Avis n° 233 (2020-2021) de Mme Anne-Catherine LOISIER , fait au nom de la commission des affaires économiques, déposé le 15 décembre 2020

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N° 233

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2020-2021

Enregistré à la Présidence du Sénat le 15 décembre 2020

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des affaires économiques (1) sur la proposition de loi visant à réduire l' empreinte environnementale du numérique en France ,

Par Mme Anne-Catherine LOISIER,

Sénatrice

(1) Cette commission est composée de : Mme Sophie Primas , présidente ; M. Alain Chatillon, Mme Dominique Estrosi Sassone, M. Patrick Chaize, Mme Viviane Artigalas, M. Franck Montaugé, Mme Anne-Catherine Loisier, MM. Jean-Pierre Moga, Bernard Buis, Fabien Gay, Henri Cabanel, Franck Menonville, Joël Labbé , vice-présidents ; MM. Laurent Duplomb, Daniel Laurent, Mme Sylviane Noël, MM. Rémi Cardon, Pierre Louault , secrétaires ; M. Serge Babary, Mme Martine Berthet, M. Jean-Baptiste Blanc, Mme Florence Blatrix Contat, MM. Michel Bonnus, Denis Bouad, Yves Bouloux, Jean-Marc Boyer, Alain Cadec, Mme Anne Chain-Larché, M. Patrick Chauvet, Mme Marie-Christine Chauvin, M. Pierre Cuypers, Mmes Marie Evrard, Françoise Férat, Catherine Fournier, M. Daniel Gremillet, Mme Micheline Jacques, M. Jean-Marie Janssens, Mmes Valérie Létard, Marie-Noëlle Lienemann, MM. Claude Malhuret, Serge Mérillou, Jean-Jacques Michau, Mme Guylène Pantel, MM. Sebastien Pla, Christian Redon-Sarrazy, Mme Évelyne Renaud-Garabedian, MM. Olivier Rietmann, Daniel Salmon, Mme Patricia Schillinger, MM. Laurent Somon, Jean-Claude Tissot .

Voir le numéro :

Sénat :

27 rect. (2020-2021)

L'ESSENTIEL

Réunie le mardi 15 décembre 2020, sous la présidence de Mme Sophie Primas, la commission des affaires économiques a examiné le rapport de Mme Anne-Catherine Loisier sur la proposition de loi n° 27 rect. (2020-2021) visant à réduire l'empreinte environnementale du numérique 1 ( * ) en France enregistrée à la présidence du Sénat le 12 octobre 2020.

Estimant que l'impact environnemental du numérique est un sujet important pour les décennies à venir, la commission des affaires économiques a entendu contribuer au travail précurseur initié par la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable en :

- renforçant, d'une part, l'assise juridique des mesures visant à augmenter la durabilité des terminaux, d'autre part, l'information du consommateur sur les mises à jour logicielles, pour plus de transparence ;

- ciblant l'obligation d'écoconception des services en ligne sur ceux consommant le plus de bande passante ;

- incitant les exploitants de centres de données et de réseaux de communications électroniques à s'inscrire dans une trajectoire pluriannuelle de réduction de leurs impacts environnementaux ;

- et en confiant à l'Arcep le soin de collecter des données environnementales concernant les réseaux, pour un exercice plus éclairé de la régulation.

I. SI LE NUMÉRIQUE EST UN LEVIER ESSENTIEL POUR LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE DE NOTRE ÉCONOMIE, SON IMPACT ENVIRONNEMENTAL EST UNE PRÉOCCUPATION CROISSANTE.

A. LE NUMÉRIQUE EST UN LEVIER POUR LA TRANSITION ENVIRONNEMENTALE DE L'ÉCONOMIE...

Dans sa communication sur l'avenir numérique de l'Europe, la Commission européenne a estimé que les technologies numériques pourraient permettre une réduction des émissions égale à sept fois les émissions générées par le numérique en lui-même et une réduction des émissions mondiales pouvant aller jusqu'à 15 %. Il est souvent considéré que le numérique permettra, d'une part, d'optimiser l'utilisation des ressources dans tous les secteurs d'activité, notamment en agriculture, dans les transports et dans l'énergie, d'autre part, d'améliorer l'analyse des crises climatiques et de l'environnement. Concrètement, une récente étude de l'Agence de la transition écologique (Ademe) sur le télétravail estime d'ailleurs que, dans la plupart des hypothèses retenues, le bilan environnemental du télétravail est positif .

Les travaux sur ce point sont encore relativement récents et méritent d'être poursuivis, comme le suggère l'article 3 de la proposition de loi. Si le numérique est assurément un levier de la transition écologique, il ne saurait se situer en dehors des exigences environnementales de notre temps.

B. ... MAIS L'EXPLOSION DES USAGES APPELLE À UNE ACTION PROPORTIONNÉE ET EFFICACE DES POUVOIRS PUBLICS À TOUS LES ÉCHELONS ET SUR TOUS LES MAILLONS DE LA CHAÎNE POUR RÉDUIRE SON IMPACT ENVIRONNEMENTAL.

1. Une préoccupation croissante des pouvoirs publics aux niveaux mondial, européen et national, comme des acteurs du numérique.

L'impact du numérique sur l'environnement est une préoccupation croissante des pouvoirs publics. Au niveau mondial , l'Union internationale des télécommunications (UIT), qui relève de l'Organisation des Nations unies, s'attelle à déterminer un cadre méthodologique commun d'analyse de cet impact, dans le prolongement des objectifs de développement durable des Nations Unies.

Dans sa communication pour façonner l'avenir numérique de l' Europe , la Commission européenne entend faire en sorte que la transition numérique « contribue à une économie durable, neutre pour le climat et efficace dans l'utilisation des ressources ». Elle se fixe notamment l'objectif de parvenir à des centres de données neutres sur le plan climatique d'ici à 2030 et annonce l'adoption de mesures en matière d'efficacité énergétique et d'économie circulaire pour les réseaux, les centres de données et les équipements, ainsi qu'un travail sur les marchés publics durables.

En France , le Sénat s'est penché depuis plusieurs années sur la question : d'abord à travers une mission d'information sur l'inventaire et le devenir des matériaux et composants des téléphones mobiles, avant que la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable du Sénat ne publie cette année un rapport d'information proposant une première feuille de route en la matière appuyée sur la première étude quantifiant l'empreinte carbone du numérique en France à ce jour et dans les décennies à venir. La présente proposition de loi transcrit les recommandations de nature législative de ce rapport. Plus récemment, le Gouvernement a également lancé des travaux en la matière et le Conseil national du numérique a publié sa feuille de route . D'importantes mesures ont également été adoptées dans la loi dite « AGEC » 2 ( * ) de ce début d'année, principalement en ce qui concerne l'inscription des terminaux dans une logique d'économie circulaire (voir 2. ci-après). L'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la presse (Arcep) a également dévoilé un premier rapport sur le sujet. L'Arcep et l'Agence de la transition écologique (Ademe) sont également engagés dans des travaux sur la quantification de l'empreinte environnementale du numérique, à la demande du Gouvernement.

Les acteurs du numérique développent eux-mêmes un discours et des actions en faveur de l'environnement. Par exemple, selon les informations transmises par l'Asic à la rapporteure, Facebook s'est fixé un objectif de zéro émission nette pour l'ensemble de sa chaîne de valeur d'ici 2030, Google affiche un bilan carbone neutre depuis 2007, a annoncé en septembre dernier avoir neutralisé l'intégralité de son héritage carbone et s'engage à fonctionner avec une énergie sans carbone en 2030, et Microsoft a pour objectif un bilan carbone négatif d'ici 2030. Le Syntec numérique souligne également l'engagement de la filière à travers la plateforme Planet Tech'care, qui permet aux signataires de bénéficier d'un programme d'accompagnement en vue de réduire leur empreinte environnementale.

2. Malgré des données lacunaires, les travaux existants soulignent l'impact croissant du numérique dans les années à venir.

Si les travaux de quantification font état d'une marge d'erreur encore trop importante en raison de la grande diversité des hypothèses retenues comme des méthodologies appliquées, tous semblent converger vers une hausse probable de la consommation énergétique 3 ( * ) , des émissions de gaz à effet de serre 4 ( * ) et, plus globalement, de l'empreinte environnementale 5 ( * ) du numérique dans les prochaines décennies, notamment en raison d'un « effet rebond » difficile à quantifier mais assez intuitif : si le matériel supportant les données numériques sera toujours plus efficace, ces gains d'efficacité pourraient être compensés par une très forte hausse des usages, à travers, entre autres, la multiplication des objets connectés.

Ce constat est en effet cohérent avec les prévisions en matière d'utilisation d'objets connectés ou de croissance des données. Selon l'Académie des technologies , en 2018, il y avait autant de données numériques que de grains de sables sur la Terre : trente-trois mille milliards de milliards d'octets, soit 33 zettaoctets. Ce chiffre pourrait atteindre 175 zettaoctets en 2025 et 5 000 zettaoctets en 2050. Elle estime qu'il faudrait alors 50 millions d'années pour télécharger toutes ces données avec une connexion internet de vitesse moyenne à ce jour. Aujourd'hui, selon l'UIT, plus de la moitié du monde est connectée à internet. C'est le cas de près de 9 Français sur 10 6 ( * ) . Selon Cisco, le nombre d'équipements connectés devrait passer de 18 à 29 milliards entre 2018 et 2023 7 ( * ) et, en Europe de l'Ouest, l'entreprise estime que le taux d'équipement par personne devrait passer de 5,4 à 9,4 sur la même période.

Ainsi, pour la Commission européenne, à ce jour, le numérique représente, au niveau mondial , entre 5 à 9 % de la consommation d'électricité et plus de 2 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre (soit autant que l'ensemble du trafic aérien) 8 ( * ) . Sans action particulière, le numérique pourrait représenter 14 % des émissions mondiales d'ici à 2040.

Au niveau national , en 2019, 44 % des Français considéraient internet et les ordinateurs comme une menace pour l'environnement, contre 38 % qui les voyaient comme une chance 9 ( * ) . L'étude annexée au rapport de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable estime que le numérique représente à ce jour 2 % du total des émissions de GES en France 10 ( * ) , selon une approche d'empreinte carbone, c'est-à-dire comprenant à la fois les émissions provenant du territoire et provenant de la consommation des Français 11 ( * ) . Cette part est proche mais inférieure à celle des services de transport aérien. Le collectif Green IT estime, pour sa part, que le numérique représenterait 6,2 % de la consommation d'énergie primaire de la France, 5,2 % des émissions de GES, 10,2 % de la consommation d'eau et générerait l'excavation de 4 milliards de tonnes de terre.

Surtout, l'étude annexée au rapport de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable fait apparaître une forte dynamique d'accroissement : si rien n'était fait, et sur la base d'une estimation de l'empreinte carbone des Français en 2040 conforme à la trajectoire cible des émissions de GES de la France pour atteindre la neutralité carbone en 2050, le numérique représenterait près de 7 % des émissions de gaz à effet de serre en France en 2040, portée notamment par l'internet des objets et les émissions des data centers , pour un coût collectif passant de 1 à 12 milliards d'euros. Le rapport estime également que « le défi que pose au mix électrique français une hausse tendancielle forte de la consommation électrique du numérique à moyen et long termes n'est peut-être pas identifié à la juste mesure ». Un rapport du conseil général de l'économie de 2019 estimait, à l'inverse, s'agissant de la seule consommation énergétique, que « les progrès techniques sur les réseaux compensent l'accroissement des volumes et que la baisse de la consommation des équipements entrainera une baisse globale de la consommation totale », précisant que cette estimation reposait sur des hypothèses prudentes et qu'elle pourrait être remise en cause par l'explosion d'usages « gaspilleurs », d'où une focalisation de ses recommandations pour limiter ce type d'usage. Un récent rapport de France stratégie estime quant à lui que le progrès technique ne suffira pas à limiter la consommation énergétique du numérique car les usages suivent toujours la hausse des débits, qui ne serait pas compensée par les progrès en matière d'efficacité énergétique. Il convient donc de poursuivre les travaux de quantification afin d'avoir une vision claire et précise de la situation.

3. Inciter l'ensemble des acteurs du numérique à s'inscrire dans une trajectoire de réduction de leurs impacts par des mesures efficaces et proportionnées.

La transition écologique doit être engagée, conformément aux objectifs votés dans les lois relative à la transition énergétique pour la croissance verte 12 ( * ) et « énergie-climat » 13 ( * ) et à leurs documents d'exécution, notamment la stratégie nationale bas-carbone. La France s'est ainsi fixée comme objectifs, dans ces différents documents, d'une part, une réduction des émissions de GES sur notre territoire de 40 % d'ici 2030 14 ( * ) et une neutralité carbone 15 ( * ) en 2050 et, d'autre part, une baisse de la consommation énergétique finale de 20 % d'ici 2030 et 50 % d'ici 2050 par rapport à 2012 . La stratégie nationale bas-carbone va également au-delà de l'approche territoriale en visant une réduction de l'empreinte environnementale des français, c'est-à-dire en prenant en compte les émissions importées 16 ( * ) .

Pour cela, l'approche de co-régulation est aujourd'hui plébiscitée. Pour être efficiente, elle associe l'État aux acteurs économiques et aux usagers, chacun se contrôlant et ayant une responsabilité identifiée dans le système mis en place. L'usager n'est pas à négliger car toutes les contraintes imposées aux constructeurs, distributeurs, seront d'autant plus vertueuses que les usagers seront eux-mêmes responsables. Pour décliner les bonnes pratiques dans leurs usages quotidiens, les consommateurs doivent connaître et comprendre le sens de cette régulation.

À cet égard, les mesures législatives doivent, comme le rapport d'information de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable l'avait souligné, s'accompagner d'une plus ample pédagogie auprès des citoyens pour susciter une prise de conscience accrue du fait que le numérique n'est pas immatériel. L'Ademe a ainsi déjà publié plusieurs guides pour sensibiliser aux éco-gestes sur le numérique et les smartphones . On y trouve notamment les conseils suivants : éviter de remplacer trop vite son équipement, et penser au réemploi, ne pas laisser ses appareils allumés en permanence, limiter le nombre de programmes ou d'onglets ouverts et inutilisés, désactiver les fonctions GPS, wifi, et Bluetooth quand on ne s'en sert pas...

L'article 15 de la proposition de loi entend insister sur l'un de ces gestes écoresponsables en matière numérique : compte tenu du fait que les réseaux mobiles consomment à ce jour davantage d'électricité que les réseaux fixes 17 ( * ) , il est préférable, lorsque cela est possible, de se connecter à un réseau fixe. C'est notamment le cas chez soi, où la performance de la 4G est devenue telle qu'elle efface le réflexe de se connecter en wifi. C'est pour insister sur ce point que cet article, initialement contraignant dans une version de la proposition de loi antérieure à sa rectification, souligne que, s'ils le souhaitent, les opérateurs peuvent s'engager sur des modalités de tarification incitant à recourir au fixe lorsque cela est possible. Dans cette même logique de sensibilisation du public, et afin de responsabiliser les entreprises de plus de 500 salariés 18 ( * ) aux impacts environnementaux des biens et services numériques qu'elles utilisent, l' article 4 de la proposition de loi leur impose d'inscrire ces éléments dans leur déclaration de performance extra-financière. Afin de laisser le temps aux acteurs de construire un référentiel en la matière, la commission a adopté un amendement repoussant l'entrée en vigueur du dispositif à 2023 ( AFFECO-1 ).

Les mesures législatives doivent également être complétées par un soutien à la recherche et à l'innovation . L'Académie des technologies estime ainsi que, même si celui-ci n'en est qu'au stade de la recherche et ne remplacera pas tous les usages du stockage actuel, le stockage ADN pourrait, à l'avenir, permettre de stocker toutes les données d'aujourd'hui dans une fourgonnette.

Quant aux mesures législatives à adopter en elles-mêmes, elles doivent avant tout s'inscrire dans une logique d'incitation des acteurs économiques, être proportionnées au but recherché, s'articuler le mieux possible avec l'échelon européen et fixer un cadre pérenne pour inscrire l'ensemble des acteurs économiques concernés dans la transition écologique 19 ( * ) . Dans la mesure où la transition écologique engendre d'importants coûts privés, pour les ménages comme pour les entreprises, des mécanismes de compensation, budgétaires, fiscaux et douaniers, doivent être mis en place pour prévenir tout risque de perte de pouvoir d'achat pour les ménages et de distorsion de concurrence pour les entreprises.

Il convient de se garder d'adopter des mesures à l'échelon français ou européen qui, faute d'être correctement ajustées, pourraient conduire à handicaper les entreprises nationales et européennes. Ce qui, dans le monde numérique, reviendrait à renforcer l'hégémonie de quelques grandes firmes internationales. Une autre particularité du numérique est que, plus que tout autre, il s'agit d'un secteur en évolution permanente qui nécessite donc l'édiction de règles générales sous peine d'être rapidement inadaptées ou désuètes. Enfin, la régulation doit rester favorable à l'innovation. Cela demande donc de faire preuve de discernement pour réguler sans fragiliser .

Cela nécessite d'éviter deux écueils : ne pas en faire assez (« green washing ») ou au contraire trop en faire. D'où la nécessité de disposer de données environnementales incontestables permettant d'établir des référentiels.

S'agissant du numérique, tous les acteurs de la chaîne doivent être concernés : fabricants de terminaux et d'équipements, concepteurs de logiciels et d'applications, distributeurs, opérateurs, usagers...

Enfin, dans la mesure où, comme le montre le rapport annexé au rapport d'information de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, d'une part, l'essentiel (80 %) des émissions de GES du numérique en France est et restera importé 20 ( * ) , d'autre part, la France ne représente que 0,97 % des émissions de GES du numérique dans le monde 21 ( * ) et cette part devrait diminuer 22 ( * ) , l'action de la France en la matière doit également être ambitieuse aux niveaux européen et international .

Les dispositions de la proposition de loi relevant de la saisine de la commission des affaires économiques reprennent trois grands axes d'action : les terminaux, les services en ligne, les infrastructures numériques (réseaux et centres de données).

II. UNE PRIORITÉ : INSCRIRE LES TERMINAUX DANS UNE LOGIQUE D'ÉCONOMIE CIRCULAIRE.

A. LES TERMINAUX : PRINCIPAUX RESPONSABLES DE L'IMPACT ENVIRONNEMENTAL DU NUMÉRIQUE.

Comme l'a montré le rapport annexé au rapport de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, les émissions de GES du numérique en France proviennent essentiellement des terminaux 23 ( * ) - à hauteur de 81 % - principalement (86 %) du fait de la phase de fabrication, car l'extraction des matières premières et la fabrication ont lieu dans des pays à l'énergie carbonée. Cette part devrait s'accroître marginalement d'ici à 2040 mais, en valeur absolue, les émissions de GES des terminaux consommés en France augmenteraient de 63 %. Mieux concevoir ces terminaux pour allonger leur durée de vie, améliorer leur réparation et bien les recycler est donc l'urgence pour réduire l'empreinte environnementale du numérique en France 24 ( * ) . C'est d'ailleurs une aspiration qui répond à celle des consommateurs : selon un récent sondage eurobaromètre , 64 % des utilisateurs souhaiteraient conserver leurs appareils numériques pendant 5 à 10 ans . Selon la Commission européenne, allonger d'un an la durée de vie de l'ensemble des smartphones utilisés dans l'Union européenne permettrait d'économiser 2,1 millions de tonnes de CO 2 par an d'ici à 2030, soit l'équivalent du retrait d'un million de voitures de la circulation. Ebay estime également que la vente des téléphones reconditionnés ou d'occasion sur sa plateforme permettrait d'éviter 402 tonnes de déchets électroniques. Du reste, la stratégie nationale bas-carbone met en avant l'attention particulière qui doit être portée « aux enjeux de consommation d'énergie et de matière, de recyclabilité et de réparabilité des équipements numériques ».

B. DE PREMIÈRES MESURES AMBITIEUSES INSCRITES DANS LA LOI « AGEC », CENTRÉES SUR L'ÉCOCONCEPTION, LA RÉPARATION, LE RÉEMPLOI ET LE RECYCLAGE.

La loi « AGEC » renforce l'inscription des terminaux dans l'économie circulaire à travers cinq principaux leviers :

- le renforcement de l'information du consommateur sur les qualités et caractéristiques environnementales des produits générateurs de déchets et la mise en place d' indices de réparabilité en 2021 25 ( * ) puis de durabilité en 2024 pour les équipements électriques et électroniques ;

- le renforcement de l'information des consommateurs et des professionnels sur la disponibilité des pièces détachées ;

- la garantie légale de conformité est étendue à douze mois pour les biens d'occasion et renouvelée de six mois pour les biens réparés , et même renouvelée en totalité lorsque le consommateur demandait une réparation plutôt qu'un remplacement ;

- les pratiques anticoncurrentielles et les techniques, y compris logicielles, limitant la réparabilité du bien sont interdites ;

- les producteurs d'équipements électriques et électroniques sont soumis à des obligations en matière d' écoconception, de collecte et de réemploi des composants et déchets. La reprise de ces produits par le distributeur est également renforcée.

Les travaux sur l'application de ces dispositions sont, pour la plupart, encore en cours. La rapporteure estime que ces avancées déjà importantes constituent autant de chantiers à suivre de près et de nature à renforcer substantiellement la longévité des terminaux.

C. LA PROPOSITION DE LOI POURSUIT CETTE ORIENTATION EN LUTTANT CONTRE L'OBSOLESCENCE LOGICIELLE.

L'obsolescence logicielle 26 ( * ) renvoie au phénomène d'incompatibilité entre les dernières versions d'un logiciel et les capacités du terminal sur lesquelles elles sont installées. Cette notion fait actuellement l'objet d'un rapport des services de l'État demandé par le Parlement dans la loi « AGEC ». Si la notion est contestée par les principaux acteurs du secteur, selon l'eurobaromètre précité, le fait que certaines applications ou logiciels ne fonctionnent plus sur son smartphone serait le principal motif de rachat d'un nouveau smartphone dans près de 20 % des cas .

Quelques cas emblématiques ont pu faire la une des médias, comme les mises à jour concernant les iPhones et des smartphones Samsung, les deux sociétés ayant été condamnées par l'autorité de la concurrence italienne en 2018 pour avoir poussé les consommateurs à installer des mises à jour du système d'exploitation de leur smartphone alors qu'elles dégradaient leurs performances. En février dernier, la société Apple a également conclu une transaction pénale suite à une poursuite de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) pour n'avoir pas informé les consommateurs que deux mises à jour étaient susceptibles de conduire à un ralentissement du fonctionnement de leur appareil 27 ( * ) . La proposition de loi entend lutter contre l'obsolescence logicielle à travers deux leviers.

1. Renforcer le délit d'obsolescence programmée.

La définition du délit d'obsolescence programmée figure à l'article L. 441-2 du code de la consommation 28 ( * ) , qui le punit de deux ans d'emprisonnement et de 300 000 euros d'amende, montant pouvant être porté à 5 % du chiffre d'affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d'affaires annuels connus à la date des faits. La rédaction de l'article exige un double standard de preuve de l'élément intentionnel qui rend délicate la caractérisation du délit : il faut prouver que le responsable de la mise sur le marché entendait réduire délibérément la durée de vie du bien et qu'il visait également à en augmenter le taux de remplacement. Cette difficulté avait déjà été identifiée par le rapport d'information sénatorial de 2016. De fait, dans l'affaire Apple, la DGCCRF n'est pas passée par cette qualification juridique mais par celle de pratique commerciale trompeuse 29 ( * ) , plus facile à mobiliser 30 ( * ) . C'est pourquoi l'article 6 proposait, comme le Conseil national du numérique l'avait également suggéré, de renverser la charge de la preuve en la matière, en la faisant peser sur le fabricant. Néanmoins, une telle présomption de culpabilité serait en contradiction avec la présomption d'innocence applicable en droit pénal.

La commission propose donc de substituer à ce dispositif un amendement qui facilite la preuve en supprimant l'une des deux exigences pour caractériser l'élément intentionnel du délit, à savoir l'intention d'augmenter le taux de remplacement ( AFFECO-2 ). Cette mesure est de nature à renforcer la lutte contre l'obsolescence programmée, laquelle comprend l'obsolescence logicielle , ce que l' article 7 de la proposition de loi entend rappeler.

2. Confier de nouveaux droits aux consommateurs dans le cadre de la réforme de la garantie légale de conformité.

Le second levier utilisé par la proposition de loi concerne la garantie de conformité, qui fait actuellement l'objet d'une réforme en droit européen en cours de transposition par le Gouvernement dans le cadre d'une habilitation qui lui a été confiée en ce sens dans la loi « Dadue » 31 ( * ) . Comme expliqué par le rapporteur de ce texte Laurent Duplomb, le droit européen édicté en 2019 confère en effet de nouveaux droits au consommateur en ce qui concerne les biens comportant des éléments numériques. La proposition de loi complète ou modifie, sur ce point, trois articles introduits par la loi « AGEC » pour transposer par anticipation la directive européenne de 2019 sur les contrats de vente de biens 32 ( * ) et renforcer autant que possible la protection du consommateur dans ce cadre, dans l'objectif d'allonger la durée de vie du bien :

- l' article 8 de la proposition de loi reprend la recommandation, formulée par de nombreux rapports, visant à obliger les fournisseurs de service à dissocier les mises à jour correctives et les mises à jour évolutives, afin de renforcer l'information du consommateur, mais dans un sens relativement restrictif : il propose d'obliger les vendeurs à dissocier les mises à jour de sécurité des autres mises à jour de façon à permettre au consommateur de n'installer que les premières s'il le souhaite, sans que cela porte atteinte à la garantie de conformité. Cette disposition vise à lutter contre les « obésiciels », ces logiciels qui ne sont pas dimensionnés pour les performances du terminal ;

- l' article 9 entend rallonger à cinq ans la durée durant laquelle le vendeur est contraint de fournir les mises à jour nécessaires à la conformité du bien ;

- l' article 10 entend poser un principe de réversibilité, en contraignant le vendeur de permettre au consommateur de rétablir des versions antérieures de logiciels pendant une période d'au moins deux ans ;

- enfin, l' article 11 propose étendre la présomption d'antériorité du défaut à cinq ans pour les équipements électroniques et électriques.

Ces propositions rejoignent celles émises par le Parlement européen le 25 novembre dernier.

Afin de s'assurer, autant que possible, de la conformité des dispositions de la proposition de loi au droit européen en vigueur, la commission des affaires économiques a adopté trois amendements . Ainsi, il est proposé de retenir la terminologie de la directive sur la vente de biens quant à l'obligation de fournir séparément les mises à jours correctives et évolutives, en faisant référence aux mises à jour nécessaires - qui vont au-delà des mises à jour de sécurité 33 ( * ) - ou non nécessaires à la conformité du bien ( AFFECO-3 ). Il est également proposé que l'obligation de réversibilité ne s'applique qu'aux mises à jour pouvant être qualifiées de non nécessaire à la conformité du bien dans la directive européenne, car il serait contradictoire d'imposer la réversibilité pour les mises à jour nécessaires à la conformité du bien alors même que celles-ci doivent être fournies pendant cinq ans au titre de l'article 9 sauf à perdre le bénéfice de la garantie de conformité ( AFFECO-7 ). Enfin, l'article 11 proposait de prolonger à cinq ans la période durant laquelle le consommateur n'a pas à prouver que le défaut est imputable au vendeur. En l'état, il n'était pas conforme au droit européen, qui ne permet pas d'allonger cette présomption d'antériorité du défaut au-delà de deux ans. Un amendement propose donc que l'allongement à cinq ans porte sur la garantie légale de conformité , lequel peut être allongé au-delà de deux ans en application du droit européen. Autrement dit, le consommateur pourra demander la réparation ou le remplacement du bien comportant des éléments numériques en cas de défaut durant cinq ans à compter de la délivrance de ce bien 34 ( * ) ( AFFECO-9 ). Grâce à cette modification, il peut être estimé que l'article 9 peut étendre à cinq ans la durée durant laquelle le vendeur est obligé de fournir les mises à jour nécessaires à la conformité du bien sans risque de contradiction avec le droit européen 35 ( * ) : les articles 9 et 11 sont donc à comprendre comme un tout, l'article 9 justifiant le recours à l'allongement de la durée de garantie à l'article 11.

La commission a également adopté des amendements visant à aligner l' entrée en vigueur de ces dispositions sur la date d'entrée en vigueur de la directive européenne relative aux contrats de vente de biens, à savoir 2022 ( AFFECO-5 , AFFECO-6 , AFFECO-8 et AFFECO-9 ). Enfin, la commission des affaires économiques a adopté un amendement visant à renforcer l'information du consommateur quant aux caractéristiques essentielles des mises à jour qui lui sont fournies : espace de stockage nécessaire, impact prévisible sur les performances du bien, évolution des fonctionnalités qu'elle comporte ( AFFECO-4 )...

L'impact d'un allongement du délai durant lequel le consommateur peut agir en conformité, c'est-à-dire demander la réparation ou le remplacement du bien (article 11), et de la durée durant laquelle les mises à jour nécessaires à la conformité du bien doivent être fournies (article 9), devrait être marginal dans la mesure où, faute de pouvoir allonger le délai de présomption d'antériorité du défaut au-delà de deux ans, il restera toujours à la charge du consommateur de prouver que le défaut de conformité est imputable au défaut de mise à jour.

Par ailleurs, la question de savoir si l'allongement de la durée de conformité permet d'obtenir in fine des biens plus durables reste ouverte, aucune étude n'établissant clairement ce lien de causalité, à la connaissance de la rapporteure. Il en va de même à propos de la question des effets d'un tel allongement sur les prix. De plus, la garantie de conformité porte sur le vendeur du bien. L'avantage de cette solution est de rendre un seul interlocuteur responsable envers le consommateur. Mais la chaîne de valeur étant particulièrement complexe, il conviendrait de s'assurer que le vendeur est bien en mesure d'exercer l'action récursoire auprès des autres acteurs de la chaîne (fabricant, éditeur du système d'exploitation, etc.) 36 ( * ) . Les dispositions de la proposition de loi permettent cependant d' envoyer un signal sur ce sujet, notamment quant à la nécessité de réfléchir à l'opportunité d'allonger la durée de la présomption d'antériorité du défaut.

Ces orientations pourront être défendues au niveau européen car, en mars dernier, la Commission européenne a publié son plan d'action pour l'économie circulaire , qui comprend notamment deux initiatives prévues pour l'année prochaine : l'une visant à rendre les produits électroniques plus durables en les incluant dans le champ d'application de la directive écoconception de 2009 (qui s'applique aux fabricants quel que soit l'acheteur - et donc à la fois aux équipements électroniques grand public et aux équipements électroniques professionnels -, contrairement à la garantie de conformité, qui s'applique au vendeur d'un équipement à destination des consommateurs), l'autre visant la création d'un droit à la réparation des produits électroniques, qui comprendrait le droit à la mise à jour des logiciels obsolètes. Reprenant une orientation de la loi « AGEC », la Commission européenne entend également proposer la mise en place d'un indice de réparabilité standardisé au niveau européen. Dans ce cadre, la rapporteure invite le Gouvernement à défendre divers instruments d'information du consommateur, comme la création d'un compteur d'usage pour les équipements électroniques qui, à la façon du compteur kilométrique des voitures, permettrait à l'utilisateur souhaitant acquérir un bien d'occasion de connaître le degré d'utilisation du bien qu'il achète. L'initiative annoncée par la Commission européenne de créer un « passeport produit » numérique permettant d'assurer la traçabilité des équipements est également bienvenue.

III. ÉCOCONCEVOIR LES SERVICES EN LIGNE CONSOMMANT LE PLUS DE BANDE PASSANTE EN FRANCE.

A. UN PREMIER PAS IMPORTANT VERS L'ÉCOCONCEPTION DES SERVICES EN LIGNE.

La loi « AGEC » a traité de l'écoconception des équipements électriques et électroniques, en imposant à leurs producteurs d'élaborer un plan de prévention et d'écoconception, révisé tous les cinq ans. Certains produits et matériaux, dont la liste doit être déterminée par décret, devront impérativement incorporer un taux minimal de matière recyclée, à l'exception des matières premières renouvelables et à condition que l'exécution de cette opération présente un impact écologique positif.

En revanche, elle laisse en suspens la question de l'écoconception des services en ligne 37 ( * ) . Comme l'écrit le Green IT , l'écoconception des services en ligne permet de « réduire la quantité de ressources informatiques - puissance du terminal, bande passante, nombre de serveurs, etc. - nécessaires pour réaliser l'acte métier qui définit le service numérique » afin de « réduire (...) les impacts liés à la non-fabrication des ressources inutiles (et) allonger la durée de vie des terminaux utilisateurs ». L'approche en cycle de vie des produits exige en effet de prendre en compte la production et la fin de vie mais aussi l'utilisation des objets.

C'est ce manque que l'article 16 propose de combler. Sur le modèle des dispositions de la loi de 2005 sur le handicap 38 ( * ) en matière d'accessibilité des services de communication au public en ligne, cet article propose rendre obligatoire l'écoconception des sites web et services en ligne publics et des entreprises dont le chiffre d'affaires excède un seuil défini par décret, sous peine de sanction par l'Arcep et notamment d'interdiction de l'accès au site concerné.

Afin de proportionner davantage le dispositif aux enjeux environnementaux tout en en renforçant l'efficacité, la commission des affaires économiques propose un amendement visant à limiter son champ d'application aux services en ligne consommant le plus de bande passante en France ( AFFECO-10 ). Cela serait un moyen de limiter indirectement les émissions des centres de données situés à l'étranger - dont, par exemple, ceux des acteurs du streaming vidéo 39 ( * ) , comme Netflix ou Youtube -, qui représentent 30 % des émissions de GES des centres de données selon le rapport annexé au rapport de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable 40 ( * ) . Les chiffres publiés chaque année par l'Arcep dans le cadre de son rapport sur l'état de l'internet montrent en effet que plus de la moitié du trafic provient de quatre acteurs, dont trois fournisseurs de contenus et un intermédiaire technique de diffusion de contenu ( Content Delivery Network, ou CDN ) 41 ( * ) . L'obligation d'écoconception s'appuiera sur un référentiel adopté par voie réglementaire, comme précisé par un amendement adopté par la commission ( AFFECO-11 ).

Dans la mesure où le référentiel d'écoconception sur lequel l'architecture proposée repose nécessite un certain délai d'élaboration, la commission a également adopté un amendement visant à reporter l'entrée en vigueur du dispositif à 2023 ( AFFECO-12 ).

Afin de s'assurer du plein effet du dispositif, une adoption au niveau européen dans un second temps, le cas échéant dans le cadre du Digital Services Act , serait adaptée. En effet, en l'état, il n'est pas certain que cette disposition soit jugée pleinement conforme à la directive e-commerce 42 ( * ) , qui ne permet d'atteinte à la libre circulation des services de la société de l'information que si les mesures sont nécessaires à la préservation de l'ordre public, de la santé publique, de la sécurité publique, ou à la protection des consommateurs et proportionnées à l'atteinte de ces objectifs.

B. NE PAS INTERDIRE PAR LA LOI DES USAGES PAR DÉFINITION MOUVANTS AVEC L'ÉVOLUTION DES TECHNOLOGIES ET DONT L'IMPACT NÉGATIF SUR L'ENVIRONNEMENT N'EST PAS TOUJOURS DÉMONTRÉ.

Les articles 17 à 20 portent sur des usages considérés a priori comme néfastes pour l'environnement. La commission des affaires économiques propose de supprimer ces quatre articles car il n'apparaît pas pertinent de fixer dans la loi des usages qui seraient prohibés, dans la mesure où ceux-ci évoluent rapidement en fonction des technologies (amendements AFFECO-13 , AFFECO-14 , AFFECO-15 et AFFECO-16 ). En revanche, le fait de déterminer précisément et au cas par cas quelles sont les pratiques pouvant porter atteinte à l'environnement ou, à défaut, favoriser une forme de sobriété dans l'usage du numérique, relèvera du référentiel d'écoconception créé en application de l'article 16 de déterminer.

L'article 17 impose aux entreprises soumises à l'obligation de reporting extra-financier par le code de commerce de dévoiler, dans le cadre de cette obligation, les stratégies de captation de l'attention des utilisateurs et visant à accroître le temps qu'ils passent sur les services en ligne.

Cette disposition rejoint, mais selon des modalités différentes, l'interdiction des « dark patterns » adoptée dans le cadre de l'examen au Sénat de la proposition de loi visant à garantir le libre choix du consommateur dans le cyberespace . La rapporteure rejoint tout à fait les auteurs de la proposition de loi pour considérer qu'il s'agit d'un enjeu absolument majeur , comme cela est d'ailleurs très bien décrit dans le rapport d'information. Il s'agit de bien dresser la limite entre fluidifier l'expérience utilisateur et le manipuler. Cependant, cette problématique dépasse assez largement celle des enjeux environnementaux. Et il n'est pas certain que les principales entreprises concernées par l'esprit du dispositif - essentiellement des réseaux sociaux établis en dehors de nos frontières - soient soumises à l'obligation de reporting extra-financier en France, faute de remplir les critères établis par la loi. Dans la mesure où ces problématiques concernent les modalités de conception des interfaces des services en ligne, elles trouveront davantage leur place dans un référentiel d'écoconception. Ce pourrait être l'occasion de développer davantage la mise à disposition de fonctions permettant à l'utilisateur de suivre les données relatives à son utilisation des services et applications afin de le mettre en capacité de contrôler ses usages.

L'article 18 impose aux fournisseurs de services de médias audiovisuels à la demande de fournir une qualité de vidéo n'excédant pas la résolution maximale des équipements utilisés, sous peine de sanction imposée par l'Arcep. La rédaction de cet article est apparue perfectible car, en retenant la qualification de service de média audiovisuel à la demande, des services comme Youtube ou Dailymotion ne seraient pas pris en compte, de même que, compte tenu des critères de territorialité fixés par la loi de 1986 visée, des services comme ceux de Netflix ou Amazon Prime ne seraient pas entrés dans le champ d'application. Par ailleurs, la formulation retenue ne semble pas adaptée au but visé, dans la mesure où la qualité de visionnage ne devrait pas pouvoir excéder la résolution maximale d'un écran. Du reste, les acteurs du secteur - comme Facebook ou Youtube - ont déjà mis en place des solutions pour optimiser la résolution d'une vidéo en fonction de l'appareil, de la connexion de l'utilisateur et des centres de données dans lesquels se trouvent les serveurs qui contiennent et transfèrent les données. Il a donc été jugé préférable de supprimer cet article, ces considérations devant relever, à nouveau, d'une démarche d'écoconception. Les bonnes pratiques d'écoconception web publiées par le Green IT recommandent d'ailleurs déjà d'adapter les vidéos aux contextes de visualisation 43 ( * ) . Il convient de noter que l'intérêt de telles mesures pour l'environnement n'est pas établi - elles visent surtout à inciter à la sobriété dans notre usage du numérique : comme le précise un récent rapport du Shift Project, « réduire la résolution des vidéos au minimum de ce qui me permet de tout de même profiter du contenu que je regarde, (...) ne diminue pas significativement mon impact direct ».

L'article 19 entend interdire le lancement automatique de vidéos en ligne, sauf sur les plateformes de service de média audiovisuel à la demande et sur les réseaux sociaux, sous réserve que la fonction soit désactivée par défaut. L'Arcep serait en charge de faire respecter cette interdiction. Autrement dit, telle que rédigée, cette disposition autorise l' autoplay sur les principaux services consommateurs de bande passante en France (Facebook, Netflix...), lesquels sont probablement ceux qui ont le plus fort impact sur l'environnement. À l'inverse, elle a pour conséquence d'interdire le lancement automatique de vidéos sur de nombreux autres sites internet, en particulier ceux des médias en ligne, dont le modèle d'affaires en ligne dépend en grande partie des recettes publicitaires. Le dispositif manquait sa cible et risquait donc de remettre en cause l'équilibre financier de secteurs déjà en difficulté. Enfin, il ne semble pas exister, à ce jour, de consensus concernant la quantification de l'impact environnemental réel du streaming de vidéos sur internet 44 ( * ) . Il est donc préférable de renvoyer cette question au référentiel d'écoconception, qui concernera les principaux services consommateurs de bande passante. Il pourrait notamment conduire au développement de fonctionnalités de désactivation en cas d'inactivité.

Enfin, l'article 20 propose d'interdire la pratique dite du « scroll » infini et d'obliger en conséquence à présenter les services en ligne sous forme de pagination, sous peine de sanction. L'impact négatif sur l'environnement d'une telle pratique par rapport à celui de la pagination ne semble pas démontré à ce jour : comme cela a pu être souligné à la rapporteure, le rechargement de page peut nécessiter un traitement informatique plus long et plus coûteux qu'une simple extension incrémentale du contenu visualisé. Du reste, il s'agit d'une technique à laquelle les consommateurs peuvent consentir. L'interdiction n'apparaît donc pas comme le moyen le plus pertinent. Le référentiel d'écoconception pourrait, si l'impact négatif de la pratique venait à être démontré, imposer de proposer une option au consommateur.

IV. INCITER LES ACTEURS DES INFRASTRUCTURES NUMÉRIQUES À S'INSCRIRE DANS UNE TRAJECTOIRE DE VERDISSEMENT.

Les acteurs des data centers et des réseaux de communications électroniques ont une particularité par rapport aux services en ligne et aux fabricants de terminaux : ils ont une incitation économique naturelle à limiter leur consommation énergétique , car c'est un des principaux postes de leurs coûts d'exploitation 45 ( * ) . De fait, sur les dernières années, selon la note de l'Arcep précitée, l'amélioration énergétique des réseaux télécoms français a compensé l'explosion du trafic, et les émissions de GES ont même légèrement diminué. S'agissant des data centers européens, malgré d'importants efforts d'efficacité énergétique, une étude de la Commission européenne estime que ces efforts n'ont permis que de limiter la croissance de la consommation énergétique à 6 % entre 2010 et 2018 alors que leur puissance de calcul a plus que quintuplé 46 ( * ) .

Leurs infrastructures ont également un poids moins important que les terminaux dans les émissions de GES du numérique en France : selon le rapport annexé au rapport de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, celui-ci serait de 14 % pour les data centers 47 ( * ) et de 5 % pour les réseaux 48 ( * ) . Mais les émissions de ces deux types d'infrastructures pourraient, selon le même rapport, augmenter d'ici à 2040 respectivement de 86 % pour les data centers et de 34 % pour les réseaux 49 ( * ) . Ici encore, il serait intéressant de poursuivre les travaux de quantification en menant un bilan global des impacts environnementaux des infrastructures numériques : une étude du GSMA - représentant des opérateurs télécoms au niveau européen - estime en effet que le niveau d'émissions de GES évitée grâce à la téléphonie mobile dans d'autres secteurs est dix fois plus important que celui des émissions générées par la téléphonie mobile, du fait de la dématérialisation des transactions. Enfin, il convient de noter que, comme la note de l'Arcep précitée le soulignait, la frontière entre les centres de données et les réseaux de communications électroniques est amenée, à l'avenir, à s'estomper.

A. RECOURIR AU LEVIER DE LA FISCALITÉ POUR INCITER AU VERDISSEMENT DES DATA CENTERS TOUT EN PRÉSERVANT L'ATTRACTIVITÉ DE NOTRE TERRITOIRE POUR CES INFRASTRUCTURES CRITIQUES.

Assortir l'avantage fiscal consenti aux data centers énergivores en 2019 50 ( * ) d'une écoconditionnalité figure parmi les recommandations de plusieurs rapports sénatoriaux récents. Conformément à un engagement du Gouvernement, les députés ont introduit une première proposition dans le cadre du projet de loi de finances. Mais, après consultation de nombreux acteurs, il s'est avéré que ce dispositif ne constituait pas une incitation fiscale réelle au verdissement des data centers dans la mesure où il n'était pas de nature à exclure du bénéfice de l'avantage fiscal des pratiques pourtant contestables, comme une efficacité énergétique limitée (caractérisée par un PUE - pour Power Usage Effectiveness - élevé) ou le recours à des systèmes de refroidissement utilisant des millions de litres d'eau potable et susceptible de polluer cette dernière. En lien avec la commission des finances, la rapporteure est donc intervenue afin de renforcer l'écoconditionnalité de l'avantage fiscal consenti aux data centers .

Le dispositif adopté par le Sénat propose de renvoyer à un décret le soin de déterminer des objectifs chiffrés sur un horizon pluriannuel concernant l'efficacité énergétique ( via le PUE) et l'utilisation de l'eau à des fins de refroidissement. Il contient également un critère de valorisation de chaleur fatale mais de façon alternative avec celui du PUE car exiger le respect des deux critères semble trop exigeant en l'état des technologies.

Cette logique d'incitation fiscale, contrôlée par l'administration fiscale, est donc de nature à concilier les impératifs environnementaux et la nécessité d'attirer sur notre territoire l'implantation de data centers . C'est pourquoi la commission des affaires économiques a adopté un amendement remplaçant le dispositif prévu à l' article 21 par cette incitation fiscale ( AFFECO-17 ). Cela rejoint l'esprit de la rédaction initiale de l'article 21, qui visait à permettre aux exploitants de centres de données de s'engager sur un horizon pluriannuel sur des objectifs de réduction de leur impact environnemental. Si ce dispositif fiscal ne devait pas apparaître comme satisfaisant dans les années qui viennent, il conviendrait alors de réfléchir à la réintroduction d'un dispositif de régulation tel que proposé par l'article 21.

La commission propose également de compléter ce dispositif par un amendement abaissant le seuil d'éligibilité de l'avantage fiscal 51 ( * ) à 500 mégawhatteures afin d'inciter aussi les exploitants de data centers de taille intermédiaire à la migration vers des infrastructures plus vertes ( AFFECO-18 ) . Le maillage de notre territoire par des data centers de taille intermédiaire vertueux en matière environnementale permettrait également de contribuer à une bonne gestion du réseau électrique en ne créant pas de point de tension critique pour ce réseau.

B. RÉDUIRE L'IMPACT ENVIRONNEMENTAL DES RÉSEAUX : UNE MAIN TENDUE AUX OPÉRATEURS.

La Commission européenne a récemment incité les États membres à identifier les mesures de nature à réduire de l'impact environnemental du déploiement des réseaux. C'est l'objet des articles 23 et 24 de la proposition de loi, qui apparaissent comme une main tendue aux opérateurs pour éviter les débats non objectivés sur l'impact environnemental des nouvelles générations de téléphonie mobile. Ils viennent compléter la loi « AGEC », qui impose déjà un renforcement de l'information du consommateur sur l'impact environnemental de sa consommation numérique à travers les fournisseurs d'accès à internet . En application de son article 13, ceux-ci seront en effet contraints, à compter de 2022, d'informer leurs abonnés de la quantité de données consommées dans le cadre de la fourniture d'accès au réseau ainsi que de l'équivalent des émissions de gaz à effet de serre correspondant, selon une méthodologie mise en place par l'Ademe.

Il convient de rappeler que le plan France très haut débit est le premier outil de réduction des émissions de GES , dans la mesure où la fibre optique est bien moins énergivore que le cuivre 52 ( * ) .

L' article 23 propose que les opérateurs de réseaux de communications électroniques puissent prendre des engagements contraignants pour réduire leur impact sur l'environnement auprès du ministre chargé des communications électroniques après avis de l'Arcep, et sous le contrôle de cette dernière, sur le modèle de l'article L. 33-13 du code des postes et des communications électroniques. Ce dispositif s'ajouterait au bilan des émissions de gaz à effet de serre 53 ( * ) , outil de quantification des émissions produites sur une année par une organisation ou sur un territoire, afin d'identifier et de mobiliser des gisements de réduction de ces émissions 54 ( * ) .

Il s'agirait d'une possibilité pour les opérateurs de prendre des engagements auprès des pouvoirs publics, pas d'une obligation . Ces engagements devraient porter sur les impacts environnementaux des réseaux, les critères précis à prendre en compte (émissions de GES, consommation énergétique...) devant être définis par décret. En revanche, ce ne sera pas à l'Arcep de fixer les objectifs aux opérateurs : chacun d'entre eux sera libre de se fixer ses propres objectifs, dès lors que ceux-ci seront cohérents avec la stratégie national « bas carbone » ( AFFECO-19 ). L'obligation d'inclure une planification de l'extinction progressive d'anciennes générations de réseaux ne s'appliquera que lorsque l'activité de l'opérateur le justifie ( AFFECO-20 ). Ce dernier point devra faire l'objet d'une certaine vigilance car l'impact d'une telle mesure n'est pas pleinement établi : d'une part, les anciens réseaux mobiles sont encore très utilisés, d'autre part, leur extinction risquerait d'être contreproductive dans la mesure où les terminaux devraient également être renouvelés. Il convient de rappeler que l'article 15 permet également aux opérateurs, s'ils le souhaitent, de s'engager sur des modes de tarification particuliers afin de favoriser l'usage fixe.

La commission a également adopté un amendement portant sur les box internet et les décodeurs audiovisuels , dans la mesure où, comme cela a été souligné dans le rapport de France stratégie précité, ce sont a priori les seuls équipements de réseau pour lesquels les opérateurs n'ont pas d'incitation naturelle à limiter la consommation énergétique 55 ( * ) , puisque le coût de cette dernière est supporté par l'utilisateur ( AFFECO-21 ). Or, selon l'Ademe, une box consomme autant d'énergie qu'un réfrigérateur. Et il s'avère que la consommation d'une box est très peu sensible à l'usage. La généralisation d'un mode « veille » serait donc pertinente. À défaut d'une introduction de cette norme dans la directive écoconception, les opérateurs pourraient s'y engager dans le cadre défini à l'article 23.

Afin de laisser le temps aux acteurs d'intégrer ces nouvelles dispositions et de construire un référentiel sur l'impact environnemental des réseaux, la commission des affaires économiques a également repoussé l'entrée en vigueur du dispositif à 2023 ( AFFECO-22 ).

Pour inciter les opérateurs à s'engager auprès des pouvoirs publics , la rapporteure a également proposé un amendement visant à créer un tarif réduit de contribution au service public de l'électricité pour les opérateurs qui auraient souscrits de tels engagements ( AFFECO-23 ).

Enfin, la commission des affaires économiques a adopté un amendement visant à confier à l'Arcep un pouvoir de recueil des données auprès des opérateurs, en vue de crédibiliser sa position et de lui permettre de développer une approche de régulation par la donnée ( AFFECO-24 ).

L' article 24 propose de faire de la préservation de l'environnement un motif sur le fondement duquel l'Arcep peut refuser d'attribuer des autorisations d'utilisation de fréquences. La rapporteure estime que ce dispositif est susceptible, d'une part, de porter une atteinte disproportionnée à la liberté d'entreprendre, même s'il est justifié par le motif d'intérêt général de préservation de l'environnement, d'autre part, de n'être pas conforme au code européen des communications électroniques, qui ne prévoit pas la possibilité de conditionner l'attribution des autorisations d'utilisation de fréquences à des considérations d'ordre environnemental.

La commission des affaires économiques a donc adopté un amendement visant à réaffirmer que l'Arcep attribue les autorisations d'utilisation de fréquences en tenant compte des impératifs de préservation de l'environnement ( AFFECO-25 ), ce qui constitue un rappel spécifique aux attributions de fréquences de l'article L. 32-1 du code des postes et des communications électroniques en application duquel l'Autorité est chargée de veiller à la protection de l'environnement dans le cadre de ses missions de régulation des communications électroniques. La commission des affaires économiques avait déjà procédé à une telle modification concernant l'objectif d'aménagement du territoire, qui avait initialement été inséré dans les motifs de refus dans le cadre de l'examen de la loi relative aux communications électroniques de 2004 56 ( * ) .Cela incitera les opérateurs à proposer des modalités de déploiement visant à limiter l'impact environnemental de leur activité, sans préjudice de l'objectif d'aménagement du territoire qui figure également à cet article. Du reste, l'article L. 42-2 du même code prévoit déjà que la sélection des titulaires d'autorisation se fait par appel à candidatures sur des critères portant sur les conditions d'utilisation listées au II de l'article L. 42-1 57 ( * ) ou sur la contribution à la réalisation des objectifs mentionnés à l'article L. 32-1 ou par une procédure d'enchères dans le respect de ces objectifs.

TRAVAUX EN COMMISSION

Audition de M. Cédric O, secrétaire d'État
chargé de la transition numérique et des communications électroniques
(Mercredi 2 décembre 2020)

M. Jean-François Longeot , président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable . - Nous sommes heureux d'accueillir aujourd'hui devant nos deux commissions - celle de l'aménagement du territoire et du développement durable et celle des affaires économiques - M. Cédric O, secrétaire d'État chargé de la transition numérique et des communications électroniques. Nous vous remercions de vous être rendu disponible pour venir nous parler d'un sujet qui nous tient à coeur : la question de la sobriété numérique, et plus particulièrement la convergence des transitions numérique et environnementale, qui fait l'objet d'une proposition de loi issue des travaux de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable et qui sera examinée prochainement par le Sénat.

En janvier dernier, notre commission a engagé des travaux sur l'empreinte environnementale du numérique qui constituait encore, selon nous, un « angle mort » des politiques publiques mises en oeuvre pour respecter nos engagements climatiques. Nous avons donc mis en place une mission d'information, présidée par notre collègue Patrick Chaize, qui a mené un grand nombre d'auditions et fait réaliser une étude, afin de disposer d'éléments chiffrés inédits sur l'empreinte carbone du numérique en France, ses particularités par rapport aux tendances mondiales et, surtout, son évolution à l'horizon 2040.

Cette première étape constituant un préalable nécessaire afin de définir les leviers d'action les plus pertinents, en voici les deux principaux enseignements : premièrement, le numérique constitue en France une source importante d'émissions de gaz à effet de serre, soit 2 % du total des émissions en 2019, et cette empreinte pourrait augmenter de 60 % d'ici 2040 si rien n'était fait pour la réduire ; deuxièmement, les terminaux sont à l'origine de la plus grande part des impacts environnementaux du numérique en France, à savoir 81 % de l'empreinte carbone totale du secteur - et plus particulièrement la fabrication de ces appareils, responsable de 70 % de l'empreinte carbone totale du numérique.

La mission d'information du Sénat relative à l'empreinte environnementale du numérique a publié une feuille de route comprenant 25 recommandations « pour une transition numérique écologique », dont la proposition de loi reprend les pistes législatives. Celles-ci sont organisées en quatre axes : faire prendre conscience aux utilisateurs de l'impact environnemental du numérique ; limiter le renouvellement des terminaux ; faire émerger et développer des usages du numérique écologiquement vertueux ; promouvoir des centres de données et des réseaux moins énergivores.

Après l'intervention de ma collègue Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques, le premier signataire de cette proposition de loi, notre collègue Patrick Chaize, prendra la parole pour rappeler l'importance et les enjeux de ce texte. Nos rapporteurs Guillaume Chevrollier et Jean-Michel Houllegatte, ainsi que la rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques, Anne-Catherine Loisier, vous interrogeront également sur le fond de cette proposition de loi.

Pour ma part, j'aimerais attirer votre attention sur le caractère large et transpartisan de cette initiative. Elle résulte d'un travail de fond important, adopté à l'unanimité des membres de notre commission et portant sur un enjeu à notre avis essentiel : la convergence des transitions numérique et écologique.

Vous avez annoncé, lors d'un récent colloque portant sur le numérique et l'environnement, la publication très prochaine d'une feuille de route interministérielle sur le sujet. Nous savons aussi, car nos rapporteurs ont entendu beaucoup d'acteurs et également travaillé en lien avec vos services, que vous partagez en partie les orientations de nos travaux. Nous souhaiterions donc, monsieur le secrétaire d'État, que ce travail soit utile pour avancer sur ce sujet et qu'il bénéficie de votre implication et de votre soutien afin de prospérer.

Mme Sophie Primas , présidente de la commission des affaires économiques . -Monsieur le secrétaire d'État, nous sommes ravis de vous retrouver. Depuis quelques mois, nous avons déjà eu souvent l'occasion d'échanger sur des sujets concernant le numérique. Nous avons pu avoir des divergences sur le niveau d'intervention, mais je sais que nous ne divergeons pas sur le fond. Je remercie le président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, Jean-François Longeot, de son invitation à débattre de cette proposition de loi.

Si le numérique est avant tout une chance pour la transition environnementale, avec la promesse d'une meilleure utilisation des ressources, il ne peut se situer en dehors des objectifs fixés au niveau national, dans l'accord de Paris sur le climat ou dans la loi Énergie-climat. Tel est, me semble-t-il, l'intérêt de cette proposition de loi : réfléchir sur ce que certains ont pu appeler la « face cachée » du numérique. Cette face cachée, qu'il s'agit de rendre visible, concerne principalement la fabrication des équipements numériques, à travers l'extraction de ressources rares ou la consommation d'énergie carbonée. L'enjeu est donc, tout en encourageant les gestes écoresponsables, de favoriser l'allongement de la durée de vie des équipements, ce qui correspond d'ailleurs à une demande croissante des consommateurs. En somme, on peut considérer que l'enjeu environnemental rejoint l'enjeu de renforcement du libre choix du consommateur face aux acteurs de taille mondiale, qu'il s'agisse de producteurs de terminaux ou de plateformes en ligne.

Monsieur le secrétaire d'État, nous avons eu parfois quelques désaccords sur le niveau pertinent de l'action publique. Aussi, je ne résiste pas à la tentation de vous poser la question suivante : sur ce sujet de l'impact environnemental du numérique, comptez-vous privilégier une action au niveau national ou au niveau européen ? Comptez-vous, par exemple, proposer un volet environnemental dans le fameux Digital service act (DSA) que nous attendons avec impatience ?

M. Patrick Chaize , auteur de la proposition de loi . - Le numérique est un secteur essentiel de notre économie, indispensable à la transition écologique, à condition que les gains substantiels en matière de lutte contre le réchauffement climatique ne soient pas annulés par le propre impact du numérique en termes d'émissions de gaz à effet de serre ou d'utilisation des ressources. Pendant six mois, j'ai présidé la mission d'information relative à l'empreinte environnementale du numérique, qui a débouché sur une feuille de route ambitieuse et sur une proposition de loi transpartisane. Je veux d'ailleurs remercier l'ensemble des cosignataires de ce texte, qui représentent plus d'un tiers du Sénat.

Depuis la publication de notre rapport, nous avons pris connaissance avec satisfaction des travaux du Conseil national du numérique (CNNum), et avons noté que le Gouvernement entendait avancer sur ce sujet. Plus que jamais, nous sommes animés par un esprit de co-construction, et je ne doute pas que ce soit également votre état d'esprit aujourd'hui. Nous partageons, je crois, l'essentiel des constats et des propositions d'actions.

J'aimerais évoquer quelques points d'ordre général. Premièrement, concernant le calendrier d'application des dispositions prévues par la proposition de loi, notre volonté a été de ne rien arrêter au moment de sa rédaction. Nous souhaitions, en effet, laisser les acteurs réagir aux différents articles et adapter, le cas échéant, le calendrier d'entrée en vigueur. C'est le cas, par exemple, sur les sujets liés à l'écoconception ; une entrée en vigueur immédiate pourrait s'avérer prématurée, dès lors que les travaux de méthodologie menés par l'Agence de la transition écologique (Ademe) et l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes et de la distribution de la presse (Arcep) ne sont pas encore terminés. Je ne doute pas qu'il s'agira d'un point d'attente partagé par les rapporteurs qui pourront proposer des entrées en vigueur adaptées.

Deuxièmement, je note qu'une partie des dispositions de la proposition de loi, comme celle portant sur l'obsolescence logicielle, pourraient être adoptées dans le cadre de la transposition des directives européennes 2019/770 et 2019/771. Ces sujets essentiels nécessitent un véritable débat parlementaire et méritent mieux qu'une simple transposition par voie d'ordonnance qui, pour rappel, devrait intervenir avant l'été.

Troisièmement, je tiens à souligner la complémentarité du texte proposé avec la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire (AGEC), puisque trois des quatre chapitres de la proposition de loi portent sur des sujets autres que l'économie circulaire. Plusieurs acteurs ont estimé que ce texte était inédit par sa volonté de s'intéresser à l'ensemble de la chaîne de valeur numérique, des centres de données aux terminaux, en passant par les réseaux. Par ailleurs, dans le chapitre 2 consacré aux terminaux, une bonne partie des articles s'intéresse à des sujets - notamment l'obsolescence logicielle - qui n'ont pu être pleinement traités dans le cadre de la loi AGEC, le Gouvernement souhaitant à l'époque disposer de plus de temps pour analyser la conformité de certaines pistes envisagées avec les directives européennes.

Enfin, je souhaiterais revenir sur l'article 15 de cette proposition de loi, relatif aux forfaits mobiles. Cette disposition n'est pas le coeur du texte, aussi, je ne voudrais pas prendre le risque de trop focaliser notre attention sur ce point. Néanmoins, j'aimerais rappeler que l'objet de l'article 15 est bien de prévoir une tarification des forfaits mobiles proportionnelle, pour partie, au volume de données fixé par l'offre. Pour rappel, si l'énergie consommée par un réseau fixe dépend très peu des usages, la consommation énergétique des réseaux mobiles, a contrario, dépend en grande partie de la quantité de données transmises. Une tarification plus ou moins proportionnelle à l'usage semble donc logique.

Cet article aura un caractère essentiellement préventif. La plupart des offres mobiles respectent déjà ce critère ; il s'agit simplement d'éviter le développement de pratiques peu vertueuses et allant à l'encontre des travaux actuellement menés par le Gouvernement pour sensibiliser l'utilisateur à l'impact environnemental de sa connexion mobile. Je rappelle également que, selon l'Agence de l'énergie, le streaming d'une vidéo en 4G consomme quatre fois plus d'énergie que le streaming de la même vidéo en wifi.

Cette proposition de loi constitue une boîte à outils, prête à l'emploi. Ma question est la suivante, monsieur le ministre : que comptez-vous en faire ?

M. Guillaume Chevrollier , rapporteur . - J'aborderai, pour ma part, trois points du contenu de la proposition de loi. Le premier porte sur le chapitre premier, qui concerne l'indispensable prise de conscience par les utilisateurs du numérique de la pollution causée par leurs usages. Tous les acteurs que nous avons entendus sont unanimes : cette sensibilisation est un prérequis incontournable.

L'article 2 propose de conditionner la diplomation des ingénieurs en informatique à l'obtention d'une attestation de compétences acquises en écoconception de services numériques. Sur ce point, la marche est aujourd'hui peut-être trop haute. Il serait plus adapté de viser une généralisation de modules relatifs à l'écoconception des services numériques au sein des formations. Qu'en pensez-vous ?

Mon deuxième point concerne la création de l'observatoire de recherche des impacts environnementaux du numérique. Sur cette proposition se dégage un vrai consensus. En effet, une telle structure de recherche, placée auprès de l'Ademe, permettrait d'analyser et de quantifier les impacts directs ou indirects du numérique sur l'environnement, ainsi que les gains potentiels apportés par le numérique à la transition écologique, objectivant de la sorte les débats souvent stériles entre technophiles et technophobes. Par ailleurs, cet observatoire a vocation à inscrire son action dans un temps long, essentiel à la définition précise des objets.

Mon troisième point concerne l'écoconception. Notre feuille de route préconisait l'interdiction de certaines pratiques écologiquement peu vertueuses, comme le lancement automatique de vidéos ou encore ce qu'on appelle le « scroll infini ». En lien avec notre proposition sur l'obligation d'écoconception des sites web et services en ligne publics, nous souhaiterions intégrer ces pratiques dans le cadre global défini dans l'article 16, de manière à fixer un référentiel général d'écoconception, évolutif et adaptable dans le temps. En effet, viser uniquement l'interdiction risquerait de nous faire tomber dans un inventaire par nature non exhaustif, sachant l'innovation permanente du secteur du digital aujourd'hui. Que pensez-vous de cette proposition ? Pour rendre plus efficace l'article 16, nous pourrions peut-être également prévoir de restreindre cette obligation aux entreprises dont les services numériques occupent la part la plus importante du trafic.

M. Jean-Michel Houllegatte , rapporteur . - Monsieur le secrétaire d'État, nous profitons de ces échanges non seulement pour recenser les attentes du Gouvernement sur cette proposition de loi, mais également, d'une certaine façon, pour la ciseler. Je souhaiterais, de mon côté, aborder les articles 7 à 10, relatifs à l'obsolescence logicielle rendant inopérants certains terminaux. Le sujet n'a pu être pleinement traité dans le cadre de la loi AGEC. Ces articles ne nous semblent pas poser de difficulté de conformité aux directives européennes devant être transposées d'ici l'été prochain. Partagez-vous cette analyse ? Pour assurer la conformité de l'article 8 à ces directives, nous pourrions prévoir une obligation de distinction entre les mises à jour évolutives et les mises à jour nécessaires au maintien de la conformité du bien - notion beaucoup moins restrictive que celle des mises à jour de sécurité actuellement retenue dans notre proposition de loi.

Au sujet de l'article 10 prévoyant le droit de désinstaller des mises à jour de logiciels fournis lors de l'achat d'un bien, il pourrait être précisé que le vendeur ne soit pas rendu responsable d'un défaut de conformité. Quel est votre regard sur cette proposition ?

L'article 6, relatif à l'obsolescence programmée, s'avère un peu complexe. Dans notre rapport d'information de juin dernier, nous avions fait le constat du caractère inopérant de l'article L. 441-2 du code de la consommation définissant le délit d'obsolescence programmée. En effet, aucune condamnation n'a été prononcée sur ce fondement depuis 2015. Selon la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), l'article est aujourd'hui trop restrictif et contraint l'administration à engager des poursuites sur d'autres fondements, comme l'illustre le récent dossier d'Apple : à défaut de pouvoir retenir le fondement juridique de l'obsolescence programmée, la société a été condamnée à une transaction de 25 millions d'euros pour pratiques commerciales trompeuses par omission.

Afin de donner une réelle portée au droit, il apparaît donc important de réécrire cet article L. 441-2 du code de la consommation. Reprenant une proposition du CNNum, l'article 6 de la proposition de loi prévoit une inversion de charge de la preuve en matière d'obsolescence programmée. Nous sommes conscients que, conformément au code de procédure pénale, cette proposition ne pourra pas être inscrite dans le droit, dans la mesure où l'obsolescence programmée constitue un délit. Cette proposition, néanmoins, a le mérite d'engager une réflexion sur les modifications à apporter sur l'article du code de la consommation. La DGCCRF s'est saisie de cette opportunité pour nous exprimer ses observations. Selon elle, une piste de modification envisageable serait d'exiger la preuve de l'intention délibérée de raccourcir la durée de vie des produits sans exiger, de surcroît et de façon concomitante, la preuve de l'intention délibérée d'en augmenter le taux de remplacement. Partagez-vous cette observation ?

Enfin, je me réjouis que le Gouvernement ait engagé des travaux concernant l'impact environnemental des centres de données. Nous sommes satisfaits de voir repris par l'Assemblée nationale, dans le cadre du projet de loi de finances, l'article 22 de la proposition de loi exigeant une écoconditionnalité à l'octroi d'un tarif réduit en matière de taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (TICFE), dont bénéficient actuellement les centres de données.

Par ailleurs, le décret dit « tertiaire » devrait bientôt s'appliquer aux centres de données, en vertu de la loi portant évolution du logement de l'aménagement et du numérique (ELAN). Considérant la nature spécifique de ces centres au sein de la catégorie des bâtiments tertiaires, et considérant que leurs impacts environnementaux ne peuvent se résumer à la seule consommation énergétique, ne faudrait-il pas un encadrement environnemental propre aux centres de données, comme le propose l'article 21 de la proposition de loi ?

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques . - Comme cela vient d'être rappelé, le Sénat va bientôt examiner le dispositif d'écoconditionnalité de la TICFE, applicable désormais aux data centers . Plusieurs acteurs du secteur nous ont fait remarquer que ce dispositif n'était finalement pas contraignant et pourrait même être assimilé à une forme de greenwashing ; ils estiment nécessaire de se baser sur des indicateurs chiffrés, notamment en matière d'efficacité énergétique, mais aussi de consommation d'eau, sachant qu'un certain nombre de ces équipements consomment plusieurs millions de litres d'eau potable et qu'ils polluent cette eau. Qu'en pensez-vous ? Et si la proposition était retenue, à qui pensez-vous confier le contrôle de cette écoconditionnalité ? Aux douanes - même si cela me semble peu probable au regard de la réforme en cours qui limitera encore les effectifs disponibles ? Aux services déconcentrés du ministère de la transition écologique ?

La sensibilisation du public est essentielle. Le Gouvernement envisage-t-il une campagne de communication sur les écogestes numériques ?

Concernant le partage des données, le numérique représente avant tout une chance pour la transition écologique et le développement de nos sociétés. En partageant davantage les données environnementales, des solutions pourraient émerger plus rapidement, plus concrètement sur le terrain. Que comptez-vous faire pour améliorer ce partage des données environnementales ?

Enfin, en matière d'économie de l'attention, l'article 17 de la proposition de loi présente les débuts d'un encadrement, déjà en partie abordé dans le cadre de nos travaux sur les dark patterns . Serait-il envisageable, sur le modèle de la régulation administrative prévue dans la loi visant à lutter contre les contenus haineux sur internet, dite loi « Avia », de fixer un cadre de régulation basé sur des obligations de moyens applicables aux acteurs les plus fréquentés ?

M. Cédric O, secrétaire d'État chargé de la transition numérique et des communications électroniques . - Il arrive au Gouvernement - la présidente de la commission des affaires économiques le sait bien - de travailler avec la chambre haute. Nous nous sommes beaucoup vus ces derniers temps et nous avons notamment réussi à avancer sur la question de la cybersécurité. Certes, nous avons connu un petit problème de temporalité concernant la régulation économique, mais cela avance puisque deux textes extrêmement importants doivent être présentés la semaine prochaine au niveau européen.

Je tiens tout d'abord à saluer le travail mené par Patrick Chaize et les rapporteurs sur ces sujets importants. Que va-t-on faire, in fine , de cette proposition de loi ? Cela va dépendre du contenu. Je ne suis pas fermé à ce que l'on puisse avancer sur un certain nombre de points intéressants.

Je voudrais insister sur un élément déterminant, que vous avez rappelé à plusieurs reprises : la transition environnementale ne s'effectuera pas sans transition numérique. Nous avons besoin de beaucoup plus de numérisation et d'innovations pour réussir la transition environnementale. C'est mathématique : de plus en plus de gens consomment sur cette planète, compte tenu notamment du rattrapage extrêmement rapide de certains pays en développement très peuplés ; si nous voulons faire en sorte de maîtriser notre consommation, il faut être plus efficace, et pour être plus efficace, il faut innover ; or, dans l'ensemble des secteurs les plus polluants - le bâtiment, les transports, la logistique, l'agriculture - la question numérique est absolument centrale. Nous avons besoin de connecter beaucoup plus d'objets pour être plus efficaces, c'est-à-dire pour faire autant, voire plus, en consommant moins.

Ceci est également vrai pour l'énergie elle-même : il n'y aura pas de smart grid et de réseaux distribués, avec des cellules de production photovoltaïques ou éoliennes, sans une numérisation massive, une utilisation également massive de l'intelligence artificielle et un développement de la connexion des objets, y compris via la 5G. Il faut avoir cela à l'esprit au moment de réguler le numérique.

J'ai eu l'occasion, il y a quelques semaines, avec la ministre de la transition écologique, Barbara Pompili, de présenter une feuille de route sur la question de la transition environnementale du numérique qui rejoint, pour beaucoup, les préoccupations évoquées dans la proposition de loi. Le premier point concerne l'objectivation des données chiffrées, encore très lacunaires aujourd'hui. Quand on dit que l'impact environnemental numérique représente 4 à 10 % de la consommation totale, vous conviendrez que 4 ou 10 %, ce n'est pas exactement la même chose. Une objectivation de l'impact environnemental du numérique est donc nécessaire, y compris pour mesurer son impact positif.

Le deuxième élément porte sur la nécessité d'investir dans l'outil numérique pour favoriser la transition environnementale. À cette fin, dans le cadre du plan de relance, nous consacrerons un fonds de 300 millions aux entreprises innovant dans le domaine du numérique environnemental. Enfin, demeure la question de la maîtrise du numérique, qui nous occupe aujourd'hui et sur laquelle je vais revenir plus en détail.

Comme vous avez eu l'occasion de le souligner, un certain nombre d'éléments viennent compléter la loi AGEC. Pour rappel, nous débattons beaucoup de la consommation des données, de l'utilisation des réseaux, de l'utilisation déraisonnée de ces réseaux dans les ascenseurs, mais le vrai sujet concerne les équipements eux-mêmes, c'est-à-dire les téléphones, les ordinateurs ou les équipements électroniques, qui représentent 80 % de l'impact environnemental du numérique. Les Français changent de téléphone, en fonction des chiffres, tous les deux à cinq ans ; tant que nous n'aurons pas réussi à allonger cette durée de vie, les consommations de bande passante ne seront que la partie émergée de l'iceberg.

De manière générale, nous rejoignons les objectifs de la proposition de loi. À certains endroits, celle-ci adopte une approche normative, tandis que nous privilégions une approche incitative. On observe également des différences de calendrier - je pense notamment aux articles 16 et 23, sur lesquels des études sont en cours. Pour d'autres articles, les textes sont en cours d'élaboration, notamment la transposition des directives européennes 2019/770 et 2019/771, relatives respectivement aux contrats de fourniture de contenus et de services numériques et aux contrats de vente de biens. Sur un certain nombre de sujets, comme la question du lancement automatique des vidéos, la concertation s'avère nécessaire pour aboutir à quelque chose d'effectif.

Certains sujets relèvent du niveau européen, notamment la TVA applicable aux produits reconditionnés.

Sur deux sujets, j'aurais des réserves plus importantes : la question de l'interdiction des offres de téléphonie illimitée, qui pose un certain nombre de questions concernant l'inclusion numérique ou encore la liberté d'entreprendre, et le reporting sur les stratégies marketing liées à l'économie de l'attention, dont je doute de la faisabilité opérationnelle, sachant que, par ailleurs, cela introduirait un traitement différencié entre, d'une part, les contenus de services de communication au public en ligne et, d'autre part, les contenus publicitaires.

Se pose également la question des modèles d'affaires : doit-on aborder ce sujet par l'économie de l'attention ou par une régulation économique ? Le fond de ces problèmes, y compris celui de la haine en ligne, renvoie souvent à des questions de concurrence et à l'empreinte de ces très grandes plateformes.

Concernant l'article 2 et la question de la formation, je suis favorable à une généralisation des modules relatifs à l'écoconception des services numériques plutôt qu'à l'établissement de conditions à l'obtention du diplôme. Il n'existe pas de définition normative du contenu des diplômes d'ingénieurs ou de techniciens, mais une labellisation des formations. Les mesures relatives à l'écoconception des services numériques sont très faibles aujourd'hui. Quand on est formé au développement, on est peu sensibilisé à « l'écologie du code » ; il est nécessaire d'avancer sur ce sujet-là.

Sur le rapatriement des articles 18, 19 et 20 dans l'article général sur l'écoconception, il nous semble préférable de prévoir la création de référentiels. Au niveau européen, la directive écoconception, qui doit faire l'objet d'une révision dans le programme de la Commission européenne, serait peut-être plus adaptée pour définir un tel cadre de manière efficiente. Dernièrement, la Commission a exprimé des réserves sur la partie de la loi AGEC liée à l'écoconception, estimant notamment que les indices de réparabilité n'étaient peut-être pas compatibles avec le droit européen.

Par ailleurs, sur le sujet de l'obligation pour les sites enregistrant le plus gros trafic, nous sommes favorables à des mesures incitatives. La feuille de route, que nous présenterons prochainement, inclura de nombreuses mesures en faveur de l'écoconception.

Vous avez évoqué également les articles 7 à 10. L'article 7 serait déjà satisfait par la loi AGEC. Concernant l'article 8, sur la dissociation entre les mises à jour de sécurité indispensables et les mises à jour d'exploitation, des discussions sont en cours au niveau européen. Ainsi rédigé, l'article 8 serait compliqué à mettre en oeuvre en l'état du droit, et l'information du consommateur sur les mises à jour nécessaires au maintien de la conformité est déjà prévue à l'article 27 de la loi AGEC. Les articles 9 et 10, quant à eux, devraient être satisfaits par la transposition prochaine des directives européennes.

L'inversion de la charge de la preuve, proposée à l'article 6, ne semble pas possible dans le droit français. Il existe en revanche un problème sur la question de la preuve de double intention, assez peu applicable dans les faits. La proposition que vous avez discutée avec la DGCCRF paraît pertinente ; elle permettrait, sous réserve de compatibilité européenne, plus de condamnations.

Madame Loisier, les centres de données français sont plutôt vertueux en matière d'écoconditionnalité. Je ne pense pas, très honnêtement, que l'on puisse parler de greenwashing . Pour autant, ce n'est pas tout à fait la même chose de compter sur la bonne volonté des acteurs et d'établir des normes. Peut-on aller plus loin ? On doit regarder ce qui est possible... Cela ne me gêne pas que la France soit en avance sur les standards européens, mais je vois quand même un intérêt stratégique à ce que la France héberge des centres de données, plutôt qu'ils ne s'implantent à l'étranger. Je rappelle que le poids des centres de données dans l'impact environnemental du numérique n'est pas majeur. La plupart des centres de données utilisés par les Européens ne sont pas établis en Europe, et encore moins en France, ce qui pose un problème ; cela pourrait changer suite à l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE).

Par ailleurs, nous avons prévu, avec l'Ademe, une campagne de sensibilisation du public sur la question des gestes du numérique écologique.

Enfin, concernant le partage des données, le député Éric Bothorel doit rendre son rapport sur les données d'intérêt général dans les prochaines semaines. Sans préempter les conclusions, les sujets climatiques, écologiques, environnementaux pourraient justifier une telle approche.

M. Cyril Pellevat . - Pour ce qui concerne l'empreinte environnementale du numérique, le Gouvernement plaide auprès de l'Union européenne pour une réduction de la TVA concernant les téléphones reconditionnés. Quel est l'état de l'avancement de ces négociations et pensez-vous que cette proposition puisse aboutir ?

Par ailleurs, où en sont les discussions avec les acteurs de la filière des centres de données visant à fixer les critères qui leur permettront de bénéficier de réductions sur les taxes de consommation d'électricité ? Des solutions commencent-elles à se dégager ?

M. Serge Babary . - Une proposition de résolution sur l'aménagement numérique des territoires, en discussion prochainement au Sénat, évoque les nouvelles fractures territoriales, apparues avec davantage d'acuité encore lors de la pandémie. Comment résorber ces fractures, sachant que, selon un récent rapport d'information du Sénat, plus de 14 millions de Français sont considérés touchés par l'illectronisme ? Naturellement, cela impliquera une multiplication d'installations de réseaux...

M. Jean-Paul Prince . - Non seulement il existe l'empreinte carbone, la consommation énergétique, mais différentes études semblent également montrer la nocivité des rayonnements liés aux antennes relais, avec des cas de maladies graves touchant des personnes vivant à proximité de ces antennes. Pouvez-vous nous préciser si des tests sanitaires sont réalisés régulièrement sur l'ensemble du territoire français, en particulier près des écoles et des crèches, et à quelle fréquence ? Pour ces ondes électromagnétiques, il existe des seuils internationaux indicatifs, fixés par une commission internationale ; on trouve également des seuils nationaux, avec une particularité pour Paris qui a signé une charte avec les différents opérateurs afin que ce seuil soit inférieur. Comptez-vous abaisser ces seuils qui sont plus élevés que ceux de nos voisins ? Et si tel est le cas, dans quel délai ?

Mme Évelyne Renaud-Garabedian . - Nous savons tous que la vidéo en ligne est responsable de 60 % de la consommation numérique. Les articles 18 et 19 de la proposition de loi visent donc à adapter la qualité de la résolution du terminal utilisé et, surtout, à empêcher le lancement automatique des vidéos, sauf en cas d'activation de cette option par l'utilisateur. Comment accueillez-vous cette proposition, sachant qu'une part importante du contenu publié sur les plateformes et des recettes publicitaires associées repose sur ces vidéos en partie responsables des comportements d'addiction ? Croyez-vous que la France puisse mener seule cette bataille ? Ne faudrait-il pas l'élever au niveau européen ? Autrement, l'utilisation d'un réseau privé virtuel (VPN) pourrait permettre de contourner ces exigences. Il me semble que la France a ici un rôle moteur à jouer pour permettre une application effective des dispositions tout à fait fondatrices de cette proposition de loi.

M. Éric Gold . - La crise sanitaire a entraîné des changements de modes de vie qui ne manqueront pas de s'inscrire dans la durée. Parmi les évolutions les plus marquantes, le télétravail s'est considérablement développé : environ un quart des salariés du privé en France étaient, en juin dernier, en télétravail. Cette nouvelle organisation hybride entre le domicile et le bureau a obligé les employeurs à investir rapidement dans du matériel informatique supplémentaire. Nous avons également assisté à une démocratisation rapide de la vidéoconférence. Les experts prédisent que nous ne sommes qu'au début du phénomène ; or, un rapport de l'Ademe, daté de novembre 2019, explique que nos équipements - ordinateurs, smartphones et autres objets connectés - représenteraient 47 % des émissions de gaz à effet de serre générées par le numérique et préconise de maîtriser le stockage, ainsi que le trafic de données.

Les enjeux environnementaux sont considérables. Au-delà de la prise de conscience et de la sensibilisation des salariés, et au-delà de la responsabilité sociétale des entreprises, la création d'un label d'écoresponsabilité numérique ne pourrait-elle pas accompagner les entreprises vers une moins forte empreinte environnementale du numérique ? Les collectivités territoriales, tout autant concernées par les évolutions d'organisation du travail, ne pourraient-elles pas intégrer ces aspects dans leurs plans climat-air-énergie territorial (PCAET) ?

M. Franck Montaugé . - Je saluerai d'abord le travail des auteurs de cette proposition de loi et de ceux qui s'y sont associés.

Qu'en est-il de la politique des sociétés Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft, les Gafam, en matière de réduction de l'impact environnemental du numérique ? Comment cela se passe, notamment, quand nous nous retrouvons associés, au nom de l'État ou par l'intermédiaire d'entreprises françaises, a des projets communs de grande envergure ? Je pense au projet Gaia-X - un super cloud européen - sur lequel l'Union européenne s'est engagée. Quelle est la position de nos partenaires européens et de l'Union européenne sur la question à fort enjeu de la réduction de l'impact environnemental du numérique ? Enfin, comment faire appliquer nos normes aux systèmes hébergés en dehors du territoire national ?

M. Cédric O, secrétaire d'État . - Le sujet de la TVA différenciée pour les appareils reconditionnés relève de la législation européenne. J'ai d'ailleurs eu l'occasion de me prononcer en faveur de cette mesure lors des discussions européennes, mais je vous avoue ne pas avoir en tête la temporalité des discussions sur ce sujet. Je vous propose de revenir vers vous avec des réponses.

Concernant la question des tarifs d'électricité éco-conditionnalisés pour les centres de données, je rappelle que l'amendement adopté à l'Assemblée nationale sur le projet de loi de finances pour 2021 prévoit que ces derniers doivent, d'une part, se conformer au code de conduite européen sur le sujet et, d'autre part, réaliser des audits chiffrés de leurs émissions de chaleur fatale et mettre en place, le cas échéant, des politiques de réduction de consommation de cette dernière. Je suis ouvert à la discussion et nous pouvons regarder ce qui peut être fait, mais il ne me semble pas que ce soit anodin, même dans la situation actuelle.

Concernant l'inclusion numérique et l'illectronisme, je soulignerai l'ensemble du travail qui est mené, à la fois par les collectivités et l'État, pour la couverture numérique du territoire.

J'assistais, en début d'après-midi, à la réunion de l'Institut de l'audiovisuel et des télécommunications en Europe (Idate). Je puis vous confirmer qu'aucun pays européen ne possède plus de kilomètres de fibre que la France ni ne la déploie plus vite. Si nous étions en retard sur la commercialisation, par rapport aux Espagnols notamment, nous avons fait deux fois mieux qu'eux en 2019. Nous pouvons donc difficilement aller plus vite, s'agissant de la réduction de la fracture numérique. Nous pouvons nous en féliciter collectivement, puisque cette politique est menée de concert par les collectivités territoriales et l'État.

Par ailleurs, nous continuons nos efforts pour couvrir les zones blanches, même si certains les trouvent insuffisants. Nous sommes passés de 600 pylônes construits en quinze ans, à 2 500 en deux ans.

S'agissant des médiateurs numériques, j'ai annoncé, il y a deux semaines, le déploiement de 4 000 conseillers sur l'ensemble du territoire, chargés d'accompagner la transition numérique et la formation des Français, des secrétaires de mairie et des travailleurs sociaux, notamment, qui sont confrontés à la vague de l'illectronisme.

Concernant la question des antennes-relais et des seuils limites, je ne suis pas d'accord avec vous, monsieur Prince : nos seuils sont supérieurs à ceux de nos voisins européens. Les seuils internationaux d'exposition aux ondes sont définis par la Commission internationale de protection contre les rayonnements non ionisants (ICNIRP). Or, les Français sont exposés, en moyenne, à des valeurs d'exposition aux ondes qui sont 200 fois inférieures aux valeurs définies par l'ICNIRP.

Par ailleurs, la France est le pays européen qui, en 2019, a réalisé le plus grand nombre de mesures d'exposition aux ondes - dans la rue, les écoles, chez les particuliers, etc. - avec 3 066 mesures. Nous en ferons 6 500 en 2020 et 10 000 en 2021, dont la moitié sur des antennes 5G. La majorité de ces mesures, dont les résultats sont publics, sont demandées à la fois par les collectivités territoriales, les associations agréées et les particuliers.

Sur les 3 066 mesures réalisées en 2019, 1 % dépassait d'un dixième les seuils limites. Or dès ce dépassement, conformément à la loi Abeille, une mesure de correction automatique est effectuée avec l'opérateur.

Je ne suis pas non plus d'accord avec vous s'agissant des impacts sanitaires. Vingt-huit mille études ont été réalisées depuis 1950 et un rapport est produit par l'Agence nationale de sécurité sanitaire, de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) tous les ans. Il est prouvé que, en dessous des seuils limites d'exposition aux ondes, il n'y a aucun effet des ondes électromagnétiques sur la santé humaine.

Nous n'avons jamais réussi à démontrer le lien entre les ondes électromagnétiques et l'électro-sensibilité. Cependant, il est vrai que certaines personnes sont électro-sensibles et souffrent. Il convient donc de s'en occuper, et c'est la raison pour laquelle, des protocoles sanitaires sont en discussion au ministère de la santé.

Madame Renaud-Garabedian, je ne suis pas opposé à ce que nous avancions sur la question des lancements automatiques de vidéos. J'ai cependant un doute sur notre capacité juridique à y parvenir et sur les moyens d'y parvenir. C'est la raison pour laquelle, une concertation est en cours, notamment avec les acteurs concernés. Je n'ai pas vraiment de réserve pour avancer sur le sujet, mais nous devons nous assurer de la faisabilité juridique et de ce que nous voulons faire. D'ailleurs, ne devrions-nous pas avancer au niveau européen ? Je ferai plaisir à Mme la présidente, en disant que nous pouvons avancer sur ce sujet au niveau national, je n'y suis pas opposé. Nous pourrions cependant contourner la réglementation nationale en utilisant un VPN.

S'agissant du télétravail, qui est amené à perdurer, son impact est très bon pour l'environnement. Même si plus d'ordinateurs sont utilisés, les économies faites en termes de déplacement, et donc de pollution par les gaz d'échappement, sont extrêmement importantes. D'ailleurs, les entreprises ont réduit énormément leurs voyages d'affaires en les remplaçant par des réunions en visioconférence. Et nombreuses sont celles qui vont continuer à fonctionner ainsi, d'autant que leur budget voyage a nettement diminué. Le confinement a démontré que beaucoup de choses pouvaient être traitées en « distanciel ».

La question des labels éco-responsabilité fait partie des sujets sur lesquels nous travaillons dans le cadre de notre feuille de route. Nous pourrons donc avancer ensemble sur cette question.

Concernant les Gafam, ne nous y trompons pas, ces entreprises seront les premières à annuler leur impact environnemental. Leur engagement sur cette question est énorme. Jeff Bezos, par exemple, a annoncé la neutralité carbone de l'ensemble d'Amazon à l'horizon 2040. Nous devons cependant continuer à durcir la réglementation et à être offensifs sur la question du caractère environnemental du numérique. Mais l'engagement des Gafam est assez fort et même poussé en interne par leurs salariés.

M. Franck Montaugé . - Ce n'était pas une attaque, juste une question. Concernant le projet Gaia-X, prenons-nous le même type d'engagement et dans les mêmes délais que Jeff Bezos, par exemple ?

M. Cédric O, secrétaire d'État . - C'est une très bonne question, mais je n'ai pas la réponse. Je reviendrai vers vous.

M. Hervé Gillé . - Monsieur le ministre, du futile à l'utile, toute la question est là, et donc, dès que nous abordons la régulation, en toile de fond, il y a l'économie de marché. Pour mettre en place les investissements liés au numérique, nous trouvons toujours des nécessités économiques pour justifier le développement, parfois d'une manière artificielle justement, de ces marchés. Ce sont des chausse-trapes dans lesquelles vous ne souhaitez pas tomber, mais c'est un sujet de fond, qui est transversal à l'ensemble des questions que nous posons.

A été abordée, dans le cadre de l'élaboration de la proposition de loi, la responsabilité sociétale des organisations, et pas uniquement des entreprises - la RSE au sens complet du terme. Êtes-vous favorable à une prise en considération de l'empreinte numérique au sein de la RSE avec des évaluations réalisées au travers de la norme ISO 26000 ?

Vous avez évoqué un label écoresponsable. Pour le coup, le développement de la RSE permettrait de responsabiliser l'ensemble des organisations sur ces questions. D'une manière plus générale, êtes-vous favorable à une responsabilisation des utilisateurs ? Vous avez esquissé quelques propositions, pouvez-vous les reformuler ?

Enfin, concernant les médiateurs numériques, nous connaissons l'appel à projets qui a été lancé. Je rappelle néanmoins que plus nous avancerons, plus les médiateurs numériques travailleront sur des données sensibles. La formation des médiateurs numériques devient donc aujourd'hui primordiale, notamment pour leur apprendre le respect du cadre éthique et déontologique. Il me semble que, pour l'instant, ce sujet n'est pas véritablement abordé ; avez-vous des réponses à nous apporter sur cette question ?

Mme Viviane Artigalas . - La crise a montré combien le développement du numérique était nécessaire pour travailler et étudier, mais aussi pour les artisans et les très petites entreprises (TPE), afin d'être éligibles aux fonds de l'État, et pour nos concitoyens, afin de pouvoir accéder aux services publics. Nous sommes tous d'accord ici pour dire que ce développement ne doit pas se faire sans garde-fous sociaux et environnementaux. La mission d'information sur l'illectronisme et l'inclusion numérique, que nous avons menée au Sénat, a montré qu'un grand nombre de nos concitoyens sont encore éloignés de ces usages, mais aussi les TPE et les artisans.

Dans le cadre du plan de relance, vous avez débloqué 250 millions d'euros en faveur de l'inclusion numérique. Votre stratégie de formation aux usages inclut-elle également une formation à la sobriété numérique ? Enfin, ces financements ont-ils vocation à être pérennes - une nécessité pour accompagner la montée en compétences et la structuration d'un écosystème aujourd'hui trop éclaté ?

Mme Martine Filleul . - Les récentes crispations autour de la 5G ont montré la mauvaise appréhension de ce sujet, au regard des enjeux environnementaux, sanitaires, de consommation et d'aménagement. La Convention citoyenne pour le climat l'avait souligné, indiquant qu'un grand débat avec les Français était nécessaire. Or, vous n'avez toujours pas donné suite à cette demande. Ressentez-vous ce besoin de discussion, d'échange et de partage avec la population française ? Si oui, pensez-vous mettre en oeuvre cette proposition ?

Ensuite, pour pouvoir être pédagogique, il convient de disposer de données objectives et fiables. Or, nous manquons, en la matière, de ce type de données. L'Arcep l'a également souligné. Nous ne disposons pas d'instruments nous permettant d'effectuer ce travail sur les enjeux environnementaux du numérique. Vous-même, vous indiquez que la méthodologie de calcul de l'empreinte environnementale du numérique est insuffisante. Quelle méthodologie pensez-vous mettre en oeuvre pour pouvoir disposer, par exemple, d'un observatoire de l'empreinte environnementale ?

J'aimerais également vous parler de la présence des femmes dans le domaine du numérique. Celles qui sortent aujourd'hui des instituts sont peu nombreuses ; les flux d'étudiants sont essentiellement masculins. Ce qui veut dire que les logiciels, les applications et les algorithmes seront conçus par des hommes, pour des hommes. Quelles mesures pourraient être prises pour ne pas exclure les femmes de cette révolution du numérique ?

Enfin, concernant la lutte contre l'illectronisme, si vous avez fait des annonces en la matière, notamment de financement, mes questionnements restent toujours les mêmes. Prenons l'exemple du pass numérique : il n'est aujourd'hui utilisé que dans 47 départements et n'aboutit à des formations que dans 20 % des cas. Allez-vous mener une enquête pour déterminer quels territoires ont véritablement besoin d'être ciblés dans cette lutte contre l'illectronisme ? Par ailleurs, comptez-vous mettre un peu de structuration dans toutes ces initiatives qui sont, certes, intéressantes, mais dont nous avons du mal à en percevoir les effets ?

M. Daniel Salmon . - Je voudrais tout d'abord saluer cet excellent travail. Je me réjouis de la qualité du rapport d'information et des dispositions de la proposition de loi.

Monsieur le ministre, en introduction vous avez affirmé qu'il n'y aurait pas de transition écologique, sur cette planète, sans transition numérique. C'est beau d'avoir cette certitude, mais je pense que d'autres choix sont possibles. Ces choix seront politiques. Il ne doit pas s'agir d'une course effrénée que nous ne pourrions arrêter.

Il existe d'autres modèles de société : des sociétés low-tech , des sociétés avec des circuits courts, des sociétés avec une souveraineté... C'est possible. Je ne vous dis pas que c'est souhaitable - sinon, je risque d'être traité d'Amish - mais que c'est possible, que c'est un choix.

Je suis d'ailleurs persuadé que dans cette salle, nombreux sont ceux qui ne troqueraient pas leurs 20 ans d'il y a quelque temps pour avoir 20 ans aujourd'hui. Le numérique n'est pas forcément synonyme de bonheur et de sobriété.

Je souhaite revenir sur la question des forfaits. Il fut un temps, nous avions des forfaits pour l'eau, nous en consommions énormément. De même, il est nécessaire d'indexer le prix sur la consommation numérique ; le signal prix est fondamental. S'agissant de l'électricité, par exemple, nous ne payons pas, en France, le véritable prix. Nous devrons un jour nous poser la question, car je suis persuadé que si le prix était plus élevé, notre consommation serait réduite.

Concernant notre souveraineté, nous avons la fâcheuse tendance à envoyer notre pollution à l'autre bout de monde. Nous sommes, par exemple, dépendants à 95 % des terres rares de la Chine. Quand allons-nous exploiter nos sols pour extraire les terres rares dont nous avons besoin ? Nous pourrons ainsi mesurer l'impact environnemental de ces extractions, car il est facile de se voiler la face et d'importer ce que nous ne voulons plus faire chez nous.

Enfin, s'agissant de la sobriété, nous savons que c'est la publicité qui rend les téléphones obsolètes. La grande majorité des innovations ne seraient jamais vendues si la publicité ne martelait pas que nous ne sommes pas de vrais citoyens si nous n'achetons pas le téléphone dernier cri.

M. Jean-François Longeot , président . - Vous avez bien lu mon rapport, cher collègue, qui fait état de cent millions de téléphones portables et qui évoque l'obsolescence programmée et les terres rares !

Mme Marta de Cidrac . - Monsieur le ministre, vous avez renvoyé un certain nombre de mes collègues à la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire (AGEC). Je ne peux que m'en féliciter, puisque j'en étais la rapporteure. Mais le sujet qui nous réunit aujourd'hui n'a pas été totalement débattu dans le cadre de cette loi.

Nous avons évoqué le télétravail, la 5G... Aujourd'hui, le seul sujet qui anime nos concitoyens, c'est de pouvoir être connectés dans tous les territoires. Nous avons également évoqué les usages et cet enjeu de la « face cachée » du numérique, sujet qui est vaste et très bien formulé dans le rapport de la mission d'information, pour laquelle je remercie Patrick Chaize et nos deux rapporteurs.

Quelle est votre position à l'égard de cette perche que vous tend le Sénat par l'intermédiaire de cette proposition de loi, qui vise pour la première fois en France à débattre de concert des transitions numérique et environnementale ? Cette question vous a été posée à plusieurs reprises par mes collègues, mais vous n'y avez pas répondu.

M. Jean-Claude Tissot . - Je souhaiterais vous interroger sur une problématique rencontrée par de nombreux maires, notamment de communes de petite taille, à savoir la multiplication de projets, en simultané, d'implantation de pylônes mobiles sur la même commune.

Je reprendrai une question écrite de notre collègue Hervé Maurey , restée sans réponse : « prévue par le code des postes et des télécommunications électroniques, l'incitation réglementaire sur la mutualisation des pylônes n'a pas d'effet sur les opérateurs, qui mènent parfois simultanément des projets sans se concerter, sur la même commune. Les maires, quant à eux, disposent de pouvoirs très limités en matière d'implantation des pylônes et se retrouvent sans leviers suffisants pour rationaliser ces initiatives. Au-delà des désagréments esthétiques et visuels, l'impact environnemental et sanitaire de l'installation de deux pylônes sur une même commune de petite taille doit être sérieusement questionné dans un tel texte ».

Comptez-vous rendre effective et efficace cette incitation à mutualiser les pylônes mobiles, lorsque les partages d'infrastructures entre opérateurs sont possibles ?

Mme Sophie Primas , présidente . - Nous ne partageons pas tous votre vision sur la mutualisation des pylônes, cher collègue.

M. Patrick Chaize . - Je souhaite revenir sur l'article 15, afin qu'il n'y ait aucune ambiguïté sur le sujet. Vous l'avez évoqué, monsieur le ministre, en parlant d'interdiction. Relisez l'article, il incite en réalité à ce que la tarification soit proportionnée au volume de données fixé par le forfait. Nous souhaitons simplement que ce ne soit pas « open bar » sur les débits, si vous me permettez l'expression.

M. Cédric O, secrétaire d'État . - Un travail est en cours effectivement sur l'intégration du numérique environnemental dans les critères de la RSE. Sur ce sujet, nous nous rejoignons. Je ne suis pas fermé sur cette proposition de loi. M. Chaize sait d'ailleurs que l'on peut travailler ensemble. De nombreux sujets sont en discussion ; il est encore trop tôt pour dire si nous pourrons aboutir sur tout, mais je n'ai pas d'opposition de principe et je suis prêt à travailler avec vous et voir si nous pouvons parvenir à des compromis, ce qui semble possible. Mon état d'esprit est ouvert. Je ne sais pas si nous serons d'accord sur tout, mais nous pouvons chercher à avancer ensemble.

Monsieur Gillé, je suis tout à fait d'accord sur l'importance de la formation des conseillers numériques : c'est pour cela que nous avons prévu 350 heures de formation pour les 4 000 conseillers numériques que nous recrutons, formons et déployons sur le terrain en lien avec les collectivités territoriales et les associations qui les hébergent. Au-delà des besoins immédiats, nous voulons structurer une filière de la médiation numérique, en créant une véritable profession, en formant les conseillers pour qu'ils acquièrent des titres professionnels, et en accompagnant ceux qui sont en poste par le biais de la validation des acquis de l'expérience (VAE). Depuis deux ans, l'enjeu pour le Gouvernement est de structurer une politique publique de l'inclusion numérique. Cela ne se fait pas du jour au lendemain. C'est pour cela aussi que nous avons déployé les hubs territoriaux, financés par la Caisse des dépôts et consignations, pour faciliter l'échange entre tous les acteurs sur le terrain - centres d'action sociale, entreprises, associations, collectivités, etc. - ou que nous appuyons le développement de la MedNum, société coopérative qui vise à mettre en relation tous les acteurs de la médiation numérique. Tout cela prend du temps, mais j'ai le sentiment qu'un processus est en cours. Le budget de l'inclusion numérique dans l'État a été multiplié par mille en trois ans, passant de 350 000 euros à plus de 250 millions cette année ! Nous voulons déployer cette politique dans la durée. Mon principal défi est que les conseillers numériques arrivent sur le terrain dans les deux années qui viennent : si nous avions plus de postes disponibles, je crois que nous ne saurions pas comment les déployer. Maintenant que l'argent est disponible, il faut rendre le dispositif opérationnel.

La sensibilisation à la sobriété numérique fait partie de la formation des médiateurs, qui relaieront cette préoccupation à leur tour. Mais n'oublions pas que le public visé est composé de personnes qui savent à peine allumer un ordinateur... De plus, pour initier au numérique, on propose souvent, pour commencer, des utilisations récréatives du numérique - consultation de vidéos, achat d'un bien sur un site de commerce en ligne, utilisation d'une messagerie en ligne pour communiquer avec ses petits-enfants, etc. - avant d'apprendre à remplir sa déclaration d'impôts en ligne ou actualiser sa fiche Pôle emploi. Les publics visés seront sensibilisés à la sobriété, mais ils sont encore loin d'une consommation compulsive du numérique.

Madame Filleul a évoqué l'utilisation de la 5G...

Mme Martine Filleul . - Ma question prolonge en fait les propos de Mme de Cidrac sur la nécessité d'un débat sur la 5G.

M. Cédric O, secrétaire d'État . - Si nous nous lançons dans un débat sur la 5G aujourd'hui, cette audition n'y suffira pas !

J'ai reçu les membres de la Convention citoyenne pour le climat. Celle-ci a écrit dans son rapport que le numérique était une chance pour la transition environnementale. Concernant le sujet spécifique de la 5G, elle émet plutôt des craintes d'ordre sanitaire. Celles-ci, comme je l'ai dit, ne semblent pas justifiées. De même, la Convention citoyenne pour le climat est préoccupée par la multiplication des objets connectés ; mais, cela ne concerne pas la bande de 3,5 GHz que nous venons d'attribuer, mais celle des 26 GHz, qui devra être attribuée dans les deux ans qui viennent. Ce débat doit donc avoir lieu au bon moment. Dès lors, si l'on regarde aussi ce qui se passe à l'étranger et la compétition économique mondiale, on constate que beaucoup de pays font de la 5G un élément de base de leur redémarrage économique et de leur attractivité. Il y avait donc urgence à lancer la 5G si nous voulions garder nos industries et éviter qu'elles n'aillent s'installer aux États-Unis ou ailleurs. Nous n'avions pas le luxe d'attendre.

Les Gafam sont nés de la 4G et de la généralisation des portables. Or, nous avons raté cette révolution et les géants du numérique sont américains ou chinois. Si nous ne déployons pas la 5G, nous raterons la prochaine révolution économique aussi et notre dépendance s'accroîtra. Nous sommes soumis à des injonctions contradictoires à cet égard. Je ne peux nier qu'il y a un débat dans la société sur la 5G - même si, comme le montrent les sondages, la majorité des Français y est favorable, y compris parmi les écologistes - mais on ne peut nier ses impacts économiques : voyez la réaction des entreprises télécoms qui ont déclaré que le moratoire sur la 5G de la ville de Rennes leur donnait envie de partir ! Dans la mesure où le débat environnemental concerne la bande 26 GHz, et non celle des 3,5 GHz, nous avons décidé d'avancer.

Vous évoquez le manque de données. Nous avons mandaté l'Ademe et l'Arcep pour qu'elles travaillent sur l'impact environnemental des réseaux. Il appartient par ailleurs à la recherche académique de travailler sur les externalités positives, difficiles à quantifier, car il est difficile d'anticiper la rapidité des ruptures technologiques à moyen terme : on pense qu'elles sont considérables, mais les estimations peuvent varier considérablement.

La place des femmes dans le numérique est un vaste sujet, sur lequel j'ai déjà eu l'occasion de m'engager et de m'exprimer. Je suis plutôt optimiste. On assiste à une prise de conscience du secteur, qui est certes très en retard, car la place des femmes dans les fonctions techniques n'est que de 5 ou 10 %, mais à la suite d'actions comme celles menées par le collectif Sista, qui attaque le sujet par la racine en visant les investisseurs, une évolution est en cours. Il reste encore à s'attaquer à la question des formations. J'en ai discuté avec ma collègue, Mme Frédérique Vidal. C'est un effort de long terme. Les Allemands ont réussi à doubler la part des femmes dans les formations technologiques en dix ans.

En ce qui concerne le pass numérique, nous avons contractualisé au total avec 87 départements à la suite du nouvel appel d'offres. Nous avons signé les conventions avec les collectivités en septembre 2019 ; les pass ont commencé à arriver sur le terrain début 2020. Or ils sont déployés dans des lieux physiques, mais ceux-ci sont fermés avec le confinement. Certains pass seront périmés avant même d'avoir été utilisés. Nous accompagnerons les collectivités pour leur réimpression. Il est donc encore difficile de faire une évaluation du dispositif dans ces circonstances.

Monsieur Tissot, en tant que secrétaire d'État chargé des communications électroniques, je suis pris entre deux feux : ceux qui ne veulent pas de pylônes et ceux qui en veulent ! Mais lorsque je me déplace dans les zones blanches ou rurales, on me demande plutôt davantage de connexions que moins ! Récemment, dans une commune près d'Angers, les commerçants et artisans me reprochaient même de n'avoir pas construit un pylône plus puissant. Dans le cadre du New deal mobile, le déploiement est mutualisé dans les zones rurales. Les problèmes de mutualisation sont rares. Lorsque le maire ne pouvait pas régler la question, par le plan local d'urbanisme par exemple, je suis intervenu, mais c'est très rare.

Monsieur Salmon, je ne partage pas du tout le discours selon lequel, il y a vingt ans, c'était mieux. Il suffit de lire le livre de Michel Serres, C'était mieux avant , pour comprendre que ce n'est pas vrai ! C'est oublier l'allongement de l'espérance de vie, la Guerre froide, etc. Ensuite, on ne peut pas réaliser la transition environnementale sans le numérique. Les énergies renouvelables, comme l'éolien ou le photovoltaïque, sont inconcevables sans lui : lorsque l'on passe d'un système où une grosse centrale nucléaire produit de l'électricité pour une grosse ville à un système où chacun est doté de petites cellules photovoltaïques ou éoliennes, il faut avoir recours au numérique pour équilibrer le réseau. On ne peut quand même pas prétendre que tout le monde va se chauffer au bois...

M. Daniel Salmon . - J'ai simplement dit que ce choix s'inscrivait dans un modèle de société. D'autres choix sont possibles !

M. Cédric O, secrétaire d'État . - La population mondiale augmente et consomme davantage. Nous n'avons d'autre choix que d'être plus efficaces, à moins de tuer toutes les personnes âgées ou de limiter les naissances... D'autres modèles existent, certes, mais nous pourrions aussi vivre en dictature plutôt qu'en démocratie... Toutefois, comme le disait l'humoriste, « y'en a qu'ont essayé, ils ont eu des problèmes ! » Cette rhétorique a des limites ! Je suis toutefois d'accord avec vous sur la question des terres rares et des métaux rares. Outre l'aspect environnemental, nous sommes dépendants à l'égard de la Chine ou de l'Afrique. Nous devons creuser cette question.

M. Jean-François Longeot , président . - Je vous remercie. Comme vous l'avez compris, nous espérons que cette proposition de loi, issue d'un travail fourni, prospérera.

Examen en commission
(Mardi 15 décembre 2020)

La commission a examiné le rapport pour avis de Mme Anne-Catherine Loisier sur la proposition de loi n° 27 rect. 2020-2021) visant à réduire l'empreinte environnementale du numérique en France.

Mme Sophie Primas , présidente . - On ne saurait être davantage dans l'actualité qu'avec cette proposition de loi de nos collègues Patrick Chaize, Guillaume Chevrollier, Jean-Michel Houllegatte et Hervé Maurey que nous examinons aujourd'hui !

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure pour avis . - Je veux saluer Patrick Chaize, auteur de la proposition de loi et les deux rapporteurs au fond Guillaume Chevrollier et Jean-Michel Houllegatte pour leur écoute et le travail que nous avons conduit, dans un esprit de co-construction. Cette proposition de loi pointe un aspect du numérique qui n'est pas toujours bien connu : son empreinte environnementale. Contrairement à ce que certains imaginent, le numérique n'est pas immatériel. Nous connaissons bien, en tant qu'élus, les enjeux qui pèsent sur le déploiement des réseaux télécoms, qui permettent l'échange des données, et nous nous efforçons d'en faire bénéficier tous les territoires dans les meilleurs délais. Nous connaissons moins bien, en revanche, les centres de données, points névralgiques du numérique, qui hébergent ces données - emails, conversations, photos - et nous donnent accès à des services cloud , professionnels ou personnels.

Nous sommes tous propriétaires d'un ou plusieurs terminaux : téléviseur, ordinateur portable, smartphone, box internet et TV, etc. Tous ces biens matériels nécessitent des ressources pour être produits, distribués, et pour fonctionner. Le volet immatériel du numérique, à savoir les services en ligne, implique, selon nos usages, une quantité plus ou moins importante de matériel associé.

Régulièrement, les réseaux augmentent leurs capacités pour permettre de nouveaux usages qui exigent eux-mêmes de nouveaux terminaux et de nouvelles capacités de stockage. Compte tenu des progrès technologiques, des nouvelles attentes et des nouveaux besoins sociétaux, cette dynamique d'augmentation exponentielle n'est pas près de s'arrêter. C'est cette perspective qui a conduit nos collègues à déposer cette proposition de loi.

De fait, aujourd'hui, l'impact environnemental du numérique apparaît encore, en France, relativement limité : il représenterait, selon le rapport commandé par la mission d'information à l'origine de cette proposition de loi, 2 % des émissions de gaz à effets de serre, soit un peu moins que le secteur aérien. Mais la dynamique que je viens d'évoquer pourrait faire passer cette proportion à 7 % d'ici à 2040.

En cohérence avec la stratégie nationale bas-carbone, il est donc urgent de maîtriser les impacts environnementaux de ces technologies dont les usages connaissent une inflation galopante. Je rappelle que la France s'est fixé pour objectifs, à l'horizon 2050, la neutralité carbone et une baisse de la consommation énergétique de 50 % par rapport à 2012.

Il s'agit donc de mieux connaître les avantages et les inconvénients liés au déploiement des technologies numériques afin d'établir un bilan consolidé de leur impact environnemental. L'Agence de la transition écologique (Ademe) a par exemple montré récemment que le télétravail avait un bilan environnemental plutôt positif. Mais, à ce stade, il apparaît que l'explosion prévisible des usages ne serait pas compensée par les progrès technologiques, en tout cas pas suffisamment pour réduire l'empreinte environnementale du numérique.

Pour atteindre cet objectif de soutenabilité du numérique, il faut faire émerger des pratiques plus vertueuses chez l'ensemble des acteurs du numérique : fabricants de terminaux et d'équipements, concepteurs de logiciels et d'applications, distributeurs, opérateurs, mais aussi usagers.

Là où il s'agit d'instaurer une régulation, il faut aussi avoir à l'esprit quelques réalités de cette filière en construction.

Premièrement, les acteurs numériques domestiques connaissent certes un contexte favorable de croissance, mais ils sont soumis à une forte concurrence internationale. La crise et les bouleversements économiques qu'elle engendre ont conduit la France à afficher une stratégie de souveraineté nationale dans laquelle le numérique a une place de choix. Il faut donc réguler en mesurant bien les impacts d'une réglementation franco-française, et même européenne. Faute d'être bien ajustée, en effet, celle-ci pourrait en définitive handicaper les entreprises nationales, voire européennes, et donc favoriser l'hégémonie de quelques grandes firmes, ce qui serait contraire à nos objectifs.

Deuxièmement, le progrès technologique, en matière numérique, est permanent. Les cadres et les règles édictés peuvent donc rapidement s'avérer inadaptés, voire désuets. Autrement dit, il faut faire preuve de discernement pour réguler sans fragiliser.

Quelques chiffres pour étayer mon propos : l'impact environnemental majeur provient, nous le savons, des terminaux, qui se sont multipliés, et en particulier des écrans, que nous possédons en nombre dans nos habitations et nos bureaux. Ces terminaux représentent 81 % des émissions de gaz à effet de serre du numérique en France, contre 14 % pour les data centers et 5 % pour les réseaux, selon les estimations du rapport commandé par la mission d'information. Ces données fixent l'ordre de nos priorités : la contrainte doit avant tout peser sur les acteurs des terminaux.

Autres chiffres éclairants : comme c'est le cas en général pour l'empreinte carbone des Français, les émissions de gaz à effet de serre du numérique en France sont principalement importées, à hauteur de 80 %. Ainsi la consommation numérique des Français représente-t-elle moins de 1 % des émissions générées par le numérique au niveau mondial. Ce constat ne nous donne bien sûr aucun motif pour ne rien faire, mais nous oblige à coordonner autant que possible nos initiatives à l'échelle européenne, voire internationale, si nous voulons être réellement efficaces pour la planète et faire plus que de la communication.

La question que pose ce texte précurseur et ambitieux est celle de savoir comment agir. L'approche qui s'impose aujourd'hui par son efficience est celle d'une gouvernance partagée du numérique, une corégulation associant État, acteurs économiques et usagers, chacun se contrôlant mutuellement et ayant une responsabilité identifiée dans le système ainsi créé.

L'État, avec le règlement général sur la protection des données (RGPD), a affirmé son rôle de protecteur des usagers. Les acteurs économiques reconnaissent désormais l'importance et l'intérêt de ce cadre, et les initiatives du type Tech for Good ou planet-techcare.green témoignent de cette prise de conscience.

Quant au rôle de l'usager, il n'est pas à négliger, car toutes les contraintes imposées aux constructeurs et distributeurs seront d'autant plus vertueuses que les usagers seront eux-mêmes responsables : pour décliner les bonnes pratiques dans leurs usages quotidiens, les consommateurs doivent connaître, et surtout comprendre, le sens de cette régulation ! Ils demandent d'ailleurs de plus en plus à tenir ce rôle, comme la convention citoyenne pour le climat l'a montré.

À nous, législateur, de trouver la ligne de crête entre deux écueils : ne pas en faire assez et se satisfaire d'un « green washing », ou au contraire trop en faire et fragiliser ainsi les efforts et la créativité de nos entreprises nationales.

Pour faire ces choix et motiver nos décisions, il convient aussi de disposer de méthodes standardisées et de données incontestables permettant d'établir des référentiels ; tel est l'objet de plusieurs amendements qui, d'une part, reportent l'entrée en vigueur des dispositifs à 2023 afin de ménager du temps pour la création de ces référentiels, et, d'autre part, permettent à l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) de recueillir les données nécessaires auprès des opérateurs télécoms.

C'est dans cet esprit que j'ai appréhendé cette proposition de loi préfiguratrice d'un ordre nouveau du numérique, avec pour viatique les mots-clés suivants : transparence, ambitions, responsabilisation et incitation.

Je vous proposerai de suivre l'approche ambitieuse des auteurs du texte, mais en privilégiant une méthode incitative, en tout cas dans une première phase, qui pourrait coïncider avec le temps que prendront les prises de positions européennes en la matière et leur transcription en droit français. La Commission européenne, que nous avons auditionnée, nous a en effet annoncé de nombreuses mesures à venir. Ces dispositions incitatives pourraient ainsi être mises en oeuvre dès la définition des référentiels, fruit d'un travail actuellement en cours entre l'Arcep et l'Ademe.

Je vous proposerai donc un certain nombre d'amendements visant à mettre le texte en conformité avec les directives européennes, tant sur le fond que concernant le délai de mise en oeuvre, en matière de lutte contre l'obsolescence logicielle ; à compléter l'information des usagers sur les mises à jour, pour plus de transparence et de responsabilité ; à confier des pouvoirs supplémentaires à l'Arcep en matière de collecte des données environnementales, pour une régulation plus éclairée des réseaux ; à créer une incitation fiscale à destination des exploitants de data centers et des opérateurs de réseaux les plus vertueux, qui souscriront des engagements de réduction de leurs impacts environnementaux.

Il y aurait donc, dans la proposition de loi ainsi modifiée, trois grands axes à retenir pour ce qui concerne les volets dont la commission des affaires économiques est saisie : concernant les terminaux, qui sont la cible essentielle, de plus amples moyens sont accordés à la lutte contre l'obsolescence programmée et contre l'obsolescence logicielle au bénéfice du consommateur ; une obligation d'écoconception est créée pour les services en ligne qui utilisent le plus de bande passante en France, à savoir les quatre grands acteurs qui monopolisent 55 % du trafic ; les exploitants d'infrastructures numériques, data centers et opérateurs de réseaux télécoms, sont incités à verdir le plus possible leur activité, sans même attendre la transcription des dispositifs européens.

M. Patrick Chaize , auteur de la proposition de loi . - Un mot du contexte dans lequel nous avons travaillé : voilà plus d'un an, nous avions, à ma demande, créé une mission d'information dans le cadre de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, afin d'y voir plus clair sur ce qui se passe dans ce monde en pleine expansion, le monde du numérique, sachant que nous n'avions absolument aucune donnée sur son empreinte environnementale.

Avant même le débat et le vote, l'objectif est presque déjà atteint : un certain nombre d'acteurs, l'Arcep, l'Ademe, le Conseil national du numérique, se sont saisis de ce sujet et y travaillent - l'Arcep dévoilait ce matin sa feuille de route en la matière. Les opérateurs eux-mêmes se sont saisis du sujet ; c'est toute la chaîne du numérique qui s'accorde désormais à dire que le passage en vingt ans de 2 à 7 % de notre empreinte globale serait dommageable à l'avenir même du secteur.

J'ai longuement échangé avec l'ensemble de mes collègues ; si deux de mes collègues coauteurs sont eux-mêmes rapporteurs de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, je suis, quant à moi, en quelque sorte spectateur de mon propre texte ; cela m'a permis de faire le lien entre tous. Nous partageons tous les mêmes objectifs ; le texte initial, néanmoins, était fort, direct, brutal peut-être, alors même que certaines précautions sont à prendre. Le travail d'Anne-Catherine Loisier a démontré qu'on pouvait atteindre les mêmes objectifs avec plus de subtilité et en prenant davantage en compte les effets de ces mesures sur l'économie.

Anne-Catherine Loisier a parlé d'une « ligne de crête ». Je suis convaincu que la sagesse du Sénat permettra d'y rester, démontrant la capacité de notre institution à s'intéresser à l'environnement sur son versant moderne et innovant.

M. Daniel Gremillet . - Comme pour l'énergie fossile et le tout-électrique, on constate désormais, en faisant des écobilans, que les choses sont un peu différentes de ce à quoi certains slogans nous laissent croire. Des entreprises, qui font réaliser des études très sérieuses, se rendent compte qu'en matière d'empreinte environnementale, il est parfois plus intéressant d'utiliser du papier que du numérique.

Chaque fois qu'on utilise du papier, on utilise du bois, et n'oublions pas qu'un vaste plan de replantation est engagé ; qui dit replantation dit sylviculture. Il faut faire le bilan global, et les choses sont moins simples qu'en apparence. Je vous remercie, mes chers collègues, de parler de la réalité, chiffres à l'appui. C'est pour ça que la vie est belle : parce qu'elle est plus compliquée qu'on ne le pense.

Mme Sophie Primas , présidente . - Belle et parfois cruelle !...

M. Bernard Buis . - La discussion de ce texte arrive à point nommé, au lendemain de la rencontre entre le président Macron et les participants à la convention citoyenne pour le climat.

La préservation de notre environnement et la défense de la biodiversité sont bien des enjeux actuels ; il faut agir dès maintenant, quitte à en passer par des mesures contraignantes. Le numérique doit demeurer une force et un outil stratégique pour notre économie, notre compétitivité et nos investissements. Il n'est donc pas pertinent d'opposer environnement et numérique, et il faut dépasser la logique de silos.

La connaissance des dégâts environnementaux causés par les différents cycles de progrès technique nous permet au moins de ne pas reproduire les erreurs du passé. Nous devons parer dès maintenant aux effets sur l'environnement des dynamiques technologiques et industrielles afin que l'âge numérique ne soit pas celui de la pollution numérique. Cette proposition de loi responsabilise et oriente tous les acteurs du numérique, quels qu'ils soient, afin de garantir le développement en France d'un numérique sobre, responsable et écologiquement vertueux ; elle mérite donc toute notre bienveillance.

Nous émettons cependant quelques réserves sur certaines mesures qui nous paraissent trop contraignantes et peu conformes au droit communautaire. Je pense aux dispositions de l'article 15 contre les offres de téléphonie illimitée. Nous sommes malgré tout favorables à un grand nombre de propositions, comme la formation dès le plus jeune âge aux enjeux environnementaux du numérique ou l'encadrement des centres de données et de l'obsolescence programmée.

Certes, ce texte ne résoudra pas tous les problèmes, et certaines dispositions ne pourront pas aboutir sans une vaste concertation. Un cadre, du moins, est posé, un diagnostic rigoureux est dressé, des alternatives très pertinentes sont proposées. Nous accueillons donc avec enthousiasme cette proposition de loi.

M. Franck Montaugé . - Notre responsabilité est considérable dès lors que nous nous engageons dans une telle démarche, que je considère comme absolument nécessaire. À cet égard, je ne suis pas certain que le référentiel évoqué dans ce texte, à savoir le référentiel de responsabilité sociétale des entreprises (RSE), soit le plus approprié pour permettre aux entreprises de mener ce type d'actions, qui relèvent en réalité d'une démarche managériale.

Ma proposition, que je pense plus adaptée, serait de recommander plutôt l'utilisation des normes ISO 14 000 relatives au management environnemental. Il faut que les grands enjeux nationaux de la stratégie nationale bas-carbone soient déclinés dans les entreprises, avec des objectifs spécifiques et éventuellement des dispositifs fiscaux d'accompagnement car ces démarches peuvent être coûteuses - l'État serait ainsi pleinement dans son rôle.

Mme Florence Blatrix Contat . - Les entreprises soumises aux objectifs de la RSE sont en effet assez peu nombreuses ; il faut élargir ce dispositif à l'ensemble de notre tissu productif, TPE, PME, entreprises de taille intermédiaire (ETI), sous une forme incitative.

Un mot sur le déploiement de la 5G : il va permettre le développement des usages numériques, qui est positif à bien des égards, mais aussi entraîner des consommations accrues de terminaux, parfois pour des usages gadgets. Il faut agir vite pour éviter des usages trop consommateurs, car l'échéance se rapproche.

M. Jean-Marc Boyer . - Aujourd'hui, l'empreinte carbone du numérique est presque équivalente à celle de l'aérien. Le Gouvernement prévoit de subventionner l'important déficit d'Air France, mais en contrepartie d'une réduction énorme de l'impact carbone du secteur aérien ; c'est tout à fait louable, mais cette politique va entraîner la fermeture de lignes intérieures, ce qui ne laisse pas d'inquiéter du point de vue du développement économique et de l'emploi.

À voir, en cette période de fêtes, la frénésie d'achats de nouveaux téléphones portables, tablettes ou ordinateurs, à grands renforts de publicité, on peut prédire que l'empreinte carbone du numérique sera bientôt supérieure à celle du transport aérien.

Le chemin de crête entre la réduction de l'empreinte environnementale et la protection de l'activité économique, dont tout l'enjeu est qu'elle ne soit pas sacrifiée, est relativement étroit.

M. Daniel Salmon . - Je me réjouis qu'on appréhende désormais les impacts du numérique de A à Z, en prenant vraiment en compte tout le cycle de vie des objets.

L'empreinte carbone française est très largement importée ; le numérique participe de cette importation croissante. On touche là aux volets « souveraineté » et « responsabilité » du problème : le numérique emploie beaucoup de terres rares, extraites à 95 % en Chine, avec toutes les pollutions associées. Il faut repenser cette chaîne et retrouver notre souveraineté sur ces terres rares, afin d'assumer pleinement le numérique au lieu d'en reporter les charges environnementales sur l'extérieur.

Les Français ont perdu, en quelques décennies, plus d'une heure de sommeil, avec des effets très importants sur leur santé ; le numérique a sa part dans cette évolution. On ne s'affranchira donc pas d'une réflexion profonde sur la place du numérique dans notre société, au-delà même de son empreinte environnementale.

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure pour avis . - Pour ce qui est de l'article 15, je laisserai Patrick Chaize en parler : il a été réécrit et repensé.

Franck Montaugé a évoqué le référentiel RSE ; je pense moi aussi que le volet managérial n'est pas encore suffisamment abordé. La proposition de loi conforte le dispositif de reporting RSE existant en apportant des précisions à son volet environnemental, mais elle ne traite pas la question du management, et il reste des choses à faire en matière de responsabilisation de l'ensemble des acteurs de la chaîne.

On trouve néanmoins, dans la proposition de loi, des éléments sur le crédit d'impôt à la numérisation des PME.

Il a été question des usages gadgets du numérique ; nous tablons sur la responsabilisation des usages, donc sur l'information, la transparence, les données. Le problème n'est pas propre au numérique ; il a sa traduction dans tous les actes de la vie quotidienne - électricité, eau, voiture.

Le parallèle avec l'aérien montre bien que l'empreinte des terminaux numériques est considérable ; j'en ai pris conscience dans le cadre de ce travail. Nous avons à nous poser nous-mêmes la question : combien avons-nous d'écrans ? À quelle fréquence en changeons-nous ? Il faut y réfléchir en lien avec les acteurs économiques, pour mettre en oeuvre la corégulation la plus adaptée.

Daniel Salmon a évoqué l'analyse du cycle de vie ; cette approche essentielle est aujourd'hui bien ancrée. Vous avez raison de souligner aussi l'impact des importations, sujet que notre collègue Laurent Duplomb connaît bien.

Avant de songer à durcir les dispositifs, un temps d'observation est nécessaire autour de l'entrée en application des dispositions de la loi anti-gaspillage et économie circulaire (AGEC) en matière de réemploi et de réutilisation.

Mme Sophie Primas , présidente . - La parole est à la défense sur l'article 15 !

M. Patrick Chaize , auteur de la proposition de loi . - L'idée sous-jacente à l'article 15, initialement, consistait à mesurer le « bon » forfait, correspondant aux besoins : à partir du moment où l'on voulait davantage, c'est-à-dire des utilisations futiles ou non utiles, il fallait le payer. Cette disposition a été mal comprise, et certainement mal rédigée. Nous avons donc substitué une incitation à une interdiction : il s'agit de ne pas favoriser la consommation de débit sur les réseaux mobile. Lorsqu'on a le choix entre télécharger sur le réseau wifi et télécharger sur le réseau 4G, il faut le faire sur le wifi : énergétiquement parlant, c'est cinq à dix fois moins coûteux.

Vous avez d'ailleurs dû recevoir un message sur vos téléphones la semaine dernière ; c'est la conséquence du travail que nous avons accompli. J'ai dit aux responsables d'Orange, en effet, que je ne comprenais pas pourquoi nos forfaits ne permettaient pas les appels wifi. Il se trouve que dans les contrats, une case n'était pas cochée ! J'ai demandé aux opérateurs d'ouvrir cette option à tout le monde. Les opérateurs ont donc ouvert à tous les sénateurs la possibilité de l'appel en wifi.

J'ai entendu la critique sur l'interdiction ; avant même que le texte soit étudié par le Sénat, nous avons donc déjà modifié cet article.

Mme Sophie Primas , présidente . - Il n'y avait là aucune critique, mais la simple volonté que le texte ne soit pas caricaturé, et que l'on puisse en prendre la pleine mesure.

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure pour avis . - Cet échange vertueux autour de l'article 15 est représentatif de la construction collective qui a présidé à la rédaction de cette proposition de loi.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 4

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure pour avis . - L'amendement AFFECO.1 , comme d'autres, est commun à votre rapporteure et à mes collègues de la commission du développement durable.

L'article 4 oeuvre à une meilleure information du public et à une responsabilisation des entreprises. Il prévoit que les entreprises sont soumises à l'obligation de joindre à leur rapport annuel une déclaration de performance extra-financière dans laquelle doivent figurer un certain nombre d'informations relatives aux impacts environnementaux des biens et des services numériques qu'elles utilisent et aux actions qu'elles mettent en oeuvre pour les réduire.

Il s'agit de reporter l'entrée en vigueur de cette disposition au 1 er janvier 2023 ; ainsi les entreprises auront-elles le temps de se doter d'une méthode d'analyse de l'empreinte environnementale.

L'amendement AFFECO.1 est adopté.

Article 6

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure pour avis . - Avec les articles 6 à 11, nous arrivons dans le coeur de la proposition de loi : c'est celui qui vise à allonger la durée de vie des terminaux, qui sont, je le rappelle, responsables de plus de 80 % de l'empreinte carbone du numérique en France - principalement en raison de leurs modalités de fabrication en dehors de notre territoire. Les articles 6 et 7 portent sur l'obsolescence programmée. L'objectif est de faciliter la preuve du délit d'obsolescence programmée et de préciser que l'obsolescence logicielle en fait partie.

La rédaction de l'article 6, en voulant renverser la charge de la preuve, instaure une présomption de culpabilité, ce qui n'est pas possible en droit pénal. Néanmoins, la charge de la preuve du délit d'obsolescence programmée est un vrai sujet, car, à ce jour, la preuve est tellement difficile à établir que même la DGCCRF n'a pas recours à cette qualification juridique.

Il est donc proposé de simplifier la caractérisation de l'élément intentionnel du délit. Aujourd'hui il faut à la fois prouver l'intention de réduire la durée de vie du produit et que cela a été fait avec l'intention d'augmenter le taux de remplacement. Avec l'amendement AFFECO.2 , également porté par les rapporteurs de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, on limite l'élément intentionnel à l'intention de réduire la durée de vie du produit.

L'amendement AFFECO.2  est adopté.

Article 8

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure pour avis . - Avec l'article 8, nous abordons la question de la garantie de conformité des biens. Celle-ci fait actuellement l'objet d'une réforme par ordonnances pour transposer les directives européennes de 2019 en la matière. Les auteurs de la proposition de loi souhaitent orienter les choix du Gouvernement dans ce cadre à travers plusieurs dispositions qui visent à renforcer la lutte contre l'obsolescence logicielle. Je partage leurs orientations. Je proposerai donc de conforter leur assise juridique en limitant autant que possible les risques de contradiction avec les directives européennes. Par ailleurs, je les renforcerai en confortant l'information donnée au consommateur.

Le premier étage de la fusée, c'est l'amendement AFFECO.3 , qui vise à rendre compatible avec le droit européen l'idée de dissocier les mises à jour dites « correctives » des autres mises à jour, de façon à ne permettre à l'utilisateur de télécharger que ces mises à jour « correctives ».

L'amendement AFFECO.3 est adopté.

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure pour avis . - L'amendement AFFECO.4 vise à renforcer le dispositif de la proposition de loi en exigeant que le consommateur soit mieux informé des mises à jour qui lui sont fournies. Au-delà de la distinction entre mises à jour correctives et évolutives exigée à l'amendement précédent, il s'agit d'imposer que, quelle que soit la mise à jour, le consommateur soit informé de ses caractéristiques essentielles, comme l'espace de stockage nécessaire, son impact potentiel sur les performances du bien ou encore l'évolution des fonctionnalités qu'elle propose.

M. Franck Montaugé . - Il ne faut pas oublier toutefois que les mises à jour ont souvent pour objet de donner accès à de nouveaux services ou de nouvelles fonctionnalités. Elles ont donc une raison d'être.

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure pour avis . - Nous voulons accroître la transparence sur les mises à jour, leurs effets et leurs conséquences en termes de mémoire et de stockage, pour permettre à l'utilisateur de faire un choix éclairé.

M. Franck Montaugé . - Le consommateur est un petit peu captif, car s'il refuse une mise à jour, il n'aura pas accès à certains services.

M. Patrick Chaize . - Les usages et les besoins varient en fonction des utilisateurs. Beaucoup n'utilisent leur téléphone que pour téléphoner et envoyer des SMS.

M. Franck Montaugé . - C'est de moins en moins vrai !

M. Patrick Chaize . - Tout le monde n'a pas besoin de capacités supplémentaires pour des jeux ou d'autres applications sophistiquées qui consomment de la mémoire. Il s'agit simplement de permettre à ceux qui en ont besoin d'installer des mises à jour permettant d'avoir accès à de nouvelles fonctionnalités non essentielles, sans que les autres ne soient obligés de le faire. Encore une fois, il s'agit que l'usager soit mieux éclairé.

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure pour avis . - Cet amendement s'inscrit dans le cadre des dispositions sur la garantie de la conformité des biens. L'enjeu est que l'utilisateur puisse faire la part des choses entre ce qui relève des mises à jour essentielles à un meilleur fonctionnement de l'appareil et les mises à jour ayant d'autres fins, dans le prolongement du droit européen applicable en la matière.

L'amendement AFFECO.4 est adopté.

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure pour avis . - L'amendement AFFECO.5 prévoit une entrée en vigueur en 2022 de cette disposition relative à la dissociation des mises à jour correctives et des mises à jour évolutives afin, d'une part, de laisser aux acteurs le temps nécessaire pour s'y adapter, et d'autre part, de se conformer à la date d'entrée en vigueur de la directive européenne du 20 mai 2019 sur les contrats de vente de biens. Cet amendement est également porté par les rapporteurs de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable.

L'amendement AFFECO.5  est adopté.

Article 9

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure pour avis . - L'article 9 constitue, avec l'article 11, le deuxième étage de la fusée sur la garantie de conformité. Il exige que les mises à jour nécessaires à la conformité du bien soient fournies au moins pendant cinq ans. L'article 9 est lié à l'article 11 qui étend la durée la garantie de conformité du bien à cinq ans pour les biens comportant des éléments numériques. Or, on peut interpréter le droit européen comme faisant un lien entre la durée légale de garantie et la durée durant laquelle les mises à jour nécessaires à la conformité du bien doivent être fournies. C'est donc pour permettre à l'article 9 d'être conforme au droit européen que l'article 11 fixe la durée de garantie légale des biens comportant des éléments numériques à cinq ans. Il s'agit d'un signal important. L'amendement AFFECO.6 propose, comme pour le précédent, une entrée en vigueur en 2022 pour s'aligner sur les délais prévus par les directives européennes. Il s'agit, là encore, d'un amendement commun avec les rapporteurs de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable.

L'amendement AFFECO.6  est adopté.

Article 10

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure pour avis . - L'article 10 est le troisième étage de la fusée sur la garantie de conformité. Il entendait initialement mettre en oeuvre un droit à la réversibilité des mises à jour, autrement dit permettre à tout utilisateur de désinstaller la dernière version d'un logiciel vendu avec le bien et d'installer une version antérieure.

Conférer une portée générale à ce dispositif risquait d'entrer en confrontation avec le principe d'obligation de fournir les mises à jour nécessaires à la garantie de conformité du bien pendant cinq ans. C'est pourquoi, l'amendement AFFECO.7 a pour objet de ne permettre ce droit à la réversibilité que pour les mises à jour non nécessaires à la conformité du bien.

M. Rémi Cardon . - Cela n'est pas si simple d'un point de vue technique...

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure pour avis . - Nos auditions ont montré que cela était techniquement possible. Cet amendement ne concerne que les mises à jour qui ne sont pas nécessaires à la conformité du bien.

M. Patrick Chaize . - En effet, c'est techniquement possible. Télécharger une nouvelle version de Windows peut vous contraindre à changer de matériel. On force la main du consommateur. Tous les utilisateurs n'ont pas besoin des mêmes fonctionnalités. Un prestataire pourrait éclairer les clients sur leurs besoins réels et leur éviter des mises à jour inutiles. Cela semble assez simple.

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure pour avis . - Dans tous les cas, il faut éviter que l'usager ne soit captif d'une inflation imposée des logiciels et des mises à jour.

M. Franck Montaugé . - Dans quelle mesure l'utilisateur est-il informé de l'impact environnemental de ses choix ?

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure pour avis . - L'enjeu est qu'il puisse mieux maîtriser sa consommation. L'inflation des mises à jour de logiciel oblige à changer régulièrement de matériel ou à consommer plus d'énergie.

M. Franck Montaugé . - J'attire votre attention sur le risque que ce type de mesures peut faire peser sur l'innovation ou la création.

M. Patrick Chaize . - La durée de vie moyenne des terminaux est de 23 mois, alors qu'ils représentent 80 % de l'empreinte environnementale. On gagnerait énormément à faire en sorte qu'ils durent un petit peu plus longtemps.

M. Franck Montaugé . - N'aurait-il pas été préférable d'imposer une durée de vie minimale, de quelques années, des smartphones ? Les concepteurs de logiciels auraient dû s'adapter. De cette façon, tout le monde aurait bénéficié de la mesure. Je crains que ce qui est proposé ne convienne vraiment qu'à un petit nombre d'utilisateurs.

Mme Sophie Primas , présidente . - Cela n'encouragerait pas l'innovation !

M. Franck Montaugé . - Bien au contraire, les concepteurs de logiciels seraient stimulés.

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure pour avis . -C'est la somme des mesures de ce volet qui tend à allonger la durée de vie des terminaux, à travers le levier de la garantie de conformité.

M. Jean-Marc Boyer . - Vous évoquez une durée de vie de 23 mois en moyenne. Mais les jeunes ne gardent pas leur téléphone 23 mois, ils le changent souvent avant !

M. Patrick Chaize . - Il ne s'agit pas que des téléphones, mais de tous les terminaux.

M. Daniel Salmon . - Inversement, nombreux sont ceux qui regrettent d'avoir à changer leur matériel qui fonctionnait très bien à cause d'une mise à jour ! La plupart des gens veulent simplement un appareil qui fonctionne et non systématiquement un appareil dernier cri.

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure pour avis . - Ces amendements sont réclamés par des associations d'usagers, comme Halte à l'obsolescence programmée (HOP) par exemple. Ce n'est sans doute pas le principal levier pour allonger la durée de vie des terminaux, mais cela fait partie des outils mobilisables pour faire en sorte que l'utilisateur soit en mesure de reprendre la main sur ses usages.

L'amendement AFFECO.7 est adopté.

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure pour avis . - L'amendement AFFECO.8 , également porté par les rapporteurs de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, prévoit, là encore, une entrée en vigueur en 2022 de l'article, par souci de conformité avec la directive européenne du 20 mai 2019.

L'amendement AFFECO.8 est adopté.

Article 11

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure pour avis . - L'amendement AFFECO.9 vise à allonger à cinq ans de la durée de garantie légale des biens comportant des éléments numériques, permettant ainsi de renforcer la conformité de l'article 9 avec le droit européen.

L'amendement AFFECO.9 est adopté.

Article 16

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure pour avis . - L'écoconception des services en ligne vise à limiter la quantité de ressources informatiques - puissance du terminal, bande passante, nombre de serveurs... - nécessaires pour utiliser ces services. L'amendement AFFECO.10 , porté en commun avec les rapporteurs de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, vise à limiter l'obligation d'écoconception prévue à l'article 16 aux services qui consomment le plus de bande passante en France. Plus de 55 % du trafic provient aujourd'hui de seulement quatre acteurs. Cela permet de proportionner la mesure aux enjeux.

L'amendement AFFECO.10 est adopté.

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure pour avis . - L'amendement AFFECO.11 , également porté par les rapporteurs de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, précise que l'obligation d'écoconception des services en ligne reposera sur un référentiel adopté par voie réglementaire. Il s'agit de s'inspirer de ce qui existe concernant l'accessibilité des services en ligne.

L'amendement AFFECO.11 est adopté.

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure pour avis . - Afin de laisser le temps aux acteurs de coconstruire un référentiel de l'écoconception reposant sur des bases solides, l'amendement AFFECO.12 prévoit une entrée en vigueur en 2023. Cet amendement est également porté par les rapporteurs de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable.

L'amendement AFFECO.12 est adopté.

Article 17

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure pour avis . - En accord avec la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, il a été jugé préférable de supprimer les articles 17 à 20, satisfaits par l'obligation générale d'écoconception des services en ligne prévue à l'article 16. L'amendement AFFECO.13 supprime ainsi l'article 17.

M. Franck Montaugé . - En quoi consiste la notion d'écoconception ? Je comprends bien de quoi il s'agit lorsqu'il est question de biens matériels, comme les batteries par exemple, mais que signifie-t-elle pour le code informatique, hormis l'optimisation du nombre de lignes de code ?

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure pour avis . -L'Arcep et l'Ademe travaillent à l'élaboration d'un référentiel solide.

M. Patrick Chaize . - L'écoconception s'appréciera, en fait, à la fin lorsque l'on mesurera et plafonnera l'énergie nécessaire pour envoyer tel volume de données dans tel logiciel. Il s'agit plus toutefois, dans l'immédiat, d'une question d'objectif que de moyens.

Mme Sophie Primas , présidente . - Nul ne sait, pour l'instant, si une autre pagination est plus économe que le scroll infini. Il convient donc d'établir des référentiels précis.

M. Franck Montaugé . - L'Arcep et l'Ademe construiront un référentiel et les entreprises devront s'y référer ?

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure pour avis . - Oui, c'est l'idée. L'Alliance Green IT a déjà fait 115 propositions concrètes.

M. Rémi Cardon . - L'écoconception est en fait assez simple : il s'agit d'utiliser des logiciels, des vidéos ou des visuels qui soient les moins lourds possibles, en termes de données. On peut l'évaluer par un test de vitesse de chargement de site. J'ai travaillé sur cette question dans une entreprise. C'est un sujet d'actualité. Il importe de sensibiliser les clients pour qu'ils utilisent des visuels moins lourds.

L'amendement de suppression AFFECO.13 est adopté.

Article 18

L'amendement de suppression AFFECO.14 est adopté.

Article 19

L'amendement de suppression AFFECO.15 est adopté.

Article 20

L'amendement de suppression AFFECO.16 est adopté.

Article 21

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure pour avis . - Avec l'article 21, nous entrons dans le monde des infrastructures numériques. Pour mémoire, selon le rapport commandé par la mission d'information présidée par Patrick Chaize, les data centers sont responsables de 14 % des émissions de gaz à effet de serre en France, et les réseaux de 5 %. L'amendement AFFECO.17 reprend l'amendement que nous avions adopté lors de l'examen du projet de loi de finances et qui visait à créer un véritable dispositif d'écoconditionnalité de l'avantage fiscal attribué aux centres de données en matière de fiscalité énergétique en 2019. Cette rédaction, acceptée par nos collègues rapporteurs de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, satisfait les objectifs de l'article 21 en exigeant le respect d'une trajectoire pluriannuelle sur des critères environnementaux.

Pour rappel, les exploitants des centaines de centres de données implantés en France bénéficient, depuis 2019, d'un taux réduit de contribution au service public de l'électricité afin d'attirer l'implantation de ces infrastructures de souveraineté sur notre territoire. En contrepartie, la filière devait souscrire des engagements environnementaux auprès des pouvoirs publics. Cela n'a pas été fait. Le Gouvernement a donc entrepris de proposer une écoconditionnalité de l'avantage fiscal. Mais après consultation des acteurs, il s'avère que celle-ci n'est pas assez ambitieuse. C'est pourquoi il est proposé qu'un décret définisse des objectifs chiffrés en matière d'efficacité énergétique et d'utilisation de l'eau - principaux critères environnementaux pour les data centers , pour bénéficier de l'avantage fiscal. La récupération de la chaleur fatale est également un critère, alternatif avec celui de l'efficacité énergétique.

L'amendement AFFECO.17 est adopté.

Article additionnel après l'article 21

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure pour avis . - L'amendement AFFECO.18 vise à affiner le dispositif adopté à l'amendement précédent en abaissant d'un gigawattheure à 500 mégawattheures le seuil d'éligibilité de l'avantage fiscal destiné aux centres de stockage de données numériques. Il s'agit d'inciter les data centers de taille intermédiaire à migrer vers des infrastructures plus vertes, d'autant que le maillage de notre territoire par ce type de centres de données permettrait de contribuer à une bonne gestion du réseau électrique en ne créant pas de point de tension critique pour le réseau.

L'amendement AFFECO.18 est adopté.

Article 23

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure pour avis . - Les articles 23 et 24 portent sur les réseaux qui constituent, je le rappelle, 5 % des émissions de gaz à effet de serre du numérique consommé en France. Près de la moitié de ces émissions sont liées à la fabrication des terminaux ; environ 30 % sont dues à l'utilisation des réseaux domestiques en tant que tels.

Ces articles visent à tendre la main aux opérateurs pour que ceux-ci prennent des engagements en matière environnementale. Ainsi, l'article 23 prévoit que les opérateurs puissent prendre des engagements contraignants en matière environnementale, sous le contrôle et la sanction potentielle du régulateur.

Un seul point nous sépare de nos collègues rapporteurs de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable : ces derniers souhaitent que ces engagements soient pris de façon obligatoire par les opérateurs de réseaux. Or, dans cette hypothèse, il s'agirait du seul secteur d'activité qui aurait l'obligation de souscrire des engagements environnementaux auprès des pouvoirs publics, et ce alors même que l'empreinte environnementale exacte des réseaux n'est pas encore bien établie. Par ailleurs, les entreprises de plus de 500 salariés ont déjà l'obligation de publier un bilan de leurs émissions de gaz à effet de serre tous les quatre ans.

Avec l'amendement AFFECO.19 , je propose que ces engagements demeurent facultatifs : il me semble préférable d'inciter les entreprises à y souscrire à travers une incitation fiscale, qui me semble davantage proportionnée et appropriée à l'objectif que nous visons.

M. Daniel Salmon . - Je m'abstiendrai sur cet amendement. Parfois, l'obligation fait aussi bouger les lignes !

L'amendement AFFECO.19 est adopté.

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure pour avis . - L'amendement AFFECO.20 vise à préciser que seuls les opérateurs disposant d'anciennes générations de réseaux de communications électroniques incluent une planification de leur extinction progressive dans leurs engagements environnementaux auprès de l'Arcep.

L'amendement AFFECO.20 est adopté.

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure pour avis . - L'amendement AFFECO.21 tend à inciter les opérateurs à communiquer sur les impacts environnementaux associés à la fabrication et à l'utilisation des boîtiers de connexion internet et des décodeurs mis à la disposition de leurs abonnés. L'amendement laisse toutefois aux opérateurs la liberté de déterminer les moyens à utiliser pour atteindre l'objectif visé. Je pense par exemple à la généralisation d'un mode « veille » sur les différents équipements.

Un récent rapport de France Stratégie souligne que les box internet et les décodeurs audiovisuels sont a priori les seuls équipements pour lesquels les opérateurs n'ont pas d'incitation naturelle à limiter la consommation énergétique. Or, selon l'Ademe, une box internet consomme autant d'énergie qu'un réfrigérateur.

M. Daniel Salmon . - Cette mesure est très importante, car les box internet consomment beaucoup d'énergie. Reste à trouver les meilleures modalités de mise en oeuvre d'une telle disposition, de façon à ne pas réduire les usages, mais je ne doute pas que cela sera fait.

L'amendement AFFECO.21 est adopté.

L'amendement AFFECO.22 de précision est adopté.

Article additionnel après l'article 23

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure pour avis . -L'amendement AFFECO.23 a pour objet de créer une incitation fiscale limitée dans le temps pour que les opérateurs de communications électroniques prennent des engagements en matière environnementale. Sans incitation, on se demande en effet quel acteur pourrait prendre le risque de s'engager sous peine de sanctions. La réduction de l'impact environnemental de son activité a nécessairement, dans un premier temps, des conséquences financières pour les acteurs : il faut donc les accompagner pour accélérer la transition écologique.

L'amendement AFFECO.23 est adopté.

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure pour avis . - L'amendement AFFECO.24 vise à compléter la régulation environnementale des réseaux en conférant à l'Arcep un pouvoir de recueil des données, seule façon d'objectiver les informations et de réguler de façon efficace les acteurs du numérique. Cela rejoint la feuille de route publiée par le régulateur ce matin.

L'amendement AFFECO.24 est adopté.

Article 24

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure pour avis . - L'article 24 prévoit d'inscrire la préservation de l'environnement parmi les motifs de refus d'octroi d'une autorisation d'utilisation de fréquences par l'Arcep. L'amendement AFFECO.25 a pour objet d'introduire la préservation de l'environnement parmi les impératifs à prendre en compte dans les conditions d'attribution des autorisations d'utilisation de fréquences, aux côtés de l'aménagement du territoire. Il vise par ailleurs une entrée en vigueur du dispositif à compter de 2023.

L'amendement AFFECO.25 est adopté.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Lundi 30 novembre 2020

- Shift Project et Green It : M. Hugues FERREBOEUF , chef de projet chez Shift Project, Mme Amélie GUILLER , chargée du suivi des affaires parlementaires de Shift Project, M. Frédéric BORDAGE , fondateur et animateur de Green It, Mme Lise BRETEAU , avocate de Green It, M. Thomas LEMAIRE , expert technique de Green It.

- Ministère de la transition écologique et solidaire : M. Joseph HAJJAR , chef du bureau émissions, projections, modélisation, Mme Diane SIMIU , directrice, adjointe au commissaire général, M. Stéphane HOCQUET , sous-directeur adjoint des entreprises, Mme Viviane VALLA , chargée de mission.

- Alexandre Archambault Avocat : M. Alexandre ARCHAMBAULT , avocat au barreau de Paris.

Jeudi 3 décembre 2020

- Halte à l'obsolescence programmée (HOP) : Mme Laetitia VASSEUR , directrice générale, M. Ronan GROUSSIER , responsable des affaires publiques.

- Commission européenne - DG Connect : M. Manuel MATEO , chef adjoint d'unité de la direction en charge des réseaux du futur.

- Syntec numérique : Mme Véronique TORNER , administratrice en charge du programme « numérique responsable », M. Lauranne POULAIN , chargée des relations institutionnelles, chargée du numérique responsable et de Planet Tech'Care.

- Ministère de l'économie et des finances - Direction générale des entreprises (DGE) et Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) : M. Mathieu WEILL , chef du service de l'économie numérique de la DGE, Mme Liliane DEDRYVER , collaboratrice à la DGE, M. Pierre CHAMBU , chef du service de la protection des consommateurs et de la régulation des marchés de la DGCCRF.

La rapporteure a également été invitée aux auditions menées par MM. Guillaume Chevrollier et Jean-Michel Houllegatte, rapporteurs de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable ( http://www.senat.fr/rap/l20-242/l20-242.html ).

LISTE DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES

- Alliance française des industries du numériques (Afnum)

- Association des services internet communautaires (Asic)

- Atos

- Pierre Beyssac, ingénieur en informatique, entrepreneur

- Cigref

- Facebook

- Microsoft

- Mouvement des entreprises de France (Medef)

- Tristan Nitot, entrepreneur du numérique

- OVHcloud

- Syndicat des régies internet (SRI)

- Tech in France

- UFC-Que choisir

- Union des marques


* 1 Le champ de la saisine de la commission est le suivant : articles 4, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 23, 24.

* 2 Loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire.

* 3 Comme le précise Green IT, la consommation électrique finale n'est pas un indicateur environnemental. Les impacts environnementaux associés à l'électricité dépendent en effet directement en genres et quantités de l'énergie primaire (uranium, énergie fossile, vent, etc.) et du moyen de production (centrale nucléaire centrale thermique flamme, éolienne, etc.) utilisés. De ce fait, l'énergie primaire, correspondant à l'énergie nécessaire pour fabriquer l'énergie finale, est un indicateur environnemental.

* 4 Dans le présent document, les termes « émissions de gaz à effets de serre » et « empreinte carbone » sont utilisés comme synonymes.

* 5 L'empreinte environnementale d'un produit est une méthodologie d'évaluation des impacts d'un produit ou d'un service sur l'environnement, basée sur une approche en cycle de vie du système étudié, et prenant en compte de multiples critères tels que la consommation d'énergie primaire, les émissions de gaz à effet de serre (GES), l'utilisation de ressources naturelles non renouvelables, la consommation d'eau etc.

* 6 Source : baromètre du numérique , 2019.

* 7 Cisco Visual Networking Index : forecast and trends, 2018-2023.

* 8 Selon le Shift project , cette part était déjà de 3,7 % en 2018, et selon Green IT , elle serait même de 4,3 % en 2020.

* 9 Source : baromètre du numérique , 2019.

* 10 Soit 15 millions de tonnes équivalent CO 2 .

* 11 Cette méthode de quantification s'oppose à celle des émissions territoriales. Alors que cette dernière prévaut dans les accords internationaux et correspond à la responsabilité juridique des États (en capacité de réguler les modalités de production sur leur territoire) qui ont donc pu contracter des engagements en la matière, la première est plus récente et n'est pas encore encadrée par des standards et normes du GIEC.

* 12 Loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte.

* 13 Loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat.

* 14 Le Conseil européen vient de s'accorder sur un objectif plus ambitieux de 55 % en 2030.

* 15 La neutralité carbone correspond à la situation dans laquelle la France émettrait, sur son territoire, autant de GES qu'elle en absorberait.

* 16 La commission des affaires économiques avait conféré, lors de la loi « énergie-climat », un caractère indicatif à la mention de l'empreinte carbone.

* 17 Selon les données compilées par France stratégie dans le rapport précité, la consommation énergétique des réseaux provient à 70 % des réseaux mobiles, alors qu'ils ne représentent, selon le rapport annexé au rapport de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, que 10 % du trafic.

* 18 En application de l'article R. 225-104 du code de commerce, sont soumises à l'obligation de reporting extra-financier :

- les sociétés cotées dont le total du bilan excède 20 millions d'euros ou dont le chiffre d'affaires excède 40 millions d'euros et dont le nombre moyen de salariés permanents employés au cours de l'exercice est supérieur à 500 ;

- les sociétés non cotées dont le total du bilan ou le chiffre d'affaires excède 100 millions d'euros et dont le nombre moyen de salariés permanents employés au cours de l'exercice est supérieur à 500.

* 19 Le numérique fait intervenir de très nombreux acteurs : équipementiers, fabricants de terminaux, concepteurs et fournisseurs de logiciels, fournisseurs de contenus, opérateurs télécoms, distributeurs, acteurs de la réparation, du reconditionnement et du recyclage, opérateurs de centres de données...

* 20 L'ensemble de l'empreinte carbone des Français est importé à hauteur d'environ 57 % selon les chiffres de la stratégie nationale bas carbone . Rapportée à l'habitant, l'empreinte carbone des Français était, en 2018, légèrement supérieure à celle de 1995. La part des émissions associées aux importations a augmenté de 1,7 % par an en moyenne depuis 2010, quand les émissions du territoire métropolitain (hors exportations) ont baissé de 1,6 %. La stratégie nationale bas-carbone estime que, avec 8 tonnes de CO 2 par an et par personne, l'empreinte des Français est trop élevée car le GIEC estime que le « budget » CO 2 de chaque Terrien doit être compris entre 1,6 et 2,8 tonnes par an et par personne pour être compatible avec un réchauffement de 1,5°C.

* 21 Cependant, rapportées au nombre d'habitants, les émissions de GES seraient de 1,1 fois la moyenne mondiale par habitant.

* 22 Sur la base de trois études disponibles à l'échelon mondial, le rapport annexé au rapport de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable estime que la part de la France dans les émissions de GES mondiale serait de 0,68 % en 2025.

* 23 Par ordre d'importance dans les émissions de GES : téléviseurs (23 %), ordinateurs portables (14 %), smartphones (13 %), box internet et TV (12 %), écrans (11 %), ordinateurs fixes (10 %)...

* 24 À l'inverse, comme souligné par le Green IT dans sa contribution envoyée aux rapporteurs, « l'utilisation des appareils - c'est-à-dire ce que nous faisons avec en tant qu'utilisateur lorsque nous les allumons - a un impact environnemental marginal ».

* 25 Ces dispositions ont fait l'objet d'un avis très circonspect de la Commission européenne quant à leur compatibilité avec le droit européen.

* 26 Elle se distingue de l'obsolescence matérielle, qui renvoie à l'usure et de l'obsolescence culturelle, qui renvoie au souhait des consommateurs de détenir un terminal dernier cri, plus ou moins influencé par les stratégies marketing. Le sujet de l'achat de téléphones subventionnés est souvent cité comme incitant au renouvellement des terminaux, mais cette pratique ne concerne plus, selon l'Arcep , que 22 % des abonnements en 2019, contre la quasi-totalité en 2010.

* 27 https://www.economie.gouv.fr/dgccrf/transaction-avec-le-groupe-apple-pour-pratique-commerciale-trompeuse .

* 28 « L e recours à des techniques par lesquelles le responsable de la mise sur le marché d'un produit vise à en réduire délibérément la durée de vie pour en augmenter le taux de remplacement ».

* 29 Définie aux articles L. 121-4 à L. 121-7 du code de la consommation.

* 30 Le 22 septembre dernier, l'UFC-Que choisir a cependant déposé sa première plainte pour obsolescence programmée contre Nintendo, en ce qui concerne les manettes de la console de jeux vidéo Switch.

* 31 L'article 1 er de la loi n° 2020-1508 du 3 décembre 2020 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière habilite le Gouvernement à transposer les directives 2019/770 relatives à certains aspects concernant les contrats de fourniture de contenus numériques et de services numériques et la directive 2019/771 relative à certains aspects concernant les contrats de vente de biens. À l'occasion de la transposition, le Gouvernement pourra conférer toute leur portée aux dispositions adoptées dans le cadre de la loi « AGEC » (articles L. 217-22 et -23 du code de la consommation) et modifiées par la proposition de loi, en les inscrivant dans le cadre de la garantie de conformité.

* 32 Au-delà de la garantie de conformité, la loi « AGEC » impose à tout fabricant de biens comportant des éléments numériques d'informer les vendeurs de la durée au cours de laquelle les mises à jour des logiciels fournis au moment de l'achat du bien restent compatibles avec un usage normal de l'appareil.

* 33 À l'inverse, la directive semble laisser la place à une interprétation selon laquelle toute mise à jour de sécurité n'est pas une mise à jour nécessaire à la conformité du bien : on peut ainsi penser que des fonctionnalités « premium » de sécurité n'entreraient pas nécessairement dans cette catégorie.

* 34 Comme évoqué dans le rapport de Laurent Duplomb sur le projet de loi Dadue, le Gouvernement envisage, dans le cadre de la transposition de la directive sur les contrats de vente de biens, de dissocier délai de garantie et délai de prescription, pour aligner ce dernier sur le droit commun, à savoir cinq ans à compter de la survenance du dommage. Le délai de garantie prévu pour l'ensemble des biens resterait de deux ans à compter de la délivrance du bien.

* 35 Le considérant 31 de la directive précise en effet que « la période pendant laquelle le consommateur peut raisonnablement s'attendre à recevoir des mises à jour (...) est au moins équivalente à celle durant laquelle le vendeur est responsable pour un défaut de conformité », sauf pour des cas très particuliers (« par exemple en ce qui concerne les biens comportant des éléments numériques dont la finalité est limitée à une certaine période, l'obligation du vendeur de fournir des mises à jour devrait normalement s'éteindre à l'expiration de cette période » .

* 36 Le Cigref a en effet attiré l'attention de la rapporteure sur l'absence de coresponsabilité entre l'éditeur et le constructeur sur un engagement pérenne du couple matériel/logiciel.

* 37 L'écoconception de ces services fait l'objet de 115 bonnes pratiques recommandées par le collectif Green IT.

* 38 Article 47 de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.

* 39 Selon l'étude précitée de Cisco, le trafic internet mondial est constitué à 75 % de vidéo.

* 40 Selon ce même rapport, 55 % du trafic généré en France par les centres de données est issu de data centers établis en dehors de notre pays.

* 41 À la différence des fournisseurs de contenus, les CDN ne sont pas en mesure de gérer le contenu, ils ne devraient donc pas entrer dans le champ d'application de cet article (ils seraient a minima régis par les dispositions relatives aux data centers ).

* 42 Directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000 relative à certains aspects juridiques des services de la société de l'information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur (« directive sur le commerce électronique »).

* 43 Selon le rapport précité du Conseil général de l'économie, la diffusion d'un contenu en ultra haute définition (UHD) génère huit fois plus de données que la diffusion d'un contenu en haute définition (HD). Il soulignait qu'il fallait éviter les situations dans lesquelles on visionne « des vidéos en 4K sur un écran d'un mètre, avec aucune différence visible par rapport à un visionnage HD voire SD ». Néanmoins, il convient de ne pas exagérer l'importance de ce facteur.

* 44 Voir, en particulier, l'analyse publiée par l'Agence internationale de l'énergie sur le sujet. Le récent rapport du Shift project précité précise également que « désactiver l'autoplay n'engendre (...) qu'une économie marginale sur la consommation directe d'énergie ».

* 45 Entre 20 et 40 % des OPEX des opérateurs de réseaux selon le GSMA et jusqu'à 75 % des coûts d'exploitation des data centers selon le livre blanc des indicateurs de performance énergétique et environnementale.

* 46 Il convient cependant de noter que le coût carbone unitaire d'un centre de donnés mutualisé est inférieur à celui d'un équipement individuel.

* 47 Cette empreinte se décompose de la façon suivante : 40 % des émissions est issue de l'utilisation et de la construction de data centers situés en France, 30 % de la construction des équipements qu'ils utilisent et 30 % des data centers situés à l'étranger qui desservent les utilisateurs français.

* 48 Ces 5 % seraient constitués essentiellement (à 44 %) par la phase amont (c'est-à-dire la fabrication et l'importation des équipements et la construction des infrastructures, ainsi que leur fin de vie) et les émissions (à 26 %) des opérateurs hors réseaux (flotte de véhicules, groupes électrogènes...), seuls 30 % de ces 5 % proviendraient de l'utilisation domestique des réseaux.

* 49 Il convient de noter que la consommation énergétique de ces infrastructures dépend en partie des usages auxquelles elles entendent répondre, qui ne sont pas forcément maîtrisés par les acteurs. Les opérateurs de réseaux ne maîtrisent pas les usages du réseau, et les exploitants de data centers indépendants se contentent également de mettre des capacités à la disposition des clients. S'agissant des réseaux télécoms, la consommation énergétique des réseaux fixes dépend à ce jour très peu des usages, contrairement aux réseaux mobiles.

L'empreinte environnementale de ces infrastructures est également liée aux modalités d'installation et de déploiement et aux équipements choisis par leurs exploitants.

* 50 L'article 266 quinquies C du code des douanes applique un tarif intermédiaire de contribution au service public de l'électricité à hauteur de 12 euros par mégawattheure, applicable à la fraction des quantités annuelles excédant un gigawattheure, et lorsque la consommation totale d'électricité du centre est égale ou supérieure à un kilowattheure par euro de valeur ajoutée.

* 51 Un amendement supprimant ce seuil avait été proposé par la rapporteure lors de l'examen du projet de loi de finances, comme contrepartie à l'instauration d'une écoconditionnalité, mais celui-ci avait dû être retiré, faute de compatibilité avec le droit européen.

* 52 Une note de l'Arcep estime que la fibre consomme en moyenne trois fois moins que l'ADSL et quatre fois moins que le réseau téléphonique commuté.

* 53 Article L. 228-25 du code de l'environnement.

* 54 La production de ce bilan tous les quatre ans est obligatoire pour les entreprises de plus de 500 personnes sous peine d'une amende administrative de 1 500 euros.

* 55 Pour le reste des équipements de réseau, comme la note précitée de l'Arcep le soulignait, les opérateurs répercutent la contrainte de l'amélioration de l'efficacité énergétique sur les équipementiers.

* 56 Loi n° 2004-669 du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle. Comme le précise le rapport de la commission, « Votre commission souscrit pleinement à l'ajout de cette référence, dans la mesure où le choix d'attribution des fréquences a des conséquences directes sur les zones de desserte, et donc sur l'aménagement du territoire. Elle relève toutefois que cet ajout doit plutôt figurer dans les conditions d'attribution des fréquences et non dans les motifs de refus d'attribution. C'est pourquoi elle vous proposera, à cet article, de déplacer cette référence ».

* 57 Les conditions listées sont amenées à évoluer à la marge dans le cadre de la transposition du code européen des communications électroniques autorisée par le projet de loi Dadue.

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