C. UN RECENTRAGE DRASTIQUE DES SERVICES DÉCONCENTRÉS DE L'ÉTAT EN CHARGE DU DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE, NE DISSIPANT PAS L'INTERROGATION RÉCURRENTE SUR LEUR RÔLE

À l'instar de nombreux acteurs locaux, votre rapporteur s'interroge de façon récurrente sur la valeur ajoutée, au niveau local, des services des pôles 3E des DIRECCTE consacrés au développement économique, compte tenu de leurs moyens d'action très limités 58 ( * ) et de la montée en puissance des régions dans ce domaine. L'année dernière, il appelait d'ailleurs à une réflexion de fond sur leur évolution, compte tenu de la baisse régulière de leurs effectifs, alors que d'autres acteurs se réforment et se coordonnent dans les territoires et sont aujourd'hui plus dynamiques. Il indiquait que la question de la présence économique territoriale de l'État reste plus que jamais posée , car il n'est plus qu'un interlocuteur parmi d'autres et ne bénéficie plus de la même légitimité qu'auparavant, et qu' un nouveau modèle d'action économique locale doit être mis en place, autour de la région .

Or, la DGE connaîtra en 2019 une importante restructuration de ses services déconcentrés , au sein des pôles 3E des DIRECCTE, correspondant à une réduction drastique des effectifs, représentant 300 emplois sur un effectif total de 420 aujourd'hui relevant de la DGE. Selon les représentants de la DGE entendus par votre rapporteur, il s'agit de tirer les conséquences de la montée en puissance du rôle des régions en matière de développement économique et d'accompagnement des entreprises et du manque de lisibilité résultant du trop grand nombre d'acteurs intervenant en la matière dans les territoires . Votre rapporteur ne peut que se féliciter d'une telle évolution, qui traduit enfin les recommandations qu'il formule depuis plusieurs années.

Dans un premier temps, en effet, après l'adoption de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, l'État n'avait pas voulu remettre en cause les missions de ses services déconcentrés en matière d'accompagnement des entreprises. Désormais, alors que les régions commencent à mettre en oeuvre les SRDEII et compte tenu de la contrainte budgétaire, le Gouvernement a considéré qu'il fallait recentrer les missions des services déconcentrés, dans une dimension plus stratégique et dans la recherche d'une complémentarité avec les régions, pour éviter les doublons et remédier au défaut de coordination avec la multiplicité des acteurs de l'accompagnement des entreprises, qui eux-mêmes se réorganisent, par exemple les chambres de commerce et d'industrie ou Business France.

Le document publié par le Gouvernement à l'occasion de la réunion du comité interministériel de la transformation publique le 29 octobre 2018 indique d'ailleurs expressément que le ministère de l'économie et des finances a « engagé le recentrage de son action de soutien et d'accompagnement des entreprises, via une refonte de son réseau territorial, prenant acte du développement de la compétence de développement économique des régions » 59 ( * ) .

Cette réduction drastique des effectifs correspond à un recentrage sur trois missions jugées fondamentales pour l'État : la déclinaison de la politique nationale de soutien aux filières industrielles stratégiques, l'accompagnement des entreprises en difficulté et le soutien à l'innovation. Les emplois supprimés concernent le tourisme, le commerce, l'artisanat et les services.

Pour autant, cette réforme du champ de compétence des pôles 3E des DIRECCTE ne va pas complètement mettre fin aux risques de chevauchements ou au défaut de coordination. En effet, le soutien à l'innovation fait partie des missions des régions, au travers des SRDEII, et les régions peuvent également accompagner les entreprises en difficulté et apporter un soutien aux filières stratégiques sur leur territoire, de sorte que des doublons pourront subsister entre les services de l'État et les autres acteurs. Votre rapporteur estime donc que la recherche de complémentarité et de coordination devra se poursuivre .

Ainsi, au niveau déconcentré, l'État ne peut certes pas se désintéresser du sort des entreprises en difficulté. Par une circulaire du 20 juin 2018 60 ( * ) , le ministre de l'économie et des finances a précisé le dispositif d'accompagnement de ces entreprises par les services de l'État : les commissaires au redressement productif, renommés commissaires aux restructurations et à la prévention des difficultés des entreprises, doivent « prioritairement se focaliser sur les entreprises industrielles de plus de 50 salariés » - celles de plus de 400 salariés relevant de la compétence du comité interministériel de restructuration industrielle au niveau national. Rattachés aux préfets de région et placés au sein des DIRECCTE, en s'appuyant sur les agents des pôles 3E, les commissaires ont pour vocation de mobiliser l'ensemble des acteurs nationaux et locaux en vue d'accompagner les entreprises en difficulté, notamment les comités départementaux d'examen des problèmes de financement des entreprises (CODEFI).

D'un autre côté, le législateur a spécifiquement prévu que la région pouvait accorder des aides à des entreprises en difficulté, pouvant prendre la forme de prestations de services, de subventions, de bonifications d'intérêts, de prêts et d'avances remboursables 61 ( * ) . En outre, la région peut mettre en place des dispositifs plus larges d'accompagnement de ces entreprises, d'autant que celles de moins de 50 salariés ne sont pas la priorité pour les services de l'État.

Cette profonde réorganisation ne dispense pas, selon votre rapporteur, de s'interroger sur le maintien même de services déconcentrés spécifiques sur la question de l'accompagnement des entreprises dans les territoires, compte tenu des autres acteurs existants, en dehors des commissaires aux restructurations et à la prévention des difficultés des entreprises.

S'agissant des agents concernés par cette restructuration, ils pourront présenter leur candidature sur les 120 emplois restant au 1 er janvier 2019 ou être accompagnés pour trouver d'autres postes, le cas échéant dans les services des régions ou dans d'autres services de l'État, tout en bénéficiant d'une garantie de rémunération pendant six ans en cas de changement de poste. La DGE espère parvenir dans l'année 2019 à ce redéploiement concernant 300 agents.

Une telle évolution, positive en termes de rationalisation des acteurs, suppose également de veiller à la question du financement de l'exercice de leurs compétences par les régions. À cet égard, les représentants de Régions de France entendus par votre rapporteur se sont inquiétés d'un « transfert masqué » de compétences vers les régions. Une telle question excède toutefois le champ du présent rapport. Plus largement, les représentants de Régions de France ont fait part de leur inquiétude quant au cumul des réorganisations des services de l'État, des chambres de commerce et d'industrie et de Business France et à leurs effets négatifs potentiels sur les régions. En tout état de cause, la réforme des DIRECCTE n'a pas donné lieu à une concertation préalable avec les régions, ce que déplore votre rapporteur, témoignant du manque habituel de coordination entre les services de l'État et les régions et autres acteurs locaux.

Il faudra apprécier, le moment venu, si cette réorganisation contribue à une clarification effective et suffisante des responsabilités respectives de l'État et des régions en matière d'accompagnement des entreprises.

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Compte tenu de ces observations, votre commission des lois a émis un avis favorable à l'adoption des crédits du programme « Développement des entreprises et régulations » de la mission « Économie » inscrits au projet de loi de finances pour 2019.


* 58 Ces services ne disposent plus de crédits d'intervention à attribuer.

* 59 Ce document est consultable à l'adresse suivante :

https://www.gouvernement.fr/sites/default/files/document/document/2018/10/action_publique_2022_-_notre_strategie_pour_la_transformation_de_laction_publique_-_29_octobre_2018.pdf

* 60 Cette circulaire est consultable à l'adresse suivante :

http://circulaire.legifrance.gouv.fr/pdf/2018/06/cir_43697.pdf

* 61 Article L. 1511-2 du code général des collectivités territoriales. Les modalités de versement des aides et les mesures qui en sont la contrepartie font l'objet d'une convention entre la région et l'entreprise. Les communes et leurs groupements peuvent participer au financement de ces aides dans le cadre d'une convention passée avec la région.

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