C. UNE ACTIVITÉ DE LA PJJ QUI DEMEURE SOUTENUE

Dans un contexte de stabilité de la délinquance juvénile, l'activité de la PJJ demeure soutenue, avec la prise en charge des mineurs les plus difficiles. Présente dans les établissements pénitentiaires qui accueillent des mineurs, la PJJ doit faire face à l'accroissement du nombre de mineurs incarcérés observé depuis deux ans.

1. Une délinquance juvénile stable depuis une dizaine d'années

Même si l'actualité nous rappelle régulièrement que la délinquance des mineurs peut revêtir des formes graves, qui appellent une réponse sans faiblesse de la part de la justice, les statistiques montrent, dans l'ensemble, une stabilité de la délinquance des mineurs depuis une dizaine d'années.

Depuis 2007, le nombre d'affaires pénales impliquant au moins un mineur a varié entre 170 000 et 183 000 chaque année, sans que l'on puisse discerner de tendance à la hausse ou à la baisse. En 2017, le nombre d'affaires se situe dans le bas de cette fourchette (170 205). La part des mineurs dans le total des personnes mises en cause oscille depuis cinq ans entre 17 % et 18 %.

L'activité pénale des parquets pour mineurs

Comme l'indique le tableau ci-dessus, le taux de réponse pénale est particulièrement élevé s'agissant des mineurs (93,3 %). Il s'agit majoritairement d'alternatives aux poursuites, avec une part élevée de rappels à la loi (44 395 en 2017).

La baisse sensible entre 2016 et 2017 du nombre d'affaires poursuivables (- 7,5 %) s'explique entièrement par une diminution du nombre d'alternatives aux poursuites (- 10,7 %) et de compositions pénales
(- 13 %), le nombre de poursuites demeurant quasiment identique.

Les atteintes aux biens commises sans violence sont les infractions les plus fréquentes chez les mineurs (38 % du total contre 19 % chez les majeurs). Viennent ensuite les violences physiques non crapuleuses ou sexuelles (23 %, soit un taux proche de celui des majeurs qui atteint 25 %).

Ce constat général ne dispense pas d'une nécessaire vigilance concernant certaines évolutions de la délinquance des mineurs.

Tout d'abord, l'année 2018 est marquée par la multiplication de rixes meurtrières, particulièrement en Île-de-France. Les forces de l'ordre ont dénombré 159 bagarres de bandes entre janvier et août 2018, concentrées à 90 % en région parisienne, soit un chiffre en légère hausse par rapport à 2017.

Cependant, alors que ces rixes n'avaient occasionné qu'un seul décès en 2017, on en dénombre une dizaine depuis le début de l'année 2018. Ces rixes paraissent souvent liées à des logiques d'affrontements territoriaux, amplifiées par la caisse de résonnance des réseaux sociaux qui permettent d'organiser rapidement des actions violentes.

Ensuite, la présence de mineurs non accompagnés (MNA) pose des difficultés en certains points du territoire, par exemple dans le quartier de la Goutte d'Or à Paris. La plupart des MNA ne sont pas des délinquants : pris en charge par les conseils départementaux, ils souhaitent avant tout demeurer sur notre territoire et s'intégrer dans notre société. Certains sont cependant conduits à commettre des infractions qui relèvent d'une délinquance de subsistance, tandis que d'autres sont aux mains de réseaux qui les exploitent. Lorsqu'ils s'installent dans la durée, ces phénomènes de délinquance peuvent devenir très pénibles à vivre pour les habitants des quartiers concernés.

2. Une écrasante majorité de mesures pénales, confiées surtout au secteur public

La PJJ met en oeuvre trois grands types de mesures :

- des mesures d'investigation : il s'agit d'enquêtes sur l'environnement du jeune et de sa famille destinées à apporter une aide à la décision du magistrat ;

- des mesures de milieu ouvert : les jeunes restent dans leur lieu de vie habituel mais sont suivis par un éducateur qui les accompagne dans leur parcours d'insertion et met tout en oeuvre pour éviter la récidive ;

- des mesures de placement : le jeune est placé dans un établissement d'hébergement où il est encadré par des éducateurs ; on distingue plusieurs catégories d'établissements de placements : les unités éducatives d'hébergement collectif (UEHC), les unités éducatives d'hébergement diversifié (UEHD), les centres éducatifs renforcés (CER) et les centres éducatifs fermés (CEF).

Ces différents types de mesures peuvent être décidés dans un cadre pénal, lorsque le jeune a commis une infraction, ou dans un cadre civil lorsqu'il est en danger et a besoin de mesures de protection. Les services de milieu ouvert de la PJJ mettent en oeuvre les mesures d'investigation et les mesures de milieu ouvert, tandis que la gestion des lieux d'hébergement relève d'unités distinctes.

Dans un contexte de stabilité de la délinquance, le nombre de mesures confiées à la PJJ n'a pas connu de progression marquée, même s'il demeure élevé, la PJJ prenant en charge les jeunes les plus difficiles.

Au cours de l'année 2017, les secteurs public et associatif ont mis en oeuvre 215 043 mesures civiles et pénales , soit un volume quasiment stable (+ 1,5 %) par rapport à 2012 (211 953), pour un total de 140 272 jeunes suivis (un jeune pouvant faire l'objet de plusieurs mesures).

Ces mesures se décomposent en 178 889 mesures pénales (83 % du total) et 36 154 mesures civiles (17 %), ces dernières étant presque toutes des mesures d'investigation. La répartition entre mesures pénales et civiles est très voisine de celle observée en 2012.

Dans le détail, on dénombre, parmi ces 215 043 mesures, 43 % de mesures d'investigation, 53 % de mesures de milieu ouvert et 4 % de mesures de placement.

La très grande majorité de ces mesures - 173 943 exactement, soit 85 % du total - ont été confiées aux services de milieu ouvert du secteur public . Elles consistent principalement en des mesures d'investigation (68 979 mesures), des mesures éducatives ou des sanctions éducatives pénales (70 448 mesures) et des mesures de probation ou des peines (34 516 mesures), dont le suivi des mineurs incarcérés.

Les 31 812 mesures confiées au secteur associatif habilité (SAH) consistent essentiellement en des mesures d'investigation (22 285 mesures) et en des mesures de réparation (9459 mesures).

En ce qui concerne les mesures de placement, au nombre de 9 288 en 2017, la répartition entre secteur public et secteur associatif est plus équilibrée, puisque 55 % de ces mesures relèvent du secteur public et 45 % du secteur associatif.

Si le secteur public demeure le premier opérateur pour les foyers traditionnels (72 % des mesures d'hébergement lui reviennent), le secteur associatif apparaît comme l'opérateur privilégié pour l'hébergement spécialisé (centres éducatifs renforcés et centres éducatifs fermés) : les magistrats lui confient 94 % des placements en centres éducatifs renforcés (CER) et 65 % des placements en CEF.

3. Un début d'amélioration des conditions de prise en charge des jeunes suivis par la PJJ

Les augmentations d'effectifs décidées depuis quelques années ont permis de faire baisser légèrement en 2017 le « taux d'accompagnement » en milieu ouvert, c'est-à-dire le nombre de mineurs suivis par chaque éducateur.

Alors que la cible de la PJJ est qu'un éducateur accompagne 25 jeunes, le taux moyen constaté en 2017 est légèrement inférieur (24,7).

De même, on a observé, en 2017, une légère diminution du nombre de mesures de milieu ouvert suivies par éducateur : le ratio s'est établi à 30 en moyenne au cours de l'année, alors qu'il était de 31 en 2016 et 2015.

Concernant le placement, le taux d'occupation des différents types d'hébergement demeure inférieur à la cible visée, à terme, par la PJJ. Seul le taux d'occupation des CEF paraît se rapprocher de la cible (85 %), ce qui semble indiquer une optimisation de l'utilisation de ces structures.

Taux d'occupation (%)

2015

2016

2017

Cible

Établissement de placement éducatif (UEHC) SP

68,1

66,5

68

80

Établissement de placement éducatif SAH*

77,9

80,2

79

80

Centre Éducatif Renforcé SP

79,6

86,9

85

90

Centre Éducatif Renforcé SAH

85,7

84,2

83

90

Centre Éducatif Fermé SP

66,7

68,2

70

85

Centre Éducatif Fermé SAH

76,1

75,2

79

85

* Établissements spécialisés dans la prise en charge collective de mineurs délinquants en tarification exclusive État.

Source : réponses au questionnaire budgétaire

Une difficulté persistante réside dans le délai souvent excessif de mise en oeuvre des mesures décidées par le juge des enfants : les représentants de la direction de la PJJ ont indiqué que ce délai peut souvent attendre six à huit mois, en partie en raison de retards imputables aux services des greffes des tribunaux et en partie en raison de délais tenant à la PJJ. Ces délais sont préjudiciables à l'efficacité de la réponse pénale, l'adolescent ne percevant pas toujours bien le lien entre la sanction qui lui est infligée et les faits commis plusieurs mois auparavant.

Les délais de prise en charge sont encore plus longs dans certains territoires défavorisés, notamment la Seine-Saint-Denis. C'est ce qui a conduit les juges des enfants du tribunal de Bobigny à dénoncer dans une tribune 5 ( * ) « des délais de prise en charge inacceptables ». Ils soulignent que les décisions rendues au pénal sont notifiées dans un délai d'un an en moyenne et qu'il s'écoule parfois jusqu'à dix-huit mois entre le jour de l'audience et la prise en charge effective par un éducateur.

Les critiques formulées dans cette tribune visent cependant surtout les décisions prises par les juges des enfants dans le cadre de la protection de l'enfance, qui relèvent, comme cela a été indiqué, de la compétence du conseil départemental et non de la PJJ. Elles posent à nouveau la question des difficultés financières des départements qui doivent financer des dépenses sociales dynamiques alors que leurs dotations budgétaires évoluent peu.

4. L'augmentation du nombre de mineurs incarcérés

Le nombre de mineurs incarcérés a augmenté assez fortement depuis trois ans : alors que l'on dénombrait 715 mineurs incarcérés le 1 er janvier 2016, ils étaient 835 le 1 er octobre 2018 (+ 16,7 %), après un pic observé en juin 2018 (893 mineurs détenus).

Les mineurs sont incarcérés, pour un tiers d'entre eux, dans l'un des six établissements pénitentiaires pour mineurs (EPM) présents sur le territoire, et, pour les deux autres tiers, dans le quartier pour mineurs d'une maison d'arrêt .

Le taux d'occupation moyen de ces établissements et quartiers pour mineurs atteint aujourd'hui 75 % au niveau national. Il est bien sûr plus élevé dans certains établissements, ce qui a conduit l'administration pénitentiaire à procéder à des transferts pour éviter des situations de surpopulation carcérale.

Entre le 1 er août 2017 et le 1 er octobre 2018, ces transferts ont permis de ramener le taux d'occupation des établissements relevant de la direction interrégionale des services pénitentiaires de Paris de 92 % en moyenne à 78 %, soit un taux voisin de la moyenne nationale.

Cette augmentation du nombre de mineurs incarcérés résulte d'abord de la progression du recours à la détention provisoire , qui concerne les trois quarts de ces mineurs. Elle tient aussi pour partie à l'incarcération d'un nombre croissant de mineurs non accompagnés (MNA) surtout dans les grandes métropoles : souvent contraints à une délinquance de subsistance, ces mineurs ne présentent aucune garantie de représentation, ce qui conduit fréquemment les juges à les incarcérer pour éviter qu'ils ne disparaissent avant la tenue de leur procès.

La PJJ est présente dans les EPM comme dans les quartiers pour mineurs pour y conduire un travail éducatif, en partenariat avec l'administration pénitentiaire, l'éducation nationale et les professionnels de santé. L'augmentation du nombre de mineurs incarcérés a donc entraîné une augmentation de l'activité des personnels affectés en prison. Pour tenter de maîtriser l'évolution du nombre de mineurs incarcérés, la DPJJ a diffusé à ses services le 26 janvier 2018 une note mettant l'accent sur les alternatives à la détention .


* 5 Cf. la tribune « Juges des enfants en Seine-Saint-Denis : notre alerte est un appel au secours », Le Monde , 5 novembre 2018, signée par Thierry Barranger, président du tribunal pour enfants et quatorze de ses collègues.

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