II. LA POSITION DE LA COMMISSION DE LA CULTURE : UN ÉLARGISSEMENT DE LA PORTÉE DU TEXTE ET LA RECHERCHE D'UNE PROPORTIONNALITÉ ENTRE MESURES PROPOSÉES ET OBJECTIFS À ATTEINDRE

A. INCLURE DANS LE TEXTE DES DISPOSITIONS RELATIVES À L'ÉCOLE PUBLIQUE ET L'UNIVERSITÉ

1. Lutter contre les contestations croissantes de l'éducation physique et sportive (EPS) pour des motifs religieux

Depuis de nombreuses années, l'école publique est confrontée à une remise en question et une contestation des enseignements qu'elle délivre . Le ministère de l'éducation nationale a ainsi dénombré, lors de l'année scolaire 2018-2019, 783 signalements pour atteinte à la laïcité et 349 signalements d'actes racistes ou antisémites.

Ce chiffre ne reflète toutefois qu'une réalité partielle , dans la mesure où tous les incidents ne sont pas remontés au ministère. Un sondage de l'IFOP 4 ( * ) de janvier 2021 apporte des éléments intéressants sur cette remise en cause des enseignements : 43 % des enseignants déclarent que dans leurs établissements des enseignements font l'objet de contestation et que certains élèves tentent de s'y soustraire. Cette proportion atteint plus de la moitié des enseignants du secondaire public (53 %), un nombre en forte hausse au cours des deux dernières années (+ 7 points).

L'augmentation de ces contestations est particulièrement sensible dans les cours d'EPS. Selon un sondage de l'IFOP, 49 % des contestations ou des volontés d'élèves de se soustraire à l'enseignement concernent l'EPS, proportion en augmentation de 14 points en l'espace de deux ans.

Sur proposition du rapporteur, la commission a souhaité réaffirmer le principe selon lequel nul ne peut se soustraire à l'enseignement physique et sportif pour des motifs autres que médicaux .

Elle souhaite également que la médecine scolaire soit plus rapidement informée en cas de certificat d'inaptitude de pratiques et soit sollicitée en cas de doute sur un certificat médical présenté.

2. Renforcer la formation des enseignants à l'application de la laïcité à l'école publique

Les phénomènes constatés à l'école se contentent de répercuter de manière mécanique ce qui se passe dans la société . Certes, on constate une manifestation de l'islamisme à l'école, mais on observe également cette tendance dans les autres lieux de sociabilisation des jeunes : dans les quartiers, les clubs sportifs, ... La porosité des enfants à des idées séparatistes ne se fait pas uniquement dans le cercle familial. Ce sont également entre eux, et dans l'ensemble de leur vie sociale que les enfants et les jeunes sont perméables à des discours remettant en cause les principes de la République .

Face à ce constat, les enseignants et les chefs d'établissement doivent être outillés et soutenus pour défendre et promouvoir de manière claire les principes de la République et la laïcité. Certes, le ministère a mis en place des cellules « valeurs de la République » dans chaque académie, ainsi qu'un Conseil des sages. Toutefois, la commission s'inquiète régulièrement des faiblesses en matière de formation à la laïcité et à la promotion des principes de la République. Les enseignants sont trop peu formés à la laïcité. Quant à ceux qui le sont, eux-mêmes estiment la formation de mauvaise qualité.

La commission d'enquête du Sénat de 2015, visant à faire revenir la République à l'École 5 ( * ) , pointait déjà comme axe prioritaire la nécessité de mettre en place une vraie formation de transmission des principes de la République, tant au stade de la formation initiale que continue.

C'est la raison pour laquelle, sur proposition du rapporteur, la commission a précisé le contenu des modules de formation relatifs à la laïcité que devront proposer les Inspé.

Outre les principes de la laïcité, les déclinaisons concrètes de la laïcité dans les écoles et les établissements scolaires publics seront abordées.

Enfin, la commission note avec satisfaction la désignation de Jean-Pierre Obin, ancien inspecteur général de l'éducation nationale, et auteur d'un rapport sur le port des signes religieux et ostentatoires dans les établissements en 2004, pour une mission sur la formation des enseignants à la laïcité.

Elle s'étonne toutefois du calendrier de cette nomination , sur un besoin identifié depuis longtemps. Celle-ci est intervenue le jour même où l'Assemblée nationale commençait l'examen des dispositions de ce projet de loi relatives à l'éducation . Alors même que ses futures conclusions auraient pu utilement nourrir les débats sur ce texte . La commission espère que ses recommandations - qu'elle souhaite ambitieuses - seront opérationnelles dès la rentrée 2021 .

3. Conforter le respect des principes de la République à l'université tout en préservant la liberté et les franchises universitaires

La commission s'étonne de l'absence de dispositions relatives au service public de l'enseignement supérieur dans ce texte, alors même que l'exposé des motifs de ce projet de loi évoque « le travail de sape » d'un « entrisme communautarisme, insidieux » qui « concerne de multiples sphères : les quartiers, les services publics et notamment l'école, le tissu associatif, les structures d'exercice du culte. Il s'invite dans le débat public en détournant le sens des mots, des choses, des valeurs et de la mesure ». L'université ne vit pas coupée de la société et, tout comme elle, est confrontée à des remises en cause des principes de la République en son sein.

Tout en réaffirmant la liberté d'enseignement des universités à laquelle elle est particulièrement attachée, la commission, sur la proposition de son rapporteur, a souhaité préciser les conditions dans lesquelles certaines libertés s'y exerçaient, afin de préserver le lieu d'enseignement, de recherche, de débats qu'est l'université .

Il a ainsi été adopté qu' aucune activité cultuelle ne puisse avoir lieu dans un lieu d'enseignement - salle de cours, amphithéâtres ... Les réflexions se poursuivent jusqu'à la séance afin de préciser cette rédaction, y compris au regard du droit local.

Par ailleurs, si la liberté d'information et d'expression des étudiants doivent être garanties, la commission estime que doivent être interdits « les comportements de nature à perturber par des actions de prosélytisme ou de propagande les activités d'enseignement et de recherche, la tenue de conférences ou de débats autorisés par le président d'université ou le directeur de l'établissement, ou de troubler le bon fonctionnement du service public » . Elle a adopté un amendement en ce sens.

Enfin, en raison des interrogations du milieu universitaire à l'occasion des auditions menées par le rapporteur, il a semblé important à la commission de préciser sur proposition de votre rapporteur que la mise à disposition de locaux pour des associations universitaires était soumise, comme pour l'obtention de subventions, à la signature du contrat d'engagement républicain .

Ces dispositions visent à offrir une base légale aux universités dont certaines ont vu leur règlement intérieur contesté devant les juridictions administratives et à outiller les présidents d'université face aux atteintes aux principes de la République.


* 4 Étude Ifop pour la fondation Jean-Jaurès et Charlie Hebdo réalisée par questionnaire auto-administré en ligne du 10 au 17 décembre 2020 auprès d'un échantillon de 801 personnes, représentatif des enseignants des 1 er et 2 e degrés en France métropolitaine.

* 5 Rapport d'information n° 590 de M. Jacques Grosperrin, Faire revenir la République à l'École , session 2014-2015, Sénat.

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