budgétaire contraint.

4. Mieux faire connaître le rôle du Conseil constitutionnel
a) La pérennisation d'actions de communication élargies

Diverses actions à destination de publics variés ont été lancées, visant à mieux faire connaître le rôle du Conseil constitutionnel. Il s'agit de diffuser son action auprès d'un public plus large que les seuls juristes. Ces opérations ont vocation à rappeler aux citoyens le rôle fondamental que jouent les cours constitutionnelles, en France comme ailleurs, dans la préservation des garanties fondamentales et des libertés individuelles. Votre rapporteur est convaincu qu'il s'agit là d'une action qui va bien au-delà de la simple communication et qu'il est essentiel que les citoyens aient une meilleure connaissance de la Constitution de leur pays.

La première édition de la Nuit du droit sur le seul site du Conseil constitutionnel le 4 octobre 2017 avait rencontré un réel succès, avec l'accueil de plus de 1 200 personnes au Conseil constitutionnel et des débats retransmis en direct sur le site Internet dédié (www.lanuitdudroit.fr) 25 ( * ) . Les thèmes abordés lors de la première édition, comme le « droit du travail », l'« environnement et le droit », les « libertés publiques » ou encore une conférence sur l'« intelligence artificielle » avaient permis de cibler un public plus varié qu'à l'accoutumée.

La seconde édition, le 4 octobre 2018, jour du soixantième anniversaire de la Constitution de la V ème République, a donné lieu à l'organisation de 125 événements (reconstitutions de procès, concours d'éloquence, débats, pièces de théâtre, tables rondes) dans plus de 60 villes, réunissant 40 000 participants.

Par ailleurs, un concours, intitulé « Découvrons notre Constitution » , en direction de jeunes scolaires , a également été lancé, pour la première fois le 23 août 2016, et reconduit depuis, avec pour objectif de sensibiliser les jeunes élèves de France à la Constitution et aux grands principes de la République, notamment les droits et libertés que la Constitution garantit.

La remise des prix de la première édition, le 7 mars 2017, a été l'occasion de souligner la mobilisation de 1 300 élèves, portant une cinquantaine de projets, sur l'ensemble du territoire. La deuxième édition, au cours de laquelle les élèves du cycle 3 (CM1, CM2, 6 ème ) et du cycle 4 (5 ème , 4 ème et 3 ème ) ont été invités à participer, a confirmé la forte implication du corps enseignant dans la démarche initiée par le Conseil constitutionnel et le ministère de l'Éducation nationale. On retiendra symboliquement que, parmi les lauréats, figuraient une unité pédagogique pour élèves allophones du collège Toulouse Lautrec de Toulouse et des élèves de section d'enseignement général et professionnel adapté du collège Les Étines du Coteau (académie de Lyon).

Toujours pour favoriser un rapprochement des citoyens, le Conseil constitutionnel a décidé de moderniser, depuis 2016, le mode de rédaction de ses décisions . L'objectif est de simplifier la lecture de ses décisions , ce qui conduit par exemple à ne plus utiliser de « Considérant » au début de chaque paragraphe, et d'en approfondir la motivation. Cette nouvelle méthode de travail a été initiée à l'occasion des deux décisions QPC rendues publiques le 10 mai 2016 26 ( * ) et a été maintenue depuis. Le Conseil constitutionnel a en outre instauré depuis trois ans un rapport annuel d'activité .

Le Conseil constitutionnel publie également sur son site Internet, depuis février 2017, la liste des « contributions extérieures » qui lui sont soumises à l'occasion d'une saisine sur le fondement de l'article 61 de la Constitution. Cet article permet au Président de la République, au Premier ministre, aux présidents des assemblées ou à 60 députés ou 60 sénateurs de saisir le Conseil constitutionnel d'une loi adoptée par le Parlement afin qu'il examine sa validité au regard de la Constitution avant qu'elle ne soit promulguée.

Au cours de cette procédure, le Conseil peut recevoir des « contributions extérieures », qualifiées en 1991 de « portes étroites » par le doyen Vedel, permettant à des professeurs de droit, à des professionnels mais aussi à des citoyens d'appeler l'attention du Conseil constitutionnel sur une question de droit précise. Le Conseil demeure souverain dans l'acceptation et l'utilisation des « portes étroites » mais la publication de la liste des « portes étroites » qui lui sont soumises à l'occasion d'un contrôle a priori de constitutionnalité participe d'un mouvement plus général de renforcement de la traçabilité de la norme. Votre rapporteur s'interroge sur l'éventuelle publicité du contenu de ces contributions extérieures. Le juge administratif ayant été saisi, il ne s'agit nullement de se prononcer, à ce stade, sur le fond. Toutefois, il s'agira dans tous les cas d'opérer un arbitrage dans la conciliation de deux principes : la traçabilité et l'indépendance des décisions rendues, d'une part, et le fait que ces contributions extérieures ne constituent en aucune manière des pièces de la procédure, d'autre part. En outre, une publicité systématique des contributions extérieures pourrait entraîner leur multiplication et exposer le Conseil constitutionnel à davantage de pression, ce qui n'est sans doute pas le but recherché par ceux qui en demandent la publication. Dès lors, la situation actuelle qui consiste à publier simplement le titre, l'objet et l'auteur des textes reçus paraît présenter de réels avantages dans la mesure où rien n'interdit de saisir l'auteur de la contribution pour qu'il décide de transmettre ou non un document dont le contenu, après tout, lui appartient.

b) La présence dématérialisée active du Conseil constitutionnel

Le Conseil constitutionnel est présent par voie dématérialisée à la fois à travers son site Internet, par le biais d'une application mobile et au travers des réseaux sociaux. S'ils peuvent, de prime abord, paraître anecdotiques en matière constitutionnelle, il ne faut pas négliger l'impact que ces dispositifs ont auprès des publics non juristes tout autant concernés au quotidien par les décisions rendues par le Conseil constitutionnel.

Votre rapporteur ne dispose pas encore des chiffres de fréquentation du site pour 2018, après l'accroissement significatif constaté en 2017 où un record de fréquentation avait été enregistré, correspondant à la fois aux pics constatés lors des années électorales et à la consultation des sites Internet des administrations publiques au sens large. Toutefois, la nouvelle interface du site Internet apparaît plus attractive et facilite les recherches des internautes.

S'agissant de la sécurité du site Internet du Conseil constitutionnel, une nouvelle infrastructure a été déployée en juin 2017, en prélude au déploiement d'une nouvelle version du site à la fin juillet 2019. Elle se compose de trois environnements distincts, c'est-à-dire trois niveaux successifs de sécurité qui peuvent être activés selon les types d'attaque. Pour vérification de la solidité de ce nouveau dispositif, ce nouveau site Internet est lui-même actuellement en cours d'expertise par une société spécialisée labellisée par l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI). Deux phases sont programmées : la première consiste en des tentatives d'accès « à l'aveugle », au même titre, qu'un attaquant et la seconde comprend un audit sur l'architecture des trois environnements.

Le Conseil constitutionnel a décidé de développer une application pour Smartphone depuis 2017. Cette application permet non seulement de garantir aux utilisateurs un affichage effectivement compatible avec leur support mobile, mais également de recevoir en temps réel des notifications. L'application mobile a fait l'objet de près de 3 000 téléchargements, ce qui est sans doute perfectible.

Enfin, le Conseil constitutionnel communique via les réseaux sociaux : son compte Twitter , par exemple, compte près de 112 000 abonnés 27 ( * ) . Toutes ces actions ont été développées à la suite de la mise en place, en février 2018 d'un service de la communication, par redéploiement interne.

C. UN NIVEAU D'ACTIVITÉ QUI DEMEURE SOUTENU DEPUIS 2010 EN RAISON DU SUCCÈS DE LA QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITÉ QUI NE SE DÉMENT PAS

La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 28 ( * ) et la loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009 relative à l'application de l'article 61-1 de la Constitution ont rendu possible, à compter du 1 er mars 2010, la saisine a posteriori du Conseil constitutionnel par tout justiciable estimant qu'une disposition législative en vigueur porte atteinte aux droits et libertés constitutionnellement garantis.

Entre la première décision rendue, le 28 mai 2010, et le 16 novembre 2018, 744 décisions issues d'une question prioritaire de constitutionnalité ont été rendues , soit 4,5 fois plus que les décisions résultant d'une saisine a priori du Conseil sur la même période. Si l'on exclut les années 2010 et 2011 qui ont vu le lancement de la procédure, et qui, à ce titre, ne peuvent être considérées comme représentatives, le Conseil rend depuis six ans entre 60 et 80 décisions de ce type chaque année. Le Conseil constitutionnel rend ses décisions QPC dans un délai moyen de 74 jours (contre 78 jours en 2017), conformément au délai de trois mois fixé par la loi organique du 10 décembre 2009, malgré la hausse en parallèle, depuis dix ans, des décisions DC rendues à l'issue de saisines a priori . Ce délai peut être tenu parce qu'un certain nombre de règles sont scrupuleusement respectées : délai maximal des plaidoiries de 15 minutes, refus systématique des reports d'audience, etc.

Sur le plan statistique, votre rapporteur constate 29 ( * ) qu'il n'existe pas d'écart significatif dans les transmissions des QPC selon qu'elles émanent du Conseil d'État ou de la Cour de cassation.

La supposée réticence de la Cour de cassation à transmettre les QPC au Conseil constitutionnel entre 2010 et 2012 ne se vérifie plus. Certes, le nombre de QPC soulevées en 2016 devant le juge judiciaire, pour des raisons conjoncturelles, ayant été particulièrement important, l'activité en 2017 est revenue à un niveau plus proche des années antérieures. La Cour de cassation a ainsi transmis 28 QPC au Conseil constitutionnel en 2017, pour un total de 257 décisions rendues, soit, en valeur brute, un taux de transmission de 11 %. La seule évolution notable en la matière concerne la nature des contentieux faisant l'objet d'une QPC : depuis deux ans, la matière civile entraîne un nombre de QPC plus important que la matière pénale.

S'agissant des juridictions administratives, les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel ont rendu 751 décisions QPC, transmettant au Conseil d'État 54 décisions de ce type. Si l'on tient compte des 3 QPC en provenance des juridictions administratives spécialisées et surtout des 201 QPC introduites à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'État, ce sont en tout 258 QPC qui ont été enregistrées devant le Conseil d'État dont 238 ont pu être traitées et 54 renvoyées devant le Conseil constitutionnel, soit un taux brut de transmission de 22 %.

Ces taux bruts de transmission au Conseil constitutionnel par la Cour de cassation et par le Conseil d'État ne correspondent pas exactement aux chiffres de transmission retenus par le Conseil constitutionnel, ce dernier retraitant à juste titre les données pour tenir compte de l'appariement entre dossiers connexes.

Lors de son audition 30 ( * ) par votre rapporteur, le président du Conseil constitutionnel a insisté sur la nécessité de passer à une nouvelle étape. Il a ainsi indiqué qu'il envisageait de dresser un bilan plus complet de la QPC en 2020, à l'occasion des dix ans du mécanisme. Il s'agira de dresser une typologie de la QPC. D'un point de vue juridique, la QPC est largement analysée. Autrement dit, le mécanisme de filtre, tout en limitant les manoeuvres dilatoires, permet aux justiciables de voir leurs droits fondamentaux garantis par le Conseil constitutionnel.

Ce dernier souhaiterait aller plus loin en analysant de manière plus approfondie à cette occasion les caractéristiques au sens large de la QPC : Dans quelle mesure les avocats encouragent-ils leurs clients à y recourir ? Existe-t-il des zones géographiques plus enclines à soulever des QPC ? Pourquoi le contentieux en matière fiscale donne-t-il lieu à un nombre de QPC si important alors que le droit du travail, par exemple, entraîne moins de QPC ? Le président du Conseil constitutionnel a indiqué à votre rapporteur lors de son audition qu'il « souhaite vérifier jusqu'à quel point la QPC est devenue ce qu'on peut appeler une « question citoyenne », et s'il y a des améliorations à envisager. »

IV. LA COUR DE JUSTICE DE LA RÉPUBLIQUE : UNE INSTITUTION À L'AVENIR INCERTAIN

A. UNE JURIDICTION CHARGÉE DE JUGER LES CRIMES ET DÉLITS COMMIS PAR LES MEMBRES DU GOUVERNEMENT DANS L'EXERCICE DE LEURS FONCTIONS

Instaurée par la révision constitutionnelle du 27 juillet 1993, la Cour de justice de la République (CJR) est compétente pour juger les crimes et délits commis par les membres du Gouvernement dans l'exercice de leurs fonctions 31 ( * ) . Composée de 15 juges , répartis entre 12 parlementaires (6 députés, 6 sénateurs et autant de suppléants désignés par leurs assemblées respectives, lors de chaque renouvellement) et 3 magistrats du siège de la Cour de cassation , elle est présidée par l'un des magistrats.

Une commission des requêtes , composée de 3 magistrats du siège hors hiérarchie de la Cour de cassation, de deux conseillers d'État et de 2 conseillers maîtres à la Cour des comptes, reçoit les plaintes des personnes s'estimant lésées par un crime ou un délit commis par un membre du Gouvernement dans l'exercice de ses fonctions. Elle peut classer la plainte ou la transmettre au procureur général près la Cour de cassation pour saisine de la CJR. Le procureur général près la Cour de cassation peut également saisir directement la CJR après avis conforme de la commission des requêtes.

La commission d'instruction , composée de 3 membres titulaires et de 3 membres suppléants, conseillers à la Cour de cassation, procède à toutes les mesures d'investigation jugées utiles. Elle peut requalifier les faits. À l'issue de son instruction, elle peut décider qu'il n'y a pas lieu à poursuivre ou décider le renvoi devant la Cour de justice de la République. Sa décision peut faire l'objet d'un pourvoi devant la Cour de cassation.

La Cour de justice de la République vote sur la culpabilité, à la majorité absolue, par bulletins secrets. Sa décision peut également faire l'objet d'un pourvoi devant la Cour de cassation qui doit alors statuer dans un délai de trois mois.

B. UNE JURIDICTION À L'ACTIVITÉ PERMANENTE

Le faible nombre des procès (avant le procès de Mme Christine Lagarde en décembre 2016, le précédent s'était tenu en avril 2010 avec la jonction des trois procédures concernant M. Charles Pasqua) ne constitue que la partie émergée de l'iceberg : chaque année, au moins une quarantaine de requêtes est instruite par la commission des requêtes, ce nombre n'incluant pas les requêtes immédiatement déclarées irrecevables que le secrétariat général de la Cour traite directement. Concrètement, presque chaque semaine, au moins une requête concernant un membre du Gouvernement ou un ancien membre du Gouvernement est examinée par la Cour. Les décisions rendues par la commission des requêtes le sont en moyenne en deux mois. Elles sont portées à la connaissance des requérants et ne sont pas susceptibles de recours. Depuis le début de l'année 2018, 17 requêtes, mettant en cause à 14 reprises un membre du Gouvernement en exercice ont été transmises.

Évolution de l'activité de la Cour de justice de la République

2015

2016

2017

Nombre de plaintes enregistrées

42

74

41

Nombre de membres du Gouvernement concernés

88

153

95

Dont nombre de membres du Gouvernement en exercice

13

106

46

Depuis sa création, et au 1 er septembre 2018, la commission des requêtes a été saisie de 1 460 plaintes, de particuliers ou d'associations, et a émis 42 avis favorables à la saisine de la commission d'instruction, soit un taux de saisine de la commission d'instruction, hors requêtes immédiatement déclarées irrecevables, de seulement 2,88 %. Votre rapporteur en déduit, d'une part, que de nombreuses requêtes n'avaient sans doute pas vocation à prospérer sérieusement et, d'autre part, que la Cour de justice de la République joue pleinement son rôle de filtre.

Les 42 saisines de la commission d'instruction se sont traduites par l'ouverture de 16 informations : 7 affaires ont donné lieu à un arrêt de renvoi devant la formation de jugement, 5 se sont terminées par un non-lieu, une a donné lieu à un arrêt d'incompétence, une a pris fin par un arrêt constatant l'extinction de l'action publique et deux affaires sont actuellement examinées par la commission d'instruction : une affaire, dite « Karachi », composée de deux dossiers, et l'autre concernant M. Jean-Jacques Urvoas, ancien garde des sceaux, ministre de la justice. La formation de jugement de la Cour de justice de la République s'est réunie à six reprises pour juger huit personnes et a prononcé trois relaxes, une déclaration de culpabilité avec dispense de peine, un renvoi et deux condamnations.

Le rythme de travail de la Cour de justice de la République est, par définition, imprévisible et très variable. Le nombre de requêtes reçues et le stock à traiter varient donc considérablement d'une année sur l'autre. Les trois années les plus chargées, s'agissant des requêtes reçues, ont été respectivement 1994 (234 requêtes reçues), 2005 (97) et 1996 (89), tandis que 2010 (18), 2007 (26), 2009 (30), et probablement l'année 2018 si la tendance se confirme, ont fait l'objet d'un nombre de requêtes reçues moins important. Toutefois, l'activité en 2018 est plus importante qu'il n'y paraît puisque deux avis favorables ayant donné lieu à saisine de la commission d'instruction ont été émis.

La hausse des saisines depuis 2013, en particulier en 2016, est probablement pour partie liée à la volonté de déplacer des contentieux du terrain de l'opportunité politique vers le terrain judiciaire. Cela explique que les requêtes visant des membres du Gouvernement en fonction ont considérablement augmenté. À titre d'exemple, plusieurs requêtes ont visé le Premier ministre et le ministre de l'intérieur concernant les conditions de travail des fonctionnaires de police, ce qui se confirme pour l'année en cours.

Enfin, compte tenu de la notification de l'avis de fin de procédure prononcée dans le dossier mettant en cause M. Jean-Jacques Urvoas, la formation de jugement pourrait se réunir au cours du premier semestre 2019 si une décision de renvoi était prononcée.

C. UNE JURIDICTION AUX MOYENS MAÎTRISÉS ET À L'AVENIR INCERTAIN

Plus de la moitié des dépenses de la Cour de justice de la République correspondent à des frais immobiliers . Bien que ce loyer pèse lourdement sur le budget de l'institution, les perspectives sont plus satisfaisantes depuis la renégociation de son loyer par la Cour.

S'il est toujours question que la Cour de justice de la République occupe des locaux libérés par le tribunal de grande instance de Paris sur l'île de la Cité, à présent que ce dernier a emménagé sur le site des Batignolles, afin d'être située à proximité immédiate de la Cour de cassation dont est issu son personnel permanent, cette question est suspendue au devenir même de la juridiction. En effet, l'article 13 du projet de loi constitutionnelle pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace, en cours d'examen par l'Assemblée nationale, vise à supprimer la compétence, et donc l'existence, de la Cour de justice de la République pour juger la responsabilité pénale des membres du Gouvernement dans l'exercice de leurs fonctions. Toutefois, la suppression de la Cour de justice de la République n'entraînerait pas une extinction immédiate des dépenses à engager (nécessité de respecter un préavis de six mois en cas de résiliation du contrat locatif de l'immeuble du 21, rue de Constantine, et de divers autres contrats...).

Pour 2019, tous les postes sont reconduits, grâce à une gestion rigoureuse des charges de fonctionnement.

Le tableau ci-dessous récapitule les charges budgétées en lois de finances initiales pour la Cour de justice de la République depuis 2015 :

2015

2016

2017

2018

2019 (prévisionnel)

Loyer et charges locatives

453 000

453 000

453 000

453 000

453 000

Indemnités des magistrats

135 000

135 000

135 000

135 000

135 000

Autres charges de fonctionnement

132 000

132 000

132 000

132 000

132 000

Frais de justice

70 000

70 000

70 000

70 000

70 000

Éventuels frais de procès

71 500

71 500

71 500

71 500

71 500

Total

861 500

861 500

861 500

861 500

861 500

Source : Cour de justice de la République

Que coûte un éventuel procès devant la Cour de justice de la République ?

La Cour évalue à 71 500 euros environ le coût total du procès d'un membre du Gouvernement ou d'un ancien membre du Gouvernement. Ce montant couvre principalement les frais de justice, les indemnités dues aux assesseurs et aux magistrats parlementaires, l'installation des systèmes de sécurité, les divers aménagements matériels, les frais de location de robe et les frais de restauration sur place pour éviter tout contact pendant le procès entre la formation de jugement et l'extérieur. Cette évaluation s'est révélée pertinente lors du déroulement du dernier procès en décembre 2016 et doit être reconduite pour 2019 dans l'hypothèse où se tiendrait une audience après renvoi devant la formation de jugement.

S'agissant de l'exécution du budget en 2017, 181 706,83 euros n'ont pas été consommés, soit 21,10 % de la dotation, d'une part, en raison de l'absence de procès (les 71 500 euros ouverts à ce titre n'ont donc pas été utilisés), d'autre part , en raison des économies réalisées sur les frais de justice et les frais de fonctionnement courant (pour un montant de 110 206,83 euros). Cet excédent de 181 706,83 euros a été reversé à l'État. La même situation semble se dessiner depuis le début de l'exercice 2018.

*

* *

Au bénéfice de ces observations, votre commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Pouvoirs publics » inscrits au projet de loi de finances pour 2019.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
ET DES DÉPLACEMENTS EFFECTUÉS

Présidence de la République (déplacement effectué le 19 novembre 2018)

M. Patrick Strzoda , préfet, directeur de cabinet

M. Jérôme Rivoisy , directeur général des services, directeur adjoint de cabinet

Mme Patricia Jannin , cheffe du service des ressources humaines et des finances

Conseil constitutionnel (déplacement effectué le 19 novembre 2018)

M. Laurent Fabius , président

M. Jean Maia , secrétaire général

CONTRIBUTION ÉCRITE

Cour de Justice de la République

M. Jean-Baptiste Parlos , président

M. Claude Soulier , secrétaire général


* 1 Le compte rendu de cette réunion est consultable à l'adresse suivante :

http://senat.fr/compte-rendu-commissions/lois.html

* 2 Conseil constitutionnel, décision n° 2001-448 DC du 25 juillet 2001, LOLF.

* 3 Conseil constitutionnel, décision n° 2001-448 DC du 25 juillet 2001, LOLF.

* 4 Cour des comptes, rapport de certification des comptes et de la gestion des services de la présidence de la République pour l'exercice 2017. Ce rapport peut être consulté à l'adresse :

https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/2018-07/20180724-comptes-gestion-presidence-republique_0.pdf

* 5 Entretien effectué le 19 novembre 2018 à la présidence de la République.

* 6 À la suite des mouvements de personnels résultant de l'élection présidentielle de 2017, un nombre important de collaborateurs sortants a souhaité bénéficier de l'allocation chômage d'aide au retour à l'emploi (ARE) qui peut durer jusqu'à deux ans, les administrations finançant l'ARE sur leur propre budget.

* 7 Cette réorganisation avait été évoquée par votre rapporteur dans son avis l'an dernier.

* 8 Les services de la présidence de la République ont fait savoir à votre rapporteur pour avis que « l'ensemble du personnel a été convié à une session plénière le 20 novembre 2018 qui a permis de partager l'état des lieux, de présenter le plan de transformation et d'échanger sur le projet de future organisation à travers des questions-réponses ».

* 9 Cette note aligne les conditions et les modalités de règlement des frais de déplacements temporaires des personnels civils à la charge des budgets des services de la présidence de la République sur ceux de l'État prévu par le décret n°2006-781 du 3 juillet 2006 fixant les conditions et les modalités de règlement des frais occasionnés par les déplacements temporaires des personnels civils de l'État.

* 10 Cour des comptes, rapport n° S 2017-1573 du 11 mai 2017 - Comptes et gestion des services de la présidence de la République.

* 11 Le recours aux AUG devrait entraîner une majoration de 300 000 euros des frais de transport aérien militaire.

* 12 S'agissant de la sécurité des personnes, l'effectif du groupe de sécurité de la présidence de la République (GSPR) a été augmenté en 2018 de 14 équivalents temps plein, pour atteindre 77. L'effectif était tombé de 89 fonctionnaires en 2011 à 63 en 2017 et ne permettait plus au GSPR, dans un contexte d'insécurité toujours très élevée, d'exercer ses missions dans des conditions optimales.

* 13 Lors de son audition l'année dernière par votre rapporteur, M. Patrick Strzoda, préfet, directeur de cabinet du Président de la République, avait souligné que le blindage d'un véhicule revenait à environ 800 000 euros, en plus du coût d'acquisition dudit véhicule.

* 14 Il convient de rappeler qu'un statut des conjoints des anciens chefs de l'État avait été défini dès 1985, par une lettre du Premier ministre de l'époque établissant le statut des anciens présidents de la République, mesure qui a été réformée par le décret n° 2016-1302 du 4 octobre 2016 relatif au soutien matériel et en personnel apporté aux anciens présidents de la République.

* 15 Cour des comptes, rapport sur les comptes et la gestion des services de la présidence de la République (exercice 2017). Ce rapport peut être consulté à l'adresse suivante :

https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/2018-07/20180724-comptes-gestion-presidence-republique_0.pdf

* 16 La vigilance de l'agent de licence a permis d'éviter que soient commercialisés dans une boutique de la présidence de la République des produits qui ne respectaient pas une indication géographique, en l'espèce des produits en porcelaine présentée comme émanant « de Limoges » et qui ont été, une fois l'erreur relevée, mais avant leur commercialisation, rebaptisés avec la mention « porcelaine de France ». À la suite du manquement de la société en question, la présidence de la République a décidé de travailler avec un nouveau fournisseur labellisé « Entreprise du patrimoine vivant ».

* 17 Il s'agit d'une édition spéciale d'une montre de la marque Lip avec un bracelet tricolore.

* 18 Cour des comptes, rapport sur les comptes et la gestion des services de la présidence de la République (exercice 2017), page 32.

* 19 Les produits budgétaires regroupent les ventes de produits et services réalisés par le Sénat (principalement les revenus des immeubles loués, les redevances annuelles de gestion versées par les caisses autonomes de sécurité sociale et de retraites).

* 20 Audition organisée dans le cadre de la mission d'information de la commission des lois, dotée par le Sénat des prérogatives d'une commission d'enquête, sur les conditions dans lesquelles des personnes n'appartenant pas aux forces de sécurité intérieure ont pu ou peuvent être associées à l'exercice de leurs missions de maintien de l'ordre et de protection de hautes personnalités et le régime des sanctions applicables en cas de manquements.

* 21 10 élections législatives partielles ont été organisées en 2018, même si toutes n'ont pas donné lieu à des contentieux.

* 22 Ce plan de formation des personnels du Conseil constitutionnel est pour partie conventionné avec l'Institut de la gestion publique et du développement économique (IGPDE) et le ministère de l'intérieur.

* 23 Jacques Chirac n'y siège plus depuis mars 2011, Nicolas Sarkozy depuis janvier 2013 et François Hollande n'a pas souhaité y siéger.

* 24 Depuis 2017, le président du Conseil constitutionnel a accueilli plusieurs de ses homologues des cours constitutionnelles de l'Union européenne (Belgique, Suisse, Allemagne, Espagne, Lettonie, République tchèque...) ou de l'espace francophone (Canada, Mali, Algérie...).

* 25 Le site Internet avait fait l'objet de 15 118 visites, 69 373 pages vues et 24 894 pages vues uniques. Cet événement a été relayé sur les réseaux sociaux avec, par exemple, 183 423 destinataires des tweets.

* 26 Décisions n os 2016-539 QPC et 2016-540 QPC.

* 27 À titre de comparaison, l'Assemblée nationale compte 238 000 abonnés, le Sénat 400 000 et l'Élysée 2,14 millions.

* 28 L'article 61-1 de la Constitution dispose que « lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé ».

* 29 Sur le fondement du rapport annuel d'activité du Conseil d'État, du rapport annuel d'activité de la Cour de cassation et des éléments fournis à votre rapporteur par les services du Conseil constitutionnel.

* 30 Audition de M. Laurent Fabius, président du Conseil constitutionnel, le lundi 19 novembre 2018.

* 31 Articles 68-1 et 68-2 de la Constitution.

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