B. LA NÉCESSITÉ DE RENFORCER LA DIMENSION TERRITORIALE DE LA POLITIQUE DE SANTÉ

1. La politique de santé demeure fortement centralisée, bien que de nouvelles organisations, plus adaptées aux besoins des territoires, émergent progressivement

L'organisation du système de santé français est largement centralisée, tendance renforcée depuis la loi dite HPST du 21 juillet 2009 29 ( * ) qui ne permet plus désormais aux collectivités territoriales de créer des établissements publics de santé, aux termes de l'article L. 6141-1 du code de la santé publique.

Les compétences des collectivités territoriales en matière d'organisation des soins sont limitées même si le département dispose d'une compétence de droit commun en matière d'aide sociale légale et que la commune exerce des compétences en matière d'aide sociale facultative à travers le centre communal d'action sociale (CCAS) 30 ( * ) . En outre, aux termes de l' article L. 1424-1 du code de la santé publique , les régions peuvent définir des objectifs particuliers en matière de santé, dans le cadre de leurs compétences. Enfin, l' article L. 1511-8 du code général des collectivités territoriales confère aux collectivités territoriales uniquement un levier incitatif pour attirer des professionnels de santé sur leur territoire. Sur ce dernier point, votre rapporteur pour avis a pu constater les moyens considérables déployés par certaines collectivités, à l'occasion d'un travail de terrain dans le département du Doubs.

Aussi, votre rapporteur pour avis partage l'objectif affiché par les pouvoirs publics, depuis plusieurs années, de décloisonner l'hôpital et la médecine de ville et d'assurer un meilleur maillage du territoire avec de nouvelles organisations professionnelles car les schémas d'organisation du système de soins n'ont pas suffisamment évolué pour prendre en compte le vieillissement de la population, l'augmentation des maladies chroniques et la demande sociale de soins de proximité .

Le déploiement des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) constitue à cet égard une réelle opportunité pour rapprocher les soins des populations , en particulier dans les zones sous-denses. La loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé a été un premier pas, en posant les bases de nouveaux outils de réorganisation et de restructuration de l'offre de soins pour améliorer les parcours de santé 31 ( * ) . Depuis, le Président de la République a annoncé le déploiement d'environ 1 000 CPTS à horizon 2022, chacune devant à terme couvrir une population estimée entre 20 000 et 100 000 habitants.

La mobilisation des maisons de santé pluridisciplinaires et des maisons de services au public est également une opportunité à développer aux yeux de votre commission pour avis. Au 7 juin 2018, l'on dénombrait 1 063 MSP (ainsi que 328 en projet), regroupant près de 15 000 professionnels de santé, ainsi que 1 639 centres de santé (dont 101 centres médicaux, 399 centres polyvalents, 462 centres infirmiers, 677 centres dentaires) et 200 projets de CPTS. Votre rapporteur pour avis est toutefois plus réservé sur la question des hôpitaux de proximité .

Au-delà, votre rapporteur pour avis a relevé avec intérêt la communication de nos collègues Yves Daudigny, Catherine Deroche et Véronique Guillotin sur l'organisation territoriale de la santé le 17 mai dernier au cours de laquelle les rapporteurs ont pointé l'existence d'un « décalage paradoxal entre le besoin ressenti de coopération sur le terrain, la pléthore d'outils juridiques « sur le papier » et le manque de réponses pour aider concrètement les acteurs à construire une vraie coopération au service d'un territoire ».

Au « virage ambulatoire » évoqué depuis plusieurs années et qui devrait se concrétiser à travers les dispositifs susmentionnés, votre rapporteur pour avis ajoute la nécessité d'un « virage territorial » pour le système de soins, qui doit mieux prendre en compte les caractéristiques de chaque territoire et proposer un panier de soins essentiels adapté, évolutif et cohérent avec les besoins des populations. Les collectivités territoriales pourraient par ailleurs disposer d'une compétence d'aménagement sanitaire et social du territoire.

2. Un sentiment d'impuissance qui grandit chez de nombreux élus

Votre rapporteur pour avis a été particulièrement marqué par le sentiment d'impuissance voire la détresse affichée par certains élus locaux qu'il a pu rencontrer au cours de ses auditions et du travail de terrain réalisé dans le département du Doubs.

Dans ce contexte, si les élus locaux s'investissent fortement sur la question de l'accès aux soins, ils ne souhaitent pas, pour autant, prendre la place de l'État sur cette compétence régalienne qui relève à leurs yeux, et à juste titre, de l'équité territoriale. Plusieurs associations d'élus entendues par votre rapporteur pour avis ont également fait part de difficultés de communication avec les agences régionales de santé compétentes dans le ressort de leur territoire.

Les initiatives se multiplient dans les territoires pour faire face à l'absence de médecins et le cas de la médecine ambulante 32 ( * ) est particulièrement intéressant aux yeux de votre rapporteur pour avis. Tout en préservant la qualité et la sécurité des soins, ces organisations innovantes doivent permettre de combler les cas d'insuffisance ou de carence de l'initiative médicale privée.

Toutefois, le modèle économique de ces dispositifs devra être consolidé et certains freins réglementaires pourraient être levés. Auparavant contraintes par le régime juridique de la médecine foraine, des initiatives locales émergent depuis la réforme du code de déontologie des médecins .

En région Auvergne Rhône-Alpes, quatre cabinets médicaux mobiles DOK'ICI, rattachés à des centres de santé récemment créés, sont opérationnels depuis le début de l'année 2019. Cofinancés par la région, l'ARS et les collectivités bénéficiaires, les camions de santé sont spécifiquement déployés dans les petites communes et les villages ne disposant pas de médecins. D'autres initiatives portées par les collectivités territoriales, dans l'Oise par exemple, pourraient bientôt voir le jour.

Votre rapporteur pour avis souhaite apporter son soutien à ces initiatives, qui permettent aux collectivités territoriales d'apporter une réponse concrète à la question de l'accès aux soins .


* 29 Loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires.

* 30 Voir notamment les articles L. 123-4 à L. 123-9 du code de l'action sociale et des familles.

* 31 Article 65 de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé.

* 32 Les modalités d'exercice de la médecine ambulante ont été facilitées par la réforme du code de déontologie des médecins en 2012. Son article 74 (article R. 4127-74 du code de la santé publique) interdit certes « l'exercice de la médecine foraine » mais, depuis 2012, il précise cependant que « quand les nécessités de la santé publique l'exigent, un médecin peut être autorisé à dispenser des consultations et des soins dans une unité mobile selon un programme établi à l'avance ». Ce même article définit également les modalités d'exercice de cette médecine ambulante : « La demande d'autorisation est adressée au conseil départemental dans le ressort duquel se situe l'activité envisagée. Celui-ci vérifie que le médecin a pris toutes dispositions pour répondre aux urgences, garantir la qualité, la sécurité et la continuité des soins aux patients qu'il prend en charge. L'autorisation est personnelle et incessible ».

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