B. DEUX GRANDS OUBLIÉS : LE COMMERCE ET L'ARTISANAT ET LA CONSTRUCTION NEUVE

Enfin, deux secteurs d'activités semblent presque totalement absents du plan de relance présenté par le Gouvernement, secteurs qui sont aussi deux des principales victimes des mesures de restrictions sanitaires et de l'arrêt d'activité lié à la pandémie de Covid-19.

1. Le commerce et l'artisanat

D'abord, le commerce et l'artisanat ne font l'objet que d'une mesure spécifique au sein de la mission « Plan de relance », portée par l'action 7 du programme « Cohésion ». Une sous-action relative à la rénovation des commerces de centre-ville porte :

• 60 millions d'euros (AE et CP) destinés à la création d'un « fonds de déficit d'opérations d'aménagement commercial » . Selon le Gouvernement, cette mesure vise à rénover 1 900 commerces sur la période 2021-2022, et agira en complément des « foncières » déjà mises en oeuvre avant la crise dans le cadre du programme « Action Coeur de Ville » (ACV) et par la Banque des territoires ;

• 40 milliards d'euros (AE et CP) finançant des actions collectives de revitalisation commerciale complémentaires à ACV, avec un objectif de réalisation de 2 000 opérations.

Si l'on peut également relever que 40 millions d'euros (AE et CP) sont prévus pour abonder les prêts « Croissance TPE » distribués par Bpifrance aux TPE dont la situation financière est dégradée, que 10 millions sont destinés à l'accompagnement de l'entrepreneuriat en zone rurale , et que 22 millions financeront la sensibilisation et l'accompagnement des TPE-PME à la numérisation , la rapporteure souligne toutefois que ces dispositifs visent l'ensemble des petites entreprises de tous secteurs et ne bénéficieront que partiellement aux commerçants et artisans.

Le Gouvernement a ajouté à ces mesures, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2021 à l'Assemblée nationale, une enveloppe de 60 millions d'euros visant à financer une aide forfaitaire à la numérisation à destination des entreprises fermées administrativement. Toutefois, celle-ci est financée par un prélèvement sur les crédits du fonds de solidarité.

Au vu du très faible montant des financements du plan de relance - environ 170 millions d'euros dans une vision extensive - et le nombre négligeable de bénéficiaires , il apparaît que Gouvernement ne prend pas la mesure de la situation critique dans laquelle se trouve le petit commerce et l'artisanat.

Certes, ces deux secteurs ont bénéficié en 2020 d'importants soutiens financiers dans le cadre des mesures d'urgence, par l'intermédiaire principalement du fonds de solidarité, des reports d'échéances, des exonérations de cotisations et des prêts garantis par l'État, mais ces dispositifs activés pour parer au plus urgent ne peuvent en aucun cas suffire ni faire office de relance .


Source : Commission des affaires économiques, d'après les documents budgétaires

La rapporteure rappelle que le secteur du commerce et de l'artisanat a fait face au cours des deux années précédentes à une succession de crises liées aux mouvements de grève, aux fermetures forcées en lien avec les manifestations des « gilets jaunes », et désormais avec deux périodes de confinement. Alors que le commerce de proximité est entré dans la crise déjà fragilisé, les représentants des chambres des métiers et de l'artisanat entendus par la rapporteure ont relayé l'inquiétude et la détresse des commerçants et artisans face aux nouvelles restrictions sanitaires .

Si l'effort en matière de numérisation des commerces témoigne d'une prise de conscience accrue des enjeux de présence en ligne - en particulier en période de confinement - et doit être salué, le budget de relance pour 2021 n'est pas à la hauteur : si des plans sectoriels pour l'automobile, pour l'aéronautique, pour le tourisme ou pour la culture ont été déployés, le plan de relance sectoriel pour le commerce et l'artisanat se fait toujours attendre. Certaines des personnes auditionnées par votre rapporteure ont ainsi estimé que « ce plan de relance est avant tout un plan de relance industriel : les commerçants et les artisans, eux, n'ont droit qu'aux mesures d'urgence ».

À ce titre, la rapporteure souligne que d'autres pays européens ont fait des choix plus radicaux en faveur de la relance de la demande et de la consommation . L'Allemagne, par exemple, a choisi d'abaisser la TVA, de 19 à 16 % et de 7 à 5 % selon les produits. Certes, le pays dispose d'excédents budgétaires chroniques qui lui permettent de supporter le coût d'une telle mesure ; mais cette différence d'approche est aussi révélatrice de la faiblesse du volet « soutien à la demande » du plan de relance français.

Hormis les mesures d'aide à l'achat de véhicules propres et à l'investissement dans les machines - qui soutiennent principalement la production industrielle -, le plan de relance ne comporte que peu de mesures de soutien direct à la consommation. Pourtant, l'importante épargne forcée accumulée pendant le début d'année par les Français , qui risque de se transformer en épargne de précaution, justifierait d'inciter davantage à acheter des produits et services locaux, qu'il s'agisse de restauration, de loisirs ou de produits d'habillement.

2. La construction neuve

Ensuite, la rapporteure constate que si la rénovation énergétique est présentée comme l'une des mesures phares - et à visée de transition écologique - de la relance, la construction neuve fait figure de grande absente. Bien qu'elle représente 47 % du marché du bâtiment et ait généré environ 69 milliards d'euros en 2019 selon la FFB, la construction neuve ne fait pas l'objet de mesures spécifiques de relance en 2021, les crédits de la mission se concentrant sur la rénovation énergétique des logements . Figurent uniquement 175 millions d'euros (en CP) d'aides destinées à cofinancer des projets de densification conduits par les communes.

La rapporteure estime que les objectifs environnementaux fixés par le Gouvernement (notamment « zéro artificialisation nette ») ne doit pas conduire à négliger la construction neuve, qui est un levier d'activité économique et d'attractivité des territoires . Alors que le nombre de projets d'habitat collectif neuf étaient en baisse déjà avant la crise, la seule rénovation énergétique des habitations ne pourra répondre à la crise du logement que connaît notre pays.

À ce titre, l'amendement du Gouvernement au PLF 2021 adopté à l'Assemblée nationale, qui proroge d'un an - soit jusqu'à la fin de l'année 2022 - l'échéance du prêt à taux zéro (PTZ) est un pas dans le bon sens. Dans un véritable esprit de relance, le PTZ pourrait même être renforcé, en particulier à destination des publics les moins aisés ou les plus jeunes, afin de dynamiser rapidement la demande de bâtiments neufs.

Afin de soutenir les entreprises du secteur du bâtiment, d'autres mesures de soutien plus larges, comme un taux réduit de TVA uniforme à 5,5 % sur l'amélioration et la transformation des logements, pourraient être mises en place. Elles contribueraient à dynamiser la demande pour l'ensemble des prestations du secteur et pour nombre de TPE-PME non positionnées sur le segment de la rénovation énergétique.

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