III. LE NOUVEAU TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS : UN PREMIER BILAN NUANCÉ

A. LE CONTEXTE DE L'OPÉRATION ET LE RECOURS AU CONTRAT DE PARTENARIAT PUBLIC-PRIVÉ

Annoncée le 29 avril 2009 par le Président de la République de l'époque, la construction du nouveau palais de justice de Paris sur le site des Batignolles (17 ème arrondissement) visait à répondre à la saturation des locaux du palais de justice historique situé sur l'île de la Cité, et à mettre fin à l'éclatement des services du tribunal de grande instance de Paris jusqu'alors éparpillés sur six sites différents. Elle s'est accompagnée d'une relocalisation des services de la police judiciaire dépendant de la préfecture de police de Paris.

Pour la réalisation de ce projet, le ministère de la justice a choisi de recourir à un contrat de partenariat public-privé (PPP) sur le fondement des critères de complexité et d'urgence de l'opération 49 ( * ) . L'évaluation préalable de ce contrat estimait également que le contrat de partenariat était économiquement plus avantageux que le recours à un marché de conception-réalisation sous maîtrise d'ouvrage publique. Le recours à un contrat de PPP, qui a fait l'objet de plusieurs recours administratifs, a été validé par le Conseil d'État 50 ( * ) .

Comme l'indique le rapport de la Cour des comptes sur la politique immobilière du ministère de la justice publié en décembre 2017, l'objectif des pouvoirs publics était de trouver un « financement qui limite les besoins immédiats en [autorisations d'engagement] et [crédits de paiement] » 51 ( * ) .

Le contrat de partenariat public-privé

« Le contrat de partenariat est un contrat administratif global, qui autorise une personne publique - ou une personne privée chargée d'une mission de service public - à confier à un tiers une mission globale incluant, d'une part le financement d'un ouvrage, sa construction ou sa transformation, d'autre part son entretien, son exploitation, sa maintenance, sa gestion et, le cas échéant, d'autres prestations de services concourant à l'exercice, par la personne publique, de la mission de service public dont elle est chargée. Il diffère ainsi de la maîtrise d'ouvrage publique classique dans le cadre de laquelle ces missions sont confiées à plusieurs entités. Il se caractérise ainsi par la conclusion d'un contrat unique qui permet à la personne publique contractante de n'avoir qu'un seul interlocuteur sur l'ensemble de la procédure. Il porte sur un délai relativement long afin de permettre au prestataire privé d'amortir ses investissements.

Le contrat de partenariat déroge ainsi au droit commun de la commande publique en ce qu'il concentre entre les mains du partenaire privé la maîtrise d'oeuvre et la maîtrise d'ouvrage, là où la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 impose la dissociation de ces fonctions. En outre, le contrat de partenariat prévoit un mode de rémunération du prestataire spécifique. »

Source : Les contrats de partenariats : des bombes à retardement ?
Rapport d'information n° 733 (2013-2014) de MM. Jean-Pierre Sueur et Hugues Portelli,
fait au nom de la commission des lois, déposé le 16 juillet 2014, p. 11 52 ( * ) .

Le contrat, attribué à l'issue d'une procédure de dialogue compétitif et dont le terme est prévu en 2044, a été signé le 15 février 2012. Le chantier a été ouvert en juin 2013 ; toutefois interrompu pendant huit mois entre 2013 et 2014 en raison du refus des banques de débloquer les fonds nécessaires aux travaux, en raison des recours qui étaient pendants contre la documentation contractuelle.

La livraison du bâtiment, qui correspond à la prise de possession de la personne publique, est intervenue en août 2017 53 ( * ) , et l'entrée dans les lieux en mai 2018. Ce décalage résulte principalement de travaux complémentaires réalisés à la demande de la personne publique afin d'adapter le bâtiment aux nouvelles exigences en matière de sûreté et de sécurité, que le programme initial établi en 2009 ne pouvait prendre en compte.

L'agence publique pour l'immobilier de la justice (APIJ) est en charge de mener les opérations de réhabilitation et de rénovation des espaces libérés par le TGI de Paris sur l'île de la Cité (n'y demeurent plus que la cour d'appel de Paris et la Cour de cassation). Des études préalables ont été lancées en vue de travaux de grande ampleur, qui exigeront des arbitrages en matière d'occupation des locaux 54 ( * ) entre les différents acteurs concernés (ministères de la culture, de l'intérieur et de la justice). Le coût de cette opération n'est pas encore connu.


* 49 La conclusion d'un contrat de partenariat n'était possible que si l'une des trois conditions de complexité, d'urgence ou d'efficience économique, prévues par l'article 2 de l'ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat, était respectée.

* 50 Conseil d'État, 15 octobre 2014, Association « La justice dans la cité », n° 380918.

* 51 Cour des comptes, La politique immobilière du ministère de la justice. Mettre fin à la fuite en avant. Rapport public thématique publié en décembre 2017. Ce document est consultable à l'adresse suivante : https://www.ccomptes.fr/fr/publications/la-politique-immobiliere-du-ministere-de-la-justice

* 52 Ce rapport est consultable à l'adresse suivante :

https://www.senat.fr/notice-rapport/2013/r13-733-notice.html

* 53 Huit mois après la date initialement fixée, conséquence mécanique de l'interruption du chantier.

* 54 Le Conseil supérieur de la magistrature a d'ailleurs fait part à votre rapporteur de son souhait de s'installer sur l'île de la Cité, les locaux que l'institution occupe actuellement étant coûteux.

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