B. LA POSITION DE LA COMMISSION : FAIRE DE L'AUDIOVISUEL PUBLIC LE FER DE LANCE D'UNE PUBLICITÉ PLUS VERTUEUSE POUR L'ENVIRONNEMENT

1. Des interrogations sérieuses sur l'utilité du dispositif proposé

Le recours à l'autorégulation pour encadrer la publicité n'est pas une nouveauté comme l'illustre le dispositif prévu par l'article 1 er de la loi du n° 2016-1771 du 20 décembre 2016 relative à la suppression de la publicité commerciale dans les programmes jeunesse de la télévision publique qui prévoit que le CSA « adresse chaque année au Parlement un rapport évaluant les actions menées par les services de communication audiovisuelle en vue du respect par les émissions publicitaires qui accompagnent les programmes destinés à la jeunesse des objectifs de santé publique et de lutte contre les comportements à risque et formulant des recommandations pour améliorer l'autorégulation du secteur de la publicité ». Outre le fait qu'il a fallu plusieurs années avant que le régulateur se saisisse du sujet, on ne trouve guère trace des recommandations mentionnées dans la loi et aucune donnée objective ne semble démontrer une baisse décisive du nombre des messages publicitaires pour des produits qui nuisent à la santé des enfants.

La loi du 20 décembre 2016 avait cependant eu le mérite de compléter le recours à l'autorégulation sur les médias privés par un principe d'interdiction pour l'audiovisuel public . L'article 2 de la loi prévoit ainsi que « Les programmes des services nationaux de télévision mentionnés au I de l'article 44 destinés prioritairement aux enfants de moins de douze ans ne comportent pas de messages publicitaires autres que des messages génériques pour des biens ou services relatifs à la santé et au développement des enfants ou des campagnes d'intérêt général ». Or l'application de cette interdiction n'a pour sa part posé aucune difficulté et la pérennisation de la chaîne France 4 voulue par la commission de la culture permettra à un large nombre de familles de pouvoir continuer à se tourner vers un média de confiance qui protège la jeunesse face à des communications publicitaires néfastes.

La commission de la culture considère que le recours à l'autorégulation peut être nécessaire lorsque le modèle économique des médias concernés ne peut supporter des interdictions trop nombreuses et immédiates. Mais elle considère que les plateformes ne doivent pas en être exclues c'est pourquoi un amendement COM-784 a élargi le champ d'application de l'article 5 aux services édités par les opérateurs de plateforme en ligne au sens de l'article L. 111-7 du code de la consommation. Par ailleurs, par coordination, les amendements COM-783 et COM-787 ont supprimé les alinéas 6 et 8 de cet article 5 qui n'étaient plus nécessaires, l'amendement COM-785 simplifiant par ailleurs la rédaction de l'alinéa 4.

La commission de la culture a également souhaité compléter le recours à l'autorégulation par une plus grande exemplarité du service public en matière de publicité .

2. Une préoccupation de la commission depuis 2015 : instaurer une « publicité raisonnée » sur le service public de l'audiovisuel

En 2015, deux collègues Jean-Pierre Leleux et André Gattolin, avaient fait une proposition originale concernant la publicité sur le service public dans le cadre d'un rapport conjoint de la commission de la culture et de la commission des finances sur l'avenir du financement de l'audiovisuel public. Partant du constat que le régime actuel était incohérent avec d'une part, une suppression en soirée quand elle est la plus lucrative et, d'autre part, son maintien en journée quand les audiences sont faibles, ils proposaient de « mieux définir les catégories de produits ou de services susceptibles de pouvoir faire l'objet de publicité dans les médias de service public selon leur impact sur l'environnement, l'économie et la santé » 2 ( * ) .

Nos deux collègues constataient déjà en 2015 que : « la publicité joue également un rôle très contestable lorsqu'elle incite à l'hyperconsommation, lorsqu'elle promeut des produits dont une consommation excessive peut avoir des effets négatifs sur la santé et lorsqu'elle vante les mérites de produits ou de comportements qui ont des effets néfastes sur l'environnement. Il existe aujourd'hui une véritable contradiction entre certains messages publicitaires diffusés sur les antennes de France Télévisions et les valeurs qui doivent être portées par le service public et, plus généralement par les autorités publiques, qui devient difficilement compréhensible ».

Cette « publicité raisonnée » pourrait constituer un puissant outil pour promouvoir une certaine exemplarité du service public et définir des perspectives pour les médias privés à défaut de pouvoir leur imposer des objectifs chiffrés à court terme.

La commission a ainsi adopté un amendement COM-786 qui prévoit de compléter l'article 5 afin de prévoir qu'un code de bonne conduite dédié à France Télévisions, Radio France et France Médias Monde organise, d'ici le 1 er janvier 2023, la disparition des communications commerciales promouvant des produits ayant un impact négatif sur l'environnement dès lors que des produits ou services ayant un effet moindre sur l'environnement sont disponibles . Le recours à un code de bonne conduite plutôt qu'à une interdiction générale doit permettre au CSA d'interdire à partir du 1 er janvier 2023 la publicité sur les seuls produits ou services qui ne sont plus incontournables 3 ( * ) . La publicité pour des produits ou services non vertueux resterait possible après 2023 tant qu'un produit ou service alternatif ne deviendrait pas disponible.

Un tel dispositif apparaît particulièrement vertueux puisqu'il devrait inciter les industriels à innover pour conquérir de nouveaux marchés de produits responsables.

Les ressources publicitaires représentant environ 10 % des ressources de France Télévisions et Radio France, il n'y a pas de risque que l'interdiction de la publicité pour certains produits ait un impact significatif sur les ressources de ces entreprises publiques.


* 2 https://www.senat.fr/rap/r14-709/r14-70911.html#toc258

* 3 La publicité pour les voitures à moteur thermique deviendrait ainsi impossible sur les chaînes publiques à compter de janvier 2023.

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