LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

par M. Jean-Jacques LOZACH,
rapporteur pour avis des crédits consacrés au sport

Mardi 15 octobre 2019

- Institut national des sports, de l'expertise et de la performance (Insep) : MM. Ghani YALOUZ , directeur général, et Babak AMIR-THAMASSEB , chargé de mission auprès du directeur général.

- Association nationale des élus en charge du sport (Andes) : M. Cyril CLOUP , directeur général.

Mercredi 16 octobre 2019

- Consortium du Stade de France : Mme Alexandra BOUTELIER , directrice générale déléguée, et M. Henry DE LA MONNERAYE , directeur général délégué.

- Agence nationale du sport (ANS) : MM. Frédéric SANAUR , directeur général, et Jérôme RODRIGUEZ , directeur financier et chef du département comptable.

Mardi 22 octobre 2019

MM. Jean CASTEX , délégué interministériel aux Jeux Olympiques et Paralympiques, Nicolas FERRAND , directeur de la Société de livraison des ouvrages olympiques (Solideo), Philippe LONNÉ , secrétaire général (Solideo), Benoît PIGUET , directeur des relations institutionnelles (Solideo).

- Ministère des sports : MM. Karim HÉRIDA , directeur de cabinet de Mme Roxana Maracineanu, et Jean-Philippe REY , conseiller budgétaire et économie du sport.

Mercredi 23 octobre 2019

- Comité national olympique et sportif français (CNOSF) : M. Denis MASSEGLIA , président, Mme Julie LAVET , directrice des relations institutionnelles.

Mercredi 13 novembre 2019

- Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) : Mme Dominique LAURENT , présidente, M. Mathieu TEORAN , secrétaire général, Mme Marilyn HESRY , secrétaire générale adjointe.

Auditions de M. Jacques-Bernard MAGNER,
rapporteur pour avis des crédits consacrés à la jeunesse
et à la vie associative

Mardi 15 octobre 2019

- Ministère de l'éducation nationale - Direction de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative (Djepva) : M. Jean-Benoît DUJOL , directeur.

Mardi 22 octobre 2019

- Haut conseil à la vie associative (HCVA) : Mme Chantal BRUNEAU , secrétaire générale.

Mardi 5 novembre 2019

- Unis-Cité : Mme Marie TRELLU-KANE , présidente fondatrice.

- Agence du service civique : Mme Béatrice ANGRAND , présidente.

ANNEXES

Audition de Mme Roxana Maracineanu, ministre des sports

MARDI 26 NOVEMBRE 2019

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Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Mes chers collègues, nous auditionnons cet après-midi la ministre des sports, Mme Roxana Maracineanu, sur les crédits prévus par les programmes 219 « Sport » et 350 « jeux Olympiques et Paralympiques 2024».

Cette audition est importante. Elle intervient à un moment particulier puisque la loi de finances pour 2020 constituera le premier exercice budgétaire complet de la nouvelle Agence nationale du sport (ANS) dont les modalités d'organisation territoriale ont été définies cet été dans un projet de loi qui a été largement enrichi par le travail parlementaire. Le Sénat a joué un rôle particulier.

Je me permets, madame la ministre, de vous remettre un exemplaire du rapport d'information de nos collègues Claude Kern et Christian Manable, qui ont émis de nombreuses recommandations concernant la mise en oeuvre de la gouvernance territoriale de la nouvelle agence. Je vais maintenant vous laisser la parole pour un propos introductif. Après quoi, notre rapporteur pour avis, Jean-Jacques Lozach, vous posera une première série de questions.

Mme Roxana Maracineanu, ministre des sports . - Avant de commencer, je souhaite revenir sur le drame qui a touché treize de nos soldats au Mali. Je présente mes sincères condoléances à l'un de vos collègues, Jean-Marie Bockel, que je connais personnellement et qui a été le maire de ma ville. Nous partageons tous sa douleur de père.

« Le sport est un bon médecin, mais il est surtout un excellent professeur », c'est avec ces mots que le Premier ministre a choisi de parler de la place du sport dans notre société. Le sport est un bien commun. Il rime avec épanouissement personnel et plaisir. C'est aussi un élément clef du lien social.

Depuis 2017, le Président de la République et le Gouvernement confirment leur engagement derrière le sport français et la mobilisation de l'État pour Paris 2024. Dans un contexte budgétaire où il convient de redonner du pouvoir d'achat aux Français, nous poursuivons notre effort en faveur du sport. Le budget exécuté en 2018 a permis de constater une dépense publique inédite en faveur du sport depuis dix ans. Le budget 2019 a vu l'augmentation de nos crédits d'intervention et le budget 2020 sera le budget le plus important du ministère depuis 2006.

En 2020, l'augmentation de 9,8 % des crédits représente un budget de 710 millions d'euros. Il s'agit d'un acte fort. Plus de 297 millions d'euros sont prévus dans le projet de loi de finances (PLF) au titre des actions portées par l'administration centrale du ministère. Un peu plus de 129 millions seront dirigés vers les équipements en lien avec les jeux Olympiques et Paralympiques. Enfin, 284 millions seront versés à l'agence nationale du sport, soit un montant équivalent à celui de 2019. Le budget que je vous présente aujourd'hui maintient aussi les augmentations budgétaires que vous avez votées l'année dernière, notamment un plan de 15 millions d'euros dédié à la lutte contre les noyades.

Avec ce budget, nous avons les moyens de réaliser nos ambitions pour le sport français. Par exemple, dans le contexte de la préparation des jeux Olympiques et Paralympiques de Tokyo, nous prévoyons une hausse de 10 % des primes aux médaillés ainsi qu'à leurs accompagnants, plutôt qu'un système d'exonération fiscale. Le Sénat a fait preuve de sagesse en ne votant pas ce week-end l'amendement qui lui était proposé pour le remettre en place. Les sportifs doivent payer des impôts et leur staff bénéficiera également de la prime, ce qui n'était pas le cas auparavant.

Nous continuerons aussi de soutenir l'accueil sur le territoire de grands événements sportifs avec un budget de plus de 6 millions d'euros.

Pour les Jeux de 2024, nous devons, dès à présent, imaginer l'après. Le financement des équipements de proximité de la pratique sportive via l'agence a permis de soutenir 250 équipements et 15 000 associations en 2019. La stabilisation de la contribution de l'État à l'agence permettra de maintenir ces équilibres. Dans le budget 2020, 90 millions d'euros seront consacrés au développement de la haute performance au sein de l'agence afin de déployer une nouvelle vision du soutien à nos athlètes et à leurs accompagnants. Ce seront de nouvelles aides, plus justes et mieux ciblées sur les acteurs de la performance.

On peut noter une hausse de 7,5 % du budget dédié à la lutte contre le dopage. En deux ans, l'agence française de lutte contre le dopage (AFLD) aura connu une augmentation de sa subvention de 18 % sans compter la subvention accordée au titre du déménagement vers Orsay en 2022. La question du dopage est un sujet sensible et central comme vous avez pu le constater. La santé de nos athlètes constitue un sujet important pour moi et je serai intraitable. La Fédération française d'athlétisme est donc en train de concevoir un nouveau modèle d'organisation et de surveillance. C'est le travail que je mène avec Dominique Laurent et l'AFLD. Sur ce sujet, je suis en discussion, depuis plusieurs mois, avec Valérie Pécresse, présidente de la région Ile-de-France, au sujet de l'avenir du laboratoire de l'AFLD qui se trouve actuellement dans les locaux du centre de ressources, d'expertise et de performance sportives (Creps) de Châtenay-Malabry. Il était important que le laboratoire puisse rester dans ce lieu jusqu'au déménagement afin que son homologation ne soit pas remise en cause. Orsay a été désigné par les experts et les inspecteurs généraux comme la meilleure option pour accueillir ce laboratoire. Mon travail a consisté à convaincre de la pertinence de l'analyse du ministère et de l'AFLD. Les travaux qui auront lieu sur le site du Creps de Châtenay-Malabry lui permettront de devenir un centre de préparation aux Jeux. Ils vont pouvoir se poursuivre sans perturber l'activité du laboratoire. Aujourd'hui, j'ai saisi les services de l'État pour évaluer les conditions juridiques et financières du maintien du laboratoire sur le site. Je vous tiendrai informés.

Les politiques du sport en France ne s'arrêtent pas aux portes de mon ministère. Nous avons réuni, le 4 novembre dernier, autour du Premier ministre, un comité interministériel consacré à l'héritage des jeux Olympiques dans notre pays. Nous avons bâti, avec les autres ministères, un programme qui regroupe 170 mesures pour développer la place du sport dans l'ensemble des politiques publiques.

Ma volonté est que le sport puisse intervenir en lien avec d'autres politiques publiques, en particulier en faveur de la santé. Il facilite, par exemple, la récupération après les traitements médicaux lourds. J'ai milité auprès du Premier ministre et du Gouvernement pour que la lutte contre la sédentarité devienne une thématique nationale, comme le sont l'égalité entre les femmes et les hommes ou les violences faites aux femmes. Nous voulons développer le sport sur ordonnance ou la labellisation sport-santé.

Un autre axe de nos travaux concerne les acteurs sociaux sportifs, le développement du sport féminin, la lutte contre l'homophobie dans le sport et les discriminations.

Je me félicite que le Sénat ait repris, lors du débat sur le PLFSS, la mesure 21 sur la promotion du sport en entreprise, annoncée par le Comité interministériel aux jeux Olympiques et Paralympiques le 4 novembre dernier, même si cet aspect a été éludé dans certaines communications... C'est dommage. Plus nous jouerons collectif, plus nous servirons le sport français. J'ai demandé à mes équipes de travailler dans la plus parfaite collaboration avec chacun d'entre vous.

Je prendrai trois exemples concrets de mesures nouvelles prises cette année et qui ne dépendent pas directement du ministère des sports : la mise en place d'un programme de recherche appliquée dédié à la haute performance, doté de 20 millions d'euros, avec Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation ; l'inscription d'un volet sport dans les contrats de ville avec Julien Denormandie, ministre de la ville et du logement ; un plan d'investissements au sein du programme d'investissements d'avenir de 55 millions d'euros pour l'écologie et les innovations dans le sport. Ces mesures nourrissent le sport français et son écosystème. Nous allons pouvoir bâtir un héritage solide et concret de Paris 2024. Cela ne concerne pas uniquement le ministère des sports ; le comité national olympique et sportif Français (CNOSF), avec son programme « héritage », et le comité d'organisation des jeux olympiques (COJO) sont aussi parties prenantes. Il s'agira aussi d'équipements sportifs nouveaux ou dont la rénovation sera lancée.

En 2020, pour conclure, nous devrons répondre à de nombreux défis. Je pense notamment à la déclinaison territoriale de l'ANS que vous avez évoquée et qu'il faudra articuler avec la nouvelle organisation territoriale de nos services appelés à rejoindre l'éducation nationale. Nous avons réussi à bâtir une agence d'État en offrant notamment une place inédite aux collectivités territoriales. Je pense que cet aspect sera cher à la Haute assemblée. Dans les semaines à venir, nous devrons assurer son développement dans nos régions et je sais pouvoir compter sur votre expérience et votre exigence.

Pour conclure, j'évoquerai la future loi sur le sport qui accompagnera la transformation de notre modèle sportif. Elle devrait voir le jour à la fin du premier semestre 2020. Il s'agit de développer la pratique sportive, de simplifier le rapport des associations sportives avec les pouvoirs publics, de rendre la France plus attractive et dynamique dans le secteur de l'économie du sport, et d'accroître l'éthique et la régulation du sport. Nous aurons l'occasion d'en débattre dans les semaines à venir et je suis à votre disposition pour vous écouter.

M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur pour avis des crédits du programme « Sport » . - Effectivement ce budget est en hausse aussi bien en ce qui concerne le sport, avec le programme 219, qu'en ce qui concerne les jeux Olympiques et Paralympiques, avec le programme 350. Mais cette augmentation est aussi trompeuse. Le changement de périmètre ministériel rend difficiles les analyses comparatives d'une année à l'autre. L'augmentation significative du programme « Sport » est consécutive à un changement du périmètre et au transfert de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ». Cela représente la bagatelle de 121 millions d'euros et augmente donc significativement le budget du programme.

On peut se demander si l'ANS va disposer de tous les moyens humains et financiers nécessaires pour faire face à ses missions. Dans sa plaquette, l'ANS évoque un budget de 291 millions d'euros en 2019 et de 284 millions pour 2020. Il est donc en légère baisse. Nous sommes cependant tout à fait conscients qu'un ensemble de ministères travaille à l'écosystème du sport.

J'ai plusieurs questions. Le rapport des tiers de confiance sur l'avenir des conseillers techniques sportifs (CTS) n'a pas encore été rendu public mais plusieurs scénarios sont envisagés. Envisageriez-vous de maintenir tout ou partie des CTS ou de les transférer vers les fédérations ? Confirmez-vous la réduction de 42 équivalents temps plein (ETP) au sein de ces CTS ? Cela concernerait malheureusement les fédérations non sportives, celles qui ont le plus besoin de CTS.

Lors de nos auditions, nous n'avons pas relevé de relations très fraternelles entre les acteurs du sport de haut niveau, qu'il s'agisse de l'Institut national du sport, de l'expertise et de la performance (Insep), le pôle haut niveau de l'agence nationale, les directeurs techniques nationaux (DTN) ou les fédérations sportives. Il y a quelques jours, vous avez organisé un séminaire olympique sur la haute performance. Quel est votre sentiment à quelques mois de jeux Olympiques de 2020 ?

Vous nous avez rassurés sur la lutte antidopage. Sur une période récente nous sommes toutefois passés de 10 000 à 8 000 contrôles. De plus, désormais, ces contrôles ciblent les sportifs de haut niveau et excluent les sportifs amateurs. Cela nous inquiète. Le modèle économique de l'AFLD est également un sujet sur lequel nous souhaiterions revenir.

Enfin, pourriez-vous nous apporter quelques précisions sur les maisons sport-santé ? J'ai vu qu'un appel à projets avait été lancé par le ministère des solidarités et de la santé mais cela reste flou.

Mme Roxana Maracineanu, ministre des sports. - Nous avons fait l'effort de présenter un budget à périmètre constant dans un souci de transparence. Sans cela, la hausse réelle serait de 36 %. Cette hausse de 10 % correspond à ce qui va être mis en place pour les jeux Olympiques. Nous assumons cette augmentation car il s'agit de construire des équipements qui bénéficieront à la France et à ses territoires après les Jeux.

La diminution de 42 ETP est comparable à celle que nous observons dans les autres ministères et administrations. Jusqu'à présent le corps des CTS était préservé de cette diminution des effectifs des fonctionnaires de l'État qui est de 2,6 %. Pour ces 42 ETP, nous avons choisi de privilégier les départs à la retraite. Cela impacte le corps des CTS dont l'âge moyen est de 55 ans. Il est donc urgent de réfléchir à une transformation car, dans de nombreuses fédérations, les CTS payés par l'État représentent la seule main d'oeuvre. Ce corps regroupe différents métiers et nous devons discuter de l'avenir de chacun d'entre eux avec les fédérations. Aujourd'hui, ces discussions sont conduites par des tiers de confiance et un rapport nous sera remis début décembre. Mon travail cette année a été de faire mieux comprendre, y compris au Premier ministre et au Gouvernement, l'importance de cette transformation.

Concernant le haut niveau, le partage de responsabilités est déstabilisant. C'est notre travail aujourd'hui de faire travailler tout le monde ensemble. La semaine dernière, nous avons ainsi réuni les cadres et les entraîneurs.

Une première labellisation verra le jour à la fin de cette année pour les maisons sport-santé. Des initiatives ont déjà été sélectionnées. J'en ai déjà visité quelques-unes et je continue ce tour de France. Vendredi, je me rendrai à Biarritz où le sport sur ordonnance existe déjà depuis des années. L'objectif est d'atteindre 500 maisons sports-santé en 2022 puis 1 000 en 2024.

Désormais, le laboratoire français pourra aller contrôler les sportifs français à l'étranger. L'affaire Clémence Calvin nous montre que ce sujet soulève de nombreuses questions. Les sportifs ne s'attendaient pas à être contrôlés lorsqu'ils étaient en stage à l'étranger et cela leur permettait d'échapper à notre vigilance. Nous devons donc informer les entraîneurs et les sportifs et soutenir l'AFLD, financée à 99 % par l'État, dans ses missions. Les contrôles à l'étranger représentent un coût supplémentaire et le transfert des contrôles va s'opérer vers le haut niveau. C'est un choix assumé. Pour le sport amateur, nous apporterons notre soutien à la prévention du dopage. Nous espérons que les efforts conjoints du ministère et de l'AFLD serviront aussi à informer le grand public. L'AFLD a bénéficié d'un accompagnement de la part du ministère. Concernant l'évolution de son modèle économique, celui-ci repose sur une diversification des ressources.

M. Michel Savin . - Le Sénat est à vos côtés, madame la ministre. Le Sénat soutient le sport.

Concernant le budget, l'augmentation affichée est liée au souhait de la France d'honorer son engagement par rapport aux jeux Olympiques. Toutefois, depuis 2017, la baisse du budget représente 11 % de crédits.

Vous annoncez une stabilité du budget de l'ANS mais ses crédits passent de 291 millions en 2019 à 284 millions en 2020. Il s'agit donc bien d'une baisse de 7 millions. J'entends qu'elle sera compensée par la trésorerie mais je ne suis pas certain que « taper dans la trésorerie » soit une bonne solution.

Pouvez-nous confirmer que les frais de fonctionnement de l'agence sont bien prévus et à quelle hauteur ?

Ce week-end le Sénat a voté un amendement concernant la taxe Buffet afin d'augmenter le budget de l'ANS. Le mouvement sportif, professionnel comme amateur, attend un signe de votre part. Quelle est votre position sur cet amendement ?

Votre dossier de presse indique 45 millions d'euros en faveur des équipements sportifs territoriaux, mais, à la page suivante, il est dit que 15 millions seront consacrés au plan « aisance aquatique » : ces deux enveloppes sont-elles bien cumulatives, ou bien les 15 millions seront-ils imputés sur la première enveloppe de 45 millions ?

Nous aurons des discussions en séance sur le sport en entreprise : comme l'an passé, nous déposerons un amendement sur les critères permettant à l'Urssaf de considérer la mise en disposition de personnels et d'équipements sportifs comme des avantages en nature. Soutiendrez-vous notre proposition ?

Nous voulons aussi soutenir les sportifs de haut niveau grâce au mécénat d'entreprise. Vous avez signé hier 100 pactes de performance avec le groupe BPCE, qui réunit la Banque populaire, les Caisses d'épargne et Natixis. Notre amendement, qui sera vraisemblablement cosigné par l'ensemble des groupes, vise à légaliser une pratique courante par laquelle des entreprises se lient aux sportifs. Quelle sera là encore votre position ?

M. Claude Kern . - Je ne reviendrai pas sur le budget de l'ANS qui, en réalité, est en baisse. Je regrette la mascarade intervenue à l'Assemblée nationale avec l'adoption, puis le rejet, à la suite d'une deuxième délibération demandée par M. Darmanin, d'un amendement qui déplafonnait la taxe affectée sur les paris sportifs. Outre la grave atteinte qu'elle constitue pour la démocratie, cette décision prive l'ANS de moyens supplémentaires pour intervenir correctement dans les territoires. Cela est d'autant plus incompréhensible que les activités taxées sont en pleine expansion.

Pouvez-vous nous donner des précisions sur la manière dont vous envisagez la mise en oeuvre de la convention entre l'État et l'ANS, prévue par le code du sport, qui prévoit une trajectoire pluriannuelle ascendante des crédits en ligne avec les besoins identifiés par le mouvement sportif ?

L'ANS, qui a la forme d'un groupement d'intérêt public (GIP), est quasi exclusivement financée par l'État. Pourriez-vous nous éclairer sur les négociations à venir avec les autres parties prenantes du GIP pour élargir son financement ?

La Cour des comptes a pointé les défaillances de l'éducation physique et sportive (EPS) en milieu scolaire, dans le contexte notamment de lutte contre la sédentarité et de promotion des modes de vie plus actifs. Les heures de cours baissent, la discipline est malmenée dans les programmes scolaires. Envisagez-vous un plan de développement pluriannuel des programmes d'EPS. Confirmez-vous l'ouverture de 1 500 postes aux concours de professeurs d'EPS dès cette année ? C'est une urgence ! Je me réjouis enfin de l'augmentation des primes pour les athlètes médaillés aux jeux Olympiques de 2020. Toutefois, ne serait-il pas possible, pour plus de simplicité, de prévoir leur déductibilité de l'assiette de l'impôt sur le revenu ?

Mme Roxana Maracineanu, ministre . - Les primes seront soumises à l'impôt à la source. J'ai expliqué pourquoi nous avions préféré augmenter les primes plutôt que de les rendre déductibles de l'impôt sur le revenu.

Le sport à l'école est une priorité du Gouvernement. Je vous invite à interroger M. Blanquer sur la création de 1 500 postes de professeurs d'EPS dans l'éducation nationale. J'ai fait une offre de services à M. Blanquer. Il n'existe pas de cours d'EPS dans le premier degré, mais nous avons des associations sportives qui s'investissent dans les territoires : quatorze fédérations ont déjà signé une convention avec l'éducation nationale pour intervenir dans certaines écoles primaires. J'aimerais que l'on généralise ce type de collaboration entre le monde associatif et l'école. J'ai plaidé pour un temps scolaire partagé où les associations sportives pourraient intervenir sur des sujets identifiés à l'avance en commun avec les équipes éducatives : on pourrait imaginer une semaine dédiée à l'aisance aquatique, une semaine pour apprendre à rouler à vélo, une semaine d'initiation au sport collectif, etc. Les associations pourraient accueillir les enfants, avec un emploi du temps défini dans le cadre d'un projet pédagogique coconstruit avec les professeurs des écoles. Avec le dédoublement des classes, une partie de la classe pourrait suivre une activité sportive une semaine, encadrée par les éducateurs sportifs, tandis que l'autre partie de la classe continuerait à suivre les cours. Avec des effectifs réduits, l'enseignement est plus efficace. Dans le cadre de la réforme des services déconcentrés, les agents du ministère des sports seront rapprochés des recteurs et des directeurs académiques des services de l'éducation nationale (Dasen). Cela permettra de proposer une nouvelle ingénierie territoriale, de nouveaux projets éducatifs territoriaux, inscrits sur le temps scolaire. L'intervention des associations sportives est reconnue. Le ministère des sports finance déjà 6 000 postes d'éducateurs.

L'ANS a été créée sous la forme d'un GIP pour lui permettre de bénéficier de fonds venant de sources diverses. La stabilisation du budget de l'agence constitue un signe fort, la contribution nette de l'État est identique, au centime près, à celle de l'an passé. Elle s'élève à 284 millions, auxquels s'ajoutent 7 millions issus du fonds de roulement de l'agence - l'année dernière les 7 millions provenaient du fonds de roulement du Centre national pour le développement du sport (CNDS).

En ce qui concerne le suivi pluriannuel du budget des sports, l'Assemblée nationale a voté la création d'un jaune budgétaire sur le sport, qui permettra de mettre en évidence l'ensemble des actions des différents ministères en faveur du sport et de ses acteurs.

Sur le sport en entreprise, nous publierons avec Agnès Buzyn une circulaire sur l'exonération de charges sociales pour les mesures de soutien au sport par les employeurs. Votre amendement sera donc satisfait.

M. Michel Savin . - Une circulaire n'a pas la même portée qu'une loi ! Une loi rassurerait davantage les entreprises.

Mme Roxana Maracineanu, ministre . - Certes, mais cela relève du pouvoir réglementaire. Une circulaire suffit à instaurer une exonération de charges sociales. Les entreprises concernées ne seront pas redressées par l'Urssaf.

Votre autre amendement vise à uniformiser les dispositifs de soutien par les entreprises aux sportifs de haut niveau en privilégiant le mécénat. Nous avons plutôt voulu préserver la diversité des formes de soutien. Certains sportifs préfèrent un partenariat avec une entreprise, d'autres préfèrent le recours au mécénat, la différence tenant à la possibilité, ou non, d'utiliser l'image du sportif et de nouer d'autres formes de collaboration. D'autres types de contrats, comme les contrats d'insertion professionnelle, peuvent aussi intéresser des sportifs qui souhaitent garder un lien avec l'entreprise et préparer leur reconversion. C'est pourquoi nous souhaitons conserver la diversité des formes de soutien et mettre l'accent sur la publicité autour de ces dispositifs. Le guichet unique du sport que nous voulons mettre en place, et qui serait installé dans les Creps, pourrait servir de centre d'information et d'orientation, en éclairant les jeunes qui hésitent encore entre carrière sportive ou poursuite des études. On espère ainsi multiplier les vocations. Ce guichet unique pourrait aussi renseigner les familles sur les études ouvertes aux sportifs de haut niveau, les possibilités de financement d'une carrière sportive grâce à l'aide des entreprises, les possibilités de reconversion, etc.

Je vous confirme que l'enveloppe de 15 millions d'euros pour le plan d'aisance aquatique s'ajoutera à l'enveloppe de 45 millions destinée à financer les équipements sportifs territoriaux. L'enveloppe sera destinée exclusivement aux piscines, sachant que certaines d'entre elles ont aussi pu postuler à des projets financés par l'enveloppe de 45 millions s'il s'agit d'équipements structurants.

Mme Mireille Jouve . - Ma question ne sera pas originale et portera sur les crédits de l'ANS. Après deux années de baisse, le budget des sports restera à un niveau modeste, en dépit des jeux d'écriture et des mouvements de crédits destinés à assurer le respect de nos engagements financiers en vue des Jeux de 2024. Pourtant les taxes affectées au sport font preuve d'un rare dynamisme : le produit de la taxe Buffet augmentera de 25 millions d'ici à 2021 ; le produit de la taxe sur les paris sportifs a augmenté de 80 % depuis 2015. Ces sources de financement issues du sport professionnel devraient bénéficier plus largement au sport amateur et non abonder le budget général de l'État. Peut-on envisager une hausse des fonds alloués à l'ANS proportionnelle à la hausse du rendement des taxes affectées au sport ? Cela permettrait de soutenir la pratique du sport dans nos territoires.

Ma deuxième question concerne la réorganisation des services de l'État et le rattachement auprès du ministère de l'éducation nationale des personnels des directions régionales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale et des directions départementales de la cohésion sociale. Ne redoutez-vous pas, madame la ministre, de voir les missions de ces personnels diluées au sein de ce ministère pour servir à concrétiser le projet présidentiel de service national universel ? Cette réforme n'affaiblira-t-elle pas votre ministère ? Elle nourrit les craintes de tous ceux qui entrevoient sa disparition prochaine.

Mme Céline Brulin . - Mes propos ne seront pas non plus originaux et rejoindront beaucoup de ceux qui ont déjà été tenus. Cela devrait alerter le Gouvernement... Comme le mouvement sportif, nous sommes nombreux à être choqués par ce qui s'est passé à l'Assemblée nationale. Le mouvement sportif est composé de bénévoles qui se démènent avec des bouts de ficelle tous les matins. La mesure qui était proposée ne semblait pas indécente au regard de l'argent brassé par le sport. Nous persévérerons pour faire adopter cette mesure. Les inégalités sont de plus en plus insupportables aux yeux de nos concitoyens.

L'ANS reste sous-financée. Je crains que les collectivités territoriales qui continuent à s'engager dans le sport en dépit de leurs propres difficultés budgétaires, ne soient encore davantage mises à contribution, dans un contexte de nouvelle organisation du sport dans les territoires et de vieillissement des équipements.

Enfin, je voudrais vous alerter sur les difficultés récurrentes de financement des sportifs de haut niveau. Les jeunes athlètes peinent à progresser dans leur discipline faute de moyens. Ils sont souvent aidés par leurs fédérations mais celles-ci ont moins de moyens à cause des dépenses engagées pour les jeux Olympiques. C'est paradoxal.

M. Jacques Grosperrin . - Tout a été très bien dit par mes collègues. Vous avez dit que ce le budget du sport n'avait jamais été aussi élevé, mais si l'on retire le transfert de la masse salariale des CTS et le programme relatif aux jeux Olympiques, les crédits sont beaucoup moins conséquents ! Mais je tiens à saluer votre combat contre Bercy et aurai donc tendance à voir plutôt le verre à moitié plein que le verre à moitié vide. 2020 sera l'année de vos premiers Jeux en tant que ministre. J'espère que la France occupera une belle place.

Les fédérations sportives sont inquiètes, car elles sont mal en point financièrement, à l'exception de la Fédération française de tennis ou de la Fédération française de football qui ont une situation budgétaire excellente grâce aux droits de télévision. Ne serait-il pas possible de déplafonner les taxes affectées ? Les crédits des fonds territoriaux de l'ANS dédiés aux activités sportives dans les territoires ont baissé de 27 % depuis 2018. Nous serons très attentifs à la future loi sur le sport en 2020. La France mérite une grande loi.

M. Laurent Lafon . - La pratique du e-sport, ou sport électronique, se développe, notamment chez les jeunes. Les enjeux financiers sous-jacents sont importants, car beaucoup d'éditeurs de jeux sont des entreprises françaises, tandis que les paris sportifs augmentent. La future loi sur le sport comportera-t-elle des mesures visant le e-sport ? Le modèle classique d'accompagnement des activités physiques peut-il être adapté, y compris à travers des parcours sport-études, à cette nouvelle discipline ?

M. Jean-Marie Mizzon . - On mesure la qualité d'un budget non seulement au montant des crédits mais aussi à la qualité des politiques qu'il finance. Vous avez évoqué le dopage. Or j'ai le sentiment que toutes les disciplines ne sont pas contrôlées de la même manière et que les sports collectifs sont moins visés que les sports individuels. Qu'en pensez-vous ?

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - La France est candidate à l'organisation des Gymnasiades ou jeux Olympiques du sport scolaire de 2022. La région Normandie est volontaire pour les accueillir. Le 30 novembre, on saura qui de la Russie, de la Serbie, de l'Azerbaïdjan ou de la France organisera ces jeux. Ce projet semble formidable, permettant de mobiliser les jeunes deux ans avant les jeux Olympiques. La région Normandie est très motivée. Reste la question du budget. Il semble que le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse s'interroge sur la volonté des collectivités territoriales intéressées de participer financièrement à l'organisation de ces Gymnasiades. Leurs engagements ne seraient pas jugés assez précis et, dès lors, le Gouvernement ne soutiendrait pas le projet avec beaucoup d'ardeur. Qu'en est-il ? Comment avez-vous défendu ce projet ?

Mme Roxana Maracineanu, ministre . - Comme pour la candidature de Paris pour les jeux Olympiques, nous avons cherché à organiser le plus possible d'événements pour faire la preuve de nos capacités d'organisation et susciter l'engouement auprès du public. Nous voulions aussi profiter de la dynamique créée par l'attribution des jeux Olympiques et Paralympiques à Paris en 2024, car organiser des événements sportifs c'est aussi investir dans le sport et l'avenir du sport. L'organisation des Gymnasiades permet d'intéresser des jeunes qui ne sont pas nécessairement engagés dans une aventure sportive de haut niveau mais qui pratiquent un sport de manière régulière, dans un cadre scolaire ou associatif. Cela permet de faire vivre l'esprit olympique : la compétition dans le respect de l'autre, le partage, et non la performance à tout prix. Telles sont les valeurs que nous voulons faire partager sur tout le territoire. Organiser les Gymnasiades serait une grande chance, à cet égard, pour la France. Effectivement, la question des coûts devra être abordée, car il n'est pas question que l'État assume seul le coût d'un tel événement.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - La région Normandie a clairement exprimé sa volonté de participer au financement de cette manifestation.

Mme Roxana Maracineanu, ministre . - Les Jeux à Paris créent un appel d'air pour tous les sports. Toutes les fédérations viennent vers nous pour organiser des tournois de qualification olympique, des championnats d'Europe, des championnats du monde, etc. Nous avons un budget de 6 millions d'euros pour soutenir les événements sportifs, ce qui n'est pas considérable si l'on considère l'importance des fees , ces sommes exigées par les fédérations internationales en contrepartie de l'organisation de compétitions, qui atteignent parfois des montants extraordinaires - 700 000 euros, par exemple, pour organiser le championnat d'Europe de volley-ball - tandis que les fédérations conservent encore le pouvoir de céder les droits de la compétition à des sponsors de leur choix. Ces pratiques sont discutables. Peut-être que la présidence du Conseil européen par la France, en 2022, sera-t-elle l'occasion de lancer un dialogue constructif avec les fédérations européennes et internationales sur ces clauses parfois exorbitantes. Nous allons aussi réactiver le Comité français du sport à l'international, qui réunira les fédérations et les territoires pour définir la stratégie de la France en matière d'organisation de compétitions internationales.

Le e-sport se développe. Des événements ont été organisés à Paris. Cette discipline a repris le mot « sport » sans discussion préalable avec le ministère. Ses responsables ont rencontré les membres de mon cabinet. Ils ont fait valoir leur volonté de structurer une filière, à l'image des filières d'accès à la haute performance dans le sport. Je suis consciente que contribuer au développement de cette discipline revient à promouvoir le fait de passer du temps devant un écran à jouer, même si cela mobilise d'autres compétences qui peuvent s'avérer très utiles pour une insertion dans la vie active ensuite, notamment en informatique. Il faut que nous leur apportions - ce qu'ils recherchent d'ailleurs - le moyen de pratiquer davantage d'activités physiques, une aide pour décrocher des écrans, y compris pour préparer les compétitions. Notre expertise peut être à cet égard intéressante ; en retour, nous souhaiterions un engagement de leur part sur la thématique de la lutte contre la sédentarité et un effort de communication autour de l'aspect inclusif de la discipline vis-à-vis des personnes handicapées.

Monsieur Savin, les taxes ne représentent qu'une petite partie du budget des sports : le produit de la taxe Buffet augmente de 30 millions alors que la hausse de notre budget est de 65 millions, grâce au concours du budget général de l'État. Les taxes ne suffiraient pas à couvrir le budget, elles n'en représentent que 20 %. Si on modifiait le système des taxes, les équilibres avec le budget général évolueraient. Quant à votre amendement, il ne garantit nullement que les contributeurs visés soutiendront directement et spontanément le sport amateur.

Je comprends votre réaction après le vote de l'Assemblée nationale. Nous voulions simplement dire que nous avons les moyens de nos ambitions. Le budget est défini en fonction des besoins. L'ANS est née en avril. Elle doit aujourd'hui se structurer. L'année qui vient sera consacrée à la discussion des projets de territoires et des projets fédéraux. Inutile donc d'octroyer des fonds qui ne seront pas dépensés avant la fin de l'année. En réalité, il ne faut pas minimiser l'enjeu. La création de l'ANS bouleverse totalement le paysage. Les fédérations devront en effet revoir leurs politiques et leurs déclinaisons territoriales. Les régions devront coordonner leur budget « sport » avec celui de l'État et celui des fédérations. C'est une année complexe, de structuration du modèle, qui s'ouvre. Donner plus de moyens que ce qui était nécessaire dans ce contexte aurait constitué, à mon sens, un geste irresponsable. Je me suis d'ailleurs positionnée contre un amendement venant de notre majorité à l'Assemblée nationale.

- Présidence de M. Jacques Grosperrin, vice-président -

Mme Roxana Maracineanu, ministre. - Je suis totalement opposée à l'idée selon laquelle il faudrait utiliser absolument un budget d'ici la fin de l'année pour justifier sa reconduction l'année suivante.

Je suis favorable au contraire à un budget qui corresponde à des projets définis en toute responsabilité par des fédérations et des collectivités avec lesquelles nous avons travaillé. Une fois les projets établis, nous savons accorder les moyens nécessaires pour que les actions se réalisent.

Le service national universel est, quant à lui, une belle opportunité, y compris pour nos agents qui pourront proposer leurs compétences en ingénierie territoriale dans le cadre de ce projet. Le ministère des sports a la chance de disposer d'agents de catégorie A compétents pour monter des projets en ingénierie territoriale. Cette expertise sera valorisée encore davantage pour organiser le SNU. Celui-ci constitue aussi une initiative intéressante pour nos jeunes. Réunir des jeunes d'une même catégorie d'âge, autour du sport spécifiquement, est bénéfique - je ne parlerai pas de tous les autres bienfaits que nous pouvons trouver dans le SNU. Ce sera l'occasion de parler à ces jeunes des enjeux de santé, de la reprise d'une activité physique à un âge où nous savons qu'ils décrochent la plupart du temps, et de l'importance de pratiquer le sport en général.

L'importance du sport et des activités collectives a été bien mise en avant lors de la première expérimentation du SNU par les jeunes eux-mêmes qui y ont participé, et le sera de nouveau cette année. Les activités sportives proposées leur permettent en effet de se retrouver. Pour tout vous dire, dans la première élaboration de l'expérimentation nous n'avons pas été aussi associés que je l'aurais voulu. Je pense en effet que nous avons beaucoup à apporter avec le sport. Ce point est d'ailleurs ressorti d'un sondage mené auprès des jeunes. Nous pourrons désormais y consacrer toutes nos forces.

Les agents des ministères s'inquiètent de la mobilisation attendue autour du SNU. Ils se demandent comment ils pourront assumer leurs autres tâches si tous leurs efforts se trouvent ainsi accaparés. Mais je pense que le SNU constitue précisément une formidable occasion pour faire le reste : parler du sport « bon pour la santé des jeunes », donner aux jeunes les premières armes pour s'insérer, notamment dans les métiers du sport - sur lesquels ils veulent souvent se positionner mais au sujet desquels ils manquent souvent d'information -, ou encore s'adresser à une catégorie d'âge où l'on passe souvent les premiers diplômes comme le brevet d'aptitude aux fonctions d'animateur (BAFA) ou le brevet de secourisme, qui sont souvent de premières étapes vers des diplômes fédéraux, pour évoquer les métiers correspondants.

Le SNU est également l'occasion d'envisager l'entrée dans ces métiers comme un complément à la vie active des jeunes concernés. Ils pourraient aussi avoir des diplômes sportifs complémentaires susceptibles de les aider à financer leurs études voire de les conduire vers une reconversion professionnelle à une période de leur vie où ils pourraient avoir envie de retourner vers le sport.

M. Jacques Grosperrin, président . - Merci, madame la ministre.

Audition de M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale
et de la jeunesse et de M. Gabriel Attal, secrétaire d'État
auprès du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse

MERCREDI 13 NOVEMBRE 2019

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- Présidence de Mme Catherine Dumas, vice-présidente,
puis de M. Jacques Grosperrin, vice-président -

Mme Catherine Dumas, présidente . - Mes chers collègues, nous avons le plaisir de recevoir aujourd'hui, en vue de l'examen des crédits consacrés à l'enseignement scolaire ainsi qu'à la jeunesse et à la vie associative du projet de loi de finances pour 2020, messieurs Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, et Gabriel Attal, son secrétaire d'État. Je vous propose, monsieur le ministre et monsieur le secrétaire d'État, de présenter sans plus attendre les grandes lignes de votre budget à l'occasion d'un propos liminaire d'une vingtaine de minutes. Je céderai ensuite la parole à nos rapporteurs pour avis, à savoir Jacques Grosperrin et Antoine Karam pour les crédits de l'enseignement scolaire et agricole et Jacques-Bernard Magner pour les crédits de la jeunesse. Je la donnerai enfin à l'ensemble des membres de la commission qui souhaiteraient vous interroger.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse . - Le budget de la mission « enseignement scolaire » traduit la priorité accordée à l'éducation par le Président de la République et par le Gouvernement. Il s'agit d'un budget de confirmation de nos engagements. Il prolonge la loi pour une école de la confiance qui a été votée cet été. L'idée est de se donner les moyens de faire de l'école un levier de réussite pour tous les élèves. Cette ambition implique, en premier lieu, de hisser le niveau général du pays, mais également de favoriser la justice sociale par le biais de l'éducation. Ce double objectif reste notre ligne permanente de conduite. La réussite des élèves passe par une action vigoureuse mise en place dès le plus jeune âge, par leur accompagnement constant et en offrant à chacun la possibilité progressive de personnaliser son orientation afin qu'il puisse réussir pleinement sa vie, tant professionnelle que personnelle. C'est la raison pour laquelle vous avez voté le principe de l'instruction obligatoire à partir de trois ans. De plus, nous avons décidé de mettre autant l'accent sur l'étape de l'école maternelle que sur le CP et le CE1 avec une série de mesures sur lesquelles je reviendrai au cours de cette audition.

Le budget de la mission « enseignement scolaire » pour l'année 2020 s'établit à 52,1 milliards d'euros hors cotisations et pensions de l'État. Cela représente une augmentation de près de 2 %, soit plus d'un milliard d'euros supplémentaires. Par ailleurs, les emplois de mon ministère sont sanctuarisés en 2020. Il y aura donc autant d'arrivées que de départs. Il s'agit d'un gage de continuité et de confiance dans la politique que nous menons au bénéfice des élèves. Ce milliard d'euros supplémentaire dégagé au titre de l'enseignement scolaire signifie que nous entendons poursuivre une transformation profonde de ce secteur. Je rappelle que cette augmentation est deux fois supérieure à l'inflation. Elle nous donne, de fait, les moyens de nos ambitions. La première d'entre elles est l'égalité des chances. Nous souhaitons ainsi donner plus à ceux qui en ont le plus besoin. Elle répond également au défi de la transmission, notamment celle des savoirs fondamentaux. Nous voulons également répondre au défi environnemental sur lequel j'ai déjà beaucoup insisté au moment de la rentrée scolaire. Nous avons désormais des éco-délégués présents dans les classes. L'éducation nationale joue, à cet égard, tout son rôle. Nous souhaitons enfin répondre au défi de la confiance, celui de la confiance en l'avenir. J'évoque souvent la notion d'école de la confiance. En effet, derrière les enjeux budgétaires existent des enjeux de nature qualitative qui visent à donner confiance à chacun des acteurs impliqués dans l'école (élèves, enseignants, familles). Nous envisageons ainsi l'école comme un vecteur de confiance pour l'ensemble de la société.

Ce budget dévolu à l'éducation est le premier de la Nation. À ce titre, il nous oblige collectivement.

Il réaffirme une priorité : celle donnée à l'école primaire. Elle se traduit, au premier chef, par la maîtrise des savoirs fondamentaux (lire, écrire, compter, respecter autrui). Cet objectif est la clé de toute égalité sociale. Nous nous sommes donnés les moyens de créer de nouveaux postes dans le premier degré : 440 postes supplémentaires dans l'école primaire alors même que nous sommes dans un contexte de baisse démographique. Nous comptons, en effet, 50 000 élèves de moins à la rentrée de 2020. Je vous rappelle que la France a sous-investi dans son système primaire au cours des précédentes décennies. Nous investissons ainsi moins que la moyenne des pays de l'OCDE dans l'école primaire alors que nous investissons davantage que cette moyenne dans l'enseignement secondaire. C'est à mon avis un choix - ou un non-choix - absurde. Nous nous devons, à cet égard, de rééquilibrer cette tendance non pas au détriment du second degré, mais bel et bien au service de l'école primaire. Plus nous agirons en faveur de l'école primaire, plus l'école secondaire en bénéficiera. Si tous les élèves arrivent au collège en maîtrisant les savoirs fondamentaux, c'est l'ensemble du système scolaire qui s'en trouvera renforcé.

Nous souhaitons, à cet effet, diminuer le nombre d'élèves par classe. Nous savons que cette décision est particulièrement pertinente dans le cas de l'école primaire. Nous souhaitons, par ailleurs, consolider la situation de l'école rurale. Il s'agit, je le sais, d'un sujet auquel le Sénat est particulièrement sensible. Je le suis tout autant. J'ai maintes fois déclaré que nous étions en phase sur ce sujet. Nous souhaitons, vous comme moi, une école rurale dynamique, qui donne l'exemple et se situe à l'avant-garde de l'école primaire. Cette priorité se traduit de manière quantitative avec des moyens significatifs pour l'école rurale, mais aussi avec des mesures destinées à favoriser son degré d'attractivité - par des regroupements pédagogiques intercommunaux, par exemple. L'école rurale doit ainsi se situer à la pointe de l'enseignement et susciter le désir de s'installer en milieu rural.

Ce budget poursuit, en outre, des mesures de justice sociale qui sont parmi les plus importantes de ce gouvernement, notamment via la réduction du nombre d'élèves dans les classes où se jouent les bases de l'apprentissage. Nous consolidons, à cet effet, le dédoublement des classes de CP et de CE1 en REP et en REP +. 300 000 élèves sont concernés aujourd'hui par cette mesure. Il s'agit de 20 % d'une classe d'âge qui bénéficiera de conditions privilégiées d'apprentissage. Nous étendons ce dédoublement des classes en grande section de maternelle, conformément aux engagements pris par le Président de la République en avril 2019, à l'issue du grand débat. Ces mesures concerneront, à terme, 150 000 élèves. Nous allons, en parallèle, limiter sur l'ensemble du territoire à 24 le nombre d'élèves par classe pour les classes de grande section, de CP et de CE1. Cette mesure s'appliquera dès la rentrée de 2020.

Nous accueillerons 26 000 élèves supplémentaires, du fait de l'abaissement de la scolarité obligatoire à trois ans, en application des dispositions de la loi pour une école de la confiance. J'ai souvent plaisir à répéter que vous, mesdames et messieurs les Sénateurs, avez voté à l'unanimité l'article 2 de cette loi. Lors de mes visites à l'étranger, je rappelle ainsi à mes interlocuteurs qu'il s'agit d'un sujet de consensus national.

Ce budget vise, de façon générale, à accompagner l'ensemble des élèves vers la réussite. Nous souhaitons, en effet, que la force du premier degré puisse se répercuter dans le second degré. Le volume d'enseignement dans le second degré public sera maintenu en 2020 grâce à une augmentation du volume des heures supplémentaires. La baisse du nombre de postes dans le second degré - en nombre équivalent à la hausse du nombre de postes dans le premier degré - sera compensée par le recours à ces heures supplémentaires. Il s'agit, pour les enseignants volontaires, d'une mesure de pouvoir d'achat.

Au collège, le budget consacré au dispositif « devoirs faits » monte en puissance progressivement depuis 2017. Nous le consolidons encore. Il fait l'objet d'une enveloppe globale de 247 millions d'euros dans le budget pour 2020. 80 millions d'euros seront pris en charge par l'agence du service civique afin d'indemniser les volontaires du service civique intervenant dans ce cadre. Nous avons également étendu ce dispositif à l'école primaire pour les élèves d'outre-mer. Ce budget renforce donc le soutien aux élèves les plus fragiles socialement. Nous avons aussi augmenté, à hauteur de 5 %, les crédits alloués aux bourses de collèges et de lycées. Cela se traduit par une hausse de 777 millions d'euros en 2020 (231 millions d'euros pour le collège, 411 millions d'euros pour le lycée et enfin 136 millions d'euros alloués à l'aide complémentaire spécifique). Par ailleurs, afin de favoriser la scolarité en internat, le montant de la prime d'internat évoluera en 2020 en fonction de l'échelon de bourse. Le cumul de cette prime et du sixième échelon de bourse sera proche du coût de l'internat. Cette revalorisation représente 7,6 % du financement de la prime d'internat.

Ce budget s'attaque également aux fragilités liées aux situations de handicap. Cette rentrée s'avère, à cet égard, particulièrement décisive. Des moyens supplémentaires ont été dédiés pour favoriser une école véritablement inclusive. Nous avions déjà pris des mesures fortes à la rentrée 2019. Nous allons intensifier nos efforts à la rentrée 2020. Le nombre d'élèves bénéficiant de ces mesures a augmenté de près de 50 % depuis la rentrée 2012-2013. Le ministère consacrera, dès 2020, plus de 3 milliards d'euros par an à l'accompagnement de ces élèves en situation de handicap. Il s'agit d'une hausse de 44 % depuis 2017. Du chemin reste certes à parcourir, mais ce rythme de progression est continu. De tous les budgets qui se trouvent sous la responsabilité de mon ministère, c'est celui qui fait l'objet de la plus forte hausse budgétaire - et ceci de très loin. Cette priorité se traduit notamment par le déploiement de plus de 3 000 pôles inclusifs d'accompagnement spécialisé (PIAL). Ils permettent la coordination des moyens d'accompagnement humain au sein des écoles et des établissements. La loi pour une école de la confiance crée également un service de gestion dédié aux accompagnants, visant à renforcer leurs compétences professionnelles. Ce budget 2020 réaffirme enfin la détermination sans faille de mon ministère sur la question fondamentale du handicap. Nous souhaitons, dans cette optique, que les personnels soient formés et « déprécarisés », notamment par l'achèvement de la transformation d'ici à juin 2020 des 29 000 contrats aidés en activité (les contrats des auxiliaires de vie scolaire - AVS) en agents recrutés sous contrats AESH (accompagnants d'élèves en situation de handicap). Ce sont actuellement 16 571 agents qui ont été recrutés sous contrat AVS. En outre, nous allons généraliser le recrutement des AESH sur la base d'un contrat de droit public de trois ans, renouvelable une fois - avant signature d'un CDI pour ceux qui le souhaitent. Le recrutement de 4 000 AESH supplémentaires à la rentrée 2020 est prévu. Enfin, le programme de création des classes ULIS (unités localisées pour l'inclusion scolaire) se poursuivra en 2020.

La rentrée 2020 sera celle de l'aboutissement de la refonte du baccalauréat ainsi que des programmes du lycée. Je vous rappelle que les bacheliers généraux et technologiques de la rentrée 2020-2021 devront passer ce nouveau baccalauréat. Il s'agit de mieux accompagner nos élèves dans la conception de leur projet d'orientation. Cette réforme leur laisse, à cet effet, plus de choix, de liberté et de responsabilité.

Notre budget vise enfin à renforcer l'attractivité du métier de professeur ainsi que des personnels concourant aux missions d'éducation. Je souhaite particulièrement insister sur l'enjeu de ressources humaines des rentrées 2019 et 2020. Dans la société du XXI e siècle naissent de nouvelles opportunités ainsi que des missions inédites qui touchent l'ensemble de nos personnels. Nous devons, dès lors, réinventer la notion de « professeur du XXI e siècle ». Cette réinvention passe par une gestion efficace des carrières ainsi que par la reconnaissance de l'investissement et du niveau de formation de nos personnels. Comme je l'ai précisé en introduction, le schéma d'emploi de mon ministère a été sanctuarisé. La stabilisation des emplois administratifs doit également être soulignée. Elle vise à accompagner au plus près la mise en oeuvre d'une politique plus qualitative de gestion des ressources humaines, et ce dans un souci de plus grande proximité. Je tiens à préciser, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, que l'enjeu de ce budget n'est pas de créer ou de supprimer des postes, mais de faire évoluer qualitativement notre système. Notre ministère a besoin de moderniser son administration.

La hausse d'un milliard d'euros de ce budget est surtout consacrée aux crédits de masse salariale. Ils font l'objet d'une augmentation nette de 823 millions d'euros. 80 % de cette hausse bénéficient directement aux personnels du ministère de l'éducation nationale ainsi qu'à la revalorisation de leurs carrières. 2020 verra une amélioration du pouvoir d'achat de ces personnels. Il s'agit, également comme vous le savez, d'un sujet de dialogue social. Cette hausse de 823 millions d'euros provient pour moitié du déroulé normal de progression des carrières et de l'ancienneté (le glissement vieillesse technicité - GVT). Il se situe à hauteur de 300 millions d'euros. Cela se traduit, concrètement, par des hausses de rémunérations pour les personnels concernés - pour un coût budgétaire de 11 millions d'euros en année pleine. Il existe, en outre, des dispositifs spécifiques, à l'instar de l'augmentation du volume d'heures supplémentaires. Les autres 400 millions d'euros de cette hausse budgétaire se déclineront entre des mesures catégorielles pérennes (300 millions d'euros au titre du protocole parcours professionnels, carrières et rémunération - PPCR) et la poursuite du soutien aux jeunes professeurs avec une revalorisation des débuts de carrière. À titre d'exemple, le traitement des jeunes professeurs certifiés aura augmenté de 1 000 euros sur la durée du quinquennat. Nous aurons également dynamisé les parcours de carrières pour 900 000 agents entre 2017 et 2022. 60 000 euros seront alloués à la troisième revalorisation des enseignants de REP +. Entre 2018 et 2020, 137 millions d'euros au total auront été alloués à la reconnaissance de l'engagement de ces professeurs oeuvrant en REP +. Cette troisième et dernière revalorisation, actée en 2020, se traduit par une augmentation de 1 000 euros pour ces personnels. Travailler en REP + devient, à cet égard, très intéressant financièrement. Enfin, une enveloppe indemnitaire de 30 millions d'euros accompagnera les mesures de ressources humaines de l'agenda social, par exemple en améliorant le taux d'accès à la hors classe pour les professeurs des écoles.

Telles sont, mesdames et messieurs les sénateurs les grandes lignes de ce budget. Il concrétise notre engagement pour une école de la confiance pour laquelle nous souhaitons une hausse du niveau de chaque élève et de la justice sociale par le biais de l'éducation. Je vous remercie de votre écoute.

Mme Catherine Dumas, présidente . - Merci, monsieur le ministre. Monsieur Attal, vous avez la parole.

M. Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse . - Madame la Présidente, Messieurs les Rapporteurs, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, je vais vous présenter rapidement les crédits du programme 163 « jeunesse et vie associative » qui traduit l'ambition que nous portons, avec Jean-Michel Blanquer, pour la jeunesse. Nous souhaitons, à cet effet, rendre à la jeunesse la maîtrise de son destin. C'est à travers elle que nous oeuvrons à la construction de notre destin national. Notre responsabilité consiste à la fois à répondre aux besoins actuels des jeunes, à leur ouvrir le champ des possibles et à les aider à inventer leur avenir avec confiance et optimisme. Nous suivons, dans ce but, une ligne directrice, celle de la société de la confiance, de l'engagement et de l'entraide que le Président de la République a appelée de ses voeux dans sa conférence de presse tenue à l'issue du grand débat national. La politique du gouvernement à l'égard de la jeunesse est pleinement animée par cet esprit d'engagement. C'est le sens du dispositif désormais ancré et que nous continuons naturellement à soutenir, à savoir le service civique. C'est également le sens du service national universel (SNU).

Les associations jouent dans notre société un rôle essentiel. Je souhaite insister sur le fait qu'un tel engagement en faveur de la jeunesse et de la vie associative n'existe qu'en vertu d'une collaboration interministérielle. Les crédits du programme 163 que je vais vous présenter ne résument évidemment pas l'ensemble des crédits engagés en vue d'atteindre ces objectifs. Les politiques en faveur de la jeunesse représentent un investissement de 95 milliards d'euros dans le budget global de l'État. L'effort de l'État en faveur des associations s'élève - hors dépenses fiscales - pour sa part, à plus de 7 milliards d'euros. Ces politiques revêtent, en outre, une dimension partenariale. Elles s'élaborent en lien avec l'ensemble des échelons des collectivités locales, mais également en étroite collaboration avec les associations et les fondations. Ce programme pour la jeunesse et la vie associative ne représente donc qu'une fraction de l'effort de la Nation dans ce domaine. Il permet toutefois à l'État de jouer un rôle primordial d'impulsion, d'innovation, de professionnalisation, de coordination interministérielle, d'expertise et de régulation.

Le programme 163 porte quatre séries de mesures qui méritent d'être mises en avant dans le cadre de cet exposé liminaire. La première porte sur l'accès à la formation. Il s'agit, en effet, d'une condition sine qua non de l'autonomie de la jeunesse. Nous devons penser aux milliers de jeunes en butte à des situations de précarité. Si des solutions leur sont destinées, ils n'en bénéficient pas toujours, faute d'en avoir connaissance. La nouvelle « boussole des jeunes » représente une réponse, parmi d'autres, à cette carence. Nous allons, de fait, accélérer son déploiement.

La seconde série de mesures porte sur la mobilité internationale. Il s'agit d'un levier significatif de l'intégration sociale et professionnelle ainsi que de l'émancipation de ces jeunes. Nous devons également faire un effort de communication afin de renforcer la lisibilité ainsi que l'accessibilité des offres existantes en la matière, et de plus en plus soutenues à l'échelle européenne notamment. Je pense naturellement à Erasmus +, mais aussi à l'office franco-québécois pour la jeunesse (OFQG) et à l'office franco-allemand pour la jeunesse (OFAJ).

Le troisième axe de notre action concerne l'accueil de loisirs collectifs de mineurs et l'accueil de loisirs. Il permet, en effet, une ouverture culturelle et sportive et favorise l'inclusion sociale. 108 millions d'euros sont investis annuellement pour soutenir les collectivités dans la mise en oeuvre du « plan mercredis ». Nous accompagnons, par ailleurs, les mutations rencontrées par le secteur des colonies de vacances. Le ministère consacre une attention particulière à enrayer le déclin de ce mode de vacances et à accompagner l'évolution de ces accueils. La campagne annuelle de valorisation des colonies de vacances est un bon exemple de notre effort pour promouvoir cette modalité de départ en vacances qui représente, pour nombre de jeunes, une première expérience de mobilité, de découverte d'un nouveau territoire et de rencontres avec des jeunes en dehors du cercle familial ou scolaire.

Je souhaiterais enfin, dans cette optique d'émancipation de la jeunesse, évoquer les enjeux du service civique et du service national universel (SNU). Le service civique suscite un véritable engouement chez les jeunes. Il est un formidable vecteur d'engagement volontaire et d'intégration. Nous atteindrons en 2020 150 000 jeunes en service civique. Cet effectif revêt une dimension symbolique et répond aux attentes d'un grand nombre d'acteurs, notamment d'associations qui ont porté le développement de ce système. Son budget est en augmentation de 13 millions d'euros. Il s'élève, au total, à 508 millions d'euros. Cette nouvelle augmentation traduit notre conviction que ce dispositif est essentiel. Le service civique est, en effet, une véritable école de l'engagement, de la détermination, de la persévérance, de la découverte et de l'estime de soi. C'est une école de la vie. Nous sommes conscients que cette augmentation ne peut s'effectuer à tout-va. L'objectif que nous nous étions fixés de 150 000 jeunes en service civique sera atteint. Nous souhaitons toutefois que cette croissance ne se traduise pas uniquement par une course quantitative effrénée. Elle doit, au contraire, être calibrée pour permettre aux agents de faire progresser les capacités d'évaluation et de contrôle de l'agence. C'est la condition pour que les valeurs fondamentales du service civique que sont l'accessibilité, la mixité sociale et la non-substitution à l'emploi restent à la hauteur des principes fondateurs de ce programme. La réaffirmation de ces conditions est d'autant plus essentielle avec la généralisation à venir du service national universel. En effet, de plus en plus de jeunes s'engageront. C'est l'un des grands objectifs du SNU. La réussite de ce projet se mesurera d'ailleurs à l'aune de l'augmentation du nombre de jeunes qui, après un SNU, s'engageront en tant que bénévoles, réservistes de la garde nationale ou en tant que volontaires en service civique.

Le SNU est un projet de société qui concernera, à terme, tous les jeunes âgés de 16 ans. Il a pour finalité d'affirmer les valeurs de la République afin de renforcer la cohésion sociale et nationale, de susciter une culture de l'engagement et de permettre à toute une génération de prendre conscience des grands enjeux sociaux et sociétaux de notre pays. Après une préfiguration en 2019, l'année 2020 verra la poursuite du déploiement du SNU, toujours sur la base du volontariat, dans chaque département métropolitain et ultra-marin. Dans ce but, 30 millions d'euros ont été inscrits dans le cadre du programme 163. Cette somme permettra d'accueillir plusieurs milliers de jeunes volontaires pour un séjour de cohésion et leur donnera l'opportunité d'effectuer une mission d'intérêt général. Le SNU constitue, de fait, un moment charnière dans la vie de ces jeunes. Il est un temps de mobilité, un temps de rencontres. Les premiers retours de la préfiguration de 2019 attestent d'ailleurs de l'engouement des jeunes qui y ont déjà pris part. Cette expérience permet, en outre, de faire tomber représentations et barrières et de libérer la parole des jeunes. L'évaluation effectuée par l'Injep (institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire) par des statisticiens et sociologues indépendants sur la première cohorte de jeunes confirme que les objectifs fixés au SNU ont été pleinement atteints. Ces jeunes ont vécu le SNU comme une expérience de cohésion sociale et territoriale, comme un moment de découverte de la notion d'engagement et comme l'opportunité de s'approprier le sens des valeurs et symboles de la République. Bien évidemment, des améliorations sont nécessaires. Nous y reviendrons sans doute dans vos questions.

Le second volet du programme 163 s'adresse aux associations qui, je le rappelle, représentent un vecteur essentiel de l'épanouissement de notre jeunesse, avec 21 millions d'adhérents, 13 millions de bénévoles mais aussi 1,8 million de salariés. Ce secteur représente à la fois un ferment de cohésion sociale, mais également un acteur économique majeur pour notre pays. Les associations se situent, en effet, au coeur de la société de la confiance, d'engagement et d'entraide souhaitée par le Président de la République. Nous avons voulu insuffler un nouvel élan à la politique de soutien à la vie associative avec un rapport renouvelé aux associations. Pour cela, nous nous attaquons aux racines des difficultés rencontrées au quotidien par certaines d'entre elles. Nous souhaitons créer les conditions d'un appui structurel renforcé de ces associations, notamment en matière d'emplois et de financement.

Nous portons, à cet effet, cinq priorités d'actions :

- organiser l'emploi au sein des associations afin qu'elles ne soient plus sujettes aux fluctuations propres à leur modèle économique. C'est la raison pour laquelle nous déployons depuis juin 2019 les groupements d'employeurs associatifs par l'octroi de postes « Fonjep » (fonds de coopération de la jeunesse et de l'éducation prioritaire) et que nous augmentons le budget du FONJEP de 3,5 millions d'euros en 2020 ;

- reconnaître et favoriser le bénévolat en mettant en oeuvre le compte d'engagement citoyen (CEC). Un budget de 11,5 millions d'euros est dédié à cette mesure. Nous pérennisons en outre le FDVA 1 (fonds pour le développement de la vie associative) dédié à la formation des bénévoles. Les actions traduisent notre volonté de valorisation du milieu associatif comme lieu d'engagement social et professionnel ;

- favoriser la vie des associations, notamment les plus petites. Cela passe par la généralisation progressive de l'outil « compte associations » à tous les périmètres ministériels afin de favoriser leurs démarches de demandes d'agréments et de subventions ;

- accompagner les associations au sein des territoires afin de participer à la structuration de leurs modèles de gouvernance, économiques et de favoriser leur développement. Cet accompagnement fera l'objet d'un travail de mesure en 2020 ;

- permettre enfin aux associations de lever des fonds nouveaux en développant une culture de la philanthropie, mais aussi en améliorant les dispositifs déjà existants. Outre les mesures sectorielles, je souhaite rappeler les 25 millions d'euros en faveur du FDVA. Nous travaillons également à de nouvelles mesures pour faciliter des financements inédits, à l'instar de l'ouverture du FDVA à des fonds privés dès l'année 2020. Par ce biais, nous espérons développer le mécénat collectif dans les territoires, mais également récupérer les fonds inactifs des associations afin de les reverser au fonds de développement de la vie associative. Nous avions récemment évoqué ce sujet dans l'hémicycle à l'occasion de l'examen de la proposition de loi en faveur de l'engagement associatif.

Tels sont, de manière préliminaire à nos échanges, les éléments structurants relatifs à ce programme. Il ne s'agit pas naturellement du budget le plus substantiel de l'État en volume, mais il bénéficie d'une forte puissance de synergie interministérielle. Il se traduit, de surcroît, par une collaboration significative avec le secteur associatif et les collectivités territoriales. Il contribue surtout à donner corps au souhait exprimé par le Président de la République de favoriser une véritable politique de l'engagement et de l'émancipation. Je vous remercie pour votre attention.

M. Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis des crédits de l'enseignement scolaire . - Monsieur le ministre Blanquer, j'ai bien entendu qu'il s'agissait d'un budget de confirmation. En outre, j'apprécie la priorité donnée à l'école primaire. Chacun ici a compris que cette politique est essentielle afin que l'élève ne cumule par les difficultés à son entrée au collège. Enfin, en ce qui concerne la création et la suppression de postes, il me semble important de l'adapter à la réalité du terrain et de sortir d'une vision uniquement comptable qui a pollué les débats sur l'éducation nationale depuis de trop longues années.

Ma première question concerne les annonces du Président de la République concernant à la fois le plafonnement du nombre d'élèves par classe à 24 en grande section, CP et CE1 d'ici 2022, et l'extension du dédoublement des classes aux grandes sections pour les classes de REP et REP +. Combien de classes supplémentaires cela représente-t-il ? Quel schéma d'emploi prévoit le ministère pour faire face à cette augmentation ?

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse . - Comme vous le savez, le mouvement de dédoublement des classes a été initié à la rentrée 2017. Cela représentait le dédoublement de 700 classes de CE1 en REP + et de 3 200 classes en REP en 2019. Ces chiffres donnent un point de repère pour le dédoublement à venir pour les classes de grande section de maternelle. À cette occasion, 2 300 postes d'enseignants supplémentaires ont été créés par mon ministère à la rentrée 2019. Il s'agissait, à mon sens, d'une mesure de justice sociale. Il est, en outre, prévu que le doublement des classes en grande section de maternelle en éducation prioritaire soit peu ou prou équivalent au déploiement opéré en CP. Nous devrons toutefois nous adapter au réel et ce processus pourra connaître, au fur et à mesure de son déploiement, un certain nombre d'ajustements, avant de parvenir, à terme, à l'objectif que nous nous sommes fixés. J'ajoute que de manière anticipée, nous avons procédé au dédoublement de 70 classes de grande section de maternelle en REP +, notamment dans l'académie de Créteil.

Il est par ailleurs prévu que le nombre d'élèves soit plafonné à 24 dans l'ensemble des classes de grande section, de CP et de CE1, y compris hors éducation prioritaire. Nous allons commencer avec les classes de grande section de maternelle. Au total, 26 000 classes seront concernées par cette mesure (21 000 dans le public et 5 000 dans le privé). Cette mesure de grande ampleur devrait, au final, bénéficier à quelque 740 000 élèves. Elle nécessitera la création de 3 200 ETP sur trois ans. 1 187 ETP seront mobilisés dès la rentrée scolaire 2020 pour couvrir les classes de grande section du public, auxquels s'ajouteront 736 ETP en 2021 et 2022 - soit un total de 1 741 postes pour le CP et CE1. Cette réforme sera appliquée avec le plus grand soin, mais également avec souplesse. Son coût a été évalué à 12 millions d'euros pour l'année 2020, à 35 millions d'euros pour 2021 et à 30 millions d'euros pour 2022. Au total, cette mesure coûtera 78 millions d'euros sur trois ans puis se maintiendra à ce niveau pour les années suivantes.

M. Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis des crédits de l'enseignement scolaire . - Je souhaite à présent vous interroger sur le décret du 6 septembre 2019 qui prévoit une incitation financière pour les enseignants qui se formeraient pendant les vacances. Le montant de cette indemnité est de 120 euros par jour dans la limite de 5 jours par an. Combien coûterait cette mesure ? Selon le ministère, combien d'enseignants auront recours à cette possibilité ? Peut-être disposez-vous déjà de chiffres sur le recours à cette possibilité lors des vacances de la Toussaint ?

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse . - Je tiens, de manière liminaire, à rappeler l'importance fondamentale de cette mesure, qui n'a pas été facile à prendre. Elle s'inscrit pleinement dans notre volonté d'améliorer la formation continue destinée aux personnels enseignants. D'ailleurs, nous venons de publier, à l'occasion de la rentrée 2019 un schéma de formation continue, fruit du dialogue social. Il garantit à tous les professeurs une formation continue dans un délai de trois ans. Aucun professeur ne pourra s'en soustraire. Cette mesure répond à une double ambition, à savoir contribuer à l'épanouissement des enseignants qui en bénéficieront mais également répondre aux besoins, en matière de formation, des personnels de l'éducation nationale. Il s'agit pour nous d'une priorité de nature pédagogique. Par exemple, à la suite du rapport Villani-Torossian, nous avons mis en place un plan volontariste pour l'enseignement des mathématiques dans le cadre de la formation continue. Cette mesure concernera avant tout le premier degré. Elle rejoint, de ce fait, nos priorités dégagées pour ce niveau spécifique et l'acquisition des savoirs fondamentaux. Cette offre de formation continue sera renforcée de manière à la fois quantitative et qualitative. Ce système gagnant-gagnant vise notamment une diminution de l'absentéisme pour cause de formation - l'un des principaux problèmes de notre institution - et la hausse du niveau d'exigence pour la formation. En outre, cette formation hors du temps scolaire permettra une hausse du pouvoir d'achat des enseignants. 30 millions d'euros seront alloués en 2020 au financement du déploiement de ce dispositif. Il est pour l'heure prématuré de dresser un premier bilan des formations réalisées lors des vacances de la Toussaint. Mais, je ne manquerai pas de vous transmettre cette information dès que nous en disposerons.

M. Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis des crédits de l'enseignement scolaire . - Enfin, ma dernière question porte sur les compensations financières aux collectivités territoriales, pour ces dédoublements ou ce plafonnement. Cela peut entraîner la nécessité de construire de nouveaux locaux dans des zones parfois tendues. Pouvez-vous nous en dire plus sur les modalités concrètes de demandes et de versements de ces compensations financières, ainsi que sur les délais ?

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse . - Je tiens, pour commencer, à saluer la bonne volonté des collectivités territoriales concernant cette mesure de dédoublement des classes. Cette mesure a ainsi fait l'objet d'un véritable consensus dans les communes de France. Je tiens à les en remercier. Cet état d'esprit très positif tranche avec les débats quelque peu tendus et le scepticisme qui a prévalu au lancement de cette mesure en juin 2017. Les communes ont suivi, car elles étaient convaincues de l'intérêt d'une telle mesure pour les enfants. Elles l'ont fait avec l'aide de l'État - et parfois cette aide n'a pas couvert la totalité des investissements réalisés, mais qui étaient de toute façon nécessaires. Cette mesure, et la planification du dédoublement des classes lancent, il me semble, une réflexion intéressante sur le bâti scolaire. Les maires avec lesquels j'ai pu m'entretenir à ce propos ont également fait état de leur satisfaction d'avoir investi dans ce domaine. Des bénéfices ont également été constatés pour les administrés. Un certain nombre d'investissements réalisés à cette occasion ont également permis une rénovation de certains bâtiments scolaires. Dès la rentrée 2018, les investissements en matière de rénovation du bâti scolaire ont été ajoutés à la liste des opérations prioritaires éligibles aux dotations à disposition des préfets : la dotation pour la politique de la ville, la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) et la dotation pour l'équipement des territoires ruraux (DETR). En 2018, la DSIL a permis de soutenir 1 126 projets portant sur les infrastructures scolaires pour plus de 150 millions d'euros, dont 83 millions d'euros pour des opérations de création, de transformation ou de rénovation du bâti scolaire. Si ces dépenses participent aux dépenses publiques d'éducation, elles ne sont pas incluses dans le budget de l'éducation nationale. J'ajoute que l'extension progressive de cette mesure aux classes de grande section de maternelle de REP fera, par la suite, l'objet d'un accompagnement de notre part. Enfin, en ce qui concerne le plafonnement à 24 élèves, cette mesure sera appliquée avec souplesse. Elle ne devrait pas conduire à des bouleversements importants sur les investissements des collectivités territoriales, dans un contexte de baisse démographique des élèves.

Mme Catherine Dumas, présidente . - Je passe à présent la parole à M. Jacques-Bernard Magner qui souhaite notamment vous interroger sur les crédits dévolus à la jeunesse.

M. Jacques-Bernard Magner, rapporteur pour avis des crédits de la jeunesse et de la vie associative . - Monsieur le secrétaire d'État, pouvez-vous nous préciser les chiffres concernant la prochaine cohorte de jeunes qui feront le SNU ? J'ai entendu de votre part les chiffres de 20 000 et de 30 000 jeunes. Cette différence n'est pas mince. En effet, si j'ai bien compris, pour chiffrer les 30 millions d'euros dévolus à cette action, vous vous êtes basé sur les 1 500 euros que coûtent actuellement les jeunes volontaires en SNU. Si on multiplie ce chiffre par 20 000, on arrive à 30 millions. Mais, si ce chiffre est multiplié par 30 000, cela fait 45 millions d'euros. Avez-vous trouvé d'autres sources de financement ? Ou bien y a-t-il une baisse du coût par jeune ?

M. Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse . - Une ligne budgétaire dédiée de 30 millions d'euros est prévue dans ce budget. Cela répond d'ailleurs à de nombreuses interpellations faites l'année dernière d'un budget dédié au SNU. J'avais pris l'engagement de le faire, ce qui se traduit dans le projet de loi de finances pour 2020 par cette action du programme 163.

Nous sommes en train d'évaluer nos capacités d'accueil pour les volontaires du SNU. Nous avons demandé aux préfets dans tous les départements de cartographier celles disponibles en juin prochain. Au regard des places disponibles, nous pourrons déterminer le nombre de volontaires que nous pourrons accueillir à cette période de l'année. Il faut une place pour chaque jeune retenu, afin de ne pas créer de déception. Le budget prévoit ainsi 30 millions d'euros en indiquant dans la lettre plafond 20 000 jeunes. Cela pourra être dans les faits un peu plus ou un peu moins en fonction des résultats de la cartographie en cours. Ce sera certainement entre 20 000 et 30 000 jeunes.

M. Jacques-Bernard Magner, rapporteur pour avis des crédits de la jeunesse et de la vie associative . - Je vous remercie pour ces informations. Il y aura donc entre 20 000 et 30 000 jeunes en 2020. L'objectif à moyen terme est d'atteindre les 750 000 jeunes, soit une classe d'âge. Comment comptez-vous procéder, en matière d'encadrement, d'animation ou d'hébergement pour faire face à la prise en charge d'une classe d'âge ? La période de quinze jours sera fortement consommatrice de locaux et d'animation.

En outre, vous avez indiqué souhaiter un prolongement du SNU dans le service civique. À terme, le service civique sera-t-il capable de répondre à autant de demandes ?

M. Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse . - Nous devons effectivement dans le cadre du SNU anticiper l'accueil à terme de 800 000 jeunes. Le rapport du général Ménaouine remis il y a un peu plus d'un an maintenant dressait un certain nombre de perspectives. Il existe sur nos territoires des capacités d'hébergement pour un nombre important de jeunes : les internats des lycées et parfois des collèges, les structures de tourisme social - j'ai d'ailleurs rencontré un certain nombre d'entre elles. Je pense notamment à des périodes de vacances durant lesquelles telle ou telle structure ferait l'objet d'une fréquentation moindre. L'armée dispose encore d'un certain nombre de bâtiments pouvant accueillir ces jeunes. D'ailleurs, il me semble que dans votre département, Monsieur le rapporteur, la première cohorte de jeunes volontaires a été accueillie dans des bâtiments militaires.

Le vrai enjeu est moins l'hébergement que celui de l'encadrement. Il est nécessaire de prendre de l'avance pour recruter et former en nombre suffisant les encadrants pour maintenir le haut niveau d'exigence en matière de sécurité que nous avons fixé.

M. Jacques-Bernard Magner, rapporteur pour avis des crédits de la jeunesse et de la vie associative . - Je souhaite à présent vous interroger sur le service civique, l'autre action importante du programme 163. Vous l'avez rappelé, 500 millions d'euros sont budgétés en 2020. Je m'inquiète du niveau de ce montant. Comme j'avais pu l'exprimer les années précédentes, au moment où la création du SNU était envisagée, il est essentiel de continuer à accorder une attention toute particulière au service civique. Vos propos se veulent rassurant en nous indiquant qu'il va perdurer sous d'autres formes.

Or, je crains que pour des raisons budgétaires, certaines missions ne soient réduites de huit mois à sept mois. C'est une façon de faire des économies sans réduire sur le nombre de services proposés. Mais, pour en avoir longtemps parlé avec Unis-Cité, il serait dommage de trop diminuer la durée de ces missions. Je souhaite que ce dispositif, qui a prouvé depuis dix ans ses qualités ne soit pas sacrifié pour des raisons budgétaires. On aurait voulu voir 300 000 jeunes en service civique. Cela ne semble plus être d'actualité. Toutefois, si le SNU coûtait à terme 1,5 milliard d'euros, il serait souhaitable que l'État consacre un budget équivalent - de 1,5 milliard d'euros - au service civique.

M. Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse . - J'ai évidemment entendu de nombreuses craintes, notamment portés par les acteurs du service civique, d'une mise en place du service national universel sur les moyens dédiés au service civique. Nous voyons dans ce budget que ce n'est pas le cas. Sinon, nous aurions retiré 30 millions au service civique pour les dédier au service national universel. Au contraire, le budget du service civique augmente.

En ce qui concerne la durée des missions, il faut une approche très fine et pragmatique. Il peut y avoir des missions qui, en raison de leur nature, peuvent être plus courtes que les autres. Au contraire, pour certains publics, la durée de mission doit être un peu plus longue. Vous citiez Unis-Cité qui est un acteur fondamental du service civique. Il a présidé à sa création. Il s'est donné pour mission d'aller chercher les jeunes les plus éloignés de l'engagement et de l'insertion. Nous savons que ces jeunes ont besoin de missions plus longues que les autres. Il faut donc une approche fine et au cas par cas. Il n'est pas question de demander de manière brutale à tous les acteurs de réduire la durée des missions.

Enfin, en ce qui concerne l'augmentation du nombre de jeunes en service civique, il est important de permettre aux plus de jeunes possibles de bénéficier de cette expérience. Mais pour que cela reste une vraie expérience et que cela leur donne envie de poursuivre leur engagement sous d'autres formes, il faut que le rôle qui leur est confié soit une vraie mission d'intérêt général. Cela nécessite d'avoir un contrôle sur la qualité des missions et sur la non-substitution à l'emploi. Ces exigences président à toute augmentation à venir.

M. Antoine Karam, rapporteur pour avis du programme 143 « enseignement agricole » . - Nous sommes nombreux, dans cet hémicycle, à vouloir briser les murs entre l'enseignement agricole et l'enseignement dit général. Le débat initié il y a quelques semaines par le groupe CRCE a été une façon de montrer que nous sommes tous conscients de la nécessité de revaloriser l'enseignement agricole.

Longtemps en recul, les effectifs de l'enseignement agricole sont aujourd'hui repartis à la hausse, comme nous l'a indiqué Didier Guillaume il y a quelques jours. Lors du dernier salon de l'agriculture, vous avez lancé avec le ministre de l'agriculture la campagne « L'aventure du vivant » chargé de promouvoir l'enseignement et les métiers agricoles. Je suis convaincu que l'enseignement agricole a beaucoup à gagner dans la synergie entre l'éducation nationale et le ministère de l'agriculture. Cette campagne marque-t-elle la volonté d'une coopération accrue en matière d'orientation des élèves. Y-a-t-il d'autres initiatives en gestation ?

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse . - Je tiens, pour commencer, à préciser que je partage l'ensemble des constats de votre intervention. Je suis ainsi personnellement convaincu du bien-fondé de la synergie entre ces deux ministères. En aucun cas l'éducation nationale doit vivre l'existence des lycées agricoles comme une concurrence - et vice-versa. Nous travaillons la main dans la main afin d'offrir une diversité de choix aux élèves.

C'est le sens de la convention que nous avons signée le 20 février 2018 avec le ministère de l'agriculture afin de renforcer notre collaboration. Nous souhaitons améliorer la connaissance de l'offre de formation existant dans l'enseignement agricole. À l'occasion du salon international de l'agriculture de 2019, nous avons lancé la campagne « l'enseignement agricole, l'aventure du vivant », afin de montrer notre ambition commune. Cela s'est traduit par des opérations concrètes d'information. J'ai adressé avec mon collègue Didier Guillaume un courrier le 10 avril 2019 à tous les principaux de collège, tous les proviseurs de lycée, afin de leur faire part de cette approche. Une circulaire conjointe de la direction générale de l'enseignement scolaire du ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse et de la direction générale de l'éducation et de la recherche du ministère de l'agriculture en date du 12 avril 2019 a été adressée aux recteurs d'académie et aux directeurs académiques de l'éducation nationale, mais aussi au directeurs régionaux de l'agriculture, de l'alimentation et de la forêt. Nous avons fortement renforcé les mesures d'orientation des élèves vers l'enseignement agricole. Nous avons également mis en place un téléservice destiné aux familles pour la formulation des voeux au lycée à l'issue du collège. Nous pouvons faire le parallèle avec le travail réalisé en matière d'apprentissage et de voie professionnelle. Il n'y a plus de hiérarchie entre toutes ses possibilités. Ce qui compte est la satisfaction - le plus possible - du premier voeu de l'élève et l'accompagnement de l'élève et des familles en orientation.

À la rentrée dernière, 137 629 élèves étaient inscrits dans un établissement agricole du second degré. En cette rentrée 2019, ils sont 138 363 élèves. Pour la première fois depuis de très nombreuses années, les effectifs ne sont pas en baisse, mais en hausse, notamment grâce au travail d'information réalisé dans les collèges. Cela représente une augmentation de 0,5 %, ce qui est significatif. Nous souhaitons faire toujours plus en 2020. C'est une bonne utilisation des deniers publics : en effet, alors que certains lycées de l'enseignement national sont complets, il y a des places vacantes dans les lycées de l'enseignement agricole. Les capacités d'accueil de notre pays sont ainsi mieux utilisées.

M. Antoine Karam, rapporteur pour avis du programme 143 « enseignement agricole » . - Permettez-moi de poser deux autres questions qui vont au-delà de l'enseignement agricole.

Ma question porte sur le primaire. Vous avez réaffirmé qu'il s'agit d'une priorité de ce budget. En 2019, les évaluations ont fait apparaître des résultats encourageants, signes que les efforts engagés via le dédoublement des classes et les nouvelles pratiques pédagogiques commencent à porter leurs fruits.

Néanmoins, beaucoup reste à faire pour les maternelles dans certains territoires comme en Seine-Saint-Denis, ou en Guyane. D'ailleurs, un reportage au journal de 20 heures de France 2 hier soir sur la rentrée scolaire en maternelle à Cayenne a montré que 30 % des enfants n'ont pas été scolarisés à cette rentrée. Le chantier est vaste qu'il s'agisse de l'instruction dès trois ans ou du dédoublement des classes. Je plaide - je l'ai d'ailleurs dit en séance - pour une montée en puissance par étape à Mayotte et en Guyane de ces dispositifs. Pouvez-vous nous assurer de l'attention particulière de votre ministère pour l'enseignement et l'évolution du bâti scolaire dans ces territoires où la jeunesse constitue la plus grande richesse ?

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse . - Avec l'instruction obligatoire à trois ans, nous avons indiqué un chemin quantitatif et qualitatif pour l'école maternelle. Nous amenons à l'école maternelle plus de 20 000 enfants qui n'y allaient pas. Cette question a une particulière acuité pour la Guyane et Mayotte, où nous constations déjà l'absence d'une scolarisation pleine et entière de tous les élèves de plus de six ans. En nous fixant ce nouvel objectif d'une instruction obligatoire dès trois ans, nous prévoyons nécessairement son accomplissement progressif. Vous l'aviez d'ailleurs souligné, monsieur le sénateur, lors des débats sur le projet de loi pour une école de la confiance. On peut encore constater des insuffisances en Guyane. Toutefois, des progrès ont été faits par rapport aux rentrées précédentes. C'est à l'échelle de ce quinquennat que l'on doit réussir la pleine et entière scolarisation de tous les enfants à l'école maternelle en Guyane comme à Mayotte. Cela passe par un soutien de l'État à la construction d'écoles primaires et maternelles. Nous aidons les collectivités, notamment en Seine-Saint-Denis, en Guyane et à Mayotte, afin qu'elles puissent faire face à l'enjeu de classes dédoublées et à la création de nouvelles écoles maternelles. En Seine-Saint-Denis, le Premier ministre a annoncé un plan d'action et de transformation qui se traduit par un plan d'investissement de 20 millions d'euros supplémentaires destiné à l'immobilier scolaire. Celui-ci s'ajoute aux dotations actuelles de soutien à l'investissement local et dotations à la politique de la ville.

Pour la Guyane et Mayotte, nous avons signé en 2019 des contrats quadriennaux, qui permettent un soutien aux collectivités locales pour l'investissement dans le bâti scolaire. Les constructions scolaires relèvent de la compétence des collectivités. Nous avons adopté, s'agissant de la Guyane, certains assouplissements à travers l'amendement « Karam », pour plus d'efficacité. Dans le cadre du plan d'urgence, repris dans l'accord de Guyane du 21 avril 2017, 250 millions d'euros sur cinq ans sont prévus pour les collèges et les lycées et 150 millions sur dix ans pour les écoles primaires. Ces crédits sont portés sur le programme 123 « conditions de vie outre-mer » dans la mission « outre-mer ». Ces moyens ne se voient pas nécessairement dans le budget « éducation nationale » qui vous est présenté.

Pour Mayotte, où le Président de la République s'est rendu il y a peu, les constructions scolaires seront dans une situation d'exception au droit commun. Il s'agira d'une compétence de l'État, avec des défis démographiques très importants. La mission interministérielle, qui a travaillé sur place en 2018 et a permis d'arriver à un consensus sur l'évaluation des besoins, a montré la nécessité de construire onze collèges, cinq lycées, de réhabiliter six établissements scolaires et d'en rénover dix autres. Sur la période 2019-2022, cela représente 334 millions d'euros, prévus dans le contrat de convergence, soit un montant annuel de 83,5 millions d'euros. Pour le premier degré, le contrat de convergence de Mayotte pour la période 2019-2022 prévoit des mesures spécifiques pour un montant de 120 millions d'euros, portés par le ministère de l'outre-mer. Le bâti scolaire va connaître une montée en puissance en Guyane, à Mayotte et en Seine-Saint-Denis. Nous allons ouvrir à Mayotte 800 nouvelles classes entre 2019 et 2022 dans le premier degré. Cela permettra de supprimer une bonne partie des rotations scolaires qui existent aujourd'hui - système imaginé pour faire face à la démographie scolaire à Mayotte.

M. Antoine Karam, rapporteur pour avis du programme 143 « enseignement agricole » . - Monsieur Attal, vous vous êtes rendu en Guyane, où vous avez côtoyé les jeunes en SNU. Vous avez annoncé 30 millions d'euros inscrits au budget 2020. L'expérience étant plus parlante que les chiffres, pouvez-vous nous dire quelques mots sur les jeunes que vous avez rencontrés ?

M. Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse . - J'ai vécu une expérience très forte en participant au service national universel en Guyane. J'ai ainsi partagé le quotidien de ces jeunes pendant quelques jours - dans les mêmes conditions qu'eux. Pour les jeunes de l'hexagone qui ont réalisé leur service national en Guyane, le SNU a été une expérience très forte. Ils ont découvert ce territoire magnifique qui représente 97 % de la biodiversité européenne, qui a des atouts formidables et des enjeux très forts. Ils en sont revenus transformés.

Pour beaucoup des jeunes Guyanais qui ont fait leur service national en hexagone, il s'agissait de leur première découverte de la métropole. Elle s'est faite dans la pluralité et la diversité des territoires. Les jeunes ont en effet été répartis dans treize départements. J'ai vu une très belle cohésion entre tous ces jeunes venant de territoires et d'origines sociales différents. J'espère que les sénateurs parmi vous qui ont accueilli dans leur département le service national - M. Magner, M. Lozach, M. Karam ou Mme Duranton - ont pu le percevoir. L'objectif est que l'on puisse étendre cette belle cohésion à tous les jeunes.

- Présidence de M. Jacques Grosperrin, vice-président -

M. Jacques Grosperrin, président . - Je passe désormais la parole à un représentant par groupe, puis aux sénateurs qui souhaiteraient s'exprimer.

M. Max Brisson . - Monsieur le ministre, vous avez posé comme priorité la revalorisation des carrières des professeurs. Nous devons reconnaître que vous avez fait des efforts importants en faveur du salaire des enseignants. Je pense aux mesures liées au GVT - cela représente une hausse brute annuelle de 530 euros -, au PPCR - 350 euros annuels supplémentaires par agent -, ainsi qu'à la revalorisation des grilles indiciaires. Ainsi, en moyenne, le gain est de 924 euros bruts annuels sur la période 2017-2021.

Nous sommes également d'accord pour dire que cette approche financière ne règle pas à elle seule la question de l'attractivité du métier d'enseignant. Quelles mesures comptez-vous mettre en place en matière, par exemple, de gestion des carrières, de mobilité ou pour faciliter l'entrée des jeunes professeurs dans le métier ?

Je souhaite également vous interroger sur les conséquences de la loi pour une école de la confiance. Dans le prolongement des questions de notre collègue Antoine Karam, quel premier bilan tirez-vous de la scolarisation obligatoire des enfants à partir de trois ans - mesure votée à l'unanimité au Sénat - au-delà des territoires mentionnées par notre collègue ?

Quel impact a la loi pour une école de la confiance sur la formation initiale des professeurs ? Vous y avez répondu, mais uniquement sous l'angle du premier degré. Or, dans le second degré également, on constatait un réel déficit de formation. Quel effort particulier est inscrit dans le schéma directeur de formation continue que vous avez évoqué pour les professeurs du second degré ? Quel calendrier est prévu pour la transformation des écoles supérieures de professorat et d'éducation (ÉSPÉ) en instituts nationaux supérieurs du professorat et de l'éducation (INSPÉ), ainsi que pour la mise en place du référentiel unique de formation ?

Pouvez-vous préciser le calendrier de la réforme de la carte de la scolarisation en éducation prioritaire ? Vous avez indiqué que le rapport de nos collègues Laurent Lafon et Jean-Yves Roux - qui auront certainement des questions à vous poser - était un rapport inspirant. Quelles préconisations comptez-vous reprendre ?

Enfin, ma dernière question concerne les langues régionales. Vous connaissez mon attachement à ce sujet - ainsi qu'à la réforme du baccalauréat que vous menez. J'estime celle-ci juste et courageuse. Toutefois, on note une réelle inquiétude des conséquences de la réforme du bac dans les territoires où sont enseignées les langues régionales, et de manière plus générale sur les options. Quelles mesures allez-vous prendre pour lutter contre les risques qui pèsent aujourd'hui sur les langues régionales, en raison des effets induis de la réforme du baccalauréat ?

Mme Mireille Jouve . - Monsieur le ministre, j'ai déjà eu l'occasion de vous interroger plusieurs fois dans l'hémicycle sur les conséquences financières pour les communes de l'abaissement de la scolarité obligatoire à trois ans. Puisque nous traitons du premier projet de loi de finances suivant la mise en oeuvre de cette mesure, il m'est difficile de ne pas vous solliciter à nouveau. Ainsi, pour la ville de Paris, le surcoût pour la mise en place de la parité enseignement public/enseignement privé représente 12 millions d'euros, il est évalué à 1,4 million d'euros à Brest, à plus de 2 millions d'euros à Toulouse, et à environ 3 millions d'euros à Lyon. Dans ces communes et dans toutes les autres concernées par cette réforme, la facture est d'autant plus lourde que le coût de l'encadrement d'un enfant de maternelle est nettement supérieur à celui, par exemple, d'un élève d'école élémentaire. La dépense supplémentaire pour les communes pour trois niveaux de maternelle est bien souvent presque équivalente à celle déjà engagée pour cinq niveaux de classes élémentaires. Comment l'État va-t-il prendre en compte cette dimension comptable de la réforme ?

J'aimerais, par ailleurs, vous interroger sur le conseil d'évaluation de l'école. Le décret relatif à son organisation et à son fonctionnement est paru le 18 octobre dernier. Le Cnesco (conseil national d'évaluation du système scolaire) qui évaluait les politiques éducatives depuis 2013 ne devrait pas disparaître, ces missions étant transférées à une chaire universitaire au sein du CNAM (conservatoire national des arts et métiers). Monsieur le ministre, pourriez-vous nous éclairer sur les moyens dévolus au nouveau conseil d'évaluation de l'école et à l'ancien Cnesco ? Ce dernier disposait de neuf postes à temps plein pour conduire ses travaux.

M. Laurent Lafon . - Je reviens rapidement sur le rapport que j'ai rédigé avec Jean-Yves Roux. Mon collègue vous interrogera certainement sur l'école rurale. Mon intervention concerne l'école prioritaire. Il apparait clairement qu'il faut sanctuariser les territoires situés en REP +, car la situation sociale le justifie pleinement. En revanche, la carte des REP pourrait être assouplie pour prendre en compte les établissements « orphelins », dont les caractéristiques des familles et enfants répondent à ceux de l'éducation prioritaire, mais qui pour des raisons que l'on connait ne sont pas inclus dans celle-ci. Je n'ai pas vu de telles mesures dans le projet de loi de finances pour 2020. De telles avancées sont-elles possibles dès la rentrée 2020 ?

Par ailleurs, quel bilan tirez-vous à ce jour de votre plan destiné à lutter contre les violences scolaires, mesure à laquelle vous êtes particulièrement attaché ? Combien d'élèves sont concernés par les dispositifs relais mis en place ?

Je partage les objectifs de la réforme du bac. Mais elle engendre un certain nombre de conséquences, notamment sur le fonctionnement des conseils d'école qui ne semblent plus adaptés à la nouvelle organisation du lycée. Quelles évolutions envisagez-vous à cet égard ? Auront-elles des conséquences en termes de masse salariale ?

Enfin, je souhaiterais aborder la question sensible de la baisse des fonds sociaux. Vous justifiez celle-ci par leur non-consommation. Quelle en est l'explication ? Il me semble que les fonds sociaux répondent à des besoins des familles. Le problème n'est-il pas celui d'une répartition de ces fonds entre établissements ? Cette étude préalable a-t-elle été faite avant la décision budgétaire ?

Mme Colette Mélot . - Je souhaiterais, pour commencer, remercier M. Blanquer pour les annonces faites et les avancées permises par ce nouveau budget, à l'instar du dédoublement des classes, le plafonnement à 24 élèves dans toute la France, l'école inclusive, ainsi que pour votre volonté de réinventer le professeur du XXI e siècle, ou encore la refonte du baccalauréat.

Ma question porte sur les heures de cours non remplacées dans de nombreuses académies, dont la mienne en Seine-et-Marne. Le nombre d'heures non remplacées dans les établissements scolaires est important et il va sans dire que cette situation pénalise les élèves. Or, en dépit des nombreux dispositifs mis en place sur le terrain, cette situation demeure très problématique et aucune amélioration ne semble être constatée. Trouver un professeur remplaçant est une procédure qui peut être longue et vaine. À cela s'ajoute des difficultés liées à l'éloignement et aux transports - notamment en Ile-de-France. Elles sont d'autant plus ardues dans le cas de professeurs dont le profil est spécifique. Ce système de remplacement génère des inégalités. Comment entendez-vous l'améliorer ?

Je remercie M. Attal pour les réponses apportées aux questions que je souhaitais lui poser.

Mme Céline Brulin . - Monsieur le ministre, vous avez souhaité, lors de votre intervention, que ce budget ne soit pas uniquement lu à l'aune du nombre de postes de professeurs créés ou supprimés. Je ne peux m'empêcher, malgré tout, de m'attarder sur les effectifs de professeurs envisagés par ce nouveau budget. Votre politique d'ailleurs m'y invite. En créant les dédoublements de classes, vous avez annoncé la création de postes et de classes supplémentaires, car la diminution du nombre d'élèves par classe a du sens pour la réussite scolaire des élèves. Nous vous rejoignons sur ce point. Comment comptez-vous, avec seulement 440 postes créés dans le primaire, poursuivre le processus de dédoublement des classes - les premiers dédoublements ont suscité des compensations et un certain nombre de territoires non situés en REP ou REP + ont vu leur effectifs augmenter -, accueillir les 26 000 nouveaux élèves liés à la scolarisation dès l'âge de trois ans ou encore limiter, à terme, le nombre d'élèves en grande section, en CP et CE1 à 24 par classe ? Il me semble, de manière générale, que l'accent mis par votre ministère sur le niveau primaire se fait au détriment à l'enseignement secondaire qui doit faire face à d'importantes réformes. L'ensemble de ces éléments se conjuguent de manière délétère.

J'aimerais, par ailleurs, que vous nous éclairiez sur les moyens que vous comptez mettre en oeuvre pour remédier à la crise qui affecte aujourd'hui les directeurs d'école. Le Sénat s'était d'ailleurs engagé à s'emparer de ce sujet. L'une des solutions est, selon moi, une décharge pour ces directeurs qui ont un rôle pédagogique et moteur au sein de l'équipe qui l'entoure. Vous avez évoqué, il me semble, la piste du service civique. Cela me paraîtrait, en l'espèce, en contradiction avec les propos de M. Attal de développement pour le jeune d'un engagement et de non-substitution à un emploi.

Je regrette, par ailleurs, la communication insuffisante de votre gouvernement autour de l'utilisation des fonds sociaux. Pour le service national universel, vous avez fait appel à des youtubers pour assurer cette communication. Je vous ai interpellé M. Attal au moyen d'une question écrite sur les moyens envisagés pour cette promotion. Vous ne m'avez d'ailleurs jamais répondu sur le coût de cette opération. Pourquoi ne pas passer par ces vecteurs qui semblent tout à fait appropriés pour toucher la jeunesse pour promouvoir les fonds sociaux ?

J'aimerais, en outre, vous interpeller sur la situation dramatique rencontrée par les AESH en Seine-Maritime. Certes, il y a eu des problèmes techniques. Mais sur le terrain, ces femmes - car il s'agit souvent de femmes - n'ont ni contrat, ni salaire, et ne savent même pas si elles effectuent leurs missions dans les bons établissements. Je rappelle que certaines communes et centres communaux d'action sociale ont dû puiser dans leurs fonds pour leur assurer le minimum vital. Toutefois, en raison de confusion entre avances et acomptes, certaines de ces personnes qui touchent déjà un salaire très bas, doivent rembourser une partie des sommes perçues. Une solution doit très rapidement être trouvée.

Concernant le financement de la vie associative, je souhaite, comme beaucoup, que l'on puisse avancer sur le fléchage des comptes inactifs des associations. Il permettrait de donner un peu d'oxygène aux associations, dans un contexte ardu. Rappelons-le : le nombre d'emplois salariés au sein des associations diminue, ce qui est extrêmement inquiétant à nos yeux en termes économiques mais aussi de cohésion sociale.

Enfin, j'aimerais porter votre attention sur les inégalités d'attribution du Fonds de développement pour la vie associative (FDVA) entre les zones urbaines et rurales. Certes, des raisons objectives peuvent expliquer ces déséquilibres, mais il importe, à mon sens, de ne pas les creuser.

M. Jacques-Bernard Magner, rapporteur pour avis des crédits de la jeunesse et de la vie associative . - Permettez-moi d'intervenir cette fois-ci au nom du groupe socialiste et républicain.

Notre groupe a bien noté que ce budget est en forte hausse. Un certain nombre de nos préoccupations ont été prises en compte, mais d'autres demeurent, comme l'a rappelé notre collègue Céline Brulin.

La situation des AESH me semble extrêmement préoccupante. Il a ainsi été demandé à certains parents de ne pas scolariser leur enfant, en raison notamment du nombre insuffisant d'AESH. Ces situations sont inacceptables. Heureusement, les exemples qui m'ont été rapportés ne concernent pas l'école publique, sinon j'aurai très fortement réagi. Il y a encore quelques années, on avait des enfants dits « difficiles » ou qui auraient eu besoin d'un accompagnement, mais ne pouvaient pas en bénéficier - sans que cela ne déclenche de réactions particulières. Les choses ont évolué. On parle beaucoup de l'école inclusive aujourd'hui. Il n'est donc plus acceptable que ces enfants ne puissent pas bénéficier de l'accompagnement qui leur est nécessaire. C'est l'un des sujets importants de la rentrée 2019. Il faut en tirer les leçons pour que les mêmes difficultés ne se reproduisent pas à la rentrée 2020.

Votre déclaration concernant le service civique et le recours à ces jeunes pour soulager les directeurs d'école, monsieur le ministre, ne m'avait pas échappé. J'écouterai ainsi avec attention votre réponse.

Nous partageons la volonté d'améliorer les conditions d'enseignement via le dédoublement des classes de grande section, de CP et de CE1. Toutefois nous regrettons, que celui-ci s'effectue au détriment du second degré. Le recours aux heures supplémentaires ne me semble pas constituer une réponse satisfaisante à ces manquements. Si certains professeurs se réjouissent de pouvoir faire des heures supplémentaires, d'autres ne souhaitent pas recourir à cette option, mais se retrouvent contraints à devoir en faire.

Enfin, monsieur le secrétaire d'État, je note avec satisfaction le vote à l'Assemblée nationale du fléchage des comptes inactifs des associations vers le FDVA.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse . - Je souhaiterais souligner à nouveau les mesures prises par le gouvernement afin de valoriser les carrières des personnels de l'éducation nationale, notamment en matière de gestion de carrières et de mobilité professionnelle. J'ai clairement placé cette rentrée sous le signe de la modernisation de notre gestion des ressources humaines et du dialogue social. L'éducation nationale doit évoluer au service de ses personnels et in fine au service des élèves.

L'un des acquis majeurs de cette rentrée - résultat du dialogue social de ces deux dernières années - est la mise en place d'une gestion des ressources humaines de proximité pour un quart des professeurs. Cette réforme a vocation à se déployer dans les prochaines années. Nous devons nous efforcer, en effet, d'offrir à chaque personnel l'opportunité d'effectuer un entretien de carrière aussi souvent qu'il le souhaite à moins de vingt minutes de son lieu de travail. J'ai été constaté sur le terrain les premiers effets de cette réforme. Elle entraîne un changement radical pour les personnes concernées. Certes, tous les professeurs ne demandent pas ce type d'entretien, mais pour ceux qui en éprouvent le besoin, le changement est important. L'anonymat des personnels dans l'institution tant décriée prend fin.

Ainsi, lorsque je parle d'école de la confiance, je pense également à cette humanisation de la gestion des ressources humaines, souhaitée par la majorité des personnels concernés. Nous devons, dans un même état d'esprit, faire évoluer nos pratiques d'encadrement afin d'offrir à ceux qui le souhaitent l'opportunité de prendre des responsabilités dans l'éducation nationale, d'une deuxième carrière dans le service public, au moment même où nous constatons que de plus en plus de personnes font le choix d'une deuxième carrière dans l'éducation nationale après une première vie professionnelle dans un autre secteur public ou dans le secteur privé. Nous encourageons ces volontés, car elles permettent l'épanouissement des personnes concernées.

Cette rentrée est également celle des personnels en pré-recrutement, c'est-à-dire en deuxième année d'enseignement supérieur. Il s'agit d'une année d'amorce : un peu moins de 1 500 jeunes sont concernés. Ils bénéficient aujourd'hui d'un salaire de 700 euros auxquels s'ajoute leur bourse d'études. Ils effectuent, en retour, dix heures au sein des établissements et contribuent, par exemple, au programme « Devoirs faits ». J'en ai rencontré plusieurs sur le terrain et je suis frappé par l'enthousiasme qu'ils manifestent. L'un de nos grands enjeux est l'attractivité du métier de professeur. Nous le partageons d'ailleurs avec tous les grands pays du monde. Je crois que nous disposons des outils pour rebondir sur ce sujet. Cela passe également par notre réflexion collective sur le « Professeur du XXI e siècle ». En 2019 et 2020, à la lumière de plusieurs rapports sénatoriaux, nous aurons la possibilité d'animer avec les organisations syndicales et d'autres acteurs une réflexion sur ce sujet.

Un dialogue social est en cours en matière de gestion de carrières des professeurs. Il doit nous amener à plusieurs progrès prochainement.

Concernant la scolarisation des enfants à trois ans, il me semble prématuré d'effectuer un premier bilan de cette mesure. Nous attendons 20 000 élèves en plus, tandis qu'en même temps, le nombre d'élèves à l'école primaire est en baisse de 50 000 élèves. Nous sommes conscients des difficultés rencontrées en Guyane et à Mayotte. Il était prévu que nous ne réaliserions pas cette mesure dans son intégralité dès la première année. Mais, nous allons le faire progressivement. Sur le plan quantitatif, nous vous transmettrons les chiffres dès leur stabilisation. Sur le plan qualitatif, cette mesure représente une nouvelle politique de l'école maternelle. Nous y tenons beaucoup. En cette semaine riche pour moi en rencontres internationales (Forum pour la Paix, Conférence générale de l'Unesco où j'étais juste avant cette audition) et européennes, je peux vous dire que notre réforme intéresse beaucoup. Notre pays est devenu celui qui positionne l'instruction obligatoire le plus tôt dans la vie, au moment où tous les pays prennent conscience qu'il faut une politique de la petite enfance et de l'enseignement préélémentaire. C'est elle, en effet, qui est à la racine de la lutte contre les inégalités et pour l'épanouissement des enfants. Un vaste mouvement a été enclenché, tant sur un plan quantitatif que qualitatif.

Nous allons vers la baisse du taux d'encadrement à l'école maternelle. Dans le domaine qualitatif, nous intervenons sur la formation spécifique initiale et continue pour les acteurs de l'école maternelle, notamment les personnels non enseignants comme les ATSEM, mais aussi les AESH. Nous avons évoqué ces sujets lors des Assises de l'école maternelle que présidait Boris Cyrulnik, dont nous avons publié les actes. Un travail sur l'école maternelle a également été réalisé par l'inspection générale. L'instruction obligatoire à trois ans marque une nouvelle étape pour l'école maternelle.

À la suite de la promulgation de la loi pour une école de la confiance, plusieurs mesures relatives à la formation initiale et à la formation continue ont été prises. Cette rentrée représente le début d'un processus. Je pense à la nomination des directeurs des INSPÉ. Ce travail se fait souvent conjointement entre les présidents d'université et les recteurs. Notre objectif est d'améliorer, sur un plan qualitatif, le vivier des personnes susceptibles d'exercer cette mission. Nous sommes en train de finaliser les référentiels de formation. 55 % des enseignements prodigués aux futurs professeurs des écoles porteront sur les savoirs fondamentaux, comme je m'y étais engagé lors des débats sur ce projet de loi. Un tiers des intervenants sont des personnels encore devant élèves et bénéficient d'une décharge en tant qu'enseignant formateur pour venir enseigner dans les INSPÉ. Le concours se tiendra à la fin du Master 2. Les textes sont publiés les uns après les autres, dans le cadre d'un dialogue social approfondi, pour concerner les concours de l'année 2020-2021.

Concernant la carte de l'éducation prioritaire, le rapport Azéma-Mathiot rendu la semaine dernière - et complémentaire au rapport Roux-Lafon - dresse, à mon sens, une vision complète des enjeux. Nous sommes actuellement en période de concertation syndicale. La représentation nationale a évidemment son mot à dire, afin de déterminer les propositions que nous souhaitons reprendre. La nouvelle carte doit être définie pour la rentrée 2021. Toutefois des premières mesures seront effectives dès la rentrée 2020. La réforme de l'éducation prioritaire se fera donc sur deux rentrées - la dimension géographique ayant vocation à intervenir en 2021. Sur ce sujet également nous avons des objectifs qualitatifs et quantitatifs. Aujourd'hui, beaucoup d'élèves devraient relever de l'éducation prioritaire, mais ne relèvent pas de sa géographie. Notre objectif est de les atteindre par un ensemble de dispositifs plus fins que le système actuel. Nous ne devons toutefois pas être obnubilés par l'éventuelle déconcentration des REP, tandis que les REP + resteraient nationaux - même s'il s'agit d'une des propositions phare du rapport. Cette mesure aurait le mérite d'apporter plus de souplesse, lorsque le territoire évolue dans un sens ou dans un autre. Mais d'autres mesures sont prévues dans ce rapport. Parallèlement, l'éducation prioritaire est en constante évolution. La poursuite du dédoublement des classes en est l'illustration. L'un des principaux problèmes de l'éducation prioritaire jusqu'à présent était une focalisation trop faible sur l'école primaire. Avec le dédoublement des classes, les problèmes de l'école primaire sont pris à bras le corps. L'éducation prioritaire devra également s'attaquer à la question des écoles dites orphelines.

Dans un même registre, les cités éducatives, mises en place en partenariat avec Julien Denormandie, ministre de la Ville, bénéficient désormais de moyens financiers significatifs. Cela ne se traduit pas forcément dans le budget de l'éducation nationale. Notre action doit, en effet, porter sur les sujets extrascolaires de la réussite scolaire. Si des mesures budgétaires sont prévues, le versant qualitatif est important. Nous en attendons une coordination des différents acteurs. J'ai d'ailleurs reçu le rapport Azéma-Mathiot en présence de Gabriel Attal, mais aussi du ministre de la ville. A également été associé Adrien Taquet au titre de la protection de l'enfance. Nous voulons ainsi mettre en synergie le ministère de l'éducation et de la jeunesse, le ministère des affaires sociales et le ministère de la ville pour gagner en efficacité. Davantage de pouvoir devra être donné aux directeurs d'établissement, pour pouvoir agir de manière directe, rapide et efficace sur ces sujets sociaux.

Cette approche concertée et pragmatique prévaut également en matière de fonds sociaux. L'année 2020 ne verra pas, de manière effective, de baisse de dépenses des fonds sociaux par rapport à 2019. Certes, cette mesure apparait en baisse dans le budget. Mais il s'agit d'une volonté de sincérité des dépenses. En 2018 étaient inscrits au projet de loi de finances 60 millions d'euros, mais seuls 39 millions d'euros ont été consommés. Cette année nous allons consommer autour de 40 millions d'euros - et c'est le montant que nous avons inscrit dans le budget. La consommation de ces fonds était de 24 millions d'euros en 2012, 22 millions d'euros en 2013, 23 millions d'euros en 2014, 26 millions d'euros en 2015, 29 millions d'euros en 2016, 36 millions d'euros en 2017 - en comparaison des 60 millions d'euros programmés - et 39 millions d'euros en 2018. La consommation de ces fonds est donc en hausse, et elle se poursuivra pour la rentrée de 2020. Dans ces conditions, il me semble donc difficile d'évoquer une régression des fonds sociaux. Mais nous voulons mettre fin au différentiel entre ce qui est inscrit dans le budget et ce qui est réellement consommé. En outre, les fonds sociaux ne représentent pas l'alpha et l'oméga de la dépense sociale de l'éducation nationale. Ce budget prévoit une augmentation conséquente des bourses, qui s'ajoute aux sommes consacrées aux fonds sociaux. Je suis particulièrement attentif à ce sujet. Nous devons être ambitieux et efficaces en matière de dépenses sociales en faveur de la réussite éducative. Il est donc nécessaire d'avoir une vision complète de ce sujet. Cette réflexion se prolongera lors de nos échanges sur l'éducation prioritaire. À mon avis, il est possible de moderniser et de rendre ce système plus efficace.

J'entends parfaitement les inquiétudes exprimées sur les risques qui pèsent sur les langues régionales. Celles-ci m'étonnent, car la loi pour une école de la confiance est facteur de progrès sur ce sujet. Pour autant, par une certaine façon d'en parler, on a pu laisser entendre que cette loi et la réforme de baccalauréat pourraient porter préjudice à l'enseignement des langues régionales. Des avancées sont ainsi décrites comme des régressions. La réforme du baccalauréat n'a pas vocation à entraîner une régression des langues régionales. Certes, on peut trouver localement telle ou telle exception. Les langues régionales sont concernées par les réformes générales du baccalauréat. La première des opportunités est la possibilité d'avoir un enseignement de spécialité en langue régionale - quatre heures en première, six heures en terminale. Cela n'existait pas auparavant, et est vecteur d'innovation pédagogique très intéressante. Par exemple pour les langues romanes, il est possible d'avoir un élément de spécialité qui articule le Latin, l'Occitan, le Corse et d'autres langues. Des initiatives locales intéressantes peuvent être prises. De manière générale, de nombreux reproches sur une réforme du bac qui se ferait au détriment des options sont faits. Nous avons en effet pris des mesures pour que les options n'aboutissent pas à donner des points permettant d'obtenir une moyenne au baccalauréat supérieure à 20/20. Nous avons souhaité un retour à la vérité sur la motivation des élèves et la notation. Les langues régionales ne sont pas spécifiquement concernées. En outre, nous menons une politique d'encouragement des langues régionales.

Je souhaiterais également revenir sur les conséquences financières de la scolarisation obligatoire à trois ans pour les communes. Nous avons longuement abordé ce sujet lors des débats. Il est trop tôt, là encore, pour dresser un premier bilan des dépenses de fonctionnement. Il est prévu de faire un point ex post du surcoût généré par la mesure pour les collectivités en 2019-2020, comparé à 2018-2019, puis de rembourser ce surcoût. N'oublions pas que la baisse de la démographie est un élément important, même avec l'instruction obligatoire dès trois ans. Cela aura des effets sur les frais de fonctionnement. On estime à environ 50 000 à 60 000 le nombre d'élèves en moins en raison de l'évolution démographique des effectifs, et 20 000 élèves en plus en raison de la scolarisation obligatoire des trois ans. Au final on estime la diminution du nombre d'élèves à 30 000 ou 40 000. Nous n'avons pas lieu de nous réjouir de ce phénomène. La question du nécessaire rebond démographique doit sérieusement être examinée. Nous estimons à 100 millions d'euros le coût théorique de fonctionnement pour les écoles privées et publiques. Dans les débats, on entend souvent dire que cette mesure favorise les écoles privées. Ce n'est pas particulièrement le cas, car cette augmentation concerne également les forfaits que les communes ont à payer pour les écoles maternelles publiques. Je rappelle les principes : les dépenses compensées concerneront les classes maternelles et l'augmentation globale des dépenses de fonctionnement des écoles. Le constat ex post permettra le remboursement des frais engagés.

Les enjeux relatifs au conseil d'évaluation de l'école ont été à maintes reprises évoqués à l'occasion du vote de la loi pour une école de la confiance. Les annonces que j'ai faites se sont réalisées. La chaire au CNAM a, comme prévu, été créée. Je recevais la nouvelle titulaire de la chaire, qui est l'ancienne responsable du Cnesco. Nous faisions un premier point sur le potentiel considérable de cette nouvelle organisation. La chaire crée un potentiel de développement plus important que le Cnesco n'en disposait dans son ancienne configuration, notamment en termes de déploiement international. Elle peut également signer des accords avec plusieurs institutions pour de nouvelles recherches. Nous avons transféré des moyens du Cnesco. Je tiens à rappeler qu'y travaillaient des fonctionnaires de l'éducation nationale mais aussi des contractuels sous contrat de recherche. Cette chaire crée de nouvelles synergies, avec France Education international (anciennement centre international d'éducation pédagogique) par exemple. En cette semaine internationale, j'évoquais avec mes homologues africains les enjeux de la modernisation du système scolaire. La chaire Cnesco est concernée par cette thématique. Je pense également à l'institut des hautes études pour l'éducation et la formation (IHEEF) de Poitiers, ou encore aux structures du ministère. Cela crée des opportunités de développement du Cnesco, qui est d'ailleurs plus indépendant que précédemment. En effet, une chaire universitaire par définition bénéficie d'une indépendance importante. Que ce soit sous l'angle du développement ou de l'autonomie, le Cnesco s'est renforcé.

Pour le conseil de l'évaluation de l'école, les réformes se déroulent conformément à ce qui était dit lors des débats parlementaires : de nouveaux textes ont été publiés nous permettant d'être opérationnels en 2020. Les moyens correspondent à ceux que nous avions pour le Cnesco auparavant. S'y ajoutent les moyens « en nature », à savoir notre capacité à la faveur de la réforme de l'inspection générale - qui est devenue une réalité à cette rentrée par la fusion de quatre inspections générales (sport, éducation, recherche et jeunesse) en une seule - de faire bénéficier le conseil d'évaluation de l'école de l'appui de ce nouvel organisme.

Il me semble prématuré de tirer un premier bilan de notre plan sur la violence scolaire. Je l'ai en effet annoncé à la rentrée dernière. Nous avons mis en place le caractère systématique du signalement. Les dispositifs relais ont vocation à fonctionner pleinement tout au long de cette année scolaire. L'« interministérialité » a de même été renforcée comme peuvent l'attester les événements récents de violence scolaire ou extrascolaire qui se sont déroulés aux Lilas ou dans l'académie de Montpellier. Il n'y a pas eu d'augmentation du nombre de violences depuis le début de l'année. En revanche, on constate un pic dans la gravité des actes commis dans l'avant-dernière semaine avant les vacances de la Toussaint. Plusieurs faits divers dramatiques ont eu lieu. La plupart se sont déroulés en dehors de l'enceinte scolaire. Je tiens à préciser que la mort d'un jeune homme aux Lilas - dont je reçois la famille prochainement - a eu lieu en dehors de l'enceinte scolaire, avec pour arrière-plan des luttes entre bandes. Notre collaboration avec la police et la justice a été, à cette occasion, effective et réactive. Il en est de même dans l'académie de Montpellier où une plainte a été déposée immédiatement et les personnes responsables arrêtées. Depuis le retour des vacances de la Toussaint, il n'y a pas eu de violences scolaires particulières. C'est une stratégie de longue haleine, dont les grands principes sont en train de se mettre en place : un refus du laxisme, des mesures éducatives et la notion de coresponsabilité entre la famille et l'école. Les inspecteurs d'académie signent d'ailleurs des protocoles avec les familles afin qu'il y ait un engagement de leur part de retour pour les élèves « dans le droit chemin ». On compte chaque année 1 500 élèves poly-exclus dans le système scolaire.

La réforme du baccalauréat implique naturellement de repenser les conseils d'école dans un nouveau contexte. Ce sujet est d'actualité, car nous sommes en train de les préparer. Cette réforme a des effets profonds directs et indirects. L'un de ceux-ci est l'évolution du conseil de classe. Cette évolution me paraît souhaitable et n'est pas une surprise. Elle permet de repenser le conseil de classe dans ce nouveau contexte et d'accentuer l'autonomie des établissements dans la manière de les concevoir. Un des schémas souhaitables, à mon avis, et de continuer à avoir un conseil de classe, mais portant sur le bloc horaire qui concerne la majorité des élèves. En effet, dans la plupart des classes de première, nous conservons un groupe classe, au sens classique du terme, pour un peu plus de la moitié des heures. Toutefois, une organisation de ces conseils autour des spécialités est également possible. Cette évolution est très intéressante, car elle permet un travail d'équipe plus fort entre les différents enseignants de spécialité d'un même établissement. Il permet d'avoir un suivi d'une cohorte d'élèves concernés par cette spécialité. Bref, elle peut instaurer une politique d'établissement et une personnalisation beaucoup plus forte du parcours de l'élève. Il est clair que ces évolutions font bouger les lignes. J'en profite pour remercier les professeurs ainsi que les chefs d'établissement pour leur investissement sur cette question.

Comme il est de rigueur dans le débat public, on évoque beaucoup les problèmes. Mais je vois également des enseignants et des élèves de première qui se réjouissent de ce nouveau fonctionnement et de programmes portant parfois sur des enseignements entièrement nouveaux. Cette réforme permet également la revalorisation de certains enseignements. Je pense aux langues, avec une possibilité d'approfondissement qui n'existait pas auparavant.

Le non-remplacement des enseignants est l'une des plus anciennes problématiques de l'éducation nationale. Comme je l'évoquais précédemment, l'institution se créée parfois elle-même ses problèmes. Nous agissons en interne pour faire face à cet absentéisme. Il s'agit d'ailleurs d'un des chantiers majeurs 2019-2020 pour le nouveau directeur des ressources humaines du ministère de l'éducation nationale.

Un certain nombre de progrès restent à effectuer en matière de santé et de prévention. La situation est d'autant plus complexe que l'éducation nationale, à l'image de l'ensemble de la société, doit faire face à une pénurie de médecins. Nous envisageons, par exemple, une collaboration plus étroite avec la médecine civile et les mutuelles.

J'ai entendu vos craintes sur l'insuffisance de postes créés pour faire faire aux mesures annoncées. Je rappelle que 440 postes d'enseignants vont être créés dans le primaire. Il faut également tenir compte des effets démographiques. J'ajoute qu'à la rentrée 2020, seule une partie de ces mesures sera appliquée, les autres se mettront en place de manière progressive. Nous nous sommes donnés la fin du quinquennat, soit les rentrées 2020, 2021 et 2022 pour réaliser pleinement le dédoublement des classes de grande section en REP et REP +, ainsi que la limitation à 24 élèves des classes de grande section, CP et CE1 sur l'ensemble du territoire. Le double effet de création de postes et de diminution de la démographie scolaire va nous permettre de disposer des 1 400 postes nécessaires pour atteindre l'objectif à la rentrée 2020 d'un dédoublement des classes de grande section de maternelle en éducation prioritaire et le début du plafonnement des effectifs en grande section sur l'ensemble du territoire.

La question du rôle du directeur d'école est très fortement ancrée dans l'actualité. Ce matin sur ce sujet s'est tenu le deuxième comité technique ministériel de l'éducation nationale (CTMEN), en présence des organisations syndicales. Je vous invite à lire le communiqué de presse diffusé à l'issue de cette réunion. J'ai notamment annoncé trois mesures immédiates :

- un moratoire sur les enquêtes entre maintenant et le 31 décembre afin de permettre un premier allégement administratif ;

- la création de groupes départementaux de consultation et de suivi : dans chaque département va être créé un groupe de travail que l'on peut comparer aux groupes « Blanchet » pour le second degré qui réunira les organisations syndicales ainsi qu'un échantillon de directeurs d'école pour faire le point sur ce sujet localement ;

- le lancement d'une enquête conçue avec les organisations syndicales qui va nous permettre en novembre 2019 de recueillir les avis et ressentis de l'ensemble des directeurs d'école. Un nouveau CTMEN se tiendra le 17 décembre au cours duquel seront proposées plusieurs mesures pour 2020 en faveur des directeurs d'école.

En outre, le dialogue social va se poursuivre, mais on peut d'ores et déjà dégager trois grandes tendances : un allègement des tâches administratives, une aide aux directeurs d'école et éventuellement une évolution de l'organisation.

En ce qui concerne l'aide aux directeurs d'école, plusieurs d'entre vous m'ont interrogé sur le rôle qui pourrait être confié aux jeunes en service civique. Bien entendu, le secrétaire d'État est associé à cette réflexion et nous respectons les règles dévolues aux missions du service civique. Il ne s'agit pas de leur donner des responsabilités administratives. Mais, les premiers retours de terrain nous permettent de constater que ce qui est le plus demandé par les directeurs d'école - bien évidemment ce constat est à prendre avec prudence dans l'attente des conclusions de la consultation - est une aide à la médiation. Je pense notamment à ce directeur d'école que j'ai rencontré et qui m'expliquait qu'il passait la moitié de son temps à ouvrir la porte aux parents qui sonnaient ou à discuter avec des acteurs divers. Une partie de ces tâches peut être exécutée par quelqu'un d'autre et un certain nombre d'entre elles correspondent à une mission de service civique. J'ai conscience que cette proposition fait débat. C'est la raison pour laquelle je n'ai pas annoncé ce matin de nouveaux services civiques dans l'éducation nationale. Toutefois, cette idée reste d'actualité. En fonction du résultat de la concertation en cours, elle pourrait faire l'objet d'une annonce le 17 décembre. J'y suis favorable car c'est une expérience très intéressante pour les jeunes concernés. Les missions confiées peuvent être élargies à l'aide aux devoirs par exemple et permettre aux jeunes de disposer d'une vision complète du travail en équipe au sein d'un établissement scolaire.

Je souhaite voir émerger une vision renouvelée de l'institution « école primaire » et du rôle du directeur. Cela renvoie à la difficile question du statut du directeur d'école. Nous allons essayer de faire émerger un consensus sur ce point. Une logique « boîte à outils » doit, selon moi, prévaloir afin de s'ajuster au plus près aux réalités du terrain. Nous attendons les résultats de la consultation. J'en appelle à la responsabilité de chacun : nous devons être créatifs, analyser les exemples étrangers, ...

Enfin, je déplore les dysfonctionnements regrettables qui ont affecté les personnels AESH, notamment en Seine-Maritime. Je tiens toutefois à préciser que les retards de paiement pour le mois de septembre dernier ont été rattrapés. Le problème est souvent venu de l'absence de dossiers de recrutement complets en septembre, en raison de la date d'embauche. Des avances ont été versées, mais toutes n'ont pas été faites dans le temps ou les montants étaient insuffisants, créant des situations sociales difficiles. Selon les éléments en ma possession, ce dysfonctionnement est désormais dépassé, mais nous pourrons en discuter à la fin de cette audition. Nous entrons désormais dans un cycle de fonctionnement ordinaire. Les difficultés rencontrées ne doivent pas non plus masquer les progrès substantiels en faveur des AESH. Nous leur proposons des contrats de trois ans - meilleurs que les contrats aidés qui existaient il y a encore deux ans. Certes, des insuffisances demeurent, mais nous mettons en oeuvre des moyens importants : 4 500 AESH de plus pour cette rentrée, et 4 000 AESH de plus à la rentrée 2020. À titre de comparaison, à cette période de l'année en 2018, 8 % des élèves étaient en attente d'une solution d'accompagnement, souvent en raison de difficultés de recrutement. Ce pourcentage est actuellement de 4 %. Même si je considère qu'il reste bien sûr trop élevé et nous travaillons pour qu'il continue à diminuer.

Mme Laure Darcos . - Monsieur le ministre, vous avez évoqué les « cités éducatives » pour lesquelles un budget de 100 millions d'euros sur trois ans est prévu. Pensez-vous élargir le nombre de labels « cités éducatives » - attribués pour l'instant à 80 territoires ? Une deuxième vague de labellisations est-elle envisagée ? Dans le département de l'Essonne, trois territoires - qui en avaient besoin - ont été labellisés : Grigny, Évry, et Corbeil-Essonnes. Mais ces territoires bénéficient déjà des dispositifs REP. En revanche, un projet associant les villes de Sainte-Geneviève-des-Bois et Saint-Michel-sur-Orge n'a pas été retenu. Il pourrait être intéressant de différencier les REP/REP + et ce projet de « cités éducatives » qui font travailler ensemble l'ensemble des acteurs de la politique de la ville.

Mme Maryvonne Blondin . - Vous avez présenté le schéma directeur de formation. Les formations ne peuvent être que protéiformes : les enseignants sont confrontés à des élèves en situation de handicap - et je regrette que nous n'ayons pas voté à l'occasion des débats sur le projet de loi pour une école de la confiance la formation commune enseignants/AESH - aux violences scolaires, aux élèves allophones,... Or ce budget est en baisse de 3,5 %.

Aucun poste de médecin de prévention n'est budgété. Le ratio est aujourd'hui d'un médecin de prévention pour 16 000 enseignants. Il n'y a pas non plus de postes de médecins scolaires, d'infirmiers, d'assistantes sociales, ou encore de conseillers principaux d'éducation de budgéter. Ces carences sont, vous le savez, génératrices de souffrance et de mal-être au travail.

Enfin, je m'associe à la question de ma collègue sur les fonds sociaux. Cette réduction des crédits alloués est-elle compatible avec la stratégie de lutte contre la pauvreté engagée par le gouvernement ?

Mme Marie-Pierre Monier . - Je souhaiterais revenir sur la situation très préoccupante qui affecte les AESH. Nombre d'entre eux doivent, en effet, intervenir au sein de plusieurs établissements et prendre en charge plusieurs enfants. Quand bénéficieront-ils d'un véritable statut de la fonction publique? Vous évoquez l'école inclusive. Mais sans eux, elle est inexistante. Par ailleurs, quelles mesures comptez-vous prendre pour faire en sorte que les 60 millions d'euros de fonds sociaux non utilisés le soient à l'avenir ? Ces fonds sont essentiels. Ils permettent l'accès à la cantine, l'achat de fournitures, la participation aux sorties scolaires, ... Soit les parents ne sont pas informés de leurs existences - et il faut alors renforcer la communication -, soit ils n'osent pas demander à bénéficier de ce droit.

Vous évoquez la compensation de la suppression de postes par des heures supplémentaires, comme s'il s'agissait d'une évidence. Je souhaite rappeler que de nombreux professeurs ne souhaitent pas recourir aux heures supplémentaires.

Des élus locaux et l'association des maires ruraux de France m'ont indiqué que le dédoublement des classes s'est parfois opéré au détriment des écoles rurales. Ce choix n'est pas compréhensible pour les territoires ruraux voire hyper-ruraux. Enfin, je tiens à rappeler qu'il y a eu 359 fermetures de classes à la rentrée 2019 : 112 ont été fermées à la demande de l'administration et 247 à la demande des élus.

M. Olivier Paccaud . - Vous instaurez, par vos mesures, une forme de discrimination positive pour certains territoires. Celle-ci possède des vertus mais également des effets pervers. Dans mon département, certaines écoles primaires ont encore des classes chargées. Je pense à cette classe de CM1/CM2 de 30 élèves à Noitel près de Clermont. Or, les enseignants n'y bénéficient d'aucune prime. Certains enseignants nous disent que certes leurs collègues enseignent dans des territoires difficiles en REP +, mais devant une classe de douze élèves permettant de mieux les prendre en charge. En outre, ceux-ci bénéficient d'une prime. Aujourd'hui, les postes en REP + sont devenus attractifs. Un sentiment d'iniquité se développe chez ces enseignants travaillant dans des zones pas beaucoup plus favorisées, mais situées hors REP +. Vous le savez, il existe des zones « frontières » qui font qu'une école est intégrée dans un dispositif REP +, alors que l'école d'à côté, accueillant des élèves avec les mêmes caractéristiques socio-économiques et de difficultés scolaires, n'en bénéficie pas. Un malaise est en train d'émerger face à ce constat.

Mme Sonia de la Provôté . - Vous n'avez pas évoqué, lors de cette audition, la question de l'enseignement artistique et culturel (EAC). L'année dernière, vous aviez fait un focus sur le plan « chorale », ainsi que le plan « orchestre à l'école ». Une étude récente a constaté que ces plans ne s'appliquent pas dans toutes les écoles. Seuls 75 % des élèves ont bénéficié d'au moins une action ou un projet. Ce sont plutôt dans les petites structures - collèges et lycées - et territoires ruraux que l'objectif d'enseignement artistique et culturel est le mieux atteint. En outre, la présence d'un coordinateur « EAC » améliore la mise en oeuvre de ces programmes. Or, il s'agit souvent du directeur d'école. En raison de l'importance de cet enseignement dans l'épanouissement de l'enfant, à mon avis, il serait plus opportun que les directeurs d'école puissent exercer ces missions au lieu d'autres tâches administratives. Un effort budgétaire supplémentaire est-il envisagé en la matière ? En effet, tout ne peut pas reposer sur le budget du ministère de la culture.

Par ailleurs, pouvez-vous nous faire un point sur la scolarisation des enfants sourds ? La surdité est un handicap particulier demandant un accompagnement spécifique.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse . - La question de l'élargissement du label des cités éducatives rejoint de manière plus large les thématiques relatives aux effets de bord que l'on trouve également pour les territoires labellisés REP +. La réforme de l'éducation prioritaire doit permettre de mettre fin à une approche binaire. Elle doit être plus graduelle et adaptée. Cela vaut également pour les cités éducatives. Une deuxième vague de labels pour les cités éducatives est effectivement programmée. J'insiste également sur le fait qu'il est possible pour les maires de mettre en place certaines actions sans obligatoirement bénéficier de ce label. J'étais récemment à Clichy-sous-Bois pour y annoncer la création d'une cité éducative. Le maire d'une commune voisine m'a interpellé car il n'avait pas pu bénéficier de ce label mais cherchait à mobiliser d'autres moyens pour s'inspirer de la logique des cités éducatives et de la coordination des acteurs qu'elle sous-tend. Il me semble très important que des villes intéressées par le label « cités éducatives » s'inscrivent dès à présent dans la philosophie de ce programme. L'éducation nationale, ou d'autres administrations pourront les aider, le cas échéant, pour mobiliser des moyens existants à d'autres titres.

La question de la formation continue est un enjeu majeur pour notre pays. Elle doit naturellement être dynamisée sur le plan qualitatif, par le biais notamment du schéma de formation continue qui fixe désormais un cadre. Il nous incombe, de même, de moderniser certaines de nos institutions. Je cite, à titre d'exemple, le projet Canopée dont la vocation première est de créer des contenus pédagogiques pour les enseignants. Il a désormais un rôle de formation à l'ère du numérique. D'ailleurs, en matière de formation via le numérique, des outils existent déjà. Je pense à M@gister, le portail de formation continue en ligne. Certes, il peut être amélioré, mais nous faisons des progrès constants. Nous allons déployer notre idée de « Poitiers capitale de l'éducation ». Nous souhaitons en effet moderniser nos opérateurs : le CNED (centre national d'enseignement à distance), Canopée, l'IHEEF, afin de disposer d'une matrice numérique de la formation continue, de l'enseignement à distance ou encore de la formation des cadres de l'éducation nationale.

Comme pour les fonds sociaux, le budget dévolu à la formation souffre d'un effet optique négatif. L'enveloppe allouée est en réalité en hausse de 7 % cette année par rapport à la dernière exécution connue. En 2018, 782 millions d'euros ont été exécutés au titre de la formation des enseignants du premier degré, dont 13 millions hors masse salariale. Sur ce point également, nous sommes dans une perspective de sincérité budgétaire. C'est la raison pour laquelle, si optiquement les crédits sont en baisse, en exécution ils sont en hausse, car nous visons en 2020 leur utilisation intégrale à l'euro près.

La carence en médecins de prévention est un sujet de ressources humaines avant d'être un sujet budgétaire. Cela n'aurait pas de sens d'ouvrir des postes qui ne seraient pas pourvus. Je ne nie pas que leur manque constitue pour nous une préoccupation réelle. Nous tablons sur une étroite collaboration avec le ministère de la santé et une plus grande anticipation de ces enjeux à l'avenir.

Vous avez utilisé le terme de « bilan mitigé » concernant la situation des AESH. Permettez-moi de ne pas la reprendre à mon compte. Certes des problèmes existent. Les mécontentements épars - que par ailleurs j'entends et comprends - ne doivent pas masquer les progrès considérables effectués à l'occasion de cette rentrée. Leur situation est sans commune mesure avec le passé. Le mot « mitigé » est très sévère. On est passé d'une situation avec uniquement des contrats aidés à des recrutements en contrats AESH de trois ans. Nous leur offrons de véritables possibilités de carrières - je n'irai toutefois pas jusqu'à parler d'une fonction publique, même si j'évoque souvent un service public de l'école inclusive. Je salue le travail considérable mené par nos administrations, pour mettre en place cette logique de carrière. Cette rentrée marque, à l'égard des AESH, un véritable changement de paradigme. Sur le terrain, ils constatent des différences. Ils bénéficient également d'une plus grande considération, et sont désormais intégrés dans l'équipe administrative. Les détails comptent : ils disposent désormais d'une adresse institutionnelle. Des milliers de rendez-vous avec les familles ont eu lieu à la rentrée. Je suis conscient des difficultés qui persistent, notamment en matière de recrutement. Je ne doute pas que la rentrée 2020 représentera encore un progrès important. Nous avons tenu la semaine dernière avec la secrétaire d'État chargée du handicap, Sophie Cluzel, et les associations un comité de suivi. Si les associations ont fait remonter un certain nombre de problèmes, la tonalité générale était celle de progrès incontestables.

Concernant les fonds sociaux, je m'engage devant vous à effectuer un panorama de l'action sociale de l'éducation nationale. Des progrès ont été mis en place cette année et des moyens supplémentaires ont été alloués notamment grâce à l'action du ministère des affaires sociales. Je pense aux cantines à un euro ou aux petits-déjeuners gratuits. D'ailleurs ces actions intègrent des thématiques allant au-delà de l'action sociale : la coéducation avec les familles, la formation au goût, ... L'ensemble de ces effets d'entraînement doit être pris en compte. L'action sociale au service des élèves s'améliore en 2020.

Notre réflexion sur les heures supplémentaires tient naturellement compte des profils et souhaits divers du corps enseignant. En 2018-2019, le système s'est bien régulé. Il est toutefois indéniable que cette option constitue, pour les professeurs qui le souhaitent, un véritable gain en pouvoir d'achat.

Je n'accepte pas l'argument selon lequel le dédoublement des classes s'opérerait au détriment des classes rurales. Nous créons des postes en contexte de baisse démographique. Cela nous permet de réaliser le dédoublement et de sauvegarder les écoles en milieu rural. Nous ne gagnons rien à corroborer l'idée inexacte selon laquelle la politique des villes se ferait contre la politique des campagnes. Ce n'est pas ce qui se passe. Les écoles rurales sont favorisées en termes d'encadrement par rapport aux écoles urbaines. Il y a en moyenne 14 élèves par classe en Lozère de la petite section au CM2. Ce chiffre est de 15 en Vendée, 16 dans le Cantal. Un effort budgétaire permanent est fait en faveur de l'école rurale ; et je m'en félicite. Ne délivrons pas un message inverse qui oppose les territoires et créer une image fausse de la situation. Je vous rappelle, à cet égard, la décision prise par le Président de la République de ne supprimer aucune école sans l'aval du maire de la commune. Certes, elle débouche sur des réalités imparfaites à la rentrée 2019. Mais, cela est inévitable, car une série de processus était déjà engagée au moment de cette annonce. Mais vous avez également indiqué que 247 fermetures étaient demandées par les maires. Les autres étaient demandées par l'institution, mais acceptées par les maires. La pleine application de cette mesure se verra lors de la préparation de la rentrée 2020. L'enjeu, en la matière, me semble davantage être celui du rebond démographique des communes rurales. J'ai demandé à tous les recteurs et directeurs académiques des services de l'éducation nationale d'être dans cette logique de reconquête rurale. Les contrats ruralité que nous avons pilotés avec le sénateur Duran répondent à ce besoin. Aussi, il est important d'avoir un discours optimiste sur ces sujets, car il faut insuffler un état d'esprit de renaissance de ces territoires. C'est la raison pour laquelle je souhaite que mes services déconcentrés soient en appui aux maires, tout en étant conscients des tensions démographiques qui peuvent exister. De très beaux projets voient le jour. Il peut s'agir de regroupements pédagogiques intercommunaux. Dans d'autres cas, cela oblige à fermer une école, mais pour moderniser l'instruction. J'ai en tête une école que j'ai inaugurée il y a deux semaines dans le Cher. La nouvelle logique scolaire crée de l'attractivité et de l'optimisme.

Je souhaite revenir sur les effets qualifiés de « pervers » de notre politique d'éducation prioritaire. Le principal écueil, en l'espèce, est celui des effets de seuil. M. Paccaud, je vois dans vos regrets un hommage caché à notre politique. En effet, vous indiquez que de l'attractivité a été générée en REP +. Nos premières mesures ont permis de lancer un processus vertueux. Il y a encore quelques années, les mesures en faveur des personnels en REP + étaient jugées superficielles et insuffisantes pour pallier les inconvénients d'une affectation dans ces territoires. Aujourd'hui, la situation a changé : les primes sont significatives - et cela concerne 50 000 personnes, et les logiques pédagogiques ont également évolué. Bien évidemment, cela ne doit pas se faire au détriment d'autres territoires. Qu'il y ait dans certains cas un ou deux élèves en plus, cela peut arriver. Mais le système n'a pas été conçu pour qu'il y ait plus d'élèves dans les écoles hors éducation prioritaire. Il n'y a pas de système de vases communicants. Notre politique budgétaire a permis de l'éviter. Nous devons cependant atténuer les effets de seuils.

Enfin, vous avez mentionné, à raison, les enjeux de l'enseignement artistique et culturel. Je vous en remercie. Il ne se réduit naturellement pas à sa stricte dimension budgétaire. Il se développe domaine par domaine. Avec Françoise Nyssen, puis Franck Riester, nous avons défini des domaines prioritaires : la musique, la lecture, le théâtre ou les ciné-clubs. Le plan « chorale » est désormais une réalité complète. Une dynamique musicale a ainsi été instaurée avec la présence systématique d'un plan départemental en la matière, d'une chorale au collège. L'étude à laquelle vous avez fait référence révèle certes les insuffisances que vous avez soulignées. Mais elle est en elle-même un progrès puisqu'il s'agit de la première étude du genre. Elle nous a permis de constater que les trois quarts des écoles ont un dispositif d'enseignement artistique et culturel. Elle va nous permettre de progresser. Je travaille sur ce sujet avec Franck Riester, ainsi qu'avec les collectivités locales. À Guingamp nous avons consacré le projet d'un institut de formation pour l'éducation artistique et culturelle. De nombreuses formations en ligne vont être prochainement proposées sur ce thème. Des priorités ont été définies par domaine. En matière de lecture, le recteur de Bretagne a instauré le quart d'heure de lecture, qui commence à se généraliser en France, à la même heure, le même jour, dans tous les établissements de Bretagne. Cela fait partie des progrès du quotidien, peu repris dans le débat public, mais qui changent le rapport aux livres et ce qui s'en suit.

Enfin, j'ai bien noté vos propos sur la scolarisation des enfants sourds. Ils sont 7 738 en cette rentrée. Il est exact que la scolarisation des enfants sourds présente une spécificité qualitative. J'ai été alerté par le monde associatif sur un certain nombre de modernisation nécessaire. Nous ne baissons aucunement la garde. La scolarisation des enfants sourds bénéficie des progrès budgétaires réalisés en matière d'école inclusive.

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