II. UNE AMBITION PARTAGÉE, MAIS UN TEXTE QUI SOULÈVE DES INQUIÉTUDES QU'IL CONVIENT DE LEVER

A. DES OBJECTIFS ET UNE AMBITION PARTAGÉS, MAIS DES INQUIÉTUDES SUR LE FOND ET LA FORME SOULEVÉES PAR L'ENSEMBLE DES ACTEURS INTERROGÉS

La rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques a mené 32 auditions et reçu 24 contributions écrites de l'ensemble des parties prenantes au texte. Ont été conviés à partager leurs observations sur le texte et leurs propositions aussi bien associations d'élus locaux, organisations patronales et fédérations professionnelles de très nombreux secteurs, représentants des consommateurs, entreprises de l'économie sociale et solidaire, acteurs du recyclage, que les services administratifs responsables de l'élaboration du projet de loi.

Il ressort des auditions quatre constats principaux :

- les objectifs généraux du texte sont salués et partagés par la totalité des acteurs rencontrés. Aussi bien les consommateurs français que les producteurs ou les acteurs publics partagent la volonté de s'engager résolument dans la transition vers l'économie circulaire, par des engagements volontaires ou via des dispositifs législatifs. Certaines mesures n'ont ainsi soulevé aucune objection, voire ont été unanimement saluées, telles que l'amélioration de l'affichage relatif aux pièces détachées (article 4). Il n'est en effet nul besoin de revenir sur l'impérieuse nécessité d'accélérer la transition énergétique, de lutter contre le réchauffement climatique et contre le gaspillage des ressources. La France produit environ 320 millions de tonnes de déchets par an, dont 70 % proviennent du seul secteur de la construction. Moins d'un quart du plastique est recyclé en France ; et 40 % des déchets ménagers, contre 66 % en Allemagne. Le gaspillage alimentaire s'élève à 29 kilos par personne et par an. Pour autant, l'économie circulaire et la lutte contre le gaspillage sont restées longtemps à la marge des débats publics, législatifs ou médiatiques. Les parlementaires ont souvent été contraints d'introduire des mesures isolées dans des textes concernant d'autres sujets, tels que le logement, l'énergie ou l'agriculture. Un texte cohérent étant en cela fortement attendu par les acteurs ;

- toutefois, le texte soulève des questions de faisabilité pratique et économique, tandis que son impact n'a pas fait l'objet d'une évaluation préalable adéquate. Certains délais de mise en oeuvre semblent extrêmement réduits, et le caractère général de certains dispositifs interroge son applicabilité à tous les secteurs de l'économie française. La plupart des personnes auditionnées ont déploré le manque d'analyse précise des conséquences attendues, en allant jusqu'à qualifier l'étude d'impact de « vide » ou de « réquisitoire en faveur des choix du Gouvernement » 5 ( * ) . Il n'est pas suffisant que l'étude d'impact se borne à préciser que « les textes règlementaires [...] feront l'objet d'une évaluation ad hoc de leurs impacts économiques et financiers » , ou « la modulation [...] n'implique pas de nouveau coût pour les produits et ne devrait pas avoir d'effet sur le pouvoir d'achat des ménages. En effet, les primes et pénalités devraient s'équilibrer » 6 ( * ) , sans autre précision, demandant ainsi au Parlement et aux acteurs économiques un blanc-seing, légiférant sur des principes flous dont le pouvoir règlementaire aura le monopole de la mise en oeuvre. Cela nuit à l'examen du texte par la représentation nationale et à la transparence vis-à-vis des citoyens, est source d'insécurité pour les acteurs, et contribue à la dispersion des débats, comme en témoignent les discussions autour de la consigne ;

- ni l'étude d'impact du projet de loi, ni les échanges avec les différents services administratifs n'ont permis de chiffrer précisément les mesures du projet de loi, ce qui a conduit à une « guerre des chiffres » régulièrement déplorée en auditions. Le manque de chiffres fiables et acceptés par les différentes parties prenantes révèle le peu de cas qui a été fait de l'analyse d'impact des mesures avancées. La commande tardive par le Gouvernement d'un nouveau rapport sur la mise en oeuvre d'une consigne, piloté par M. Jacques VERNIER, n'a pas permis de fournir dans le temps des données pourtant nécessaires, le pré-rapport 7 ( * ) ayant été transmis de manière informelle à la rapporteure de la commission la veille de l'examen du texte. On peut à ce titre noter la faible diversité des sources documentaires sur lesquelles semble s'être appuyé le Gouvernement dans l'élaboration du présent projet de loi, s'appuyant principalement sur une étude menée par les industriels du secteur de la boisson pour défendre le dispositif de consigne.


* 5 Auditions menées par la rapporteure pour avis.

* 6 Étude d'impact du projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire.

* 7 Pré-rapport sur la consigne, M. Jacques VERNIER, 11 septembre 2019.

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