EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er

Réforme du fonds de prévention des risques naturels majeurs

Cet article vise à déplafonner les recettes du fonds de prévention des risques naturels majeurs et à renforcer le pilotage stratégique de ses dépenses.

La commission a adopté quatre amendements afin notamment de tenir compte des évolutions législatives et réglementaires récentes relatives au fonds Barnier (suppression de plusieurs sous-plafonds de dépense par la loi de finances pour 2020 ; fusion du conseil de gestion du fonds avec le conseil d'orientation pour la prévention des risques naturels majeurs par un décret du 18 décembre 2019).

I. La situation actuelle - La nécessité de renforcer les actions de prévention et le pilotage du fonds de prévention des risques naturels majeurs

a) Le fonds de prévention des risques naturels majeurs : un outil de prévention indispensable

Le fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM), dit « fonds Barnier », créé par la loi n° 95-101 du 2 février 2015 relative au renforcement de la protection de l'environnement, constitue l'un des principaux outils de la politique nationale de prévention des risques naturels .

Initialement destiné à financer les indemnités d'expropriation de biens exposés à un risque naturel majeur, son champ d'intervention a été progressivement élargi par le législateur 3 ( * ) . Actuellement, le FPRNM finance trois catégories de mesures :

- les mesures d'acquisition de biens exposés à un risque naturel ou sinistrés à plus de 50 % à la suite d'une catastrophe naturelle (acquisition amiable ou expropriation) ainsi que les dépenses connexes (évacuations temporaires et relogement des personnes exposées, limitation de l'accès aux biens, démolition des biens) ;

- les mesures de réduction de la vulnérabilité face au risque : opérations de reconnaissance et travaux de comblement ou de traitement des cavités souterraines et des marnières, études et travaux de réduction de la vulnérabilité des biens à usage d'habitation ou utilisés dans le cadre d'activités professionnelles imposées par un plan de prévention des risques naturels prévisible (PPRN) 4 ( * ) ou prévus dans un programme d'actions de prévention contre les inondations (PAPI) 5 ( * ) , études, travaux ou équipements de prévention ou de protection réalisés par les collectivités territoriales, études et travaux de prévention du risque sismique, études et travaux de mise en conformité des digues domaniales ;

- les dépenses afférentes à l'élaboration des plans de prévention des risques naturels prévisibles et des cartes des surfaces inondables et à l'information préventive sur les risques majeurs.

Le FPRNM est financé par un prélèvement de 12 % sur le produit des primes ou cotisations additionnelles versées par les assurés au titre de la garantie catastrophe naturelle (« CatNat ») 6 ( * ) et sa gestion est assurée par la caisse centrale de réassurance (CCR).

Au total, le montant des actions de prévention financées par le FPRNM depuis sa création s'élève à plus de 2 milliards d'euros , dont 840 millions pour les études et travaux réalisés par les collectivités territoriales . Ainsi, comme le relève la mission d'information du Sénat sur la gestion des risques climatiques et l'évolution de nos régimes d'indemnisation dans son rapport de juillet 2019 7 ( * ) , « le FPRNM est la principale source de financement de la politique de prévention des risques naturels, menant une véritable politique incitative pertinente au profit d'une meilleure couverture des risques ».

b) Un plafonnement des recettes du fonds Barnier qui détourne 70 millions d'euros par an de la prévention des risques et qui est insoutenable à court terme

L'élargissement du périmètre d'intervention du fonds Barnier a induit une augmentation de ses dépenses, qui s'élevaient à environ 10 millions d'euros par an jusqu'en 2004, et qui ont atteint 174,1 millions d'euros en 2018.

Les dépenses les plus importantes concernent le financement des études et travaux des collectivités territoriales (109,3 millions d'euros), les acquisitions amiables (21 millions d'euros) le financement des plans de prévention des risques naturels prévisibles et l'information préventive (19,1 millions d'euros), ainsi que les études et travaux de mise en conformité des digues domaniales (15 millions d'euros).

Pour financer cette hausse des dépenses, le taux du prélèvement sur le produit des primes ou cotisations additionnelles a été progressivement augmenté, passant de 2 % à 12 %. Ce prélèvement représente annuellement un produit d'environ 207 millions d'euros 8 ( * ) . Jusqu'en 2018, l'intégralité de ces recettes était allouée au FPRNM, déduction faite des frais de gestion du fonds (5,6 millions d'euros en 2018).

Toutefois, la loi de finances pour 2018 a plafonné le montant du produit de cette taxe affectée au FPRNM à 137 millions d'euros 9 ( * ) , privant le fonds de 70 millions d'euros, qui sont reversés au budget général de l'État.

Comme l'a relevé la mission sénatoriale sur la gestion des risques climatiques, ce plafonnement dévoie le produit du prélèvement sur les primes d'assurance versé par les assurés, destiné à financer des mesures de prévention des risques, et non à alimenter le budget de l'État.

Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2018, le rapporteur de la commission sur les crédits relatifs à la prévention des risques, M. Pierre Médevielle, avait dans son avis exprimé des inquiétudes sur l'avenir du financement de la prévention des risques naturels majeurs du fait de cette diminution des recettes du fonds 10 ( * ) .

Le plafonnement permanent des recettes à partir de 2018, qui s'est ajouté à des prélèvements ponctuels effectués sur la trésorerie du fonds les années précédentes (70 millions d'euros en 2017 et 55 millions d'euros en 2016) au profit du budget général, s'est traduit par une diminution du solde de trésorerie du FPRNM, qui est passé de 271 millions d'euros en 2016 à 175 millions d'euros en 2019, et qui devrait atteindre 114 millions d'euros en 2020. Ce plafonnement n'est pas soutenable à court terme, puisque le montant des recettes est désormais insuffisant pour couvrir les dépenses, et que le solde de trésorerie disponible ne pourra couvrir ce différentiel que pendant deux ou trois années supplémentaires.

Surtout, ce plafonnement est contradictoire avec la nécessité, face au changement climatique et à la multiplication des aléas naturels, d'investir davantage dans des actions de prévention . Comme l'a rappelé la mission sénatoriale, il est essentiel de renforcer les politiques de prévention pour diminuer l'exposition aux risques naturels et l'ampleur des sinistres , et par conséquent réduire les besoins d'indemnisation en cas de catastrophe : « pour un euro investi dans la prévention, ce sont sept euros économisés en matière d'indemnisation des dommages ».

Évolution de la situation budgétaire du FPRNM

(en millions d'euros)

Type de mesure

2015

2016

2017

2018

2019

2020

Expropriations

14,2

7

3

1,7

2

3

Acquisitions amiables

17,6

30,8

20

21

25

35

Évacuations et relogement

0,6

0,4

0,8

0,7

1,4

0,4

Préparation des PPRN et information préventive

12,4

15,5

14,5

19,1

17

17

Cartographie des surfaces inondables

0,4

0,2

0,2

0,9

Traitement des cavités souterraines

0,9

0,8

1,3

0,5

0,8

0,8

Études et travaux prescrits par un PPRN

1,2

0,2

1,1

0,6

0,9

0,9

Études et travaux de réduction de la vulnérabilité prévus par un PAPI

0

0

0

0,5

3

3

Études et travaux des collectivités territoriales

61,4

91,1

118,3

109,3

105

105

Étude et travaux de mise en conformité des digues domaniales

9,6

27,4

15

15

25

20

Études et travaux de prévention du risque sismique dans les HLM

4,9

4,9

0,7

5

11

11

Études et travaux de prévention du risque sismique SDIS

0,2

0

0,1

0

Aide aux quartiers d'habitat informel

0

0

3,9

0,3

2

3

Études et travaux pour les bâtiments de gestion de crise

0

0

0

0

3

3

Total des dépenses

123,4

178,3

178,9

174,1

196,1

202,1

Recettes de la contribution sur le produit des primes ou cotisations 11 ( * )

201,8

209,4

207,9

139,5

137

137

Frais d'assiette

-8,1

- 8,4

- 8,3

- 5,6

- 5,5

- 5,5

Total des recettes

193,7

201

199,6

133,9

131,5

131,5

Prélèvements au profit du budget de l'État

0

- 55

- 70

0

0

0

Reversements de crédits non utilisés

11,15

4,77

21,22

27,34

10

10

Solde de trésorerie

299,1

271,3

242,8

229,5

174,9

114,3

Source : Rapports annuels sur la gestion du Fonds de prévention des risques naturels majeurs

c) Une nécessité : financer davantage les actions de prévention des risques des particuliers

Comme indiqué précédemment, le fonds de prévention des risques naturels majeurs a été initialement conçu pour financer les indemnités d'expropriation des biens exposés à un risque naturel majeur, ainsi que les dépenses liées à la limitation de l'accès et à la démolition éventuelle de ces biens.

Aujourd'hui, il finance principalement les études et travaux de prévention menés par les collectivités territoriales et l'État.

Dans un référé sur le FPRNM de décembre 2016 12 ( * ) , la Cour des comptes relève que l'État a reporté sur ce fonds une partie de la charge financière de ses actions en matière de prévention des risques : « conçu pour financer une procédure spécifique, ce fonds a permis la débudgétisation des dépenses ordinaires de l'État ».

L'élargissement du champ d'intervention du FPRNM a donc conduit à distendre le lien qui existait initialement entre la contribution pesant sur les assurés et les dépenses du fonds qui bénéficiaient aux seuls propriétaires de biens assurés.

Comme le relève la mission d'information sur la gestion des risques climatiques : « L'État ponctionne le fonds financé par les assurés pour améliorer la prévention des risques auxquels ils sont exposés afin de couvrir ses propres dépenses ».

Surtout, la part consacrée par le fonds aux dépenses de prévention des particuliers est marginale par rapport aux autres actions financées . Ainsi, les dépenses relatives aux études et travaux de réduction de la vulnérabilité des biens à usage d'habitation ou de biens professionnels imposés par un PPRN ou celles prévues par un PAPI représentaient en 2018 respectivement 0,6 million d'euros et 0,5 million d'euros, soit 0,6 % des dépenses du fonds .

La mission a donc appelé à ce que le FPRNM intervienne davantage pour financer les travaux de prévention réalisés par des particuliers , considérant que « le fonds doit devenir l'instrument principal des dépenses de prévention des assurés ».

Pour cela, elle a recommandé d'augmenter le taux de subvention versé par le fonds pour ces travaux afin de diminuer le reste à charge pour les particuliers, et proposé d'élargir le financement - à un taux minoré
- pour les dépenses de prévention réalisées par les particuliers, même si ces travaux n'ont pas été prescrits par un PPRN
. Elle a également proposé que le conseil de gestion du FPRNM fixe un objectif pluriannuel de dépenses financées par les particuliers.

d) Un besoin de renforcer le pilotage du fonds Barnier et de permettre une gestion plus souple de ses crédits

• Une gouvernance du fonds à revoir pour renforcer le pilotage stratégique du fonds

La gestion comptable et financière du fonds Barnier est assurée par la Caisse centrale de réassurance (CCR), dont le président arrête les comptes pour l'exercice écoulé 13 ( * ) .

Par ailleurs, jusqu'à récemment 14 ( * ) un conseil de gestion du FPRNM 15 ( * ) , dont le secrétariat est assuré par la CCR, était consulté : sur les projets de comptes annuels du fonds, sur le projet de rapport annuel transmis par le Gouvernement au Parlement en annexe aux projets de loi de finances sur la gestion du fonds, sur les demandes de remboursement du coût de l'expropriation demandés par les préfets lorsqu'un permis de construire ou une autorisation administrative susceptible d'augmenter la valeur des biens à exproprier a été délivrée ainsi que sur les dépenses du fonds 16 ( * ) .

Toutefois, ni la CCR ni le conseil de gestion du FPRNM n'ont de pouvoir en matière d'octroi des aides du fonds, étant donné que l'instruction des demandes et la décision d'octroi des subventions incombent aux préfets de départements.

Ainsi, comme le souligne la Cour des comptes dans son référé de 2016 : « la gestion comptable et financière du FPRNM est assurée par la Caisse centrale de réassurance (CCR) qui ne fait qu'exécuter les instructions des ministères. Le conseil de gestion du FPRNM n'a, de même, qu'un rôle consultatif limité. Le FPRNM est en réalité entièrement sous le contrôle de l'État . »

La mission d'information sur la gestion des risques naturels a souligné le besoin de renforcer le rôle du conseil de gestion dans le pilotage du fonds, en lui permettant d'être « une véritable autorité stratégique dans le pilotage de l'attribution des aides à la prévention des risques naturels ». La mission a également suggéré de diversifier la composition du conseil de gestion en y associant davantage des acteurs de terrain.

• Les sous-plafonds par catégorie de dépense : une contrainte dans la gestion du fonds

L'élargissement progressif du périmètre d'intervention du FPRNM s'est traduit par l'ajout de nouvelles actions bornées dans le temps et/ou dont le montant annuel maximal est plafonné . Ainsi, il existait jusqu'à récemment 17 ( * ) plusieurs « sous-plafonds » 18 ( * ) par catégories de dépenses contraignant l'utilisation des crédits du fonds.

Plafonnement des dépenses du FPRNM par type de mesure

Type de mesure

Plafond annuel de la mesure

Période d'éligibilité

Expropriations

Sans plafond

Mesure permanente

Acquisitions amiables

Sans plafond

Mesure permanente

Évacuations et relogement

Sans plafond

Mesure permanente

Préparation des PPRN et information préventive

17 M€

Mesure permanente

Cartographie des surfaces inondables

Traitement des cavités souterraines

Sans plafond

Mesure permanente

Études et travaux prescrits par un PPRN

Sans plafond

Mesure permanente

Études et travaux de réduction de la vulnérabilité prévus par un PAPI

5 M€

Mesure permanente

Études et travaux des collectivités territoriales

105 M€

Mesure permanente

Étude et travaux de mise en conformité des digues domaniales

75 M€

Jusqu'au 31 décembre 2023

Études et travaux de prévention du risque sismique dans les HLM

13 M€

Jusqu'au 31 décembre 2023

Études et travaux de prévention du risque sismique SDIS

Aide aux quartiers d'habitat informel

5 M€

Jusqu'au 31 décembre 2024

Études et travaux pour les bâtiments de gestion de crise

5 M€

Jusqu'au 31 décembre 2023

Source : article L. 561-3 du code de l'environnement, et articles 128 de la loi de finances pour 2004 et 136 de la loi de finances pour 2006 dans leur version antérieure à la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020

Les sous-plafonds ont été atteints en 2019 pour deux catégories de dépenses : celles relatives à la préparation des PPRN, à l'information préventive et aux cartographies des surfaces inondables (plafond de 17 millions d'euros depuis le 1 er janvier 2019 pour un montant de dépenses de 19,1 millions d'euros en 2018) et celles relatives aux études et travaux de prévention réalisés par les collectivités territoriales (plafond de 105 millions d'euros depuis le 1 er janvier 2019 pour un montant de dépense de 109,3 millions d'euros en 2018).

Afin de permettre une gestion financière plus active et de lever la contrainte qui existe dans l'utilisation des moyens du fonds, la mission d'information sur la gestion des risques climatiques a recommandé de supprimer ces « sous-plafonds » .

II. Le dispositif envisagé - Déplafonner les recettes du fonds Barnier et renforcer le pilotage stratégique de ses dépenses

L'article 1 er de la proposition de loi procède à plusieurs modifications du fonctionnement du fonds de prévention des risques naturels majeurs préconisées par la mission sénatoriale.

Premièrement, cet article supprime le plafonnement à 137 millions d'euros de la taxe affectée au fond instauré par la loi de finances pour 2018.

Deuxièmement, il supprime plusieurs « sous-plafonds » qui existent pour certaines dépenses du FPRNM , afin de donner de la souplesse dans la gestion des crédits du fonds.

Troisièmement, il permet au fonds Barnier de financer les études et travaux de prévention des risques qui sont réalisés par les particuliers sur leurs biens à usage d'habitation ou utilisés dans le cadre d'activités professionnelles employant moins de vingt salariés, même lorsque ces études et travaux ne sont pas rendus obligatoires par un plan de prévention des risques naturels (PPRN) approuvé .

Il élargit par conséquent le champ des études et travaux de prévention des risques des particuliers qui pourraient être éligibles à une subvention du FPRNM en renvoyant à un décret en Conseil d'État le soin de déterminer les conditions de ce financement, et ouvre la possibilité que le taux d'intervention maximal du fonds dont ils bénéficient soit différent selon qu'ils sont rendus obligatoires en application d'un PPRN ou non.

Quatrièmement et enfin, il inscrit dans la loi et fait évoluer la composition du conseil de gestion du fonds de prévention des risques naturels majeurs , en y ajoutant deux représentants désignés par l'Association des maires de France (AMF) et l'Assemblée des départements de France (ADF) ainsi qu'un député et un sénateur.

Il élargit par ailleurs les missions du conseil de gestion du fonds en prévoyant qu'il « fixe les orientations et les priorités du fonds ainsi qu'un objectif pluriannuel de dépenses de prévention contribuant au financement des études et travaux des personnes physiques et morales » et lui confie la charge de publier chaque année « un rapport dressant le bilan de ses actions et présentant ses recommandations stratégiques pour améliorer le pilotage de l'attribution des aides à la prévention des risques naturels ».

III. La position de la commission - Adapter les dispositions prévues aux évolutions législatives et réglementaires récentes relatives au fonds Barnier

Le plafonnement des recettes du fonds Barnier opéré par la loi de finances pour 2018 traduit un choix court termiste de l'État de ponctionner les ressources du FPRNM pour équilibrer son propre budget, et prive le fonds de moyens importants alors même qu'il conviendrait de renforcer les actions de prévention contre les risques naturels majeurs.

En effet, agir de manière préventive permet de réaliser des économies en réduisant les dépenses d'indemnisation à venir . Cela est d'autant plus pertinent que, comme le montre la mission, le changement climatique induit une augmentation de la fréquence et de l'intensité des aléas climatiques, qui se traduiront par une augmentation de la sinistralité et du recours aux mécanismes d'indemnisation.

La commission approuve par conséquent la suppression du plafonnement des ressources du FPRNM afin de lui redonner les marges de manoeuvre financières nécessaires .

La commission partage également la volonté des auteurs de la proposition de loi de supprimer les sous-plafonds de dépense qui contraignent l'utilisation des crédits du fonds et ne paraissent pas justifiés étant donné que toutes les mesures ont leur pertinence et ont vocation à être financées en fonction des besoins.

Toutefois, depuis le dépôt de la proposition de loi, deux amendements identiques ont été adoptés par le Sénat à l'initiative de Mme Nicole Bonnefoy et de M. Michel Vaspart au projet de loi de finances pour 2020, afin de procéder à une telle suppression . Ces dispositions ayant été conservées dans la loi promulguée 19 ( * ) , la commission a adopté un amendement DEVDUR.1 visant à supprimer les dispositions de la proposition de loi qui poursuivent un objectif identique et sont donc satisfaites.

La commission a également adopté un amendement DEVDUR.2 visant à supprimer le sous-plafond de 5 millions d'euros applicable au financement des frais de démolition des locaux à usage d'habitation informels exposés à un risque naturel prévisible menaçant gravement des vies humaines dans les départements et régions d'outre-mer et des aides financières versées aux occupants de ces habitations, cette dépense ayant été prolongée jusqu'en 2024 par l'article 232 de la loi de finances pour 2020.

S'agissant de l'élargissement du financement du fonds aux études et travaux de prévention réalisés par les particuliers non-prescrits par un PPRN, la commission a adopté un amendement DEVDUR.3 visant à préciser que, pour être éligibles, ces travaux devront avoir pour effet de réduire la vulnérabilité des biens à usage d'habitation ou des biens professionnels aux risques naturels majeurs .

Enfin, la commission a modifié les dispositions relatives au conseil de gestion du FPRNM : depuis le dépôt de la proposition de loi, un décret 20 ( * ) publié le 18 décembre 2019 a fusionné ce conseil avec le conseil d'orientation pour la prévention des risques naturels majeurs (COPRNM) , en élargissant les missions de ce dernier aux missions actuellement remplies par le conseil de gestion.

Un amendement DEVDUR.4 adopté par la commission tire les conséquences de ce regroupement pour attribuer au nouveau COPRNM le rôle de fixer les orientations et les priorités du fonds Barnier, et de déterminer un objectif pluriannuel de dépenses de ce fonds . Il s'agit de renforcer le pilotage stratégique de ce fonds, conformément aux recommandations de la mission d'information sénatoriale.

La commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article, sous réserve de l'adoption de ses amendements.

Article 2

Renforcement des droits des assurés et du montant de l'indemnisation reçue à la suite de catastrophes naturelles

Cet article vise  à allonger de deux à cinq ans le délai de prescription laissé aux assurés pour réclamer le règlement d'une indemnisation en cas de catastrophe naturelle, à prévoir que les indemnisations versées aux assurées doivent garantir une réparation pérenne et durable et à intégrer les frais de relogement d'urgence des personnes sinistrées au sein de la garantie « catastrophe naturelle ».

La commission a adopté trois amendements, visant à : limiter l'allongement du délai de prescription aux dommages résultant des phénomènes de sécheresse, préciser que les réparations de biens endommagés doivent permettre un arrêt des désordres existants, en tenant compte de l'évolution des techniques de réparation ; préciser que la prise en charge des frais de relogement d'urgence pourra être sollicitée lorsque le bien endommagé constitue la résidence principale du sinistré et que celle-ci est insalubre ou présente un danger pour la sécurité de ses occupant.

I. La situation actuelle - Les limites du régime d'indemnisation des catastrophes naturelles face au phénomène de sécheresse

Instauré par la loi du 13 juillet 1982 et codifié aux articles L. 125-1 et suivants du code des assurances, le régime d'indemnisation des catastrophes naturelles permet aux sinistrés dont les biens assurés ont été endommagés par un phénomène naturel intense de bénéficier d'une indemnisation .

La loi rend obligatoire l'insertion dans tous les contrats d'assurance de dommages aux biens et pertes d'exploitation d'une garantie catastrophe naturelle (garantie « CatNat ») 21 ( * ) .

Elle permet de couvrir les effets des catastrophes naturelles , c'est-à-dire les « dommages matériels directs non assurables ayant eu pour cause déterminante l'intensité anormale d'un agent naturel, lorsque les mesures habituelles à prendre pour prévenir ces dommages n'ont pu empêcher leur survenance ou n'ont pu être prises » 22 ( * ) . Elle inclut par ailleurs « le remboursement du coût des études géotechniques rendues préalablement nécessaires pour la remise en état des constructions affectées par les effets d'une catastrophe naturelle » 23 ( * ) .

Cette garantie est assurée par le paiement d'une prime additionnelle sur les contrats d'assurances , dont le taux est fixé par arrêté pour chaque catégorie de contrats 24 ( * ) .

Si ce régime, qui repose sur la solidarité nationale et permet une mutualisation du risque, a fait ses preuves pour permettre d'indemniser les sinistrés en cas de catastrophe majeure, il présente un certain nombre de faiblesses historiques qui sont aujourd'hui exacerbées par le changement climatique et la multiplication des aléas naturels extrêmes, en particulier des phénomènes de sécheresse.

a) Un délai de prescription insuffisant pour les dommages consécutifs à des épisodes de sécheresse

En application de l'article L. 114-1 du code des assurances, les assurés disposent d'un délai de deux ans pour réclamer à leur assurance le règlement de l'indemnité qui leur est due en cas de sinistre, et, le cas échéant, pour dénoncer une faute dans l'exécution d'un contrat d'assurance.

Si cette prescription biennale est suffisante pour des dommages immédiats résultant d'aléas naturels comme les inondations, les séismes ou les avalanches, qui nécessitent des réparations urgentes 25 ( * ) , tel n'est pas toujours le cas des dommages résultant des phénomènes de sécheresse-réhydratation des sols , qui peuvent apparaître dans un temps plus long et pour lesquels les durées d'expertise sont souvent importantes.

Comme l'a indiqué la Caisse centrale de réassurance « la situation actuelle peut effectivement poser des problèmes pour les sinistres de subsidence liés à la sécheresse [...]. Les gros sinistres sécheresse peuvent mettre plus de deux ans à être indemnisés, ce qui pose un vrai problème pour le règlement de l'indemnité différée » 26 ( * ) .

b) Des techniques de réparation des biens endommagés par un épisode de sécheresse qui peuvent être insuffisantes et inefficaces

Le code des assurances prévoit que les indemnités versées en réparation d'un dommage doivent permettre de remettre en l'état les bâtiments sinistrés 27 ( * ) sans pouvoir dépasser le montant du bien assuré au moment du sinistre 28 ( * ) .

Or, comme l'a rappelé la mission d'information sur la gestion des risques climatiques, il existe des différences de prise en charge des dommages consécutifs à des phénomènes de sécheresse résultant de l'hétérogénéité des méthodes utilisées pour estimer les travaux à réaliser et donc le montant des indemnités à verser à l'assuré.

Plusieurs techniques de réparation des biens sinistrés peuvent en effet être proposées par les experts d'assurance et les assurances , dont certaines se révèlent insuffisantes et inefficaces pour remédier aux désordres existants et empêcher l'apparition de nouveaux désordres.

La mission note, par exemple, que des techniques de reprise d'oeuvre dont l'inefficacité a été prouvée , telles les réparations par agrafage des fissures ou des reprises partielles par installation de micropieux sur les parties sinistrées, continuent d'être proposées par certaines compagnies d'assurances.

Le secteur assurantiel auditionné par la rapporteure pour avis a déploré l'absence de doctrine technique partagée sur la meilleure façon de prévenir et de réparer les biens de manière durable en cas d'aléa sécheresse, conduisant à cette hétérogénéité des prises en charge.

c) Des frais de relogement pris en charge de manière inégale selon les contrats d'assurance

Les frais de relogement, n'étant pas des dommages matériels au sens de l'article L. 125-4 du code des assurances , ne sont pas inclus dans la garantie « CatNat » .

Certaines assurances proposent à leurs assurés de souscrire dans leurs contrats d'assurance habitation une garantie « annexe » permettant de couvrir ces frais en cas de sinistre .

Toutefois, il existe une grande disparité dans les offres des assureurs, en particulier s'agissant des délais de prise en charge de ces frais de relogement, source d'inéquité entre les assurés.

II. Le dispositif envisagé - Assurer une meilleure protection aux assurés au titre de la garantie « CatNat »

L'article 2 de la proposition de loi entend rendre le régime d'indemnisation « CatNat » plus protecteur des assurés, en :

- augmentant de deux à cinq ans 29 ( * ) le délai de prescription laissé aux assurés pour demander indemnisation à leur assureur de deux à cinq ans pour les actions consécutives à des dommages résultant de catastrophes naturelles ;

- prévoyant que les indemnisations versés aux assurés doivent « garantir une réparation pérenne et durable , de nature à permettre un arrêt complet et total des désordres existants » ;

- incluant les frais de relogement d'urgence des personnes sinistrées dans la garantie « CatNat », pour une durée déterminée par décret.

III. La position de la commission - Limiter l'allongement du délai de prescription au phénomène de sécheresse et préciser les modalités d'inclusion des frais de relogement dans la garantie « CatNat »

Tout en partageant pleinement les objectifs recherchés par le présent article, la commission a cherché, en lien avec la commission des finances, à mieux préciser les dispositions qu'il contient .

Le délai de prescription de deux ans a pour objectif de permettre un engagement rapide des travaux de réparation des biens endommagés et donc de contribuer à la résilience rapide des territoires après une catastrophe naturelle.

Comme il a été rappelé, ce délai peut toutefois s'avérer trop court pour les phénomènes de sécheresse marqués par une cinétique lente , contrairement aux autres phénomènes naturels. C'est pourquoi, la commission a adopté un amendement DEVDUR.5 qui restreint l'allongement de deux à cinq ans de ce délai aux dommages résultant de mouvements de terrain consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols .

S'agissant de la réparation des biens endommagés par un épisode de sécheresse, plutôt que d'indiquer que les indemnisations aux assurés doivent garantir une réparation « pérenne et durable », une notion sujette à caution qui risquerait d'être source de nombreux contentieux, la commission a adopté un amendement DEVDUR.6 précisant qu'elles doivent permettre un arrêt des désordres existants, en tenant compte de l'évolution de techniques de réparation . Il s'agit ainsi de faire en sorte que ces réparations tiennent compte des meilleures techniques disponibles, afin qu'elles soient le plus durables possible.

L'inclusion de frais de relogement dans le périmètre de la garantie « CatNat » constitue une demande forte et récurrente des assurés, soutenue par le secteur assurantie l. La commission est favorable à cette intégration, qui permettra d'homogénéiser la couverture de ces frais. Elle a adopté un amendement DEVDUR.7 précisant que cette prise en charge pourra être sollicitée lorsque le bien endommagé constitue la résidence principale du sinistré et que celle-ci est insalubre ou présente un danger pour la sécurité de ses occupants .

La commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article, sous réserve de l'adoption de ses amendements.

Article 3

Création d'un crédit d'impôt pour la prévention des aléas climatiques

Cet article vise à créer un crédit d'impôt pour la prévention des aléas climatiques permettant aux contribuables de déduire de leur impôt sur le revenu 50 % des dépenses engagées dans le but d'améliorer la résilience du bâti aux effets des catastrophes naturelles.

La commission a adopté un amendement visant à préciser le champ des dépenses éligibles au crédit d'impôt, en indiquant qu'il pourra bénéficier aux propriétaires de biens d'habitation ou de biens utilisés dans le cadre d'activités professionnelles employant moins de vingt salariés effectuant des études et travaux de prévention des risques naturels majeurs.

I. La situation actuelle - Un financement très insuffisant des mesures de prévention des risques naturels majeurs effectuées par les particuliers

Les études et travaux de réduction de la vulnérabilité effectués par les particuliers sur leurs biens à usage d'habitation ou ceux utilisés dans le cadre d'activités professionnelles peuvent être subventionnés par le fonds de prévention des risques naturels majeurs lorsqu'ils sont imposés par un plan de prévention des risques naturels prévisible (PPRN) 30 ( * ) ou prévus dans un programme d'actions de prévention contre les inondations (PAPI) .

S'agissant des travaux imposés par un PPRN, le fonds Barnier peut apporter un taux de financement maximum à hauteur de 40 % pour les biens à usage d'habitation ou à usage mixte et de 20 % pour les biens utilisés dans le cadre d'activités professionnelles employant moins de 20 salariés 31 ( * ) .

Pour être éligibles à une aide du fonds Barnier, les études et travaux de la réduction de la vulnérabilité aux inondations doivent quant à eux avoir été préalablement identifiés par une étude de diagnostic de vulnérabilité aux inondations réalisé sous la maîtrise d'ouvrage d'une collectivité territoriale ou d'un groupement de collectivités territoriales prévue par un PAPI. Le taux maximum de financement est de 80 % pour les biens à usage d'habitation ou mixte et 20 % pour les biens utilisés dans le cadre d'activités professionnelles (sans pouvoir dépasser 10 % de la valeur vénale ou estimée du bien).

Le montant consacré par le fonds Barnier à ces dépenses est marginal, puisqu'il s'est élevé en 2018 à 0,6 millions d'euros s'agissant des études et travaux prescrits par un PPRN et à 0,5 millions pour ceux réalisés dans le cadre d'un PAPI, ce qui représente 0,6 % de ses dépenses.

La mission d'information sénatoriale sur la gestion des risques climatiques a recommandé d'augmenter le financement de ces travaux, afin d'accroître la résilience du bâti aux catastrophes naturelles : « dans le but de diminuer le reste à charge des particuliers pour ces travaux, il est nécessaire de mobiliser le fonds Barnier afin d'en faire non un instrument finançant des dépenses de l'État mais bien un instrument au service d'une meilleure prévention des particuliers. Pour le dire autrement, il s'agit de rendre le fonds Barnier aux assurés ».

II. Le dispositif envisagé - Créer un crédit d'impôt pour la prévention des aléas climatiques (CIPAC) afin d'inciter les particuliers à réaliser des travaux de prévention

L'article 3 de la proposition de loi vise à créer un crédit d'impôt pour la prévention des aléas climatiques (CIPAC) permettant aux contribuables domiciliés en France de déduire de leur impôt sur le revenu 50 % des dépenses engagées dans le but d'améliorer la résilience du bâti aux effets des catastrophes naturelles.

Cet article renvoie à un décret le soin de préciser les conditions d'éligibilité à ce crédit d'impôt .

III. La position de la commission - Préciser le champ des dépenses éligibles au crédit d'impôt

La commission partage l'objectif du présent article d'inciter les particuliers à réaliser des travaux de prévention pour leurs biens exposés à un risque naturel majeur, partant du constat que de telles actions permettent d'améliorer la résilience du bâti face aux catastrophes naturelles et sont vertueuses économiquement puisqu'elles permettent de réduire les besoins d'indemnisation en cas de catastrophe.

Afin de préciser le champ des dépenses éligibles au crédit d'impôt , la commission a adopté un amendement DEVDUR.8 qui précise qu'il pourra bénéficier aux propriétaires de biens d'habitation ou de biens utilisés dans le cadre d'activités professionnelles employant moins de vingt salariés effectuant des études et travaux de prévention des risques naturels majeurs.

La commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article, sous réserve de l'adoption de son amendement.

Article 4

Modifications de la procédure de reconnaissance
de l'état de catastrophe naturelle

Cet article, dont l'examen a été délégué au fond à la commission, vise à rendre la procédure de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle plus transparente en prévoyant la publication des avis de la commission interministérielle « CatNat », à permettre aux communes de déposer une deuxième demande de reconnaissance et cas d'un premier refus, et à interdire toute modulation des franchises laissées à la charge des assurés.

La commission a adopté trois amendements afin d'intégrer des élus locaux avec voix consultative au sein de la commission interministérielle et de fixer à six mois le délai dans lesquels les communes pourront soumettre une deuxième demande de reconnaissance.

I. La situation actuelle - Une procédure de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle complexe et opaque

a) Une procédure peu transparente et une commission interministérielle perçue comme partiale

Pour que les personnes sinistrées puissent bénéficier d'une indemnisation au titre du régime « CatNat », il convient au préalable que l'aléa naturel ayant provoqué des dommages matériels soit reconnu comme catastrophe naturelle, c'est-à-dire qu'il présente une « intensité anormale » .

À cette fin, le maire de la commune touchée par un sinistre, saisi par ses administrés, doit formuler une demande de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle auprès des services préfectoraux précisant le type de phénomène naturel concerné et la date à laquelle l'événement s'est produit.

Après avoir regroupé l'ensemble des demandes communales pour le même phénomène, la préfecture sollicite les rapports techniques nécessaires auprès des experts compétents (Météo-France, Cerema, BRGM, etc.) et transmet les dossiers au ministère de l'intérieur.

Ces demandes sont ensuite instruites par une commission interministérielle 32 ( * ) chargée de se prononcer sur le caractère anormal ou non de l'agent naturel. Son avis simple est transmis aux ministres concernés, qui peuvent procéder à la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle par arrêté interministériel .

Une procédure accélérée de reconnaissance , créé par une circulaire du 23 juin 2014, peut être déclenchée par le Gouvernement lors de la survenance d'événements à caractère exceptionnel 33 ( * ) .

Comme l'a relevé la mission d'information sénatoriale, la procédure de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle manque de transparence, ce qui affaiblit l'acceptabilité des décisions prises : à la complexité des critères retenus pour évaluer l'intensité des aléas, s'ajoute une certaine opacité dans le fonctionnement de la commission interministérielle , composée pour moitié de représentants susceptibles de défendre un point de vue « financier » (direction du Budget, direction du Trésor, Caisse centrale de réassurance).

b) Un délai pour déposer une demande de reconnaissance inadapté à certains événements naturels

Les demandes communes de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle doivent être transmises par les communes dans un délai de dix-huit mois après le début de l'événement naturel concerné 34 ( * ) . Passé ce délai, un maire qui saisirait le ministère de l'intérieur se verrait automatiquement refuser sa demande.

Or ce délai peut s'avérer trop court s'agissant des phénomènes de sécheresse, un décalage pouvant apparaître entre la fin de l'épisode climatique et l'apparition des premiers désordres , ce qui conduit les sinistrés à saisir le maire de leur commune tardivement.

Par ailleurs, en cas de refus d'une demande de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, les communes ne sont actuellement pas en mesure d'exiger que de nouveaux éléments soient portés à la connaissance des ministres afin qu'ils revoient leur décision .

Elles peuvent déposer un recours gracieux, mais celui-ci n'impose pas le réexamen de leurs demandes par la commission interministérielle, et le silence gardé pendant plus de deux mois vaut rejet de ce recours.

De même, comme le relève la mission d'information sénatoriale, en cas de recours contentieux contre un arrêté ministériel, le juge administratif refuse de se prononcer sur le fond des dossiers de reconnaissance
- c'est-à-dire les éléments d'appréciation dont a bénéficié le ministre avant de rendre sa décision - et se contente de contrôler le respect de la procédure ainsi que la conformité de l'appréciation retenue aux données météorologiques fournies.

c) Des modulations de franchise injustes pour les assurés

Le régime « CatNat » est assorti de franchises légales obligatoires à la charge des assurés , afin de les responsabiliser en établissant un lien entre indemnisation et prévention.

Dans les communes non dotées d'un plan de prévention des risques naturels prévisibles (PPRN), ces franchises se voient appliquer un coefficient multiplicateur 35 ( * ) en fonction du nombre de constatations de l'état de catastrophe naturelle intervenues pour le même risque au cours des cinq années précédant la date de la nouvelle constatation.

Ces modulations pénalisent les sinistrés alors même qu'ils ne sont pas responsables du retard pris par les pouvoirs publics dans l'élaboration des PPRN , ce qu'ils vivent légitimement comme une injustice.

II. Le dispositif envisagé - Renforcer la transparence de la procédure de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle

L'article 4 inscrit dans la loi l'existence de la commission interministérielle chargée d'instruire les demandes de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, en renvoyant à un décret le soin de définir sa composition . Afin d'assurer une plus grande transparence du fonctionnement de cette commission, il prévoit que ses avis ainsi que les rapports techniques qu'elle utilise sont publiés sur un site internet dédié dans les dix jours suivant la décision rendue.

L'article 4 porte par ailleurs de dix-huit à vingt-quatre mois le délai dans lequel les communes peuvent déposer une demande de reconnaissance, et leur permet, en cas de rejet d'une première demande, de soumettre une deuxième demande dès lors qu'elles produisent des données complémentaires résultant d'une étude de terrain.

Enfin, cet article interdit toute modulation de franchise à la charge des assurés fondée sur l'absence d'un plan de prévention des risques naturels .

III. La position de la commission - Ouvrir la commission interministérielle aux élus locaux et préciser le délai dans lequel une commune peut soumettre une deuxième demande de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle

L'opacité de la procédure de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle actuelle nourrit le sentiment d'arbitraire des sinistrés , qui ont du mal à comprendre comment les décisions de reconnaissance ou de non-reconnaissance sont prises, et donc à les accepter.

La commission partage donc l'objectif de la proposition de loi de revoir la composition de la commission interministérielle et de prévoir la publication de ses avis et des rapports d'expertise qu'elle utilise.

Conformément aux recommandations de la mission d'information sénatoriale, elle a par ailleurs adopté un amendement COM-1 visant à intégrer au sein de cette commission au moins deux élus locaux pouvant participer aux délibérations avec voix consultative, ce qui leur permettra d'apporter au fonctionnement de la commission une expérience de terrain utile.

Cet amendement supprime également la mention selon laquelle l'arrêté interministériel de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle ne peut être pris que sur la base des travaux de la commission interministérielle . Il convient en effet de laisser la possibilité pour le Gouvernement, en cas d'urgence, de constater l'état de catastrophe naturelle sans que la commission interministérielle ne se soit réunie au préalable.

La commission a en outre adopté un amendement rédactionnel COM-2 et un amendement COM-3 visant à préciser que les communes disposent d'un délai de six mois pour présenter une nouvelle demande de reconnaissance assortie d'éléments techniques complémentaires en cas de refus d'une première demande.

La commission propose à la commission des finances d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 5

Cellule départementale de soutien à la gestion des catastrophes naturelles

Cet article, dont l'examen a été délégué au fond à la commission, vise à créer, dans chaque département, une cellule de soutien à la gestion des catastrophes naturelles permettant d'aider les maires confrontés à la survenance de tels événements.

La commission a adopté un amendement afin d'intégrer des représentants de l'État au sein de ces cellules de soutien.

I. La situation actuelle - Des élus locaux démunis face à la gestion des catastrophes naturelles

En première ligne lors de la survenance de catastrophes naturelles, les maires peuvent se retrouver démunis lorsqu'il s'agit de gérer les conséquences de ces catastrophes et d'aider les personnes sinistrées .

En plus d'être sollicités par la gestion immédiate de l'après-crise, il incombe aux maires, au plan administratif, de déposer des demandes de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle et d'informer leurs administrés du lancement de cette démarche et de son avancement . Les élus peuvent alors être confrontés à des difficultés pour remplir les formulaires, et notamment pour dater la survenance de l'événement naturel en cas d'épisodes de sécheresse.

Les maires sont également chargés de faire appel aux différents fonds destinés à soutenir les collectivités territoriales en cas de catastrophe naturelle et d'en gérer l'utilisation.

Comme l'indique le rapport de la mission d'information : « de nombreux maires ont fait part à votre rapporteure de l'état d'extrême solitude dans lequel ils se trouvaient pour faire face au sinistre et gérer ses conséquences. Dans la mesure où ils sont en première ligne, les maires doivent être davantage accompagnés dans la gestion des catastrophes naturelles » .

II. Le dispositif envisagé - Créer une cellule de soutien départementale des maires dans la gestion des catastrophes naturelles

L'article 5 vise à mettre en place, dans chaque département, une cellule de soutien, composée de personnalités qualifiées et d'élus locaux, permettant d'accompagner les maires confrontés à la survenance d'une catastrophe naturelle .

III. La position de la commission - Intégrer dans les cellules de soutien des représentants de l'État

La mission d'information sénatoriale a mis en évidence le besoin de renforcer l'accompagnement des maires et de permettre un partage d'expérience entre les élus confrontés à des aléas exceptionnels.

La mise en place de cellules départementales de soutien composées de maires expérimentés dans ce domaine permettrait d'aider les élus victimes d'un sinistre.

La commission a adopté un amendement COM-4 qui, outre une modification rédactionnelle visant à intégrer les dispositions prévues à l'article 5 de la proposition de loi au sein du code de l'environnement, prévoit la présence de représentants de l'État au sein des cellules départementales de soutien à la gestion des catastrophes naturelles .

La commission propose à la commission des finances d'adopter cet article ainsi modifié.


* 3 La dernière modification d'ampleur est intervenue dans la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 qui, outre plusieurs modifications relatives aux montants des enveloppes prévues par type de dépenses, a notamment permis au FPRNM de financer les travaux de mise aux normes parasismiques de plusieurs immeubles domaniaux stratégiques pour la gestion de crise, augmenté de 50 % à 60 % le taux de financement du fonds pour les études et travaux de mise aux normes parasismiques des établissements d'enseignement scolaire aux Antilles et augmenté de 40 % à 80 % ce taux pour les études et travaux de réduction de la vulnérabilité aux inondations des biens à usage d'habitation.

* 4 Les plans de prévention des risques naturels prévisibles (PPRN), créés par la loi du 2 février 1995, constituent l'un des instruments de l'action de l'État en matière de prévention des risques naturels, afin de réduire la vulnérabilité des personnes et des biens. Les PPRN, prescrits et approuvés par les préfets, comportent des prescriptions qui règlementent l'utilisation et l'occupation des sols sur les zones soumises à un risque naturel.

* 5 Les programmes d'actions de prévention des inondations (PAPI) sont des outils de contractualisation entre les collectivités territoriales et l'État visant la mise en oeuvre d'une politique globale de lutte contre les inondations, à travers des actions relatives à la prévention, à la protection, à la sensibilisation au risque, à l'information préventive ou encore à la préparation et à la gestion de crise.

* 6 II de l'article L. 561-3 du code de l'environnement. La garantie « CatNat », qui permet l'indemnisation des dommages matériels par les assurances en cas de catastrophe naturelle, est elle-même financée par le paiement d'une prime additionnelle sur les contrats d'assurance, dont le montant est fixé par arrêté pour chaque catégorie de contrat.

* 7 Rapport d'information fait au nom de la mission d'information sur la gestion des risques climatiques et l'évolution de nos régimes d'indemnisation par Mme Nicole Bonnefoy, 3 juillet 2019 : http://www.senat.fr/rap/r18-628/r18-628_mono.html

* 8 Évaluation des voies et moyens Tome I, annexe au projet de loi de finances pour 2020.

* 9 Article 44 de la loi n°2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.

* 10 Avis présenté au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable sur le projet de loi de finances pour 2018 par M. Pierre Médevielle (Tome III - Prévention des risques) : http://www.senat.fr/rap/a17-113-3/a17-113-30.html

* 11 Le montant des recettes est calculé sur la période allant de décembre de l'année n-1 à décembre de l'année n.

* 12 Cour des comptes, « Le fonds de prévention des risques naturels majeurs », référé du 5 décembre 2016 : https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/EzPublish/20170302-refere-S2016-3768-fonds-prevention-risques-naturels-majeurs.pdf

* 13 Article R. 561-6 du code de l'environnement.

* 14 Le conseil de gestion du FPRNM a été fusionné par un décret du 18 décembre 2019 avec le conseil d'orientation pour la prévention des risques naturels majeurs (voir infra).

* 15 Au titre de l'article R. 561-10 du code de l'environnement, ce conseil est présidé par un magistrat de la Cour des comptes et comprend un représentant de chacun des ministres chargés de la prévention des risques majeurs, de l'économie, du budget et de la sécurité civile, un maire désigné sur proposition du ministre chargé des collectivités territoriales, un représentant des entreprises d'assurance désigné sur proposition du ministre chargé de l'économie, deux personnalités qualifiées désignées par le ministre chargé de la prévention des risques majeurs ainsi que le président du conseil d'administration de la caisse centrale de réassurance ou son représentant.

* 16 Article R. 561-12 du code de l'environnement.

* 17 La quasi-totalité des sous-plafonds ont été supprimés par la loi de finances pour 2020 (voir infra).

* 18 Ces plafonds par type de dépense sont prévus par l'article L. 561-3 du code de l'environnement, ainsi que par les articles 128 de la loi n°2003-1311 du 30 décembre 2003 de finances pour 2004 et 136 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006.

* 19 Article 81 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.

* 20 Décret n° 2019-1379 du 18 décembre 2019 portant suppression de commissions administratives à caractère consultatif.

* 21 Article L. 125-2 du code des assurances.

* 22 Article L. 125-1 du code des assurances.

* 23 Article L. 125-4 du code des assurances.

* 24 Ce taux s'élève à 12 % de la cotisation des contrats multirisques habitation et à 6 % de la cotisation des contrats d'assurance dommage automobile.

* 25 Hors phénomènes de sécheresse, les seuls dégâts pour lesquels la prescription biennale s'est révélée insuffisante sont ceux qui ont été causés par l'ouragan Irma à Saint-Martin et Saint-Barthélemy en 2017 : les difficultés rencontrées par les assurées pour procéder aux expertises et aux travaux de réparations dans les temps, en raison du nombre restreint d'entreprises de bâtiment disponibles, a conduit à un dépassement du délai de prescription. La Caisse centrale de réassurance a accepté, à titre exceptionnel et au cas par cas, de prolonger le délai de prescription de six mois pour la présentation des factures de réparation.

* 26 Réponses au questionnaire écrit de M. Jean-François Husson et Mme Nelly Tocqueville.

* 27 L'article L. 121-17 du code des assurances dispose que « les indemnités versées en réparation d'un dommage causé à un immeuble bâti doivent être utilisées pour la remise en état effective de cet immeuble ou pour la remise en état de son terrain d'assiette, d'une manière compatible avec l'environnement dudit immeuble ».

* 28 Article L. 121-1 du code des assurances.

* 29 Soit le délai de prescription de droit commun prévu à l'article L. 2224 du code civil.

* 30 Les plans de prévention des risques naturels prévisibles (PPRN), créés par la loi du 2 février 1995, constituent l'un des instruments de l'action de l'État en matière de prévention des risques naturels, afin de réduire la vulnérabilité des personnes et des biens. Les PPRN, prescrits et approuvés par les préfets, comportent des prescriptions qui règlementent l'utilisation et l'occupation des sols sur les zones soumises à un risque naturel.

* 31 Article L. 561-15 du code de l'environnement.

* 32 La commission interministérielle a été mise en place par une circulaire du 27 mars 1984 qui en définit la composition : un représentant du ministère de l'intérieur (direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises), un représentant du ministère de l'économie et des finances (direction générale du trésor) ; un représentant du ministère de l'action et des comptes publics (direction du budget), un représentant du ministère de l'outre-mer (direction générale de l'outre-mer) lorsqu'un territoire ultra-marin est concerné, un représentant de la Caisse centrale de réassurance et deux experts désignés par le ministère de la transition écologique et solidaire, spécialisés en fonction des phénomènes étudiés en commission.

* 33 Dans ce cas, les services préfectoraux fixent la liste des communes sinistrées et établissent un rapport circonstancié transmis au ministère de l'intérieur, qui sollicite des rapports d'expertise simplifiés. Ces rapports sont présentés à la commission interministérielle, qui ne peut adopter que des avis favorables ou des décisions d'ajournement si les rapports ne lui permettent pas de se prononcer sur la situation d'une commune - dans ce cas, les demandes communales sont réinstruites dans le cadre d'une procédure normale.

* 34 Article L. 125-1 du code des assurances.

* 35 À partir de la troisième reconnaissance, ce coefficient double le montant de la franchise à la charge des assurés, puis le triple à la quatrième reconnaissance et le quadruple à la cinquième reconnaissance.

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