B. DES MOYENS ET DES RÉSULTATS EN DÉCALAGE AVEC LES EFFETS D'ANNONCE

Comme leur prédécesseur, les rapporteurs regrettent cette année encore un décalage persistant entre les ambitions affichées en termes d'intégration et les réalisations concrètes sur le terrain.

1. Des objectifs d'intégration ambitieux qui incluent enfin une forte dimension linguistique et professionnelle

Exprimés à l'occasion du comité interministériel à l'immigration et à l'intégration du 5 juin 2018, à la suite de la remise du rapport « Taché », les objectifs du Gouvernement en matière d'intégration étaient ambitieux : l'année 2020 devait ainsi être la première de pleine d'application du contrat d'intégration républicaine (CIR) rénové, piloté par l'OFII (qui finance et contrôle les prestations en les contractualisant avec des acteurs associatifs ou sociétés tierces).

Dans sa version renforcée mise en place à compter du 1 er mars 2019 , le CIR prévoit notamment en faveur des étrangers primo-arrivants :

- une augmentation de la formation linguistique (doublement du nombre d'heures pour les trois parcours existants - jusqu'à 100 heures, 200 heures ou 400 heures de formation - et création d'un nouveau parcours de 600 heures pour les non-lecteurs, non-scripteurs) et de la certification du niveau de langue (test d'acquisition du niveau de langue A.1 du cadre européen commun de référence pour les langues en fin de parcours, ce qui correspond à l'usage et à la compréhension de quelques expressions familières et quotidiennes) ;

- le doublement de la formation civique (passée de 12 à 24 heures) et un meilleur étalement dans le temps ;

- un renforcement de l'insertion professionnelle (accompagnement des primo-arrivants dans les systèmes de reconnaissance de diplômes, de qualifications et de compétences professionnelles ; insertion des populations primo-arrivantes particulièrement éloignées de l'emploi, notamment les femmes).

2. Des moyens qui ne sont pas à la hauteur du défi

Dans un contexte d'augmentation constante des flux d'étrangers primo-arrivants et de multiplication des nouvelles tâches qui lui ont été confiées ces dernières années par le législateur, l'Office français de l'immigration et de l'intégration doit assurer ces actions d'intégration sans renfort de moyens .

Ainsi, en termes de moyens financiers, la subvention versée à l'OFII en 2021 s'élèvera-t-elle à 251,4 millions d'euros, soit une baisse de - 1,57 % par rapport à 2020.

En termes de moyens humains , ses effectifs resteront quasi constants en 2021 (ramenés à 1 168 ETPT par suppression de 11 postes affectés à des missions désormais dématérialisées).

À cet égard, les rapporteurs rappellent que la gestion de ses ressources humaines reste particulièrement délicate : l'OFII doit faire face à une instabilité chronique de ses effectifs (notamment un taux de rotation très important et des agents aux trois quarts contractuels fin 2020).

Lors de son audition, M. Didier Leschi, directeur général de l'OFII, a fait part aux rapporteurs des possibilités enfin ouvertes grâce à la publication des décrets d'application de la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique, qui devrait permettre de remédier en partie à ce problème en autorisant l'OFII à recruter directement certains agents en contrat à durée indéterminée ou en contrat à durée déterminée de longue durée.

3. Des résultats encore décevants et des actions d'intégration perturbées par la crise sanitaire

Le bilan du contrat d'intégration républicaine (CIR) reste difficile à tirer dans un contexte de crise sanitaire ayant fortement ralenti la mise en oeuvre du nouveau parcours d'intégration « renforcé ».

Alors que 107 455 étrangers primo-arrivants ont signé un CIR en 2019 (+ 9,7 %) , l'OFII table sur moins de 70 000 contrats conclus en 2020 . L'activité s'est interrompue lors du confinement de la mi-mars (aucun contrat n'a ainsi été signé au mois d'avril 2020), n'a pu reprendre que très progressivement en milieu d'année, et n'est revenue que fin septembre à son niveau habituel.

La suspension de l'accueil et des formations en présentiel ont freiné les parcours d'intégration, mais les rapporteurs notent avec intérêt que l'OFII a su se montrer particulièrement réactif :

- en priorisant certaines activités compatibles avec le confinement , comme les bilans de fin de CIR par téléphone, ce qui a permis aux agents de rattraper le retard pris sur cette activité ;

- en mettant rapidement en place des formations à distance « e-learning »), via des avenants aux marchés de formations linguistiques et civiques, et le déblocage de financements supplémentaires pour financer des équipements vidéo et compenser, au moins partiellement, l'arrêt des formations en présentiel.

Un plan de reprise d'activités diffusé début mai 2020 a permis le redémarrage des plateformes d'accueil CIR dans ses directions territoriales le 25 mai avec une activité réduite de moitié, le rythme de cette reprise augmentant peu à peu, en fonction des capacités de déplacement des usagers, du redéploiement des transports en commun et de la présence des agents.

Si les résultats du CIR doivent être interprétés à l'aune de ces importantes perturbations, ils n'en demeurent pas moins encore décevants par certains aspects :

- en termes de maîtrise de la langue française, s ur les 51 833 étrangers primo-arrivants ayant bénéficié d'une formation linguistique (soit 48,2 % des signataires d'un CIR), un quart n'a pas atteint le niveau A1 en fin de formation (niveau qui correspond à l'usage et à la compréhension de quelques expressions familières et quotidiennes) ; et concernant la mise en place d'une certification officielle de niveau, à peine 173 stagiaires se sont présentés en 2019 au test certifiant à la fin de leur parcours linguistique ;

- en termes d' orientation et d'insertion professionnelles , plus de deux ans après la promulgation de la loi « asile immigration intégration » de septembre 2018 qui en avait acté le renforcement, l'accord-cadre en faveur de l'insertion professionnelle des étrangers primo-arrivants n'est toujours pas signé (il doit associer l'État - ministères du travail et de l'intérieur -, l'OFII et les acteurs du service public de l'emploi, dont notamment Pôle emploi).

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