Avis n° 166 (2021-2022) de M. Alain DUFFOURG , fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 18 novembre 2021

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N° 166

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2021-2022

Enregistré à la Présidence du Sénat le 18 novembre 2021

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des affaires sociales (1) sur le projet de loi
de finances , adopté par l'Assemblée nationale, pour 2022 ,

TOME II

COHÉSION DES TERRITOIRES

Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables

Par M. Alain DUFFOURG,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : Mme Catherine Deroche , présidente ; Mme Élisabeth Doineau , rapporteure générale ; M. Philippe Mouiller, Mme Chantal Deseyne, MM. Alain Milon, Bernard Jomier, Mme Monique Lubin, MM. Olivier Henno, Martin Lévrier, Mmes Laurence Cohen, Véronique Guillotin, M. Daniel Chasseing, Mme Raymonde Poncet Monge , vice-présidents ; Mmes Florence Lassarade, Frédérique Puissat, M. Jean Sol, Mmes Corinne Féret, Jocelyne Guidez , secrétaires ; Mme Cathy Apourceau-Poly, M. Stéphane Artano, Mme Christine Bonfanti-Dossat, MM. Bernard Bonne, Laurent Burgoa, Jean-Noël Cardoux, Mmes Catherine Conconne, Annie Delmont-Koropoulis, Brigitte Devésa, MM. Alain Duffourg, Jean-Luc Fichet, Mmes Laurence Garnier, Frédérique Gerbaud, Pascale Gruny, M. Xavier Iacovelli, Mmes Corinne Imbert, Annick Jacquemet, Victoire Jasmin, Annie Le Houerou, M. Olivier Léonhardt, Mmes Viviane Malet, Colette Mélot, Michelle Meunier, Brigitte Micouleau, Annick Petrus, Émilienne Poumirol, Catherine Procaccia, Marie-Pierre Richer, Laurence Rossignol, M. René-Paul Savary, Mme Nadia Sollogoub, MM. Dominique Théophile, Jean-Marie Vanlerenberghe .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) : 4482 , 4502 , 4524 , 4525, 4526 , 4527 , 4597 , 4598 , 4601 , 4614 et T.A. 687

Sénat : 162 et 163 à 169 (2021-2022)

Réunie le 17 novembre 2021, la commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables » de la mission « Cohésion des territoires ».

Ce programme finance la politique publique de lutte contre le sans-abrisme et d'insertion dans le logement des personnes vulnérables . 98,5 % de ses crédits sont orientés vers le parc d'hébergement et de logement adapté et la politique de veille sociale y afférant. Le solde permet de financer des actions de prévention de l'exclusion et de pilotage d'une politique publique mise en oeuvre quasi exclusivement par des associations.

I. LES CONSÉQUENCES DE LA CRISE SANITAIRE EN 2021 POUR LE PARC D'HÉBERGEMENT ET DU LOGEMENT ADAPTÉ

Après le paroxysme de la crise sanitaire en 2020 et les réponses apportées dans l'urgence 1 ( * ) , des effets d'hystérèse sont encore bien perceptibles sur le parc d'hébergement et le développement du logement adapté .

A. UN NOMBRE INÉDIT DE PLACES D'HÉBERGEMENT À LA QUALITÉ VARIABLE

1. Le parc d'hébergement généraliste a atteint un niveau inégalé

L'hébergement d'urgence permet l'accueil inconditionnel et immédiat des personnes à la rue aux termes de l'article L. 345-2-2 du code de l'action sociale et des familles : « toute personne sans abri en situation de détresse médicale, psychique ou sociale a accès, à tout moment, à un dispositif d'hébergement d'urgence ».

Le parc d'hébergement généraliste a atteint un niveau inégalé de plus de 203 000 places en mars 2021 pour faire face à la crise sanitaire soit une augmentation de 40 000 places et de 25 % par rapport à fin février 2020. Alors que la fin de la période hivernale entraîne une fermeture de places chaque année, une instruction ministérielle du 26 mai 2021 2 ( * ) prévoit le maintien du parc au seuil de 200 000 places jusqu'au 31 mars 2022.

Les places ouvertes se répartissent entre centres d'hébergement d'urgence (CHU), hôtels ou centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) . Les CHRS mettent principalement à disposition des places d'hébergement de stabilisation et d'insertion afin d'accueillir les personnes de manière plus pérenne et de les accompagner pour qu'elles recouvrent leur autonomie sociale.

Répartition des places du parc d'hébergement généraliste au 1 er juin 2021

Source : Commission des affaires sociales du Sénat d'après le PAP 2022

En dépit de son volume historique, le parc d'hébergement connaît toujours des tensions . Les indicateurs de performance du projet annuel de performance (PAP) indiquent en 2020 un taux de réponses positives aux demandeurs d'hébergement de 42,1 % 3 ( * ) . En outre, l'effort quantitatif du parc d'hébergement ne doit pas occulter la qualité des places ouvertes, majoritairement des nuitées hôtelières .

2. Le recours accru à l'hôtel depuis la crise sanitaire

Si l'hébergement à l'hôtel a connu une progression constante depuis une décennie (+ 265 % sur la période 2010-2019), cette tendance a pris une tournure sans précédent avec la pandémie. Le besoin supplémentaire d'hébergement d'urgence a été principalement comblé par l'ouverture de places en hôtel rendue possible par la sous-utilisation des capacités hôtelières. En un an, le nombre de places a augmenté de 46 %.

Évolution du nombre de nuitées hôtelières

Source : Commission des affaires sociales du Sénat d'après les réponses au questionnaire budgétaire

L'accueil en hôtel propose des conditions de vie et d'accompagnement qui ne sont pas satisfaisantes, ne permettent pas aux personnes de recouvrer leur autonomie (manque d'accompagnement social, établissements en périphérie des villes, absence de cuisine, de connexion à un réseau wifi ...) et se prolonge en outre pour une période qui n'est pas appropriée.

L'instruction ministérielle du 21 mai 2021 prévoit dès lors la transformation qualitative de 7 000 places d'hôtel en places d'hébergement en structures plus durables (CHU, CHRS) en 2021. Depuis 2016, des anciens hôtels sont également convertis en résidences hôtelières à vocation sociale aux meilleures conditions d'accueil.

B. LE DÉVELOPPEMENT DU LOGEMENT ADAPTÉ À L'ÉPREUVE DE LA CRISE

Le terme de logement adapté recouvre les dispositifs comme les maisons-relais ou les pensions de famille permettant un accueil, sans limitation de durée, dans des structures de petite taille gérées par un hôte rémunéré, l' intermédiation locative (IML) pour laquelle une aide est versée à un organisme de logement social ou une association qui, en retour, sous-loue aux personnes un logement à un tarif social ou enfin les résidences sociales soutenues financièrement par l'aide à la gestion locative sociale ( AGLS ).

Le plan quinquennal 2018-2022 pour le « Logement d'abord » définit la stratégie prioritaire de transformation structurelle de la politique publique. Il entend développer les modes de logement adapté avec un accompagnement social renforcé afin d'orienter en priorité les personnes sans-abri ou mal logées vers ces dispositifs. Le « logement d'abord » fait donc le choix de mettre fin au parcours d'insertion par étape : accueil en CHU ou à l'hôtel, en CHRS puis seulement en logement adapté. Les objectifs assignés au plan sont de créer 10 000 places en pensions de famille et 40 000 places supplémentaires en IML sur cinq ans.

La crise sanitaire a eu des effets contrastés sur le développement du logement adapté. La création de places en pensions de famille a largement été retardée. Fin septembre 2021, seules 5 353 places ont été ouvertes depuis début 2017 soit un objectif atteint à 53 % à un an de l'échéance. Pour les places en IML en revanche, l'objectif a été rehaussé à 43 000 places en 2020 et se trouve rempli à 71 % avec 30 500 places ouvertes depuis début 2018.

II. DES EFFORTS BUDGÉTAIRES HISTORIQUES POUR 2022

A. L'ESPOIR DE METTRE FIN À LA SOUS-BUDGÉTISATION

1. Une sous-budgétisation constante jusqu'en 2021

La politique de lutte contre le sans-abrisme pâtit d'une sous-budgétisation régulière s'élevant chaque année à plusieurs centaines de millions d'euros. Cette situation n'est pas seulement induite par les aléas de la demande de mise à l'abri. Les crédits budgétisés en loi de finances initiale (LFI) sont constamment inférieurs à la prévision d'exécution de l'année en cours (voir tableau infra ) alors que l'évolution de certains déterminants de la dépense est prévisible.

Écarts entre crédits du programme 177 ouverts en LFI
et exécutés (2019-2021)

(en millions d'euros, en CP)

Écart
en montant

Écart en %

LFI 2019

1 891 M€

+ 225 M€

+ 11,9 %

Exécution 2019

2 116 M€

LFI 2020

1 991 M€

+ 443 M€

+ 22,3 %

Exécution 2020

2 434 M€

LFI 2021

2 200 M€

+ 709 M€

+ 32,2 %

Prévision d'exécution 2021

2 909 M€

PLF 2022

2 678 M€

-

-

Source : Commission des affaires sociales du Sénat d'après les annexes budgétaires aux lois de finances

Ainsi, en 2021, la consommation effective de crédits serait supérieure de 709 millions d'euros à la budgétisation en LFI. La loi de finances rectificative du 19 juillet 2021 4 ( * ) a notamment ouvert 700 M€ de crédits dont 544 M€ sont destinés au financement du maintien jusqu'à la fin de l'année des places exceptionnellement ouvertes depuis mars 2020.

2. Une hausse historique des crédits pour le PLF 2022

Les crédits demandés par le projet de loi de finances pour 2022 par rapport à la LFI pour 2021 sont en hausse de 21,7 % (en CP) et de 24 % en neutralisant les transferts à d'autres programmes. L'effort budgétaire s'établit ainsi à 477,5 millions d'euros (en CP). Cette hausse inédite a été saluée par les acteurs de l'hébergement et du logement entendus par le rapporteur. Il convient toutefois de souligner que le montant de crédits ouverts pour 2022 resterait légèrement inférieur à la prévision d'exécution pour 2021 .

(en euros)

LFI 2021

PLF 2022

Évolution
(à périmètre
constant de
2022)

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Action 11
Prévention
de l'exclusion

52 361 191

31 771 000

+ 40 %

Action 12
Hébergement et logement adapté

2 113 024 919

2 138 506 152

2 744 897 000

2 636 597 000

+ 30 %

+ 23 %

Action 14
Conduite
et animation
des politiques

9 132 656

9 132 000

0 %

Total

2 174 256 110

2 200 000 000

2 785 800 000

2 677 500 000

+ 30 %

+ 24 %

Source : Commission des affaires sociales du Sénat d'après le PAP 2022 et les réponses au questionnaire budgétaire

M. Sylvain Mathieu, délégué interministériel pour l'hébergement et l'accès au logement, a confirmé au rapporteur l'objectif que, pour la première fois, aucun collectif budgétaire n'abonde le programme 177 en cours d'année . L'instruction du 26 mai 2021 avertit ainsi les préfets de département : « aucun dépassement de l'enveloppe maximale notifiée ne pourra être réalisé et donner lieu à des demandes de crédits complémentaires en fin de gestion ».

Le rapporteur ne peut que saluer cette démarche que vient compléter la mise en place d'une programmation pluriannuelle du parc d'hébergement et de logement (voir infra ).

La sincérité budgétaire du programme n° 177 doit contribuer à sortir d'une « gestion au thermomètre ».

B. UNE RÉPARTITION DES CRÉDITS PRINCIPALEMENT CIBLÉE SUR L'HÉBERGEMENT D'URGENCE

1. Les changements affectant l'action n° 11 « Prévention de l'exclusion »

L'action n° 11 « Prévention de l'exclusion » connaîtrait un changement de périmètre en 2022. Les dépenses d'allocation ou d'aide sociale (34 M€) seraient transférées au programme 304 « Inclusion sociale et protection des personnes » piloté par la direction générale de la cohésion sociale (DGCS). Il s'agit principalement de prestations en faveur des personnes sans domicile fixe âgées ou en situation de handicap notamment pour la prise en charge de leurs frais de séjour en établissements sociaux ou médico-sociaux (ESMS).

À compter du 1 er janvier 2022, 1,5 M€ du programme 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat » seraient transférés au programme 177 afin d'unifier sous la délégation interministérielle à l'hébergement et à l'accès au logement (Dihal) le pilotage et la gestion de la politique de résorption des occupations illicites et des bidonvilles (8 M€).

Une part de l'action 11 (15,2 M€) finance également le fonctionnement des aires d'accueil des gens du voyage à travers l'allocation de logement temporaire 2 (« ALT2 »).

2. La quasi-exclusivité des crédits à destination de l'action n° 12
a) La politique de veille sociale

La politique de veille sociale vise à établir le premier contact avec les personnes sans-abri grâce aux maraudes, à proposer un premier accueil, à recueillir leurs besoins et à les orienter. Dans chaque département, un service intégré d'accueil et d'orientation (SIAO) , plateforme d'accueil et de coordination, est chargé de recenser les places d'hébergement et les logements, de gérer le numéro téléphonique « 115 » et de suivre le parcours des personnes concernées. La veille sociale comprend aussi les dispositifs d'accueil de jour ou de halte de nuit offrant aux personnes à la rue des prestations de mise à l'abri, d'aide à l'orientation, des services repas et d'hygiène.

Les crédits proposés dans le PLF 2022 présentent une hausse de 8 % par rapport à la LFI pour 2021 pour s'établir à 179,9 M€ .

Le système d'information des SIAO (SI-SIAO) a fait l'objet d'une refonte en septembre 2020. Il présente toutefois d'importants dysfonctionnements qui emportent une incidence sur toute la chaîne de l'hébergement et doivent être compensés par les efforts des parties prenantes à mettre en oeuvre une coordination accrue sur le terrain.

L'État a mandaté un prestataire afin de mener un audit du SI-SIAO en avril 2021, lequel a conclu que le socle technique du système permettait l'exploitation souhaitée mais que la prise en considération des besoins des utilisateurs avait été insuffisante. Dès lors, l'État a fait le choix de conserver ce système et de travailler à son amélioration progressive.

Cette remise à niveau du SI-SIAO devra permettre un suivi d'activités et une production statistique impossible aujourd'hui. Le rapporteur insiste plus généralement sur l'importance d'améliorer l'observation sociale. La dernière enquête de l'Insee sur le sans-abrisme remonte à 2012 et avait révélé que 143 000 personnes étaient sans domicile fixe. Le manque d'information statistique récente sur le nombre de personnes à la rue est un frein au bon pilotage de la politique publique. Des initiatives locales tentent de pallier ce défaut d'information comme les Nuits de la Solidarité à Paris qui ont recensé 2 829 personnes la nuit du 25 au 26 mars 2021.

b) Les dispositifs d'hébergement

Le PLF pour 2022 prévoit une enveloppe de 1,33 Md€ (en CP) pour l'hébergement d'urgence, soit une augmentation de 436,1 M€ (+ 49 %) par rapport à la loi de finances initiale pour 2021. L'hébergement d'urgence est le principal destinataire de la hausse.

De 2012 à 2022, l'augmentation des crédits destinés à l'hébergement d'urgence serait de 335 %.

Crédits destinés à l'hébergement d'urgence

(en millions d'euros)

Source : Commission des affaires sociales du Sénat d'après les réponses au questionnaire budgétaire du rapporteur

Les crédits du PLF 2022 permettront de maintenir le niveau de 200 000 places ouvertes jusqu'au 31 mars 2022 puis d'amorcer une décroissance progressive pour atteindre un total de 190 000 places fin 2022.

La décrue programmée de 10 000 places d'hébergement d'urgence suppose toutefois que des places alternatives en logement adapté soient créées au moins dans les mêmes proportions.

Les CHRS bénéficient d'une légère hausse par rapport aux crédits inscrits en LFI pour 2021. Elle tient compte notamment de la convergence tarifaire des CHRS prévue par la loi ELAN 5 ( * ) dont l'objectif d'économie annuelle est de 5,1 M€. L'année 2021 marque en effet la reprise du plafonnement des tarifs 6 ( * ) , suspendu par la crise sanitaire.

LFI 2021

PLF 2022

Évolution
en montant

Évolution
en proportion

CHRS

648 200 000 €

661 300 000 €

13 100 000 €

2,0 %

Source : Commission des affaires sociales d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Cette convergence tarifaire serait accompagnée en 2022 de la campagne de contractualisation, retardée par la pandémie, entre les services déconcentrés de l'État et les gestionnaires. La conclusion des contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens (CPOM) doit permettre d'améliorer la régulation des dépenses mais aussi de mener la transformation qualitative de l'offre d'hébergement par une conversion facilitée des places d'hébergement d'urgence de qualité insatisfaisante (CHU ou nuitées hôtelières) en places sous statut CHRS, avec un suivi des personnes accueillies plus régulier et de meilleure qualité 7 ( * ) . Au 31 décembre 2020, 18 % seulement des structures gestionnaires des CHRS avaient conclu un CPOM avec l'État. La démarche de contractualisation ne parviendra donc pas à s'achever avant le 1 er janvier 2023 comme le prévoyait la loi ELAN.

Une réforme de la tarification des places en CHRS est également en cours afin de mieux prendre en compte les coûts des structures et l'accompagnement social proposé. Les nouveaux tarifs ne s'appliqueraient qu'à compter de 2023.

c) Le développement du logement adapté

Les crédits destinés à l'offre de logement adapté, 467,9 M€, sont en hausse de 8,2 % . Ces montants doivent financer la poursuite du « Logement d'abord » par la création de 2 000 places en pensions de famille en 2022 et 8 000 places d'IML ainsi que la revalorisation adoptée en LFI pour 2021 de 16 € à 18 € par place du forfait journalier accordé aux hôtes des pensions de famille.

(en millions d'euros)

LFI 2021

PLF 2022

Évolution

Développement des modes de logement adapté

432,4

467,9

35,5

+ 8,2 %

dont Résidence Accueil et pension de famille

154,4

167,6

13,2

+ 8,5 %

dont IML

148,8

168,3

19,5

+ 13,1 %

dont Résidences sociales et AGLS

26

26

0 %

Source : Commission des affaires sociales du Sénat d'après les réponses au questionnaire budgétaire du rapporteur

3. La stabilité des crédits affectés à la conduite et l'animation des politiques

Le financement du pilotage et de l'animation du secteur est stable à 9,1 millions d'euros.

III. LES CHANTIERS STRUCTURELS À MENER

A. UN SERVICE PUBLIC « DE LA RUE AU LOGEMENT » QUI DOIT PRENDRE CORPS

Financée par l'État, la mise en oeuvre de cette politique est déléguée à de nombreux tiers - principalement des personnes privées . Les associations à but non lucratif constituent la plus grande partie de ces opérateurs (17 des 20 plus grands gestionnaires de CHU en 2018). De manière résiduelle, des fondations, des sociétés d'économie mixte, des groupements d'intérêt public ou des établissements publics gèrent des CHU ou des CHRS.

En conséquence, la politique publique pâtit d'une gouvernance complexe et de difficultés de gestion. La Cour des comptes indique par exemple que, pour le logement adapté, le SIAO, opérateur désigné par le préfet de département, « reste en situation de faiblesse par rapport aux autres acteurs qu'il est censé coordonner » 8 ( * ) .

Face à ces difficultés, l'initiative du « service public de la rue au logement », lancée le 1 er avril 2021 vise à mieux articuler les acteurs du secteur dans la poursuite de la stratégie du « Logement d'abord ». Le pilotage budgétaire a été confié à la Dihal déjà chargée du pilotage « métier ». La concrétisation du service public de la rue au logement n'est cependant pas encore visible sur le terrain.

La Dihal a fait part au rapporteur du projet de replacer le SIAO comme pierre angulaire de la chaîne de l'hébergement et du logement adapté . Il ainsi prévu que l'État intègre la gouvernance des SIAO afin de les piloter selon des modalités variant toutefois en fonction de leur statut.

B. VERS UNE PROGRAMMATION PLURIANNUELLE DE L'HÉBERGEMENT ET DU LOGEMENT ADAPTÉ

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée au Logement, a annoncé, début septembre, le lancement de concertations avec les acteurs du secteur en vue d' une programmation pluriannuelle et territorialisée de l'hébergement et du « Logement d'abord » dont les résultats sont attendus au premier trimestre 2022.

Ce projet vise à donner une visibilité sur le nombre de places à un horizon de cinq ans et à anticiper les besoins de places en fonction des publics et des territoires. Dans l'instruction du 26 mai 2021, la ministre demandait ainsi aux préfets de produire une trajectoire 2022-2024 de l'offre d'hébergement, de logement adapté et d'accompagnement sur leur territoire, avec l'objectif de mettre fin à une gestion de très court terme rythmée par les périodes hivernales . Cette gestion dans l'urgence emporte des effets néfastes pour la qualité du service public rendu aux personnes en situation précaire mais aussi pour les gestionnaires des structures d'hébergement. Ces derniers n'ont pas de visibilité sur le nombre de places ouvertes ou prolongées chaque année et donc, par exemple, sur le nombre d'équivalents temps plein (ETP) nécessaires.

Cette programmation pluriannuelle doit non seulement aider au pilotage des capacités d'accueil mais également prévoir la configuration de l'offre d'hébergement et de logement adapté afin de répondre aux besoins des personnes sans abri et d'accélérer la montée en qualité des places.

Le parachèvement de cette stratégie de moyen et long terme serait l'adoption à intervalle régulier d'une loi de programmation pluriannuelle à l'instar de ce qui est mis en place pour d'autres politiques. Porté par la Fédération des acteurs de la solidarité et accueilli favorablement par le Gouvernement, ce projet pourrait constituer un outil supplémentaire dans la transformation structurelle à l'oeuvre depuis quelques années.

EXAMEN EN COMMISSION

___________

Réunie le mercredi 17 novembre 2021, sous la présidence de Mme Catherine Deroche, présidente, la commission examine le rapport pour avis de M. Alain Duffourg sur le projet de loi de finances pour 2022 (programme « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables » de la mission « Cohésion des territoires »).

M. Alain Duffourg , rapporteur pour avis . - Le programme 177, « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables » de la mission « Cohésion des territoires », support financier de la politique publique de lutte contre le sans-abrisme porte, en 2021, les stigmates de la crise sanitaire, tout en connaissant de grandes transformations structurelles.

Ce programme finance en grande partie des structures d'hébergement aux différents statuts. Il s'agit principalement de centres d'hébergement d'urgence (CHU) ou de centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) qui permettent un accueil plus pérenne des personnes et un accompagnement social plus approfondi.

Pour faire face à la crise sanitaire, le parc d'hébergement généraliste a culminé à un niveau inédit de plus de 203 000 places en mars 2021, soit une augmentation de 40 000 places par rapport à février 2020. Il est prévu qu'un niveau de 200 000 places soit maintenu d'ici le 31 mars 2022 avant qu'une décrue progressive soit engagée au cours de l'année prochaine jusqu'à atteindre un seuil de 190 000 places en décembre.

Ce maintien d'un parc à un niveau historique a été salué par les acteurs de l'hébergement, mais ne doit pas obtenir un satisfecit précipité.

D'une part, des tensions existent toujours sur les structures d'hébergement. Des demandes sont encore non pourvues auprès des services intégrés d'accueil et d'orientation (SIAO) qui gèrent le numéro « 115 » et orientent les personnes vers une solution d'hébergement ou de logement. La perspective de la diminution du parc suppose également que les solutions alternatives soient au rendez-vous.

D'autre part, la qualité des places ouvertes est très variable. Le besoin rapide de places d'hébergement durant la pandémie a conduit à recourir à des nuitées hôtelières qui ont représenté jusqu'à 74 000 places en mars 2021. Or l'accueil en hôtel propose souvent des conditions de vie et d'accompagnement qui ne sont pas satisfaisantes et qui ne permettent pas aux personnes de recouvrer leur autonomie.

Les crédits proposés dans le PLF pour 2022 sont toutefois à l'image du parc d'hébergement, en forte hausse. Par rapport à la loi de finances initiale pour 2021, 477,5 millions d'euros supplémentaires ont été budgétés, soit une hausse de 24 % en neutralisant les transferts à d'autres programmes budgétaires.

L'hébergement d'urgence sera le principal destinataire de cet effort financier, puisque les crédits qui y sont consacrés croissent de 436,1 millions d'euros - soit une progression de 49 % - en cohérence avec l'augmentation des capacités d'accueil.

Les montants affectés aux CHRS sont quant à eux en légère hausse de 2 % et prennent en compte la reprise de la convergence tarifaire dont ils ont fait l'objet en 2021. Le plafonnement des tarifs avait été suspendu afin de permettre aux opérateurs de faire face aux coûts induits par la crise sanitaire. De même, la campagne retardée de contractualisation entre les gestionnaires des CHRS et l'État devrait reprendre, mais ne parviendra pas à s'achever avant le 1 er janvier 2023 comme le prévoit la loi pour l'évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (ÉLAN).

Les crédits destinés à la politique de veille sociale connaissent une augmentation de 8 % pour 2022. Sur ce volet, la priorité devra être la remise à niveau du système d'information des SIAO qui connaît toujours d'importantes défaillances à l'incidence réelle sur toute la chaîne de l'hébergement et du logement adapté. Cette amélioration est d'autant plus urgente que de ce système d'information dépend la production d'un suivi statistique qui fait encore défaut au pilotage de la politique publique.

Enfin, les lignes budgétaires allouées aux actions de prévention de l'exclusion ont connu un changement de périmètre. Les allocations ou aides sociales financées par le programme, soit 34 millions d'euros, ont été transférées au programme 304, piloté par la direction générale de la cohésion sociale (DGCS), tandis que le programme 177 est dorénavant l'unique financeur des politiques de résorption des bidonvilles.

La hausse globale du budget initial consacré à la politique de lutte contre le sans-abrisme s'accompagne d'un nouvel engagement de la part de l'exécutif ; celui de ne voir aucune loi de finances rectificative abonder le programme 177 en 2022. Il s'agirait là d'une avancée importante qui apporterait de la sécurité pour les opérateurs du programme et contribuerait à sortir de la gestion dans l'urgence dont pâtit le secteur. Le programme 177 connaît en effet une sous-budgétisation chronique : l'exécution en 2021 serait ainsi supérieure à 709 millions d'euros par rapport à la budgétisation initiale.

Cet objectif de retour à la sincérité budgétaire est donc ambitieux. Espérons que nous pourrons constater une réussite dans un an.

Je souhaite également aborder les réformes au long cours conduites dans le secteur de l'hébergement et du logement adapté et qui sont véritablement d'ordre structurel.

Tout d'abord, l'année 2022 marquera la fin du plan quinquennal pour le « Logement d'abord ». Ce plan entend développer les modes de logement adapté comme les pensions de famille, les intermédiations locatives (IML) ou les dispositifs financés par l'aide à la gestion locative sociale (AGLS). Il s'agit de mettre fin au parcours d'insertion par étape au profit d'une orientation directe vers ces dispositifs. Les objectifs assignés au plan étaient de créer 10 000 places en pension de famille et 40 000 places supplémentaires en IML sur cinq ans.

La crise sanitaire a eu des effets contrastés sur le développement du logement adapté. La création de places en pension de famille a été retardée par la crise avec seulement 5 353 places ouvertes de 2017 à septembre 2021. En revanche, 30 500 places ont été créées en intermédiation locative depuis 2018. L'objectif initial devrait donc être atteint en 2022 et a même été rehaussé à 43 000 places.

En 2021 a ensuite été lancée l'initiative du service public de « la rue au logement », qui doit répondre aux difficultés de gouvernance d'une politique publique mise en oeuvre quasi exclusivement par des tiers associatifs.

Sur le plan national, la gestion budgétaire du programme 177 a été transférée de la DGCS à la délégation interministérielle à l'hébergement et à l'accès au logement (Dihal), qui disposait déjà du pilotage « métier ». La concrétisation sur le terrain du service public « de la rue au logement » prendra néanmoins du temps. Parmi les chantiers ouverts, l'État souhaite replacer les SIAO comme pierre angulaire de la chaîne de l'hébergement et du logement adapté en intégrant leur gouvernance. De même, une nouvelle réforme de la tarification des places en CHRS est en cours et devrait aboutir en 2023.

Enfin, un changement de logique est à l'oeuvre quant à la gestion « au thermomètre » du secteur, régulièrement pointée du doigt. La politique de lutte contre le sans-abrisme souffre en effet d'une gestion dans l'urgence rythmée par les périodes hivernales et les incertitudes qu'elles entraînent quant au nombre de places exceptionnellement ouvertes puis pérennisées en sortie de saison. Les usagers de ce service public, de même que les opérateurs du programme, se retrouvent dès lors sans visibilité.

La ministre Emmanuelle Wargon a souhaité la mise en place d'une programmation pluriannuelle de l'hébergement et du logement adapté. Elle consisterait à donner une trajectoire de moyen et long terme sur le nombre de places et sur la configuration des modes d'accueil en fonction des besoins dans chaque territoire. Cette programmation devra accompagner la transformation qualitative de l'offre d'hébergement. Une instruction ministérielle de mai dernier prévoit ainsi que 7 000 places d'hôtels devront être converties en 2021 en places d'hébergement dans des structures plus durables, telles que les CHU ou CHRS.

Le parachèvement de cette stratégie serait l'adoption à intervalle régulier d'une loi de programmation pluriannuelle, à l'instar de ce qui est mis en place pour d'autres politiques. Porté par la Fédération des acteurs de la solidarité et accueilli favorablement par le Gouvernement, ce projet apparaît tout à fait intéressant et pourrait constituer un outil supplémentaire d'une gestion maîtrisée de l'hébergement et du logement adapté.

Au regard des moyens financiers supplémentaires engagés par l'État dans ce PLF et des réformes amorcées, qui me semblent aller dans le bon sens, je vous propose d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits soumis à notre examen.

Mme Catherine Procaccia . - Toutes les réquisitions de gymnases ou de salles par le Gouvernement en faveur de Roms ou de migrants figurent-elles dans le rapport, notamment lorsqu'il est question des places d'hébergement ? Ces réquisitions ont souvent lieu sans que les mairies aient été contactées auparavant.

M. Alain Duffourg , rapporteur pour avis . - Les réquisitions de gymnases ou d'autres salles sont comprises dans les places dites « exceptionnelles », ouvertes dans l'urgence comme peuvent l'être aussi les places en hôtel.

Mme Catherine Procaccia . - N'y a-t-il pas un moyen d'éviter ces mises à disposition à l'improviste ? Dans mon département, 3 ou 4 gymnases sont réquisitionnés chaque année.

M. Alain Duffourg , rapporteur pour avis . - Il est difficile de prévoir qui sont précisément les personnes sans-abri. On intervient donc au coup par coup, ce qui contribue à la gestion à très court terme du programme. L'objectif d'une programmation pluriannuelle des capacités d'hébergement serait justement d'y mettre fin.

Pour terminer et pour parfaire votre information sur le programme, je veux indiquer que 50 % des personnes hébergées sont de nationalité étrangère.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits du programme « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables » de la mission « Cohésion des territoires ».

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES, CONTRIBUTION ÉCRITE ET DÉPLACEMENT

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Auditions

• Fondation Abbé Pierre

Hélène Denise , chargée d'études

Noria Derdek , chargée d'études

• Croix-Rouge française

Thierry Couvert Leroy , délégué national Enfants & familles/Lutte contre les exclusions

Victor d'Autume , chef de projet Hébergement-logement

• Fédération des acteurs de la solidarité

Florent Gueguen , directeur général

Tiphaine Vanlemmens , chargée de mission

• UNIOPSS

Jérôme Voiturier , directeur général

Jeanne Dietrich , conseillère technique Hébergement Logement - EAPN France (European Anti Poverty Network)

• Samusocial de Paris

Alain Christnacht , président

François Pouget , secrétaire général

• Délégation interministérielle à l'hébergement et à l'accès au logement (Dihal)

Sylvain Mathieu , délégué interministériel

Laetitia Belan , directrice du pôle budgétaire

Contribution écrite

Fédération CGT de la Santé et de l'action sociale

Déplacement
au centre d'hébergement et de réinsertion sociale Rosa Parks,
géré par le Groupe SOS Solidarités (75019 Paris)

(Jeudi 4 novembre 2021)

Visite de l'établissement, échanges avec les usagers et les membres de l'équipe, et table ronde sur la politique de l'hébergement et du logement, en présence de :

Sophie Lascombe , directrice régionale IDF du Pôle Hébergement accueil et soin

Nicolas Travet , directeur du Pôle Urgence et veille sociale

Laure Casanova , directrice du CHRS Rosa Parks

Lise Bahin , directrice adjointe du CHRS Rosa Parks


* 1 Voir le rapport pour avis de M. Olivier Henno sur le PLF 2021, au nom de la commission des affaires sociales, enregistré le 19 novembre 2020.

* 2 Instruction ML/2021-05/13841 du 26 mai 2021 relative au pilotage du parc d'hébergement et au lancement d'une campagne de programmation pluriannuelle de l'offre pour la mise en oeuvre du Logement d'abord

* 3 La fiabilité de ces indicateurs est toutefois perfectible au regard des insuffisances du système d'information des SIAO censé produire un suivi statistique (voir infra ).

* 4 Loi n° 2021-953 du 19 juillet 2021 de finances rectificative pour 2021

* 5 Loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique.

* 6 Arrêté du 24 août 2021 fixant les tarifs plafonds prévus au deuxième alinéa de l'article L. 314-4 du code de l'action sociale et des familles applicables aux établissements mentionnés au 8° du I de l'article L. 312-1 du même code au titre de l'année 2021.

* 7 Sur le fondement de l'article 125 de la loi ELAN.

* 8 Cour des comptes, référé au Premier ministre sur la politique en faveur du « logement d'abord », 20 octobre 2020.

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