RÈGLES RELATIVES À L'APPLICATION DE L'ARTICLE 45
DE LA CONSTITUTION ET DE L'ARTICLE 44 BIS
DU RÈGLEMENT DU SÉNAT (« CAVALIERS »)

Si le premier alinéa de l'article 45 de la Constitution, depuis la révision du 23 juillet 2008, dispose que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis », le Conseil constitutionnel estime que cette mention a eu pour effet de consolider, dans la Constitution, sa jurisprudence antérieure, reposant en particulier sur « la nécessité pour un amendement de ne pas être dépourvu de tout lien avec l'objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie » 456 ( * ) .

De jurisprudence constante et en dépit de la mention du texte «?transmis?» dans la Constitution, le Conseil constitutionnel apprécie ainsi l'existence du lien par rapport au contenu précis des dispositions du texte initial, déposé sur le bureau de la première assemblée saisie 457 ( * ) . Pour les lois ordinaires, le seul critère d'analyse est le lien matériel entre le texte initial et l'amendement, la modification de l'intitulé au cours de la navette restant sans effet sur la présence de «?cavaliers?» dans le texte 458 ( * ) . Pour les lois organiques, le Conseil constitutionnel ajoute un second critère : il considère comme un «?cavalier?» toute disposition organique prise sur un fondement constitutionnel différent de celui sur lequel a été pris le texte initial 459 ( * ) .

En application des articles 17 bis et 44 bis du Règlement du Sénat, il revient à la commission saisie au fond de se prononcer sur les irrecevabilités résultant de l'article 45 de la Constitution, étant précisé que le Conseil constitutionnel les soulève d'office lorsqu'il est saisi d'un texte de loi avant sa promulgation.

En application du vademecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des Présidents, la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, compétente au fond, a arrêté, lors de sa réunion du mercredi 2 juin 2021, le périmètre indicatif du projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, déposé sur le Bureau du Sénat le 5 février 2020.

Elle a considéré que ce périmètre incluait des dispositions relatives :

• À l'information relative à l'impact environnemental des biens et services, notamment numériques, et au respect de critères sociaux ;

• À l'éducation et la sensibilisation au développement durable, au dérèglement climatique et à ses effets ;

• À l'encadrement et la régulation environnementale de la publicité ;

• Aux règles de publicité applicables aux énergies, notamment fossiles ;

• À la lutte contre les pratiques incitant à la surconsommation et au gaspillage ;

• À la limitation des emballages à usage unique par le développement de solutions de réutilisation et de réemploi et par le développement de la vente en vrac ;

• À la facilitation et l'incitation à la réparation et au réemploi des biens de consommation ;

• À l'intégration des considérations environnementales dans la recherche ;

• À l'intégration des considérations environnementales dans la commande publique ;

• À l'intégration des considérations environnementales dans le dialogue social ;

• À l'intégration des considérations environnementales dans la formation ;

• À la mise en oeuvre et l'application de la Stratégie nationale bas carbone et au pilotage de la politique nationale de réduction de l'empreinte carbone ;

• À la protection des écosystèmes aquatiques et marins ;

• À la protection des écosystèmes terrestres face aux activités économiques ;

• À la planification énergétique ou climatique, y compris en matière de recherche, et aux instances y concourant ;

• À la réforme du code minier et aux évolutions de la politique, des instances, des autorisations, des procédures, de la responsabilité, des dommages, de la police, du contentieux ou des redevances minières ;

• À la lutte contre l'orpaillage illégal en Guyane ;

• À l'évolution du mix énergétique et à sa décarbonation ;

• À l'utilisation des énergies ou des vecteurs énergétiques renouvelables ou bas carbone et aux dispositions afférentes à leurs objectifs, instances, autorités organisatrices, production, consommation, stockage, dispositifs de soutien budgétaires, extra-budgétaires ou fiscaux, distribution, transport, implantation, au titre pour cette dernière du code de l'urbanisme ou du code de la construction et de l'habitation ;

• Aux opérations d'autoconsommation individuelle ou collective, aux communautés d'énergie renouvelable et aux communautés énergétiques citoyennes, et à leur régulation ;

• À la ratification d'ordonnances sur les centrales à charbon et le «?Paquet d'hiver?» européen issues de la loi «?Énergie-Climat?», et aux dispositions liées à leur ajustement ;

• À la promotion des alternatives à l'automobile et du report modal pour les déplacements individuels et la réduction des émissions associées à l'automobile ;

• À la programmation, à l'accompagnement et à l'incitation à la réduction des émissions du transport de marchandises ;

• À la limitation des émissions du transport aérien et du système aéroportuaire et à l'amélioration de l'intermodalité entre le train et l'avion ;

• À l'efficacité énergétique et aux matériaux, équipements ou modes de construction, de rénovation ou de gestion y concourant ;

• Aux opérations d'économies d'énergie, aux certificats d'économies d'énergie (C2E) et à la lutte contre la fraude liée ;

• Aux mesures relatives à la pollution de l'air induite par les énergies, notamment le chauffage au bois ;

• À la politique de rénovation énergétique dans le secteur du bâtiment et à l'information du Parlement par le Gouvernement sur sa mise en oeuvre ;

• À la définition de la rénovation énergétique performante et aux objectifs de la «?loi quinquennale?» liés à la rénovation énergétique ;

• Aux compétences, à l'organisation et au financement du service public de la performance énergétique de l'habitat, notamment dans sa mission d'accompagnement des ménages, ainsi qu'aux missions et à l'organisation de l'Agence nationale de l'habitat ;

• Aux compétences des collectivités locales pour faciliter, inciter, accélérer la rénovation énergétique des bâtiments et aux critères de l'autorisation de mise en location ;

• Aux régimes de police administrative, aux sanctions pénales et aux attestations relatives au contrôle du respect des règles de construction ;

• Aux documents relatifs à la performance énergétique des logements et aux conséquences qui peuvent en être tirées en termes d'information, d'obligations, de financements et de sanctions, notamment en vue de leur rénovation et dans le cadre de leur mise en vente ou en location ;

• Au calcul du loyer des logements classés F et G, selon le diagnostic de performance énergétique (DPE) ;

• À la définition du logement indécent en fonction de la performance énergétique et à la diffusion des données de performance énergétique des logements pour lutter contre la précarité énergétique et le logement indigne ;

• Aux principes régissant, dans les immeubles en copropriété, le diagnostic technique global, le plan pluriannuel de travaux et le fonds de travaux ;

• À la définition des sols artificialisés et à la mesure de l'artificialisation ;

• À la fixation d'objectifs nationaux ou infranationaux en matière d'artificialisation des sols ou d'encadrement de la consommation d'espace ;

• À la définition de politiques relatives à l'artificialisation des sols, comprenant la densification, la renaturation, le développement de la nature en ville et le renouvellement urbain ;

• À l'évolution des SCoT, SRADDET, PLH, PLU et cartes communales -- tant leur structure, leur contenu et leurs outils que leur procédure d'élaboration, d'évolution ou d'évaluation -- afin d'améliorer la prise en compte des enjeux de protection des sols et des espaces ;

• Aux incitations et simplifications au bénéfice des opérations d'aménagement, de construction ou de réhabilitation vertueuses au regard de l'artificialisation des sols ;

• À la facilitation de l'identification, de l'optimisation, du réemploi ou de la renaturation de foncier déjà artificialisé inutilisé ;

• À la conception durable des bâtiments et à leur évolution dans la durée ;

• À l'artificialisation des sols engendrée par des projets commerciaux et logistiques et à leur prise en compte au sein des documents d'urbanisme ;

• À la résilience des écosystèmes naturels, notamment aquatiques ou forestiers ;

• À l'adaptation et à la recomposition urbaine des territoires face au réchauffement climatique et aux événements climatiques exceptionnels ;

• À l'optimisation de la captation et de la séquestration de carbone par la forêt, les sols forestiers et les prélèvements de bois ;

• À la maîtrise et la réduction de l'empreinte carbone et de la pollution atmosphérique du secteur agricole et de notre alimentation, notamment s'agissant des habitudes alimentaires ;

• Aux mesures favorisant l'accès à des denrées alimentaires respectant certaines démarches vertueuses du point de vue environnemental et social en veillant à la bonne accessibilité de celles-ci aux plus précaires, notamment en restauration collective, et, partant, aux règles s'appliquant dans les services de restauration collective ;

• Aux objectifs de la politique agricole et alimentaire déclinables dans des stratégies mettant en oeuvre ces objectifs, au niveau national ou dans la stratégie française dans le cadre de la politique agricole commune, à la déclinaison opérationnelle de ces stratégies, et à la bonne articulation entre les objectifs et les différentes stratégies ainsi définies ;

• Au renforcement de la résilience de nos systèmes alimentaires territoriaux face au dérèglement climatique ;

• À la lutte contre la déforestation importée ;

• À la transparence de l'information du consommateur sur les denrées alimentaires par le biais des informations alimentaires inscrites sur les étiquetages, notamment par le biais de mesures réglementant ou favorisant le recours aux labels ;

• À la protection judiciaire de l'environnement et des milieux, ainsi qu'à la répression et aux sanctions aux atteintes du droit de l'environnement ;

• À l'évaluation environnementale des politiques publiques et des projets de loi.

En revanche, la commission a estimé que ne présentaient pas de lien, même indirect, avec le texte déposé , les amendements relatifs :

• Au tri à la source des biodéchets ;

• Aux informations relatives au compostage et à la biodégradabilité d'un produit ;

• Aux installations de tri mécano biologique ;

• À l'autorisation ou à l'interdiction de l'apposition d'étiquettes sur les fruits et légumes, ainsi qu'à leur caractéristique ;

• À l'impact environnemental direct des vidéos, des services de communication audiovisuelle, des réseaux de communication électronique et des centres de données ;

• Aux filières de responsabilité élargie du producteur, dès lors qu'elles n'ont aucun lien avec le développement du réemploi, de la réutilisation, de la réparation ou avec la sanction des atteintes au droit de l'environnement ;

• À l'interdiction de certaines matières d'emballage, en particulier les matières plastiques ;

• À la taxe générale sur les activités polluantes ;

• Au financement de la résorption des dépôts sauvages, dès lors que les dispositions proposées sont sans lien avec la répression ou la sanction des atteintes au droit de l'environnement ;

• Au domaine agricole et alimentaire n'ayant pas de lien avec la maîtrise et la réduction de l'empreinte carbone du secteur agricole et de notre alimentation, avec les mesures favorisant une alimentation respectant certaines démarches vertueuses, aux objectifs de la politique agricole et alimentaire déclinable dans des stratégies ou des plans nationaux ou à la bonne information du consommateur par les étiquetages, notamment les labels ;

• Aux mesures visant à régir les contrôles sur les denrées alimentaires importées ;

• Au régime général de la participation du public s'agissant d'activités pouvant occasionner des effets pour la santé de l'homme et l'environnement, notamment l'exploitation des sites d'élimination ou de stockage de déchets ou des installations classées pour la protection de l'environnement ou de la mise en oeuvre des projets faisant l'objet d'une évaluation environnementale, dès lors que les dispositions proposées sont sans lien avec la prévention des atteintes à l'environnement et à la protection des écosystèmes ;

• Aux règles relatives à l'implantation des éoliennes par rapport aux habitations au titre du code de l'environnement ;

• Aux dérogations à la loi «?Montagne?» ou la loi «?Littoral?», dès lors qu'elles sont sans lien avec l'adaptation face au dérèglement climatique ;

• À la qualification de terrain d'agrément ou de loisir ;

• Au régime des biens sans maître ;

• Aux dispositions relatives aux obligations réelles environnementales ;

• Au classement des cours d'eau sur le fondement du code de l'environnement ;

• À la possibilité pour Île-de-France Mobilités de percevoir directement les recettes publicitaires générées par la valorisation des biens immobiliers et mobiliers qui lui appartiennent ou lui sont confiés ;

• Aux acquisitions et ventes immobilières, dès lors qu'elles sont sans lien avec les caractéristiques du bâti ou sa performance énergétique ;

• À la composition des comités de bassin ;

• Aux modalités d'installation des compteurs communicants dans les réseaux d'électricité ou de gaz ;

• À la forêt dès lors que la mesure n'a pas pour but de renforcer la résilience des écosystèmes forestiers ou son rôle de puits de carbone ;

• Aux règles de caducité de l'exploitation commerciale des locaux inoccupés.


* 456 Cf. commentaire de la décision n° 2010-617 DC du 9 novembre 2010 -- Loi portant réforme des retraites.

* 457 Cf. par exemple les décisions n° 2015-719 DC du 13 août 2015 - Loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne et n° 2016-738 DC du 10 novembre 2016 - Loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias.

* 458 Décision n° 2007-546 DC du 25 janvier 2007 - Loi ratifiant l'ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation de titres et de l'exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique.

* 459 Décision n° 2020-802 DC du 30 juillet 2020 - Loi organique portant report de l'élection de six sénateurs représentant les Français établis hors de France et des élections partielles pour les députés et les sénateurs représentant les Français établis hors de France.

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