B. RÉDUIRE L'IMPACT ENVIRONNEMENTAL DES RÉSEAUX : UNE MAIN TENDUE AUX OPÉRATEURS.

La Commission européenne a récemment incité les États membres à identifier les mesures de nature à réduire de l'impact environnemental du déploiement des réseaux. C'est l'objet des articles 23 et 24 de la proposition de loi, qui apparaissent comme une main tendue aux opérateurs pour éviter les débats non objectivés sur l'impact environnemental des nouvelles générations de téléphonie mobile. Ils viennent compléter la loi « AGEC », qui impose déjà un renforcement de l'information du consommateur sur l'impact environnemental de sa consommation numérique à travers les fournisseurs d'accès à internet . En application de son article 13, ceux-ci seront en effet contraints, à compter de 2022, d'informer leurs abonnés de la quantité de données consommées dans le cadre de la fourniture d'accès au réseau ainsi que de l'équivalent des émissions de gaz à effet de serre correspondant, selon une méthodologie mise en place par l'Ademe.

Il convient de rappeler que le plan France très haut débit est le premier outil de réduction des émissions de GES , dans la mesure où la fibre optique est bien moins énergivore que le cuivre 52 ( * ) .

L' article 23 propose que les opérateurs de réseaux de communications électroniques puissent prendre des engagements contraignants pour réduire leur impact sur l'environnement auprès du ministre chargé des communications électroniques après avis de l'Arcep, et sous le contrôle de cette dernière, sur le modèle de l'article L. 33-13 du code des postes et des communications électroniques. Ce dispositif s'ajouterait au bilan des émissions de gaz à effet de serre 53 ( * ) , outil de quantification des émissions produites sur une année par une organisation ou sur un territoire, afin d'identifier et de mobiliser des gisements de réduction de ces émissions 54 ( * ) .

Il s'agirait d'une possibilité pour les opérateurs de prendre des engagements auprès des pouvoirs publics, pas d'une obligation . Ces engagements devraient porter sur les impacts environnementaux des réseaux, les critères précis à prendre en compte (émissions de GES, consommation énergétique...) devant être définis par décret. En revanche, ce ne sera pas à l'Arcep de fixer les objectifs aux opérateurs : chacun d'entre eux sera libre de se fixer ses propres objectifs, dès lors que ceux-ci seront cohérents avec la stratégie national « bas carbone » ( AFFECO-19 ). L'obligation d'inclure une planification de l'extinction progressive d'anciennes générations de réseaux ne s'appliquera que lorsque l'activité de l'opérateur le justifie ( AFFECO-20 ). Ce dernier point devra faire l'objet d'une certaine vigilance car l'impact d'une telle mesure n'est pas pleinement établi : d'une part, les anciens réseaux mobiles sont encore très utilisés, d'autre part, leur extinction risquerait d'être contreproductive dans la mesure où les terminaux devraient également être renouvelés. Il convient de rappeler que l'article 15 permet également aux opérateurs, s'ils le souhaitent, de s'engager sur des modes de tarification particuliers afin de favoriser l'usage fixe.

La commission a également adopté un amendement portant sur les box internet et les décodeurs audiovisuels , dans la mesure où, comme cela a été souligné dans le rapport de France stratégie précité, ce sont a priori les seuls équipements de réseau pour lesquels les opérateurs n'ont pas d'incitation naturelle à limiter la consommation énergétique 55 ( * ) , puisque le coût de cette dernière est supporté par l'utilisateur ( AFFECO-21 ). Or, selon l'Ademe, une box consomme autant d'énergie qu'un réfrigérateur. Et il s'avère que la consommation d'une box est très peu sensible à l'usage. La généralisation d'un mode « veille » serait donc pertinente. À défaut d'une introduction de cette norme dans la directive écoconception, les opérateurs pourraient s'y engager dans le cadre défini à l'article 23.

Afin de laisser le temps aux acteurs d'intégrer ces nouvelles dispositions et de construire un référentiel sur l'impact environnemental des réseaux, la commission des affaires économiques a également repoussé l'entrée en vigueur du dispositif à 2023 ( AFFECO-22 ).

Pour inciter les opérateurs à s'engager auprès des pouvoirs publics , la rapporteure a également proposé un amendement visant à créer un tarif réduit de contribution au service public de l'électricité pour les opérateurs qui auraient souscrits de tels engagements ( AFFECO-23 ).

Enfin, la commission des affaires économiques a adopté un amendement visant à confier à l'Arcep un pouvoir de recueil des données auprès des opérateurs, en vue de crédibiliser sa position et de lui permettre de développer une approche de régulation par la donnée ( AFFECO-24 ).

L' article 24 propose de faire de la préservation de l'environnement un motif sur le fondement duquel l'Arcep peut refuser d'attribuer des autorisations d'utilisation de fréquences. La rapporteure estime que ce dispositif est susceptible, d'une part, de porter une atteinte disproportionnée à la liberté d'entreprendre, même s'il est justifié par le motif d'intérêt général de préservation de l'environnement, d'autre part, de n'être pas conforme au code européen des communications électroniques, qui ne prévoit pas la possibilité de conditionner l'attribution des autorisations d'utilisation de fréquences à des considérations d'ordre environnemental.

La commission des affaires économiques a donc adopté un amendement visant à réaffirmer que l'Arcep attribue les autorisations d'utilisation de fréquences en tenant compte des impératifs de préservation de l'environnement ( AFFECO-25 ), ce qui constitue un rappel spécifique aux attributions de fréquences de l'article L. 32-1 du code des postes et des communications électroniques en application duquel l'Autorité est chargée de veiller à la protection de l'environnement dans le cadre de ses missions de régulation des communications électroniques. La commission des affaires économiques avait déjà procédé à une telle modification concernant l'objectif d'aménagement du territoire, qui avait initialement été inséré dans les motifs de refus dans le cadre de l'examen de la loi relative aux communications électroniques de 2004 56 ( * ) .Cela incitera les opérateurs à proposer des modalités de déploiement visant à limiter l'impact environnemental de leur activité, sans préjudice de l'objectif d'aménagement du territoire qui figure également à cet article. Du reste, l'article L. 42-2 du même code prévoit déjà que la sélection des titulaires d'autorisation se fait par appel à candidatures sur des critères portant sur les conditions d'utilisation listées au II de l'article L. 42-1 57 ( * ) ou sur la contribution à la réalisation des objectifs mentionnés à l'article L. 32-1 ou par une procédure d'enchères dans le respect de ces objectifs.


* 52 Une note de l'Arcep estime que la fibre consomme en moyenne trois fois moins que l'ADSL et quatre fois moins que le réseau téléphonique commuté.

* 53 Article L. 228-25 du code de l'environnement.

* 54 La production de ce bilan tous les quatre ans est obligatoire pour les entreprises de plus de 500 personnes sous peine d'une amende administrative de 1 500 euros.

* 55 Pour le reste des équipements de réseau, comme la note précitée de l'Arcep le soulignait, les opérateurs répercutent la contrainte de l'amélioration de l'efficacité énergétique sur les équipementiers.

* 56 Loi n° 2004-669 du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle. Comme le précise le rapport de la commission, « Votre commission souscrit pleinement à l'ajout de cette référence, dans la mesure où le choix d'attribution des fréquences a des conséquences directes sur les zones de desserte, et donc sur l'aménagement du territoire. Elle relève toutefois que cet ajout doit plutôt figurer dans les conditions d'attribution des fréquences et non dans les motifs de refus d'attribution. C'est pourquoi elle vous proposera, à cet article, de déplacer cette référence ».

* 57 Les conditions listées sont amenées à évoluer à la marge dans le cadre de la transposition du code européen des communications électroniques autorisée par le projet de loi Dadue.

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