B. DES RÉFORMES ATTENDUES DE LA FORMATION INITIALE, NOTAMMENT AU SEIN DE LA POLICE NATIONALE

Si la formation initiale au sein de la gendarmerie nationale ne donne lieu qu'à peu de revendications, il en est différemment au sein de la police nationale, où tant l'organisation que la philosophie de l'appareil de formation font l'objet de vives critiques.

1. La formation initiale au sein de la gendarmerie nationale : un modèle intégré à l'efficacité reconnue

Déterminée par arrêtés du ministre des armées après avis du ministre de l'intérieur, la scolarité initiale des élèves gendarmes s'organise en deux niveaux principaux :

- la formation des officiers est dispensée à l'École des officiers de la gendarmerie nationale (EOGN) et s'étale sur une période de deux ans ;

- celle des sous-officiers se déroule dans l'une des cinq écoles de gendarmerie 9 ( * ) . D'une durée de 12 mois, elle comprend une scolarité de 8 mois en école, suivie d'un stage d'application de 4 mois au sein de leur unité d'affectation.

En dépit de la séparation physique des écoles, la scolarité des élèves gendarmes, quel que soit leur corps d'appartenance, est organisée et pilotée, sur le plan pédagogique, au niveau central, par deux entités de la direction générale de la gendarmerie nationale : la sous-direction des compétences et le commandement des écoles.

Cette organisation unifiée assure la cohérence des formations programmées . Elle garantit, d'une part, que les formations dispensées dans l'ensemble des écoles de gendarmerie soient identiques sur l'ensemble du territoire. D'autre part, elle assure la cohérence et la complémentarité des formations entre le corps des officiers et celui des sous-officiers. Quel que soit leur corps d'appartenance, les élèves gendarmes se voient ainsi dispenser un socle commun d'enseignement et de valeurs, notamment dans le cadre de leur préparation militaire opérationnelle.

2. Une rationalisation nécessaire de la formation initiale des policiers, au service d'un esprit de corps renforcé
a) Un dispositif de formation initiale fracturé

Historiquement très morcelé, le dispositif de formation initiale de la police nationale a été réformé en 2017, à la suite d'un rapport de l'inspection générale de la police nationale (IGPN) 10 ( * ) qui dénonçait l'éclatement des responsabilités entre plusieurs acteurs et plusieurs opérateurs.

Si le morcellement qui prévalait a été considérablement réduit grâce à la fusion des structures, voire dans certains cas leur suppression, la rationalisation engagée n'en demeure pas moins incomplète.

Le dispositif de formation initiale au sein de la police nationale continue, en effet, d'être scindé en deux branches autonomes et peu coordonnées entre elles.

Dispensée au sein de neuf écoles de police réparties sur le territoire national, la formation initiale des gardiens de la paix est pilotée , au niveau central, par la direction centrale du recrutement et de la formation de la police nationale (DCRFPN) . Ces mêmes écoles assurent également la formation des adjoints de sécurité et des cadets de la République.

La formation des commissaires et des officiers est, quant à elle, gérée par l'école nationale supérieure de police (ENSP), établissement public rattaché directement au directeur général de la police nationale, dont dépendent les écoles de Saint-Cyr-au-Mont-d'Or, chargée de la formation des commissaires, et de Cannes-Écluse, chargée de la formation des officiers.

Cette stricte séparation de la formation nuit, en pratique, à la cohésion des corps et à l'émergence d'une culture commune au sein de la police nationale . Ainsi que le relevait le rapport précité de l'IGPN, elle « induit des difficultés pour les agents qui ont du mal à identifier clairement leur position, leur rôle et leurs missions au sein du dispositif policier » et « rend difficile la bonne compréhension de la chaîne hiérarchique par les différents corps ».

Au-delà de la séparation physique des écoles, c'est également de l'absence de pilotage unifié que découlerait la difficulté à établir une cohérence pédagogique des formations dispensées aux trois corps.

Ce sentiment est largement partagé sur le terrain . Entendus par votre rapporteur, les représentants des différentes organisations syndicales représentatives de la police nationale font, tous, état d'une véritable fracture entre les corps. Pour tenter d'y remédier, ils appellent à renforcer les synergies dès le stade de la scolarité en école, afin de favoriser la connaissance mutuelle des corps.

b) Des évolutions encourageantes, qui mériteraient d'être approfondies

Forte de ce constat, la direction générale de la police nationale a récemment initié plusieurs évolutions de son dispositif de formation.

À compter de septembre 2020, les élèves commissaires, officiers et gardiens de la paix débuteront leur formation en école par le suivi, pendant un mois, sur un site unique, d' apprentissages partagés . Ceux-ci ont vocation à enseigner aux nouvelles recrues, quel que soit leur corps d'appartenance, un socle minimal de connaissances et de valeurs communes, qu'il s'agisse de la connaissance de l'institution, de la déontologie ou encore des compétences relationnelles du policier.

Cette réforme constitue une avancée intéressante, bien que, de l'avis de votre rapporteur, insuffisante .

S'il comprend les difficultés matérielles, logistiques et financières qu'il y aurait à créer une « académie de police », projet un temps envisagé par le ministère de l'intérieur et, à ce jour, écarté, il considère nécessaire de réfléchir à la mise en place d'un projet pédagogique plus ambitieux, ne se limitant pas au premier mois de formation mais servant, plus largement, de fil conducteur à l'ensemble de la scolarité des élèves policiers.

Parallèlement à cette réforme pédagogique, une mission a été confiée à l'inspection générale de l'administration sur l'organisation structurelle du dispositif de formation police nationale . Le rapport, rendu en juillet 2019, dresse le constat de relations « distantes » entre les deux instances en charge de la formation au sein de la police nationale, la DCRFPN et l'ENSP, et conclut à la nécessité d'une réforme de structures . Trois évolutions sont envisagées : le renforcement de la tutelle de la DRCFPN sur l'ENSP ; la réintégration de l'école des officiers de Cannes-Écluse au sein de la DRCFPN, en la détachant complètement de l'ENSP ; la suppression de l'ENSP et la réintégration de ses missions au sein de la DCRFPN.

À ce stade, la direction générale de la police nationale n'a pas tranché sur la solution à privilégier. Aucune information précise n'a d'ailleurs pu être communiquée à votre rapporteur sur l'échéance envisagée pour procéder à une telle réforme. Pour sa part, celui-ci estime que la suppression de l'ENSP constituerait une voie à privilégier pour s'assurer d'un pilotage plus cohérent et unifié de la formation au sein de l'institution policière .


* 9 Les écoles de gendarmerie sont situées à Châteaulin, Chaumont, Dijon, Montluçon et Tulle.

* 10 Rapport de l'inspection générale de la police nationale sur la formation dans la police nationale, décembre 2015, cité par le rapport n° 612 (2017-2018) de M. François Grosdidier fait au nom de la commission d'enquête du Sénat sur l'état des forces de sécurité intérieure, juillet 2018.

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