B. DES INTERROGATIONS QUI DEMEURENT SUR LA CAPACITÉ DE L'OFFICE FRANÇAIS DE LA BIODIVERSITÉ À FAIRE FACE À SES MISSIONS DE POLICE FAUTE DE MOYENS SUFFISANTS

1. Des moyens humains insuffisants qui pourraient conduire à un rééquilibrage des missions vers la police de l'eau

L'Office français de la biodiversité regroupera l'ensemble des effectifs de l'Agence française pour la biodiversité et de l'ONCFS, soit environ 2700 agents dont 1700 inspecteurs de l'environnement.

Il convient de rappeler que ces deux établissements ont connu des baisses d'effectifs. L'Agence française pour la biodiversité, épargnée dans un premier temps, connaît pour 2018 une diminution de 7,5 ETPT et pour 2019 une baisse de 6 ETPT. L'ONCFS voit ses effectifs se réduire depuis 2013 (- 42 en 2018, - 38 en 2019).

Or, ces effectifs sont d'ores et déjà insuffisants si l'on en croit le CGEDD et l'IGF qui dans leur rapport précité constataient que les services de ces deux établissements chargés d'assurer le contrôle de la police sur le terrain « atteign[ai]ent déjà un étiage : ainsi, les effectifs de 26 des services départementaux et interdépartementaux de ces deux établissements (soit près de 30 %) sont inférieurs aux planchers respectivement de cinq et dix agents, considérés comme un minimum pour permettre le maintien d'une pression de contrôle suffisante dans les territoires ».

Nombre et effectifs permanents des services départementaux et interdépartementaux 1 en France métropolitaine au 31 décembre 2017

Indicateurs

AFB

ONCFS

AFB+ONCFS

Nombre de services départementaux et interdépartementaux

88 2

88 3

88

Effectif total (ETP)

459,20

947,30

1 406,50

Effectif minimal (ETP)

2,00

4,00

9,00

Effectif maximal (ETP)

9,00

19,00

25,00

Effectif moyen (ETP)

5,22

10,76

15,98

Effectif « plancher »

5

10

15

Nombre de services avec un effectif inférieur au plancher

26

26

30

% de services avec un effectif inférieur au plancher

29,55

29,55

34,09

1 Les deux établissements comportent par ailleurs des effectifs dans les fonctions support et dans les services centraux et régionaux.

2 Quatre services interdépartementaux : 2A-2B / 70-90 / 78-95 et 77-91.

3 Quatre services interdépartementaux : 2A-2B / 70-90 / Île-de-France Est, Île-de-France Ouest.

Source : AFB ; ONCFS - Tableau mentionné dans le rapport du CGEDD et de l'IGF L'avenir des opérateurs de l'eau et de la biodiversité - avril 2018.

Le nouvel établissement sera comme n'importe quel autre établissement public soumis aux schémas d'emplois définis par ses tutelles. Dès lors, votre rapporteure craint une baisse des effectifs de l'Office français de la biodiversité alors même qu'à l'issue de cette fusion, selon les simulations du CGEDD et de l'IGF, 30 services auront des effectifs inférieurs au plancher requis pour un bon exercice des missions de police.

Plusieurs personnes entendues par votre rapporteure ont indiqué que la fusion des établissements à moyens constants obligerait le directeur général de l'Office français de la biodiversité à prioriser ses actions et entraînerait un rééquilibrage dans les missions de police au bénéfice de la police de l'eau et en défaveur de la police de la chasse.

2. Des moyens financiers incertains

L'État s'est désengagé depuis le 1 er janvier 2018 du financement du budget tant de l'Agence française pour la biodiversité que de l'ONCFS . Il a en effet décidé de ne plus verser de subventions à partir du programme 113 « Paysages, eau et biodiversité » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » et de remplacer sa contribution par des subventions des agences de l'eau pour un même montant. Cette contribution est fixée à un montant compris entre 240 millions d'euros et 260 millions d'euros pour l'Agence française pour la biodiversité et à un montant compris entre 30 millions d'euros et 37 millions d'euros pour l'ONCFS.

Débudgétisation du financement des opérateurs de l'eau
et de la biodiversité

Source : Direction du budget - Schéma mentionné dans le rapport du CGEDD et de l'IGF L'avenir des opérateurs de l'eau et de la biodiversité - avril 2018.

Les ressources de l'AFB s'établissent à 224 millions d'euros en 2019, tandis que celles de l'ONCFS s'établissent à environ 117 millions d'euros pour 2019.

Selon l'étude d'impact « à court terme et dans la continuité de modes de financements actuels », le nouvel établissement bénéficiera des ressources actuelles des opérateurs fusionnés soit 343 millions d'euros dont 258 millions d'euros des agences de l'eau et 74,7 millions du permis de chasser.

Or, votre rapporteure constate qu'il manque 41 millions d'euros au budget du nouvel établissement :

- 9 millions d'euros liés au transfert de deux missions (gestion des plans de chasse et des ACCA) aux fédérations de chasseurs ;

- 11 millions d'euros pour les actions en matière de biodiversité , l'État s'étant engagé à verser 10 euros quand les chasseurs mettent 5 euros. Pour votre rapporteure, cette promesse de l'État ne peut être financée par les agences de l'eau. En effet, la Directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau pose le principe que les recettes de la tarification de l'eau dans les bassins hydrographiques sont destinées à la politique de l'eau et ne constituent pas une recette budgétaire additionnelle pour faire face aux difficultés de financement d'une politique qui dépasse largement le cadre de la politique de l'eau ;

- 21 millions d'euros dus à la baisse du permis national de chasser à 200 euros . La perte de recettes a été financée sur le fonds de roulement de l'Office pour 2019, mais rien n'est prévu pour 2020.

Le permis à 200 euros : une réforme pour rendre la chasse plus accessible

Conformément à l'engagement du Président de la République, le permis national de chasser diminue de moitié passant de 400 à 200 euros. Pour cela, le timbre national grand gibier est supprimé. Une cotisation forfaitaire est instaurée au bénéfice de la fédération nationale et le montant des redevances versées à l'ONCFS qui jusqu'ici variait selon que le permis était national ou départemental est désormais unifié.

Cette diminution du prix du permis a été demandée par les chasseurs, afin de rendre la chasse plus accessible en redonnant du pouvoir d'achat aux chasseurs et pour encourager la mobilité des chasseurs pour une meilleure gestion cynégétique du grand gibier.

Ni la Fédération nationale ni les fédérations départementales de chasseurs ne sont en capacité de dire combien d'adhérents opteront pour le permis national. La Fédération nationale des chasseurs part de l'hypothèse qu'a minima 160 000 permis nationaux seront délivrés, ce qui correspond aux 90 000 permis nationaux actuels auxquels il convient d'ajouter les permis bidépartementaux qui sont supprimés. Mais certaines personnes entendues estiment que 300 000 chasseurs pourraient choisir ce permis national.

Cette diminution du prix du permis a un impact sur le budget de l'ONCFS mais pourrait aussi avoir des conséquences sur le budget des fédérations départementales de chasseurs. En effet, pour éviter que leurs adhérents ne choisissent le permis national, les fédérations départementales pourraient être amenées à revoir à la baisse le prix de leur timbre départemental grand gibier, ce qui diminuera d'autant leurs recettes.

Comparaison du permis national avant et après réforme

Source : Fédération nationale des chasseurs.

Au regard du désengagement de l'État depuis deux ans de ces deux établissements, votre rapporteure ne se fait guère d'illusions sur d'éventuelles subventions versées directement par l'État. Elle craint que les agences de l'eau ne soient in fine de nouveau mises à contribution. Or, elle considère qu'à force de ponctionner ces agences, celles-ci ne seront bientôt plus en capacité de réaliser leurs investissements en matière d'eau potable et d'assainissement. Elle souhaite que cette question des ressources du nouvel établissement et de la participation de l'État et des agences de l'eau soit rediscutée lors du prochain projet de loi de finances.

En conclusion, votre commission propose d'adopter le présent projet de loi sous réserve des amendements qu'elle a adoptés.

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