II. UN PLAN DE RELANCE QUI INTERVIENT APRÈS PLUSIEURS ANNÉES DE DÉCLIN DE L'ÉCONOMIE DE PROXIMITÉ

Parallèlement à la diminution des crédits budgétaires retracés dans la mission « Économie », les besoins de soutien des deux secteurs ont fortement augmenté, compte tenu d'une succession de crises menaçant fortement leur pérennité.

A. DES CRISES QUI VIENNENT ACCROÎTRE DES DIFFICULTÉS STRUCTURELLES

1. Les violences en marge des manifestations des gilets jaunes et les mouvements sociaux fin 2019 ont fortement réduit l'activité des commerçants et artisans

Durant la crise des gilets jaunes, les commerçants et artisans des centres-villes ont enregistré une baisse de 30 % de leurs ventes durant environ trente samedis consécutifs 6 ( * ) , et de 20 % environ le reste de la semaine. Cette contraction soudaine et répétée de l'activité a entraîné une forte diminution de leur trésorerie, une dégradation de leur cotation bancaire, des tensions commerciales avec les fournisseurs et les clients, des difficultés humaines pour le personnel, et une augmentation de leur endettement du fait des reports d'échéances fiscales et sociales et des délais de paiement bancaires dont ils ont pu bénéficier.

En outre, les violences en centre-ville ont accéléré les nouvelles habitudes de consommation comme le commerce en ligne et entraîné une hausse des achats dans les grandes surfaces en périphérie.

Les mouvements sociaux fin 2019, lors de la période des achats de Noël, ont également pénalisé ces commerces de proximité. Ils se sont en effet traduits en décembre par une baisse de 4 % des ventes au niveau national, et de 18 % en Île-de-France.

2. La crise sanitaire actuelle entraînera des dégâts structurels considérables

47 % des commerçants avaient déjà subi une baisse de chiffre d'affaires lors des épisodes mentionnés ci-dessus lorsque la crise sanitaire s'est déclenchée. Ce sont donc deux secteurs particulièrement fragiles et menacés, notamment en zone rurale, qui ont dû subitement cesser - et cessent encore - leur activité du fait de deux confinements et d'un couvre-feu, décidés afin d'endiguer la propagation de coronavirus.

L'impact du premier confinement a été violent : selon la Confédération des commerçants, il a entraîné une diminution de 54 milliards d'euros du chiffre d'affaires réalisé par les commerçants de proximité. Au total, de janvier à septembre 2020, la baisse d'activité du commerce spécialisé physique a atteint quant à elle 24 % en moyenne 7 ( * ) , et sa fréquentation à Paris et dans les grandes métropoles était toujours inférieure de 30 % à cette date par rapport à la même période en 2019. Sans un accompagnement suffisant, la fédération Procos 8 ( * ) estime que 50 000 commerces pourraient disparaître d'ici fin 2021, représentant 300 000 emplois.

La moitié des entreprises des métiers d'art, quant à elles, ont enregistré une baisse d'activité de plus de 60 %, du fait de l'annulation d'événements comme les salons et foires.

Additionnée à un deuxième confinement, une telle chute d'activité entraînera sans aucun doute une vague importante de faillites à la fin de la crise. Si elle n'a pas encore eu lieu, l'économie étant « sous perfusion », elle devrait néanmoins conduire, par exemple, à la disparition de 30 à 35 % des entreprises de l'hôtellerie-restauration, selon l'Umih 9 ( * ) .

L'impact du deuxième confinement sur la trésorerie 10 ( * ) des commerçants devrait en outre être encore plus élevé que celui subi au premier semestre, lorsque 30 % des entreprises sondées par le Conseil du commerce de France se disaient déjà fragilisées à court terme.

En effet, fin octobre, les stocks en vue des ventes d'hiver étaient dans l'ensemble déjà constitués, tandis que ceux d'été ne l'étaient pas encore au mois de mars. En l'absence de ventes, ces invendus vont donc peser lourdement sur la trésorerie 11 ( * ) , la solvabilité et, in fine , sur la capacité d'investissement des commerçants et artisans. Outre ces coûts, les commerçants et artisans doivent également s'acquitter de frais supplémentaires liés aux mesures de protection sanitaire, fragilisant encore davantage leur trésorerie.

Une telle mise en danger du commerce de proximité s'inscrit dans un contexte plus global de désertification et de dévitalisation des centres-villes de nombreuses petites et moyennes villes :

• entre 2009 et 2015, les effectifs salariés du commerce de proximité en centre-ville ont diminué annuellement de 1,4 % dans la moitié des villes de taille intermédiaire 12 ( * ) ;

• alors que le taux de vacance commerciale s'établissait à 12,5 % fin 2019 dans les centres-villes (et 8,5 % dans les zones commerciales), il pourrait augmenter encore de 4 points d'ici la sortie de la crise 13 ( * )


* 6 Rapport d'information de Mme Évelyne Renaud-Garabedian, fait au nom de la commission des affaires économiques, n° 605 (2018-2019) - 26 juin 2019.

* 7 Procos, communiqué de presse, 8 septembre 2020, https://www.procos.org/images/procos/presse/2020/CP/cp_panel_aout_2020.pdf

* 8 Procos et EY Parthénon, livre blanc, Commerce spécialisé : une chance pour la France, 30 juin 2020.

* 9 Union des métiers et des industries de l'hôtellerie.

* 10 Lors du premier confinement, 75 % des artisans ont déclaré des difficultés de trésorerie, selon une enquête de CMA France.

* 11 Cette problématique se pose avec une acuité particulière dans le secteur de l'habillement, qui réalise une part importante de ses marges lors des achats de Noël.

* 12 Insee Première, n° 1782, La déprise du commerce de proximité dans les centres-villes des villes de taille intermédiaire, 14 novembre 2019.

* 13 Ministère de la cohésion des territoires, Observer la vacance et les dynamiques commerciales pour faire face à la crise, Les essentiels du webinaire du 24 juin 2020, https://www.cohesion-territoires.gouv.fr/sites/default/files/2020-10/CVT_WEbinaire%2024-06-2020_Les%20essentiels.pdf

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