B. UN PLAN DE RELANCE DE L'ÉCONOMIE DE PROXIMITÉ D'ENVIRON 200 MILLIONS D'EUROS, QUI REPOSE ESSENTIELLEMENT SUR LA RÉNOVATION DES LOCAUX VACANTS

Un plan de relance à destination du commerce de proximité, des artisans et des indépendants a été annoncé en juin 2020, qui mêle crédits budgétaires à hauteur de 200 millions d'euros et autres sources de financement, au premier rang desquelles les fonds propres de la Banque des territoires. La mesure principale de ce plan réside dans un renforcement du soutien à la création de foncières de rénovation commerciale, à hauteur de 60 millions d'euros.

L'élaboration d'un tel plan est une initiative bienvenue, appelée de leurs voeux par les élus locaux et parlementaires depuis de trop nombreuses années. Pour autant, le rapporteur déplore que seuls 150 millions d'euros soient consacrés à un sujet aussi fondamental et aussi grave que la dévitalisation commerciale, qui frappe nombre de communes, qui s'accélère et qui devrait encore empirer avec la crise actuelle. En outre, certaines des mesures de ce plan étaient déjà mises en oeuvre antérieurement à son déploiement.

1. Les foncières commerciales de rénovation : une mesure ambitieuse mais dont le ciblage doit être resserré sur les territoires les plus fragiles

Dans le prolongement de la stratégie nationale lancée en octobre 2019 14 ( * ) , le Gouvernement a annoncé en juin vouloir financer 100 foncières, créées à l'initiative des collectivités avec l'aide de la Banque des territoires, pour rénover 6 000 commerces en cinq ans, dont 600 en 2021 et 1 300 en 2022.

L'action de ces foncières consistera à racheter des locaux vacants, à les rénover et à les louer à un tarif préférentiel à des commerçants intéressés. Chaque foncière devra élaborer une stratégie générale de restructuration commerciale autour de plusieurs axes, dans laquelle elle inscrira son intervention. Par exemple, elle pourra racheter et affecter des locaux à des activités de service, et non de commerce, afin de préparer les conditions d'un retour durable des commerçants dans le quartier ou la rue en question.

Le plan de relance prévoit de compenser financièrement les déficits opérationnels (de 10 à 15 % en moyenne) subis par les foncières sur ce type d'opérations, compte tenu des montants à engager et des faibles recettes. Pour ce faire, deux types de financement sont prévus :

• une intervention à hauteur de 100 millions d'euros de la Banque des territoires dans le capital de ces structures, à partir de ses fonds propres, donc non-retracée dans le PLF. Ce financement s'ajoute aux 200 millions d'euros qu'elle engage déjà, dans le même objectif, dans le cadre des programmes « Action coeur de ville » et « Petites villes de demain », et concerne ces mêmes zonages ;

• un fonds de soutien budgétaire de 60 millions d'euros, retracé dans le programme « Cohésion » de la mission « Relance » du présent PLF 2021. L'objectif de ces crédits, outre d'augmenter le nombre de foncières créées, est d'élargir la couverture du dispositif au-delà des zonages des deux programmes cités ci-dessus.

L'ANCT sera l'opérateur en charge d'instruire les demandes de subvention transmises par les foncières locales.

Le rapporteur salue cette initiative mais alerte sur le risque que l'enveloppe soit consommée principalement - voire exclusivement - par des villes moyennes (hors programme ACV) pour des projets situés uniquement en plein coeur du centre. En effet, les plus petites villes, villages ou bourgs, dans lesquels le besoin de revitalisation commerciale et urbaine est conséquent, ne disposeront pas forcément de l'ingénierie ou des moyens techniques et humains suffisants pour monter ce type de projets. Interrogée à ce sujet, la Direction générale des entreprises a reconnu la complexité que représenterait une décentralisation du dispositif mais a souligné la mise en place d'un comité de pilotage associant les ministères compétents, les représentants des collectivités et les principaux opérateurs concernés.

Il importe par conséquent que soit mise en oeuvre rapidement une démarche de promotion de ces foncières auprès des élus des territoires les moins dynamiques, afin qu'ils se saisissent de cet outil, et qu'une partie de l'enveloppe soit spécifiquement dédiée aux foncières créées dans ces communes. Une telle démarche de promotion pourrait être pilotée par les services déconcentrés de l'État, en y associant le réseau consulaire.

Le rapporteur note par ailleurs que parmi ces 100 foncières, 80 % sont déjà mises en oeuvre dans le cadre du programme « Action coeur de ville » ; la création nette devrait donc s'élever à 20 foncières.

Les représentants de CCI France ont par ailleurs alerté le rapporteur sur le sous-dimensionnement du dispositif, alors que 700 000 entreprises ressortissantes du réseau consulaire sont contraintes de fermer administrativement en raison du confinement. Ils craignent en effet que l'objectif de 6 000 locaux rénovés en cinq ans ne manque d'ambition, au regard de l'aggravation de la situation du commerce de proximité qui résulte de la crise actuelle. Le rapporteur partage ce constat et invite en conséquence le Gouvernement, en fonction des résultats enregistrés par les premières foncières, à envisager un renforcement du dispositif.

2. La multiplication d'autres mesures hétérogènes entraîne un saupoudrage de crédits qui pourrait nuire à leur efficacité
a) Une enveloppe encore incertaine de 40 millions d'euros pour 2 000 actions de redynamisation commerciale, dont la mesure de l'efficacité doit être renforcée

Outre le dispositif de foncières, le Gouvernement prévoit une enveloppe budgétaire de 40 millions d'euros 15 ( * ) visant à soutenir trois types d'actions collectives de revitalisation des centres-villes :

• le financement de managers de commerce, à hauteur de 40 000 euros par action. Alors que les documents budgétaires indiquent un montant de 20 000 euros par action, la DGE a indiqué au rapporteur que ce nouveau montant serait plus cohérent au regard de la rémunération chargée de ce type d'emploi ;

• le financement de prestations de diagnostic et d'ingénierie relatives aux stratégies numériques territoriales, à hauteur de 20 000 euros par action, les petites collectivités ne disposant généralement pas des compétences techniques pour mener des analyses de zone de chalandise ou évaluer la maturité numérique des commerçants ;

• le financement de la mise en place de plateformes numériques locales pérennes, certaines de celles créées durant le premier confinement s'étant révélées peu fiables ou insuffisamment robustes, voire trop complexes à maintenir techniquement pour des petites communes.

Le financement par le budget général de ces actions collectives vient compléter celui de 39 millions d'euros que la Banque des territoires 16 ( * ) accorde au soutien de ces trois mêmes actions ainsi qu'à deux autres liées à la mise en place de circuits courts et au développement d'une logistique urbaine durable 17 ( * ) . Comme pour les foncières, l'objectif du Gouvernement est donc de mobiliser le budget général pour financer des actions similaires à celles de la Banque des territoires, mais dans un périmètre géographique plus large que celui des programmes « Action coeur de ville » et « Petites villes de demain ».

Si l'objectif d'élargir la cible est partagé par le rapporteur, un doute subsiste quant à la pertinence de retenir un aussi grand nombre d'actions collectives pour une enveloppe de seulement 40 millions d'euros (soit, au total, entre 1 000 et 2 000 actions pouvant être conduites sur toute la France). Le risque est réel que l'impulsion en faveur de la redynamisation commerciale, bienvenue, ne se transforme en un saupoudrage de crédits sans réelle cohérence.

Une absence de suivi de l'efficacité de ces actions préjudiciable à leur pilotage

Les craintes du rapporteur relatives au saupoudrage des crédits sont renforcées par le fait qu'aucun dispositif de suivi de l'efficacité des actions conduites n'est prévu.

Interrogée à ce sujet, la DGE a en effet reconnu que le travail du Gouvernement avait porté en priorité sur le financement des mesures, et non sur le suivi de leur mise en oeuvre et de leur efficience. Elle a par ailleurs souligné la complexité que représenterait une analyse économique de leur impact, par exemple concernant les plateformes numériques locales, la DGE n'ayant pas accès à la répartition du chiffre d'affaires des commerçants entre commerce en ligne et commerce physique.

Il a toutefois été précisé au rapporteur que des redéploiements de crédits pourraient être envisagés à l'avenir si certaines actions collectives se révélaient plus performantes que d'autres.

En outre, alors que la relance du commerce de proximité passe nécessairement par des outils flexibles et adaptables aux diverses réalités des territoires, les modalités de déblocage de ces crédits semblent au contraire particulièrement rigides : à chaque action correspondra un forfait de 20 000 euros, ou de 40 000 euros dans le cas des managers de commerce, indépendamment de la taille de la commune, de la profondeur de ses besoins ou de son taux de vacance commerciale. Cet excès de rigidité ne peut aller qu'à l'encontre de l'efficacité de ces actions, compte tenu du besoin de différenciation et d'adaptation qu'implique une politique de revitalisation commerciale ambitieuse 18 ( * ) .

Le rapporteur invite donc le Gouvernement, à tout le moins, à prévoir une possible augmentation de l'enveloppe si elle devait être rapidement consommée et à concentrer les financements sur un nombre réduit d'actions, clairement identifiables. Il préconise également la mise en place d'un véritable suivi de l'efficacité des actions financées par ce biais.

Certaines mesures du plan de relance bénéficieront aux commerçants et artisans,
sans leur être spécifiquement dédiées

- un volet relatif à la rénovation énergétique des TPE-PME, doté de 95 millions d'euros d'AE et de 27 millions d'euros de CP. Parmi ces AE, 15 millions d'euros financeront des diagnostics et des accompagnements à la transition écologique pour les artisans, commerçants et indépendants ;

- un volet relatif au renforcement des fonds propres des PME, qui prendra la forme d'un label « Relance » à destination d'organismes de placement collectif qui pourront dès lors bénéficier d'une garantie de Bpifrance (150 millions d'euros en AE/CP) ;

- un renforcement de la garantie apportée par Bpifrance Financement aux prêts contractés, notamment, par des TPE (prêts croissance TPE), via une hausse de la quotité garantie et une volumétrie plus importante de prêts couverts ;

- un allègement de la fiscalité de production, qui devrait néanmoins davantage bénéficier aux entreprises industrielles qu'aux commerçants et artisans.

b) 40 millions d'euros pour renforcer les prêts « croissance TPE » de Bpifrance et 10 millions d'euros pour son action en zone rurale

Outre les enveloppes de 60 millions d'euros pour le financement de foncières de rénovation commerciale et de 40 millions d'euros pour les actions collectives, le plan de relance prévoit également 40 millions d'euros à destination de Bpifrance afin de financer 200 millions d'euros de prêts « Croissance TPE » supplémentaires.

Il s'agit de prêts destinés à couvrir des dépenses immatérielles (audit, marketing, etc.) ou corporelles (réfection des locaux, prototypes, etc.) qui présentent l'inconvénient d'avoir une faible valeur de gage et donc de compliquer le financement classique des TPE. Leur montant est compris entre 10 000 et 50 000 euros, sur une durée de cinq ans. En 2019, 2 700 prêts ont été accordés pour un encours de 121 millions d'euros.

Le rapporteur regrette le choix du Gouvernement de faire figurer cette enveloppe dans l'axe « rénovation des commerces de centre-ville » du plan de relance 19 ( * ) , gonflant artificiellement le montant du plan de relance. En effet, ces prêts bénéficieront à toute TPE éligible, indépendamment de son secteur d'activité, de sa localisation, et sans que la dépense couverte ne concerne spécifiquement la rénovation commerciale.

Sont demandés également des crédits à hauteur de 10 millions d'euros afin de financer un programme opéré par Bpifrance de soutien à l'entreprenariat en zone rurale (créateurs, repreneurs).

Le programme Action coeur de ville : une initiative bienvenue
au service des territoires, qui doit davantage mettre l'accent sur
le développement économique et commercial

Instauré en 2018, le programme « Action coeur de ville » est un plan partenarial d'investissement dans 222 villes moyennes visant à revaloriser leur cadre de vie et à renforcer leur attractivité, construit autour de cinq axes :

- la réhabilitation-restructuration de l'habitat en centre-ville ;

- le développement économique et commercial ;

- l'accessibilité, les mobilités et les connexions ;

- la mise en valeur de l'espace public et du patrimoine ;

- l'accès aux équipements et services publics.

La mise en oeuvre du plan repose sur la signature, par chaque ville, d'une convention-cadre à partir de laquelle sont déclinés des plans d'actions concrètes à mener autour de ces cinq axes. Une enveloppe de 5 milliards d'euros est prévue pour cinq ans, abondée à hauteur d'1 milliard d'euros par la Caisse des dépôts en fonds propres, 1,5 milliard d'euros par Action Logement, 1,2 milliard d'euros par l'Agence nationale de l'habitat et 700 millions d'euros de prêts. En 2020, les 222 conventions-cadres ont été signées, et 1,4 milliard d'euros ont été engagés.

Tant l'objectif que les modalités de mise en oeuvre du programme « Action coeur de ville », qui reposent sur une articulation étroite des élus locaux et des services déconcentrés de l'État dans le pilotage des actions, vont dans le bon sens. Le rapporteur souligne toutefois que les besoins de revitalisation les plus forts ne s'expriment pas forcément dans des villes moyennes mais plutôt dans des petites villes et bourgs en zone rurale.

Il ressort en outre des échanges avec les acteurs économiques interrogés que les fonds sont insuffisamment dirigés vers l'axe relatif au développement économique et commercial. Interrogé par le rapporteur, le Gouvernement a indiqué que la création des foncières devrait participer à la résorption de ce déséquilibre.

En outre, les représentants des CMA ont signalé au rapporteur n'être qu'insuffisamment associés aux décisions de l'ANCT et trop peu informés des appels à projet passés par les collectivités, contrairement à la situation qui prévalait au temps de l'EPARECA.

3. 60 millions d'euros supplémentaires ouverts en loi de finances rectificative n° 4 afin de financer une aide forfaitaire à la numérisation

Ainsi que la DGE l'avait indiqué au rapporteur lors de son audition, le plan de relance a été complété, en loi de finances rectificative n° 4, d'une enveloppe supplémentaire de 60 millions d'euros, non prévue lors de la transmission au Parlement des documents budgétaires.

Financée à partir des crédits du Fonds de solidarité, cette enveloppe permettra la mise en place d'une aide forfaitaire de 500 euros, gérée par l'Agence de services et des paiements (ASP), destinée à prendre en charge partiellement les dépenses réalisées par les PME en vue de réaliser des ventes en ligne (coût de création d'un site, abonnements aux plateformes numériques, commissions versées, etc.). Les entreprises concernées sont celles fermées administrativement et ne s'étant aucunement engagées dans la transition numérique. Compte tenu du montant de l'enveloppe, 120 000 d'entre elles pourront bénéficier de l'aide.

Le Gouvernement a justifié ce schéma budgétaire par la nécessité de ne pas attendre le vote final du PLF 2021, fin décembre, pour mettre en oeuvre le dispositif.


* 14 https://www.economie.gouv.fr/files/files/2019/DP-Strat%C3%A9gie%20nationale%20pour%20l%27Artisanat%20et%20le%20Commerce%20de%20proximit%C3%A9.pdf

* 15 Les crédits de cette enveloppe sont retracés dans le programme « Cohésion » de la mission « Relance ».

* 16 Début novembre 2020, la Banque des territoires avait financé de telles actions dans environ 80 collectivités territoriales.

* 17 Lors de son audition par le rapporteur, la Direction générale des entreprises a précisé qu'il n'était pas optimal que le soutien budgétaire de 40 millions d'euros finance également la logistique urbaine durable, dès lors que cette dernière est surtout pertinente dans les villes ciblées par « Action coeur de ville » et « Petites villes de demain », au centre des interventions de la Banque des territoires.

* 18 Le réseau consulaire a, à ce titre, fait part au rapporteur de ses préoccupations suite au rejet de sa candidature dans le cadre d'un appel d'offres relatif à ces actions, au motif que son projet apportait des réponses trop différenciées selon les territoires, ce qui semble pourtant être gage d'efficacité.

* 19 Cette enveloppe est inscrite dans la sous-action « Rénovation des commerces de centre-ville » de l'action 7 « Cohésion territoriale » du programme n° 364 « Cohésion » de la mission « Relance ».

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