B. LES PROPOSITIONS DE LA COMMISSION

1. Renverser la logique de l'article en faisant porter sur les services émetteurs ou leurs services héritiers la charge d'apporter la preuve de l'incommunicabilité

Compte tenu de ces observations, la commission de la culture a adopté un amendement remplaçant, pour ces quatre catégories de dérogations, les délais glissants applicables une fois passé le délai de cinquante ans par un délai plafond de soixante-quinze ans ( COM-113 ). Consciente que ce délai de soixante-quinze ans pourrait néanmoins se révéler insuffisant pour la bonne protection de certains secrets, elle a choisi d'inverser la logique retenue jusqu'ici par l'article 19 en faisant porter sur le service producteur du document le soin d'identifier les documents qui nécessiteraient encore, au-delà du délai de soixante-quinze ans, de ne pas être divulgués . Seuls ces documents, dont le nombre serait nécessairement réduit, pourraient bénéficier d'une protection complémentaire valable pour une période de dix ans renouvelable autant de fois que nécessaire. La prolongation du délai de communicabilité serait accordée par le service interministériel des archives de France pour garantir une unité de la politique de communication en matière d'archives, après avis, en ce qui concerne les documents classifiés, de la Commission du secret de la défense nationale (CSDN). L'intervention de cette autorité devrait permettre d'apprécier la persistance de l'intérêt à protéger.

La fixation d'un délai plafond supérieur au délai de cinquante ans, combinée avec l'autorisation ponctuelle, dûment justifiée, de prolonger le délai de communicabilité de certains documents désignés à cet effet permet de mieux concilier le principe de libre communicabilité des archives publiques et la protection des secrets de la défense nationale .

La commission de la culture estime que ce système est plus lisible et plus simple à appliquer , puisqu'il ne concernera, au-delà de soixante-quinze ans, que des actes nommément désignés. Il devrait donc offrir aux citoyens des délais de communicabilité plus sûrs et favoriser une plus grande ouverture des archives publiques . La décision de prolongation du délai de communicabilité constituera par ailleurs un acte positif de l'administration, le Conseil d'État s'étant montré soucieux, dans son avis au sujet de cet article du projet de loi, que la loi assure la mise en oeuvre du principe de légalité des délits et des peines, dans la mesure où « la méconnaissance des dispositions en cause est pénalement sanctionnée ».

La commission de la culture considère qu'en octroyant aux administrations la possibilité de prolonger l'incommunicabilité de leurs documents de cinquante à soixante-quinze ans, soit vingt-cinq ans de protection supplémentaires, celles-ci disposeront de tout le temps nécessaire pour se pencher sur leurs archives et déterminer correctement celles qui, en leur sein, nécessitent véritablement une protection plus longue.

Cette formule, plus pragmatique, est proche de celle retenue aux États-Unis , connus à la fois pour leur libéralisme et leur souci de protéger les secrets de la défense nationale. Les archives y sont systématiquement communicables au-delà d'un délai de trente ans, sauf en ce qui concerne les documents intéressant la protection des intérêts supérieurs du pays (sûreté de l'État, défense nationale), pour lesquels les instances gouvernementales ont la possibilité de désigner parmi leurs archives les documents nécessitant de pas être divulgués : ils sont alors classifiés et ne deviennent communicables qu'une fois la classification levée.

2. Donner aux historiens davantage de visibilité sur les délais de communicabilité face à la multiplication des délais spéciaux et à leur complexité croissante.

Après avoir constaté le manque d'homogénéité des pratiques des services d'archives concernant leur communication sur les délais de communicabilité et dans un souci d'encourager la recherche historique, la commission de la culture a également adopté un amendement ( COM-114 ) exigeant que les services d'archives informent leurs usagers des délais de communicabilité applicables à chacune des pièces d'archives qu'ils conservent . Les services d'archives disposent de cette information, mais celle-ci n'est pas toujours accessible.

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Au-delà des questions traitées par cet article, la commission de la culture estime qu'il serait bon que le ministère de la culture relance une réflexion autour des modalités de consultation anticipée des archives publiques par les chercheurs et identifie les fonds d'archives susceptibles de faire l'objet d'une ouverture anticipée , tant ces questions semblent essentielles pour l'exigence d'information, de mémoire et d'histoire qui constituent les bases du débat démocratique. Le versement régulier des archives des services producteurs et le récolement de ces archives lui semblent également devoir faire partie des priorités, au regard des pratiques disparates de l'administration en la matière.

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La commission a émis un avis favorable à l'adoption de l'article 19 dont elle s'est saisie pour avis, sous réserve de l'adoption des amendements qu'elle a ainsi adoptés.

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